SlateAfrique - Selon le quotidien sénégalais Le Pays vous auriez accepté une mallette de 100 millions de francs CFA (1,5 million d’euros) remise par Robert Bourgi en 2000 pour «trahir» Abdoulaye Wade. Que répondez-vous à ces allégations?
Idrissa Seck - (Eclats de rires). J’ai aussitôt appelé Robert Bourgi pour lui dire de me remettre mon argent. Et, il a rigolé. C’est d’un ridicule incroyable! Cette capacité à mentir m’effraie. C’est un mensonge plat. Au demeurant, s’il était venu à l’esprit de Jacques Chirac de me donner 100 millions de francs CFA (1,5 million d’euro), ce serait très bien pour financer ma campagne. Parce que dans ce sens-là, c’est concevable, parce que la France est un pays riche et le Sénégal un pays pauvre. Dans le sens solidarité riche/pauvre, cela se comprend. Mais ce qui est incompréhensible, c’est dans l’autre sens. C’est quand on pille le continent pour donner en France ou ailleurs. Ou lorsqu’on prend des mallettes d’argent pour les remettre à un représentant du Fonds monétaire international (FMI): en fait, c'est un scandale international et qui est devenu l’affaire Alex Segura.
Le démenti de Bourgi a été négocié
SlateAfrique - Robert Bourgi dément désormais l’implication des Wade père et fils dans l’affaire des mallettes d’argent qu’il aurait apporté à des hommes politiques français?
I.S. - Aujourd’hui, tout s’arrange. Ce n’est pas crédible. Je ne crois absolument pas à ce démenti-là. Il s’agit d’un démenti négocié.
SlateAfrique - Vous donnez du crédit aux premières déclarations de Robert Bourgi?
I.S. - Absolument. Je crois évidemment à ses premières déclarations. Parce que l’histoire du comportement de corrupteur de ces gens-là, de Wade et son fils, est établie dans l’affaire Ségura.
SlateAfrique - A Dakar, la presse évoque des «révélations de Wikileaks», ayant trait à du blanchiment d’argent à grande échelle au Sénégal. Cela vous parait-il plausible?
I.S. - Mais parfaitement! Il y a un institut britannique qui a établi que 40% des dépôts étrangers dans les banques occidentales sont d’origine africaine contre 3% seulement pour l’Asie. L’argent lié aux trafics de toutes sortes en direction du Sénégal représenterait 8,2 fois le PIB du pays, y compris le narcotrafic et autres. C’est dans un rapport du Congrès américain.
SlateAfrique - Pensez-vous que les rumeurs sur le développement du narcotrafic au Sénégal soient fondées?
I.S. - C’est plus que des rumeurs. C’est une réalité et une vraie menace qu’il faudra traiter, exactement au même titre que la menace Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique). Ce narcotrafic est même plus dangereux, plus pernicieux. Avec cette masse d’argent, avec ces montants en jeu, on peut modifier totalement la structure de la société et la structure du gouvernement.
SlateAfrique - Peut-on facilement imaginer comme en Amérique Latine que les narcotrafiquants soient tentés de «présenter» leur propre candidat à l’élection?
I.S. - Mais bien évidemment. C’est de cela dont il est question.
SlateAfrique - Pour en revenir à votre candidature, vous êtes populaire à Thiès, ville dont vous êtes le maire mais votre parti a-t-il une envergure nationale?
I.S. - Je suis le candidat régional qui a la base régionale la plus vaste et la plus solide parce qu’elle est effective et massive. Dans mon fief, j'ai écrasé le président en exercice, mais j’ai aussi la base nationale la plus large après celle de Wade. Et si Wade est out, c’est un boulevard pour moi. Le seul qui obstrue mon chemin, c’est Wade lui-même, parce qu’il a encore l’appareil d’Etat. Il peut encore acheter des voix, manipuler l’Etat, etc. Mais dans une compétition ouverte, je n’ai pas de concurrents.
«J'intègre déjà le second tour»
SlateAfrique - Le Parti Socialiste est-il votre principal adversaire pour prendre le leadership de l’opposition?
I.S. - Pas du tout. Le PS est à 10%, je les ai déjà battus en 2007.
SlateAfrique - Pourtant un sondage vous crédite d’à peine 5% des intentions de vote?
I.S. - Suivez-moi dans les rues du Sénégal et de France et vous verrez. Les gens, ils peuvent raconter ce qu’ils veulent mais moi je crois aux élections et je connais le peuple sénégalais. Je pratique l’électorat depuis l’âge de 15 ans.
SlateAfrique - Lors de la manifestation de l’opposition organisé à Dakar le 23 juillet, l’accueil a été un peu houleux. Vous avez été sifflé.
I.S. - Ah non, ce n’est pas cela la vérité. Quand je suis arrivé, l’accueil a été enthousiaste et extraordinaire. C’est au moment de ma prise de parole que quelques militants de Macky Sall (ex-Premier ministre d’Abdoulaye Wade, devenu opposant) m’ont hué. Mais, tout cela est normal. Macky Sall est un frère pour moi. Il a commis quelques maladresses à mon encontre en se laissant entraîner, lui comme Cheikh Tidiane Gadio (ex-ministre des Affaires étrangères, devenu opposant au régime de Wade), dans le complot d’Etat de Wade. Aujourd’hui, c’est normal, nous sommes concurrents pour le premier tour. Les militants des uns et des autres s’envoient quelques amabilités. Mais moi, je ne peux pas m'arrêter à cela. J’intègre déjà le second tour où ils n’auront d’autres choix que de me soutenir.
SlateAfrique - Si vous accédez au second tour, quel peut être votre adversaire?
I.S. - Deux cas de figure: si Wade persiste, viole la loi, manipule le Conseil constitutionnel et se présente, il y a de fortes chances que cela soit face à lui. Si Wade ne se présente pas, c’est sûr que je serai face à un candidat de Bennoo (s’unir en wolof, coalition de partis d’opposition), ce qui n’est pas encore garanti. Ousmane Tanor Dieng (secrétaire général du Parti Socialiste) plus probablement, il est à 13% alors que Moustapha Niasse (ex-Premier ministre d’Abdoulaye Wade, dirigeant de l’Alliance des forces de progrès) est à 3%. Mais si eux-mêmes s’atomisent, il est probable que je me retrouve en face de Macky Sall (ex-Premier ministre d’Abdoulaye Wade).
