
Il est le fils de Thierno Ousmane Sy (1867-1932), un érudit qui a marqué son époque par sa piété et son enseignement, et de Aminata Diallo. Ahmed Iyane et ses frères, El Hadj Malick, Moustapha et Aboubacar, ont bénéficié de la part de leur père, qui leur avait légué en héritage des centaines d’ouvrages, de conditions d’études favorables. Preuve que le savoir et la connaissance ont toujours été au centre des préoccupations et activités de la famille Sy.
L’importance qu’il accordait au savoir et à l’acquisition des connaissances explique probablement la décision de Ahmed Iyane Sy, en 1947, d’envoyer ses frères, El Hadj Malick Iyane Sy (1915-1973) et Moustapha Iyane Sy (1916-1990), aller poursuivre leur formation à l’étranger. Ces derniers iront au Maroc et en Algérie pour des études supérieures et deviendront par la suite des fonctionnaires de l’Administration coloniale, puis des diplomates en Arabie Saoudite après l’accession du Sénégal à l’indépendance.
Ayant reçu une solide formation religieuse auprès de plusieurs maîtres, parmi lesquels son père, le bras droit et disciple de celui-ci, Thierno Mody Adj et Thierno Seydou Nourou Tall, Mourchid Ahmed Iyane Sy a été, à son tour, un grand éducateur et a orienté de nombreux fidèles sur le droit chemin. Plusieurs générations d’apprenants ont bénéficié de ses enseignements en fréquentant son école coranique.
L’on peut en citer quelques célébrités : les enfants du grand marabout Khalifa Mouhamadou Niass (1881-1957), que sont Ahmed Iyane Niass, communément appelé Ahmed Khalifa Niass, chef religieux et homme politique, et son frère cadet, feu Sidy Lamine Niass du Groupe Walfadjri, son autre homonyme, feu Mourchid Ahmed Iyane Thiam, président de la Commission nationale de concertation sur le croissant lunaire, les regrettés Cheikhou Diouf, professeur de langue arabe à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Ousmane Niakh, inspecteur de l’enseignement arabe, ses propres frères, El Hadj Malick Iyane Sy, Moustapha Iyane Sy et Aboubacar Iyane Sy.
Il prenait en charge ses élèves et certains étaient en internat chez lui. Très averti des mutations de son époque, il eut l’idée de penser à une transition du système traditionnel vers la création d’une structure d’enseignement islamique moderne. Il mit en place une école qu’il confia à son jeune frère, Moustapha Iyane Sy, et à Hamedine Kane. Organisé en quatre classes, l’établissement fonctionna, matin et soir, entre 1981 et 1984.
Mourchid Ahmed Iyane fit appel à des enseignants dévoués, parmi lesquels le regretté Cheikh Tidiane Gaye, inspecteur de l’enseignement arabe, éducateur émérite, brillant intellectuel, écrivain en langue arabe et petit-fils de El Hadj Abbas Sall. Mais après la disparition du marabout et des enseignants cités tantôt, l’école connut un déclin. Aujourd’hui, à la place, un ambitieux projet de complexe éducatif, religieux et culturel est en cours de réalisation au quartier Ndiolofène, à Saint-Louis.
Fin connaisseur des Hadith, Mourchid Ahmed Iyane Sy fut un chercheur rigoureux en sciences islamiques. Dans une hagiographie du Prophète (Psl) de 357 vers titrée : Aš Šifâ fî madḥ al-Musṭafâ ou Le rétablissement [de la vérité] dans les louanges de l’Elu, il traque les hadiths apocryphes, les passe au crible et dénonce les démarches subversives des Juifs à l’encontre de l’Envoyé d’Allah (Psl).
Soucieux de rétablir la vérité à propos de certains évènements qui ont marqué la vie du Prophète (Psl), et de mettre ainsi à nu les visées malsaines des Juifs, il donne les raisons de sa démarche à la première page de l’opuscule : «Notre objectif ici, n’est pas, comme d’habitude, de consacrer les louanges du Prophète, à une évocation de récits qui ont trait à sa personne, à sa naissance, ou à lui attribuer des miracles falsifiés ainsi que des prodiges mensongers, fabriqués de toutes pièces et racontés fréquemment par les Juifs. Ils veulent semer la diversion, l’obscurantisme, occulter la vérité prophétique, du point de vue de son éminence prééminente, de son génie exceptionnel. Ils veulent avilir ses nobles vertus coraniques, son message céleste et éternel, au point de semer la confusion, à cause de la haine, de la jalousie qu’ils nourrissent à son égard et du mépris envers lui, (Psl) […] Notre objectif, par contre dans cette étude, est d’extraire la vérité, de la mettre en évidence et d’évoquer des écrits authentiques et réels qui ont été rapportés à propos de la naissance du plus grand Réformateur du monde, du Génie incomparable, Joyau des créatures, Lumière du savoir, Source de l’univers, Ame de l’existence, Apôtre de la clémence et de l’humanisme, Messager de la vérité et de la Justice, notre Maître, Mohamed. Meilleures grâces et bénédictions sur lui.»
Son surnom, Al Mourchid (le guide ou l’aiguilleur), il le tient d’amis maures (des chérifs Daw’âli) qu’il rencontrait à Kaolack, chez son ami El Hadj Mouhamadou Niasse, demi-frère de El Hadj Ibrahima Niass. Il avait l’habitude de corriger les erreurs, d’apporter des rectificatifs, de remettre les choses à l’endroit à propos de tout ce qui a trait à la religion et à la civilisation musulmane. Il était donc un expert dans ces domaines où il avait un regard critique et vigilant.
Très averti de ses responsabilités en tant qu’éducateur, il donnait un sens et une signification à son œuvre poétique :
Durant son service militaire, il séjourna en Algérie, puis se rendit en France entre 1939-1942 durant la Deuxième guerre mondiale, et fut à l’occasion le marabout de son peloton. Soldat, il continuait d’écrire des poèmes et ne tarda pas à être comparé à l’Egyptien Ahmed Šawqi (1868-1932), surnommé «Le prince des poètes».
Grand serviteur de l’islam devant l’Eternel, ses nobles qualités étaient connues de tous. Disponible vis-à-vis de chacun, il était généreux et altruiste. Sa grandeur d’âme est perceptible dans les thèmes poétiques qu’il aborde. Très ancré dans les valeurs authentiques du pays, Mourchid Amed Iyane Sy a été un chantre du patriotisme et de l’indépendance vis-à-vis de l’occupant colonial :
«J’aime ce pays qui est ma Patrie, à laquelle je consacre toutes mes activités intellectuelles depuis ma tendre enfance.»
«Oh Patrie où peut vivre l’homme libre et honnête, ma passion de te glorifier m’attise comme un feu ardent ;
Dis à l’occupant, «nous en avons assez de toi !» Faut-il avoir comme tuteur jusqu’à la fin des temps ?»
En ce moment où l’on préconise, au Sénégal, l’entrepreneuriat des jeunes dans l’agriculture, Mourchid Ahmed Iyane Sy, en visionnaire en avance sur son temps, avait non seulement indiqué la voie à suivre, mais avait également sonné l’alerte depuis plusieurs décennies, dans un poème fort évocateur intitulé «Retour à la terre», en ces termes :
«La terre, courrez-y en paix, à qui arriverait le premier pour la mettre en valeur ; C’est là qu’est l’important, c’est là la priorité !
Eh bien ! Donc semez les terres fertiles ! Construisez dans la campagne autant de demeures que vous pourrez ; et vous connaitrez la prospérité.
C’est la culture des champs qui fait vivre jeunes et vieux et c’est la source sûre de la concorde et de l’économie saine.
Cessez de semer et vous courrez à votre perte, votre énergie s’affaiblira et vous vous en mordrez les doigts.»
Penser localement, il a aussi réfléchi pour agir globalement. En effet, il a développé des thèses avant-gardistes sur la situation des Peuples d’Afrique et du monde musulman, en proposant les solutions suivantes dans un discours prononcé à l’occasion de la commémoration de la naissance du Prophète (Psl) à Saint-Louis, en 1952 : «Car il vous manque -à l’Afrique et au monde musulman- absolument deux choses nécessaires et principales : l’union et la science. Si vous arrivez à réaliser l’union et à acquérir la science de ce monde, vous aurez ce que Dieu vous a promis. Etre ses représentants sur terre et y régner en maîtres. Votre Seigneur transformerait alors en paix votre inquiétude et vous vivriez en paix.»