SlateAfrique - Dans tous les cas, vous êtes persuadé de passer au second tour?
I.S. - Comment penser à autre chose. C’est impossible. (Rires).
SlateAfrique - Votre discours est-il suffisamment fédérateur pour devenir président. Vous multipliez les références religieuses. L’un des principaux reproches adressés au président Wade étant sa proximité revendiquée avec la confrérie mouride.
I.S. - Les dérives sont impossibles avec moi. Nous sommes un pays musulman à 95%, qui a été dirigé par un président catholique pendant 20 ans. Mon Islam est un Islam de tolérance, d’ouverture. Je suis musulman et je l’assume. C’est cela mon choix et je respecte celui de tous les autres. Le Coran dit qu’il n’y a pas de distinction entre les prophètes. J’ai fait toute ma scolarité dans une école catholique. J’ai failli devenir prêtre: on a voulu m’admettre au séminaire. Si on gomme les symboles, les textes et les valeurs de paix et de respect mutuel que véhiculent les religions sont les mêmes. Je n’aime pas le mot tolérance, parce que cela suppose déjà une petite peine à être tolérant, je préfère le terme de respect. La laïcité n’est pas synonyme de l’extinction des fois, elle signifie le respect de toutes les fois y compris la non foi.
Pas d'argent du contribuable aux lutteurs et aux marabouts
SlateAfrique - Si vous êtes élu, tous les Sénégalais seront–ils traités de la même façon? Le président Wade a déclaré qu’il avait été élu par les mourides et qu’il était donc avant tout le président des mourides. En sera-t-il de même avec vous?
I.S. - Pas du tout. Et je l’ai dit partout: à Touba (ville sainte des mourides), Tivaoune (ville sainte des tidjanes), chez les chrétiens. Je serai à équidistance de toutes les fois. Aujourd’hui, il y a une direction de l’enseignement privé catholique au Sénégal, dans le ministère de l’Education nationale. Je transformerai cela en une direction de l’enseignement privé confessionnel, prenant en charge l’enseignement privé catholique, musulman, protestant et même animiste, s’il existe. Mais je donnerai l’opportunité à toutes les fois de s’exprimer dans la liberté et dans la sécurité.
SlateAfrique - Donc, pour être concret, vous n’envisagez pas de faire adouber vos électeurs par le Khalife général des mourides comme l’a fait Wade?
I.S. - Pas du tout. Je vous l’ai dit, je respecte toutes les familles religieuses. Et cet enseignement est celui du fondateur du mouridisme. Au cours d’une rencontre, il a loué l'équité dans le traitement des affaires communes au sein de la culture occidentale, dont il était pourtant un adversaire. Et il a donné un exemple à ses fidèles, notamment à un de ses sages qui s’appelait Issa Diène, qui lui demandait comment traduire cette recommandation d’imiter les occidentaux dans leur traitement équitable de tous. Il dit alors: «si vous étiez responsable d’un train et que tous ceux qui voyagent dans le train viennent s’installer et qu’à l’heure le train part. Mais, au moment du départ, vous apercevez mon fils qui accourt, que feriez-vous? Le vieux Issa Diène lui dit: «j’arrête le train et je l’attends parce que c’est votre fils». Et le marabout lui répond que ce n’est surtout pas la chose à faire. Que ce n’est ni de l’équité, encore moins du respect.
SlateAfrique - Considérez vous donc que le président Wade a été trop loin dans son soutien?
I.S. - Mais le président Wade est un déséquilibré! Il est déséquilibré dans tout. Moi, je suis un homme d’équilibre, de respect de l’équité et des valeurs fondamentales. Il est impossible que je fasse du favoritisme en direction de qui que se soit. Ce sont tous des citoyens, ils seront traités comme tels. A Touba, j'ai dit que je ne serai pas le président de la République qui distribuera de l’argent à des marabouts ou des passeports diplomatiques. D’ailleurs, lorsque j’ai dit cela, les Wade ont dit que je m’étais suicidé. Ce n’est pas vrai puisque ces marabouts-là, en tout cas ceux d’entre eux qui sont sérieux, savent que ce n’est pas sérieux de leur donner l’argent du pays, de galvauder la respectabilité de notre passeport national en le distribuant sans aucune raison.
SlateAfrique - Vous ne donnerez pas de l’argent du contribuable sénégalais aux lutteurs et aux marabouts?
I.S. - Non. L’argent du contribuable sera dépensé pour garantir la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national. Je ne donnerai pas d’argent à quelques groupes d’influence pour des soutiens ridicules. Je ne dirai que la vérité aux Sénégalais et quand les Sénégalais auront testé la vertu dans la conduite des affaires publiques, ils me remercieront. Que les lobbyistes me barrent la route s’ils le peuvent. Mais, ils ne le peuvent pas. Les Sénégalais sont réveillés et ils sont déterminés à imposer à leurs dirigeants le respect des valeurs.
1 ERE PARTIE : «Le nom PDS est souillé par la mauvaise conduite de Wade»
SlateAfrique - Au regard des récents évènements qui se sont produits dans le Maghreb avec le «printemps arabe», pensez-vous que ce phénomène puisse toucher l’Afrique subsaharienne, particulièrement le Sénégal?
Idrissa Seck - Mon sentiment est que tous les pays qui ne sont pas respectueux de la liberté, de la démocratie, d’une conduite vertueuse des affaires publiques peuvent connaître le «printemps arabe». Ce qui s’est passé dans les pays arabes peut se passer dans n’importe quel pays au sud du Sahara. Et la jeunesse sénégalaise l’a démontré en se soulevant massivement et violemment contre une tentative d’institutionnalisation d’un projet de dévolution monarchique du pouvoir de Wade père à Wade fils. La jeunesse sénégalaise a démontré qu’elle était prête à faire son «printemps arabe».
Tuer le fils d'emprunt que j'étais
SlateAfrique - Ce projet de dévolution monarchique est-il une réalité?