Poète talentueux, brillant penseur avisé des réalités et enjeux de son époque, Mourchid Ahmed Iyane a mené une vie de dévotion et de piété, en toute discrétion. Il a été un Soufi dont la vie tout entière a été marquée par la soumission totale et la confiance absolue au Créateur. Le dernier poème qu’il a écrit est prémonitoire et atteste de la dimension spirituelle qu’il a atteinte :
«1. Je n’ai peur ni de la mort, ni de l’interrogatoire d’un ange, ni du feu ardent, ni d’Iblis (Satan).
2. Je n’ai peur ni de bruits émanant de djinns ou d’êtres humains, je n’ai de crainte que pour Celui dont l’exaltation de la Sainteté me procure la plus grande satisfaction.»
Mourchid Ahmed Iyane Sy a rejoint le Seigneur le 3 juillet 1984, à l’âge de 71 ans. Il repose à Saint-Louis, au cimetière Marmiyal, à côté des siens, à savoir son père, Thierno Ousmane, et ses deux frères cadets, les diplomates Thierno Moustapha et Thierno Aboubacar.
Ce grand mystique et intellectuel mérite d’être mieux connu des Sénégalais. Il fait partie des auteurs inspirants dont les écrits devraient pouvoir figurer dans les programmes scolaires et universitaires du pays. Sa pensée faite de sagesse et de réalisme démontre à suffisance qu’il est possible de dépasser les clivages entre les traditions intellectuelles d’inspiration religieuse et les traditions intellectuelles d’influence occidentale. Elle indique que la conjonction et l’alchimie entre ces traditions et nos cultures locales sont certainement la voie à explorer pour réconcilier les Sénégalais avec eux-mêmes, réinventer l’avenir et refonder la Nation dans la diversité de ses valeurs profondes.
Mouhamadoul Mokhtar KANE
Consultant en communication,
Chercheur en civilisation musulmane
L’importance qu’il accordait au savoir et à l’acquisition des connaissances explique probablement la décision de Ahmed Iyane Sy, en 1947, d’envoyer ses frères, El Hadj Malick Iyane Sy (1915-1973) et Moustapha Iyane Sy (1916-1990), aller poursuivre leur formation à l’étranger. Ces derniers iront au Maroc et en Algérie pour des études supérieures et deviendront par la suite des fonctionnaires de l’Administration coloniale, puis des diplomates en Arabie Saoudite après l’accession du Sénégal à l’indépendance.
Ayant reçu une solide formation religieuse auprès de plusieurs maîtres, parmi lesquels son père, le bras droit et disciple de celui-ci, Thierno Mody Adj et Thierno Seydou Nourou Tall, Mourchid Ahmed Iyane Sy a été, à son tour, un grand éducateur et a orienté de nombreux fidèles sur le droit chemin. Plusieurs générations d’apprenants ont bénéficié de ses enseignements en fréquentant son école coranique.
L’on peut en citer quelques célébrités : les enfants du grand marabout Khalifa Mouhamadou Niass (1881-1957), que sont Ahmed Iyane Niass, communément appelé Ahmed Khalifa Niass, chef religieux et homme politique, et son frère cadet, feu Sidy Lamine Niass du Groupe Walfadjri, son autre homonyme, feu Mourchid Ahmed Iyane Thiam, président de la Commission nationale de concertation sur le croissant lunaire, les regrettés Cheikhou Diouf, professeur de langue arabe à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Ousmane Niakh, inspecteur de l’enseignement arabe, ses propres frères, El Hadj Malick Iyane Sy, Moustapha Iyane Sy et Aboubacar Iyane Sy.
Il prenait en charge ses élèves et certains étaient en internat chez lui. Très averti des mutations de son époque, il eut l’idée de penser à une transition du système traditionnel vers la création d’une structure d’enseignement islamique moderne. Il mit en place une école qu’il confia à son jeune frère, Moustapha Iyane Sy, et à Hamedine Kane. Organisé en quatre classes, l’établissement fonctionna, matin et soir, entre 1981 et 1984.
Mourchid Ahmed Iyane fit appel à des enseignants dévoués, parmi lesquels le regretté Cheikh Tidiane Gaye, inspecteur de l’enseignement arabe, éducateur émérite, brillant intellectuel, écrivain en langue arabe et petit-fils de El Hadj Abbas Sall. Mais après la disparition du marabout et des enseignants cités tantôt, l’école connut un déclin. Aujourd’hui, à la place, un ambitieux projet de complexe éducatif, religieux et culturel est en cours de réalisation au quartier Ndiolofène, à Saint-Louis.
Fin connaisseur des Hadith, Mourchid Ahmed Iyane Sy fut un chercheur rigoureux en sciences islamiques. Dans une hagiographie du Prophète (Psl) de 357 vers titrée : Aš Šifâ fî madḥ al-Musṭafâ ou Le rétablissement [de la vérité] dans les louanges de l’Elu, il traque les hadiths apocryphes, les passe au crible et dénonce les démarches subversives des Juifs à l’encontre de l’Envoyé d’Allah (Psl).
Soucieux de rétablir la vérité à propos de certains évènements qui ont marqué la vie du Prophète (Psl), et de mettre ainsi à nu les visées malsaines des Juifs, il donne les raisons de sa démarche à la première page de l’opuscule : «Notre objectif ici, n’est pas, comme d’habitude, de consacrer les louanges du Prophète, à une évocation de récits qui ont trait à sa personne, à sa naissance, ou à lui attribuer des miracles falsifiés ainsi que des prodiges mensongers, fabriqués de toutes pièces et racontés fréquemment par les Juifs. Ils veulent semer la diversion, l’obscurantisme, occulter la vérité prophétique, du point de vue de son éminence prééminente, de son génie exceptionnel. Ils veulent avilir ses nobles vertus coraniques, son message céleste et éternel, au point de semer la confusion, à cause de la haine, de la jalousie qu’ils nourrissent à son égard et du mépris envers lui, (Psl) […] Notre objectif, par contre dans cette étude, est d’extraire la vérité, de la mettre en évidence et d’évoquer des écrits authentiques et réels qui ont été rapportés à propos de la naissance du plus grand Réformateur du monde, du Génie incomparable, Joyau des créatures, Lumière du savoir, Source de l’univers, Ame de l’existence, Apôtre de la clémence et de l’humanisme, Messager de la vérité et de la Justice, notre Maître, Mohamed. Meilleures grâces et bénédictions sur lui.»
Son surnom, Al Mourchid (le guide ou l’aiguilleur), il le tient d’amis maures (des chérifs Daw’âli) qu’il rencontrait à Kaolack, chez son ami El Hadj Mouhamadou Niasse, demi-frère de El Hadj Ibrahima Niass. Il avait l’habitude de corriger les erreurs, d’apporter des rectificatifs, de remettre les choses à l’endroit à propos de tout ce qui a trait à la religion et à la civilisation musulmane. Il était donc un expert dans ces domaines où il avait un regard critique et vigilant.
Très averti de ses responsabilités en tant qu’éducateur, il donnait un sens et une signification à son œuvre poétique :
«Ma poésie, je ne la vends pas à vil prix, elle a pour objectif d’éveiller les consciences.»Surdoué, il compose ses premiers vers à l’âge de 15 ans. C’est avec une facilité, une haute maîtrise de son art, une connaissance profonde de la langue arabe et une plume fine et sophistiquée qu’il chante le Prophète (Psl), des hommes de Dieu, des hommes politiques, la femme, la mort, la paix, la morale, Ndar sa ville natale, l’amour de la patrie, l’unité nationale, l’union des Peuples d’Afrique de l’Ouest (il a théorisé l’unité des Peuples d’Afrique de l’Ouest avant la Cedeao), le retour à la terre pour le développement agricole et économique, etc. Son œuvre assez abondante lègue à la postérité 145 compositions poétiques recensées provisoirement pour un total de 3366 vers.
Durant son service militaire, il séjourna en Algérie, puis se rendit en France entre 1939-1942 durant la Deuxième guerre mondiale, et fut à l’occasion le marabout de son peloton. Soldat, il continuait d’écrire des poèmes et ne tarda pas à être comparé à l’Egyptien Ahmed Šawqi (1868-1932), surnommé «Le prince des poètes».