I.S. - Je suis celui qui connaît, peut-être, le mieux Wade. Je le fréquente depuis que j’ai 15 ans. J’ai été son premier directeur de campagne électorale en 1988. En 2000, j’étais à nouveau son directeur de campagne. J’ai été son plus proche collaborateur: ministre d’Etat, directeur de Cabinet puis Premier ministre. Cette longue histoire de compagnonnage de plus de 30 ans, interrompue, a été sacrifiée sur l’autel des ambitions du fils. J’ai été le premier à dénoncer cette volonté de tuer le fils d’emprunt que j’étais et d’installer le fils biologique. Cette dévolution monarchique du pouvoir est un projet réel, très loin d’un fantasme. Au moment où je le disais ce n’était connu que des cercles de l’intérieur. Par la suite, cela s’est manifesté avec beaucoup plus de violence et d’acuité, parce que les ambitions du fils sont apparues à la surface. D’abord, il a voulu en faire un vice-président réel, il en a fait le conducteur de tous les grands projets du Sénégal, constructeur d’aéroports, des routes, des télécommunications, etc. Ensuite, il a voulu en faire le maire de Dakar comme tremplin et il a été violemment rejeté par les Sénégalais. Malgré ce rejet massif, il lui a donné le quart du budget du Sénégal. Il est le ministre le plus couronné avec l'Energie, l'Aménagement du territoire, la Coopération internationale, les Infrastructures, etc. Entre ce que Wade dit et ce qu’il fait je préfère me concentrer sur ce qu’il fait, puisque sa parole n’est pas stable. Il dit et se dédit assez fréquemment et lui-même l’a reconnu publiquement, en disant Wax Waxeet (dire et se dédire), une expression que les jeunes ont repris en chanson. Le projet de dévolution monarchique n’est pas une chimère.
SlateAfrique - Le fait que Karim Wade soit battu à plate couture lors des élections locales n’a-t-il pas mis fin à ses ambitions de dévolution monarchique?
I.S. - Il est clair que la voie démocratique, celle des urnes, du choix par le peuple sénégalais lui est définitivement fermée par ce rejet populaire massif. Il ne lui reste qu’une seule voie, celle de la manipulation de la Constitution, la voie de la force par le père. D'ailleurs, ce dernier l’avait dit au sujet d’Eyadéma fils, à savoir, quand quelqu’un a le parti, l’armée et l’argent, il peut prendre le pouvoir. Wade a essayé de trouver la même chose à son fils.
SlateAfrique - Selon vous, quelle solution reste à Wade pour mettre son fils à la tête du pays?
I.S. - Aucune! Bien qu’il n’ait toujours pas abandonné son projet de dévolution du pouvoir. J’avais dit que tant qu’il lui restera un souffle de vie il n’abandonnerait pas ce projet. Lui, il a dit au cours d’une interview qu’il a accordé au journal La Croix, que même de sa tombe, ça lui plairait de voir son fils président. Il est vraiment déterminé sur la question. Ce qui lui reste, c’est la force, c’est tout. Mais, je ne pense pas qu’il pourra manipuler une seule fraction de l’armée sénégalaise, qui est l’une des plus républicaines du continent, même s’il le tente à travers quelques généraux. Wade a déjà épuisé ses deux mandats
SlateAfrique - Vous n’excluez pas des tentatives de manipulations électorales lors de la présidentielle de février 2012?
I.S. - Les événements du 23 juin 2011 furent le rejet par la jeunesse descendue dans la rue d’un projet de manipulation de la Constitution qui visait deux choses. Premièrement, garantir au président une élection dès le premier tour avec moins du quart de l’électorat exprimé, ce qui est unique dans les annales de la démocratie. Deuxièmement, donner la possibilité au président de choisir son successeur en mettant un colistier pour passer le cap difficile de 2012 et après s’en débarrasser pour mettre son fils, puis démissionner au bout d’un an et lui laisser la possibilité de rester au pouvoir les six années suivantes. Et donc, avoir la chance d’accéder à la magistrature suprême sans passer par des élections. C’est ce mécanisme diabolique de dévolution du pouvoir par la manipulation constitutionnelle que les Sénégalais ont rejeté.
SlateAfrique - Wade détient le contrôle du Parlement, il peut toujours modifier la Constitution…
I.S. - Pour se protéger elle-même, la Constitution dit que toute modification ne peut être faite que par voie référendaire. Et au demeurant, le groupe parlementaire de Wade n’était pas unanime à soutenir son projet. S’il a reculé, c’est aussi parce que certains députés libéraux avaient des velléités de contestation. Il n’est plus en état d’obtenir tout ce qu’il veut de son groupe parlementaire, où je compte beaucoup d’amis.
SlateAfrique - Le président Wade pourra-t-il se présenter?
I.S. - Tout le monde sait de science certaine, que la Constitution est formelle et claire sur cette question: le mandat du président de la République ne peut être renouvelé qu’une seule fois, c’est-à-dire qu’il n’a droit qu’à deux mandats. Et Wade a déjà épuisé ses deux mandats.
SlateAfrique - Mais le Conseil constitutionnel ne s’est pas encore prononcé sur cette question?
I.S. - Non, mais la question est tranchée de manière tellement claire par la Constitution que le Conseil constitutionnel n’a pas d’autre choix, sauf à rééditer l’ignominie de leurs collègues ivoiriens [qui avaient affirmé que Laurent Gbagbo avait remporté la présidentielle de décembre 2011]. Il doit déclarer la candidature de Wade irrecevable, il n’a pas le choix. On n’a pas besoin de les attendre pour cela. Cette limitation du mandat présidentiel à deux a été introduite dans la Constitution par Wade lui-même. Il a recours à une forme d’artifice visant à dire: «Mon premier mandat était déjà entamé au moment où la révision constitutionnelle intervenait, donc il n’est pas dans le décompte du nombre de mandats limité à deux». Mais, c’est complètement faux puisque cette question a été très nettement prise en compte par la Constitution qui a prévu une disposition transitoire disant: «le président termine son mandat en cours qui était de 7 ans. Donc, ce dernier échappait à la restriction de la durée de 7 à 5 ans».