Grand serviteur de l’islam devant l’Eternel, ses nobles qualités étaient connues de tous. Disponible vis-à-vis de chacun, il était généreux et altruiste. Sa grandeur d’âme est perceptible dans les thèmes poétiques qu’il aborde. Très ancré dans les valeurs authentiques du pays, Mourchid Amed Iyane Sy a été un chantre du patriotisme et de l’indépendance vis-à-vis de l’occupant colonial :
«J’aime ce pays qui est ma Patrie, à laquelle je consacre toutes mes activités intellectuelles depuis ma tendre enfance.»
«Oh Patrie où peut vivre l’homme libre et honnête, ma passion de te glorifier m’attise comme un feu ardent ;
Dis à l’occupant, «nous en avons assez de toi !» Faut-il avoir comme tuteur jusqu’à la fin des temps ?»
En ce moment où l’on préconise, au Sénégal, l’entrepreneuriat des jeunes dans l’agriculture, Mourchid Ahmed Iyane Sy, en visionnaire en avance sur son temps, avait non seulement indiqué la voie à suivre, mais avait également sonné l’alerte depuis plusieurs décennies, dans un poème fort évocateur intitulé «Retour à la terre», en ces termes :
«La terre, courrez-y en paix, à qui arriverait le premier pour la mettre en valeur ; C’est là qu’est l’important, c’est là la priorité !
Eh bien ! Donc semez les terres fertiles ! Construisez dans la campagne autant de demeures que vous pourrez ; et vous connaitrez la prospérité.
C’est la culture des champs qui fait vivre jeunes et vieux et c’est la source sûre de la concorde et de l’économie saine.
Cessez de semer et vous courrez à votre perte, votre énergie s’affaiblira et vous vous en mordrez les doigts.»
Penser localement, il a aussi réfléchi pour agir globalement. En effet, il a développé des thèses avant-gardistes sur la situation des Peuples d’Afrique et du monde musulman, en proposant les solutions suivantes dans un discours prononcé à l’occasion de la commémoration de la naissance du Prophète (Psl) à Saint-Louis, en 1952 : «Car il vous manque -à l’Afrique et au monde musulman- absolument deux choses nécessaires et principales : l’union et la science. Si vous arrivez à réaliser l’union et à acquérir la science de ce monde, vous aurez ce que Dieu vous a promis. Etre ses représentants sur terre et y régner en maîtres. Votre Seigneur transformerait alors en paix votre inquiétude et vous vivriez en paix.»
Poète talentueux, brillant penseur avisé des réalités et enjeux de son époque, Mourchid Ahmed Iyane a mené une vie de dévotion et de piété, en toute discrétion. Il a été un Soufi dont la vie tout entière a été marquée par la soumission totale et la confiance absolue au Créateur. Le dernier poème qu’il a écrit est prémonitoire et atteste de la dimension spirituelle qu’il a atteinte :
«1. Je n’ai peur ni de la mort, ni de l’interrogatoire d’un ange, ni du feu ardent, ni d’Iblis (Satan).
2. Je n’ai peur ni de bruits émanant de djinns ou d’êtres humains, je n’ai de crainte que pour Celui dont l’exaltation de la Sainteté me procure la plus grande satisfaction.»
Mourchid Ahmed Iyane Sy a rejoint le Seigneur le 3 juillet 1984, à l’âge de 71 ans. Il repose à Saint-Louis, au cimetière Marmiyal, à côté des siens, à savoir son père, Thierno Ousmane, et ses deux frères cadets, les diplomates Thierno Moustapha et Thierno Aboubacar.
Ce grand mystique et intellectuel mérite d’être mieux connu des Sénégalais. Il fait partie des auteurs inspirants dont les écrits devraient pouvoir figurer dans les programmes scolaires et universitaires du pays. Sa pensée faite de sagesse et de réalisme démontre à suffisance qu’il est possible de dépasser les clivages entre les traditions intellectuelles d’inspiration religieuse et les traditions intellectuelles d’influence occidentale. Elle indique que la conjonction et l’alchimie entre ces traditions et nos cultures locales sont certainement la voie à explorer pour réconcilier les Sénégalais avec eux-mêmes, réinventer l’avenir et refonder la Nation dans la diversité de ses valeurs profondes.
Mouhamadoul Mokhtar KANE
Consultant en communication,
Chercheur en civilisation musulmane