Dans une interview accordée à Slate Afrique, le président Wade soutenait la thèse selon laquelle tous les constitutionnalistes n’étaient pas d’accord sur cette question…
Lesquels? Il m’a dit la même chose lorsque nous nous sommes rencontrés en comité directeur. Je lui ai écrit une lettre pour lui dire que j’ai consulté les meilleurs constitutionnalistes du Sénégal et de la France et que leurs conclusions étaient unanimes. Il s’est contenté de me répondre que lui aussi, il avait contacté des professeurs agrégés de droit qui soutenaient le contraire et qui lui avaient fait un rapport. Je lui ai demandé de me montrer ce rapport, mais il ne m’a toujours pas donné les noms de ces professeurs ni produit un seul de ces documents. Je pense qu’il a tenté d’obtenir en France et au Sénégal des professeurs agrégés de droit constitutionnel pour soutenir sa thèse. Mais, il n’a pas pu. Même, semble-t-il, au moyen d’argent. Ceux que j’ai consultés, sont connus. Le professeur Guy Carcassonne a accepté de publier sa contribution sur la question. D’autres constitutionnalistes de renom l’ont également dit. Même le professeur Serigne Diop, qui est en grade notre premier constitutionnaliste au Sénégal, bien qu’il se soit abstenu pour des raisons de convenance et de respect a dit qu’il était prêt à donner son opinion au président s’il lui en faisait la demande dans le secret de son bureau. On peut en déduire que Wade n’a aucun constitutionnaliste sérieux pour soutenir le contraire.
Il a 86 ans, hors TVA
Si jamais le Conseil se prononçait en faveur de la candidature du président, quelle serait votre réaction et celle des Sénégalais?
I.S. - Une réaction très vigoureuse, extrêmement vigoureuse. Si Wade est prêt à tout pour violer la Constitution, nous serons prêts à tout pour la protéger.
Quitte à faire sortir vos militants dans la rue?
I.S. - Nous userons de tous les moyens que nous donne la loi, y compris celui de manifester.
SlateAfrique - Pensez-vous que le président Wade est toujours en état de gouverner?
I.S. - La dernière fois que j’ai eu des nouvelles du bulletin de santé du président de la République, c’était en 1999. J’étais son directeur de campagne et déjà, son âge faisait débat. Je l’avais appelé pour lui dire que pour évacuer cette question, il nous fallait publier son bulletin de santé parce que cela rassurerait. Le bulletin a été publié dans la presse et la suite on la connaît. Depuis je n’ai plus de nouvelles. Maintenant, bonne santé ou pas, il a une maladie qui s’appelle vieillesse. Et sur cela, aussi bien les livres sacrés que les scientifiques, sont unanimes: «à quiconque longue vie est accordée, sa forme baisse». Wade a 86 ans, hors TVA, disent les mauvaises langues. Donc, de toutes les façons, il n’a plus les capacités physiques d’assumer cette charge.
SlateAfrique - A propos des manifestations du 23 juin, on a beaucoup parlé du rôle de la société civile notamment du mouvement Y’en a marre. Est-ce un constat d’échec pour les partis politiques?
I.S. - Pas du tout. La société civile, c’est la société citoyenne. La protection de la Constitution, des lois, du respect par les gouvernants des libertés essentielles est la tâche de chaque citoyen. Ce n’est pas la tâche des partis politiques. La spécificité des partis politiques c’est de concourir à l’expression des suffrages, c’est comme cela que la Constitution les définit. Que la société civile prenne en charge, à un moment donné de l’histoire, la protection de sa Constitution et crie haut et fort «Y’en a marre», c’est un message adressé à tous les politiques, au pouvoir actuel, mais aussi au pouvoir à venir. Il y a un certain nombre de choses que la jeunesse africaine, n’acceptera pas. Les partis politiques, eux, se sont prononcés sur les questions. J’ai été le premier à dénoncer la tentative de dévolution monarchique du pouvoir. Je suis allé au front sur la question de l’anti-constitutionnalité de la candidature du président Wade. C’est un mouvement qui va s’amplifier et cela tous les gouvernants, où qu’ils soient sur le continent, doivent se préparer à être vertueux puisque le peuple n’acceptera plus certaines conduites.
Je fais du Sarkozy
SlateAfrique - Une partie de l’opinion publique sénégalaise se demande dans quel camp vous êtes? Etes-vous toujours avec le PDS (parti démocratique sénégalais) ou avec l’opposition?
I.S. - Je suis dans la famille libérale et cela de manière constante. Je n’ai jamais varié sur cette question. Je suis un défenseur des grandes valeurs libérales. Et c’est grâce à cela qu’en 2000 nous avons pu débarrasser le Sénégal du régime socialiste. Je suis resté fidèle à ces valeurs donc je n’ai jamais décidé, personnellement, de quitter le PDS. J’en ai été exclu en défendant ces valeurs et les intérêts du Sénégal contre ceux d’une famille et d’un clan, qui considéraient que le Sénégal était devenu leur propriété, et pensaient qu’il pouvait se transmettre de père en fils. J’ai subi à ce titre le plus gigantesque complot d’Etat de l’histoire politique du Sénégal. Je comprends l’émotion de tous ceux qui m’ont soutenu dans le combat contre cette injustice flagrante et qui n’ont pas pu comprendre et ni me pardonner que j’accepte la nouvelle main tendue de Wade pour retourner au PDS. Mais, je l’ai accepté parce que c’est chez moi. C’est moi qui est construit ce parti, pièce par pièce, aux côtés de Wade. Et il n’était pas question pour moi, de laisser cet appareil magnifique entre les mains de Wade fils. Donc, je n’y suis pas retourné par intérêt. La preuve, lorsque Wade a voulu interpréter mon retour comme une volonté de bénéficier d’un poste, il a créé un poste de vice-présidence en procédure d’urgence, et je n’en n’ai pas voulu. Même en étant exclu du PDS en 2006, dans ma déclaration de candidature à l’élection présidentielle, je disais que la première force politique sur laquelle je compte m’appuyer, c’est ma famille politique naturelle, le PDS, au sens des hommes et des femmes qui y partagent mes valeurs et qui y sont majoritaires. Qu’ils soient manifestés ou cachés. En somme, j’ai voulu faire du Sarko c’est-à-dire: «Je suis en brouille avec Chirac mais je reste dans l’UMP et j’en prend le contrôle». Je fais du Sarkozy pas du Bayrou.
SlateAfrique - Ne pensez-vous pas que vos multiples tentatives de rapprochement avec Wade, peuvent amoindrir vos chances en 2012?
I.S. - Pas du tout. Ce ne sont pas de multiples tentatives de rapprochement avec le PDS. Je suis le PDS. Je ne l’ai jamais quitté, j’en ai été exclu deux fois. Mais j’invite les militants et les militantes de qualité à me rejoindre dans mon parti Rewmi [créé en 2006]. Wade et son fils savent très bien ce qu’ils font. S’ils font tout pour m’écarter du PDS, ce n’est pas de l’appareil juridique même qu’ils veulent m’écarter, mais des militants du PDS parce qu’ils savent que dans leur combat contre moi les militants ne les ont pas accompagné. Wade a dû recourir à des mercenaires extérieurs pour m’attaquer.
SlateAfrique - Qu’entendez-vous par mercenaires?
I.S. - C’est-à-dire des gens qui ne sont pas du PDS. Les vraies fédérations et les vrais patrons ne m’ont jamais attaqué. Ni Pape Diop (président du Sénat), ni Aminata Tall (maire de Diourbel) ou Ousmane Masseck Ndiaye (président du conseil économique et social).
SlateAfrique - Est-ce qu’on pourrait s’attendre à une alliance avec ces gens même avec la multiplication des candidatures?
I.S. - Bien évidemment. Ma stratégie c’est de rassembler pour gagner, pour servir le Sénégal. Donc, à tous les autres acteurs, mis à part Wade qui est exclu de mes schémas d’alliance, je leur offre une plateforme d’alliance à trois étages. Premièrement, venez dans ma coalition pour soutenir ma candidature dès le premier tour. C’est ce que Mamoune Niasse du RP (Rassemblement pour le peuple) et d’autres leaders de parti ont fait. Deuxième étage, nous sommes concurrents au premier tour, je vous propose un accord d’alliance et de désistement en faveur du meilleur placé au second tour. Troisièmement, rien de tout cela ne se fait. Je gagne et je vous invite pour une correcte prise en charge des problèmes du Sénégal à ce que l’on constitue une vaste plateforme politique et stable pour traiter les difficultés ensemble.
Le mot PDS est souillé
SlateAfrique - Est-ce qu’ils comptent vous soutenir publiquement?
I.S. - C’est ce qu’ils font déjà. Il y a déjà des ralliements. En France, la Cames (Cellule pour la massification du parti par les secteurs), qui était la branche la plus dynamique du PDS m’a rejoint la semaine dernière. Le foyer des Mureaux qui était le foyer par excellence du PDS m’a rejoint également. Au Sénégal, les libéraux de Ziguinchor (Casamance) m’ont rejoint. Vous avez entendu parler des trente parlementaires, qui ne peuvent pas quitter formellement le PDS pour me rejoindre parce qu’ils perdraient leur mandat de députés, mais qui dans leurs activités quotidiennes me soutiennent ouvertement et ostensiblement. Donc, il est clair que la majorité des militants du PDS me soutiennent surtout maintenant qu’ils savent que Wade, c’est fini.
SlateAfrique - Si jamais la candidature de Wade est invalidée, seriez-vous prêt à aller aux élections sous la bannière du PDS?
I.S. - Non. Je vais à l’élection sous la bannière de Rewmi. J’ai créé ce parti pour une raison, que tout ce que je pense, dis et fais soit mesuré à l’aune de sa conformité aux intérêts supérieurs du Sénégal. Si j’avais hérité de l’appareil du PDS, si Wade ne m’en avait pas exclu j’aurai transformé le nom en Rewmi (Le pays en wolof). Le mot PDS en lui-même est tellement souillé par la mauvaise conduite de Wade qu’il est devenu un véhicule inefficace de séduction du peuple sénégalais qui l’a rejeté.
SlateAfrique - Certains de vos partisans affirment que les partisans de Wade veulent saborder votre candidature? Reprenez-vous ces accusations à votre compte ?
I.S. - Mais bien sûr. C’est leur principale stratégie. Il y a quelques jours, son fils s’est présenté ici à Paris, par le plus grand des hasards. Et lorsqu’il m’a vu, il a fait un demi-tour sec. On ne s’est ni serré la main, encore moins adressé la parole. Et tous ses sites Internet qu’il contrôle diffusent l’information selon laquelle l’un de ses amis avait organisé un rendez-vous avec moi au Saint-James. Il tente toujours de faire croire que je serai associé à eux mais j’ai démenti très vigoureusement. J’ai déclaré que plus jamais je n’aurai de contact avec Wade, que sa présence à la tête du Sénégal est devenue un danger, que je travaille exclusivement à son départ.
Propos recueillis par Pierre Cherruau et Lala Ndiaye
Source: Slateafrique.com
Idrissa Seck - (Eclats de rires). J’ai aussitôt appelé Robert Bourgi pour lui dire de me remettre mon argent. Et, il a rigolé. C’est d’un ridicule incroyable! Cette capacité à mentir m’effraie. C’est un mensonge plat. Au demeurant, s’il était venu à l’esprit de Jacques Chirac de me donner 100 millions de francs CFA (1,5 million d’euro), ce serait très bien pour financer ma campagne. Parce que dans ce sens-là, c’est concevable, parce que la France est un pays riche et le Sénégal un pays pauvre. Dans le sens solidarité riche/pauvre, cela se comprend. Mais ce qui est incompréhensible, c’est dans l’autre sens. C’est quand on pille le continent pour donner en France ou ailleurs. Ou lorsqu’on prend des mallettes d’argent pour les remettre à un représentant du Fonds monétaire international (FMI): en fait, c'est un scandale international et qui est devenu l’affaire Alex Segura.
Le démenti de Bourgi a été négocié
SlateAfrique - Robert Bourgi dément désormais l’implication des Wade père et fils dans l’affaire des mallettes d’argent qu’il aurait apporté à des hommes politiques français?
I.S. - Aujourd’hui, tout s’arrange. Ce n’est pas crédible. Je ne crois absolument pas à ce démenti-là. Il s’agit d’un démenti négocié.
SlateAfrique - Vous donnez du crédit aux premières déclarations de Robert Bourgi?
I.S. - Absolument. Je crois évidemment à ses premières déclarations. Parce que l’histoire du comportement de corrupteur de ces gens-là, de Wade et son fils, est établie dans l’affaire Ségura.
SlateAfrique - A Dakar, la presse évoque des «révélations de Wikileaks», ayant trait à du blanchiment d’argent à grande échelle au Sénégal. Cela vous parait-il plausible?
I.S. - Mais parfaitement! Il y a un institut britannique qui a établi que 40% des dépôts étrangers dans les banques occidentales sont d’origine africaine contre 3% seulement pour l’Asie. L’argent lié aux trafics de toutes sortes en direction du Sénégal représenterait 8,2 fois le PIB du pays, y compris le narcotrafic et autres. C’est dans un rapport du Congrès américain.
SlateAfrique - Pensez-vous que les rumeurs sur le développement du narcotrafic au Sénégal soient fondées?
I.S. - C’est plus que des rumeurs. C’est une réalité et une vraie menace qu’il faudra traiter, exactement au même titre que la menace Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique). Ce narcotrafic est même plus dangereux, plus pernicieux. Avec cette masse d’argent, avec ces montants en jeu, on peut modifier totalement la structure de la société et la structure du gouvernement.
SlateAfrique - Peut-on facilement imaginer comme en Amérique Latine que les narcotrafiquants soient tentés de «présenter» leur propre candidat à l’élection?
I.S. - Mais bien évidemment. C’est de cela dont il est question.
SlateAfrique - Pour en revenir à votre candidature, vous êtes populaire à Thiès, ville dont vous êtes le maire mais votre parti a-t-il une envergure nationale?
I.S. - Je suis le candidat régional qui a la base régionale la plus vaste et la plus solide parce qu’elle est effective et massive. Dans mon fief, j'ai écrasé le président en exercice, mais j’ai aussi la base nationale la plus large après celle de Wade. Et si Wade est out, c’est un boulevard pour moi. Le seul qui obstrue mon chemin, c’est Wade lui-même, parce qu’il a encore l’appareil d’Etat. Il peut encore acheter des voix, manipuler l’Etat, etc. Mais dans une compétition ouverte, je n’ai pas de concurrents.
«J'intègre déjà le second tour»
SlateAfrique - Le Parti Socialiste est-il votre principal adversaire pour prendre le leadership de l’opposition?
I.S. - Pas du tout. Le PS est à 10%, je les ai déjà battus en 2007.
SlateAfrique - Pourtant un sondage vous crédite d’à peine 5% des intentions de vote?
I.S. - Suivez-moi dans les rues du Sénégal et de France et vous verrez. Les gens, ils peuvent raconter ce qu’ils veulent mais moi je crois aux élections et je connais le peuple sénégalais. Je pratique l’électorat depuis l’âge de 15 ans.
SlateAfrique - Lors de la manifestation de l’opposition organisé à Dakar le 23 juillet, l’accueil a été un peu houleux. Vous avez été sifflé.
I.S. - Ah non, ce n’est pas cela la vérité. Quand je suis arrivé, l’accueil a été enthousiaste et extraordinaire. C’est au moment de ma prise de parole que quelques militants de Macky Sall (ex-Premier ministre d’Abdoulaye Wade, devenu opposant) m’ont hué. Mais, tout cela est normal. Macky Sall est un frère pour moi. Il a commis quelques maladresses à mon encontre en se laissant entraîner, lui comme Cheikh Tidiane Gadio (ex-ministre des Affaires étrangères, devenu opposant au régime de Wade), dans le complot d’Etat de Wade. Aujourd’hui, c’est normal, nous sommes concurrents pour le premier tour. Les militants des uns et des autres s’envoient quelques amabilités. Mais moi, je ne peux pas m'arrêter à cela. J’intègre déjà le second tour où ils n’auront d’autres choix que de me soutenir.
SlateAfrique - Si vous accédez au second tour, quel peut être votre adversaire?
I.S. - Deux cas de figure: si Wade persiste, viole la loi, manipule le Conseil constitutionnel et se présente, il y a de fortes chances que cela soit face à lui. Si Wade ne se présente pas, c’est sûr que je serai face à un candidat de Bennoo (s’unir en wolof, coalition de partis d’opposition), ce qui n’est pas encore garanti. Ousmane Tanor Dieng (secrétaire général du Parti Socialiste) plus probablement, il est à 13% alors que Moustapha Niasse (ex-Premier ministre d’Abdoulaye Wade, dirigeant de l’Alliance des forces de progrès) est à 3%. Mais si eux-mêmes s’atomisent, il est probable que je me retrouve en face de Macky Sall (ex-Premier ministre d’Abdoulaye Wade).
SlateAfrique - Dans tous les cas, vous êtes persuadé de passer au second tour?
I.S. - Comment penser à autre chose. C’est impossible. (Rires).
SlateAfrique - Votre discours est-il suffisamment fédérateur pour devenir président. Vous multipliez les références religieuses. L’un des principaux reproches adressés au président Wade étant sa proximité revendiquée avec la confrérie mouride.
I.S. - Les dérives sont impossibles avec moi. Nous sommes un pays musulman à 95%, qui a été dirigé par un président catholique pendant 20 ans. Mon Islam est un Islam de tolérance, d’ouverture. Je suis musulman et je l’assume. C’est cela mon choix et je respecte celui de tous les autres. Le Coran dit qu’il n’y a pas de distinction entre les prophètes. J’ai fait toute ma scolarité dans une école catholique. J’ai failli devenir prêtre: on a voulu m’admettre au séminaire. Si on gomme les symboles, les textes et les valeurs de paix et de respect mutuel que véhiculent les religions sont les mêmes. Je n’aime pas le mot tolérance, parce que cela suppose déjà une petite peine à être tolérant, je préfère le terme de respect. La laïcité n’est pas synonyme de l’extinction des fois, elle signifie le respect de toutes les fois y compris la non foi.
Pas d'argent du contribuable aux lutteurs et aux marabouts
SlateAfrique - Si vous êtes élu, tous les Sénégalais seront–ils traités de la même façon? Le président Wade a déclaré qu’il avait été élu par les mourides et qu’il était donc avant tout le président des mourides. En sera-t-il de même avec vous?
I.S. - Pas du tout. Et je l’ai dit partout: à Touba (ville sainte des mourides), Tivaoune (ville sainte des tidjanes), chez les chrétiens. Je serai à équidistance de toutes les fois. Aujourd’hui, il y a une direction de l’enseignement privé catholique au Sénégal, dans le ministère de l’Education nationale. Je transformerai cela en une direction de l’enseignement privé confessionnel, prenant en charge l’enseignement privé catholique, musulman, protestant et même animiste, s’il existe. Mais je donnerai l’opportunité à toutes les fois de s’exprimer dans la liberté et dans la sécurité.
SlateAfrique - Donc, pour être concret, vous n’envisagez pas de faire adouber vos électeurs par le Khalife général des mourides comme l’a fait Wade?
I.S. - Pas du tout. Je vous l’ai dit, je respecte toutes les familles religieuses. Et cet enseignement est celui du fondateur du mouridisme. Au cours d’une rencontre, il a loué l'équité dans le traitement des affaires communes au sein de la culture occidentale, dont il était pourtant un adversaire. Et il a donné un exemple à ses fidèles, notamment à un de ses sages qui s’appelait Issa Diène, qui lui demandait comment traduire cette recommandation d’imiter les occidentaux dans leur traitement équitable de tous. Il dit alors: «si vous étiez responsable d’un train et que tous ceux qui voyagent dans le train viennent s’installer et qu’à l’heure le train part. Mais, au moment du départ, vous apercevez mon fils qui accourt, que feriez-vous? Le vieux Issa Diène lui dit: «j’arrête le train et je l’attends parce que c’est votre fils». Et le marabout lui répond que ce n’est surtout pas la chose à faire. Que ce n’est ni de l’équité, encore moins du respect.
SlateAfrique - Considérez vous donc que le président Wade a été trop loin dans son soutien?
I.S. - Mais le président Wade est un déséquilibré! Il est déséquilibré dans tout. Moi, je suis un homme d’équilibre, de respect de l’équité et des valeurs fondamentales. Il est impossible que je fasse du favoritisme en direction de qui que se soit. Ce sont tous des citoyens, ils seront traités comme tels. A Touba, j'ai dit que je ne serai pas le président de la République qui distribuera de l’argent à des marabouts ou des passeports diplomatiques. D’ailleurs, lorsque j’ai dit cela, les Wade ont dit que je m’étais suicidé. Ce n’est pas vrai puisque ces marabouts-là, en tout cas ceux d’entre eux qui sont sérieux, savent que ce n’est pas sérieux de leur donner l’argent du pays, de galvauder la respectabilité de notre passeport national en le distribuant sans aucune raison.
SlateAfrique - Vous ne donnerez pas de l’argent du contribuable sénégalais aux lutteurs et aux marabouts?
I.S. - Non. L’argent du contribuable sera dépensé pour garantir la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national. Je ne donnerai pas d’argent à quelques groupes d’influence pour des soutiens ridicules. Je ne dirai que la vérité aux Sénégalais et quand les Sénégalais auront testé la vertu dans la conduite des affaires publiques, ils me remercieront. Que les lobbyistes me barrent la route s’ils le peuvent. Mais, ils ne le peuvent pas. Les Sénégalais sont réveillés et ils sont déterminés à imposer à leurs dirigeants le respect des valeurs.
1 ERE PARTIE : «Le nom PDS est souillé par la mauvaise conduite de Wade»
SlateAfrique - Au regard des récents évènements qui se sont produits dans le Maghreb avec le «printemps arabe», pensez-vous que ce phénomène puisse toucher l’Afrique subsaharienne, particulièrement le Sénégal?
Idrissa Seck - Mon sentiment est que tous les pays qui ne sont pas respectueux de la liberté, de la démocratie, d’une conduite vertueuse des affaires publiques peuvent connaître le «printemps arabe». Ce qui s’est passé dans les pays arabes peut se passer dans n’importe quel pays au sud du Sahara. Et la jeunesse sénégalaise l’a démontré en se soulevant massivement et violemment contre une tentative d’institutionnalisation d’un projet de dévolution monarchique du pouvoir de Wade père à Wade fils. La jeunesse sénégalaise a démontré qu’elle était prête à faire son «printemps arabe».
Tuer le fils d'emprunt que j'étais
SlateAfrique - Ce projet de dévolution monarchique est-il une réalité?
I.S. - Je suis celui qui connaît, peut-être, le mieux Wade. Je le fréquente depuis que j’ai 15 ans. J’ai été son premier directeur de campagne électorale en 1988. En 2000, j’étais à nouveau son directeur de campagne. J’ai été son plus proche collaborateur: ministre d’Etat, directeur de Cabinet puis Premier ministre. Cette longue histoire de compagnonnage de plus de 30 ans, interrompue, a été sacrifiée sur l’autel des ambitions du fils. J’ai été le premier à dénoncer cette volonté de tuer le fils d’emprunt que j’étais et d’installer le fils biologique. Cette dévolution monarchique du pouvoir est un projet réel, très loin d’un fantasme. Au moment où je le disais ce n’était connu que des cercles de l’intérieur. Par la suite, cela s’est manifesté avec beaucoup plus de violence et d’acuité, parce que les ambitions du fils sont apparues à la surface. D’abord, il a voulu en faire un vice-président réel, il en a fait le conducteur de tous les grands projets du Sénégal, constructeur d’aéroports, des routes, des télécommunications, etc. Ensuite, il a voulu en faire le maire de Dakar comme tremplin et il a été violemment rejeté par les Sénégalais. Malgré ce rejet massif, il lui a donné le quart du budget du Sénégal. Il est le ministre le plus couronné avec l'Energie, l'Aménagement du territoire, la Coopération internationale, les Infrastructures, etc. Entre ce que Wade dit et ce qu’il fait je préfère me concentrer sur ce qu’il fait, puisque sa parole n’est pas stable. Il dit et se dédit assez fréquemment et lui-même l’a reconnu publiquement, en disant Wax Waxeet (dire et se dédire), une expression que les jeunes ont repris en chanson. Le projet de dévolution monarchique n’est pas une chimère.
SlateAfrique - Le fait que Karim Wade soit battu à plate couture lors des élections locales n’a-t-il pas mis fin à ses ambitions de dévolution monarchique?
I.S. - Il est clair que la voie démocratique, celle des urnes, du choix par le peuple sénégalais lui est définitivement fermée par ce rejet populaire massif. Il ne lui reste qu’une seule voie, celle de la manipulation de la Constitution, la voie de la force par le père. D'ailleurs, ce dernier l’avait dit au sujet d’Eyadéma fils, à savoir, quand quelqu’un a le parti, l’armée et l’argent, il peut prendre le pouvoir. Wade a essayé de trouver la même chose à son fils.
SlateAfrique - Selon vous, quelle solution reste à Wade pour mettre son fils à la tête du pays?
I.S. - Aucune! Bien qu’il n’ait toujours pas abandonné son projet de dévolution du pouvoir. J’avais dit que tant qu’il lui restera un souffle de vie il n’abandonnerait pas ce projet. Lui, il a dit au cours d’une interview qu’il a accordé au journal La Croix, que même de sa tombe, ça lui plairait de voir son fils président. Il est vraiment déterminé sur la question. Ce qui lui reste, c’est la force, c’est tout. Mais, je ne pense pas qu’il pourra manipuler une seule fraction de l’armée sénégalaise, qui est l’une des plus républicaines du continent, même s’il le tente à travers quelques généraux. Wade a déjà épuisé ses deux mandats
SlateAfrique - Vous n’excluez pas des tentatives de manipulations électorales lors de la présidentielle de février 2012?
I.S. - Les événements du 23 juin 2011 furent le rejet par la jeunesse descendue dans la rue d’un projet de manipulation de la Constitution qui visait deux choses. Premièrement, garantir au président une élection dès le premier tour avec moins du quart de l’électorat exprimé, ce qui est unique dans les annales de la démocratie. Deuxièmement, donner la possibilité au président de choisir son successeur en mettant un colistier pour passer le cap difficile de 2012 et après s’en débarrasser pour mettre son fils, puis démissionner au bout d’un an et lui laisser la possibilité de rester au pouvoir les six années suivantes. Et donc, avoir la chance d’accéder à la magistrature suprême sans passer par des élections. C’est ce mécanisme diabolique de dévolution du pouvoir par la manipulation constitutionnelle que les Sénégalais ont rejeté.
SlateAfrique - Wade détient le contrôle du Parlement, il peut toujours modifier la Constitution…
I.S. - Pour se protéger elle-même, la Constitution dit que toute modification ne peut être faite que par voie référendaire. Et au demeurant, le groupe parlementaire de Wade n’était pas unanime à soutenir son projet. S’il a reculé, c’est aussi parce que certains députés libéraux avaient des velléités de contestation. Il n’est plus en état d’obtenir tout ce qu’il veut de son groupe parlementaire, où je compte beaucoup d’amis.
SlateAfrique - Le président Wade pourra-t-il se présenter?
I.S. - Tout le monde sait de science certaine, que la Constitution est formelle et claire sur cette question: le mandat du président de la République ne peut être renouvelé qu’une seule fois, c’est-à-dire qu’il n’a droit qu’à deux mandats. Et Wade a déjà épuisé ses deux mandats.
SlateAfrique - Mais le Conseil constitutionnel ne s’est pas encore prononcé sur cette question?
I.S. - Non, mais la question est tranchée de manière tellement claire par la Constitution que le Conseil constitutionnel n’a pas d’autre choix, sauf à rééditer l’ignominie de leurs collègues ivoiriens [qui avaient affirmé que Laurent Gbagbo avait remporté la présidentielle de décembre 2011]. Il doit déclarer la candidature de Wade irrecevable, il n’a pas le choix. On n’a pas besoin de les attendre pour cela. Cette limitation du mandat présidentiel à deux a été introduite dans la Constitution par Wade lui-même. Il a recours à une forme d’artifice visant à dire: «Mon premier mandat était déjà entamé au moment où la révision constitutionnelle intervenait, donc il n’est pas dans le décompte du nombre de mandats limité à deux». Mais, c’est complètement faux puisque cette question a été très nettement prise en compte par la Constitution qui a prévu une disposition transitoire disant: «le président termine son mandat en cours qui était de 7 ans. Donc, ce dernier échappait à la restriction de la durée de 7 à 5 ans».
Dans une interview accordée à Slate Afrique, le président Wade soutenait la thèse selon laquelle tous les constitutionnalistes n’étaient pas d’accord sur cette question…
Lesquels? Il m’a dit la même chose lorsque nous nous sommes rencontrés en comité directeur. Je lui ai écrit une lettre pour lui dire que j’ai consulté les meilleurs constitutionnalistes du Sénégal et de la France et que leurs conclusions étaient unanimes. Il s’est contenté de me répondre que lui aussi, il avait contacté des professeurs agrégés de droit qui soutenaient le contraire et qui lui avaient fait un rapport. Je lui ai demandé de me montrer ce rapport, mais il ne m’a toujours pas donné les noms de ces professeurs ni produit un seul de ces documents. Je pense qu’il a tenté d’obtenir en France et au Sénégal des professeurs agrégés de droit constitutionnel pour soutenir sa thèse. Mais, il n’a pas pu. Même, semble-t-il, au moyen d’argent. Ceux que j’ai consultés, sont connus. Le professeur Guy Carcassonne a accepté de publier sa contribution sur la question. D’autres constitutionnalistes de renom l’ont également dit. Même le professeur Serigne Diop, qui est en grade notre premier constitutionnaliste au Sénégal, bien qu’il se soit abstenu pour des raisons de convenance et de respect a dit qu’il était prêt à donner son opinion au président s’il lui en faisait la demande dans le secret de son bureau. On peut en déduire que Wade n’a aucun constitutionnaliste sérieux pour soutenir le contraire.
Il a 86 ans, hors TVA
Si jamais le Conseil se prononçait en faveur de la candidature du président, quelle serait votre réaction et celle des Sénégalais?
I.S. - Une réaction très vigoureuse, extrêmement vigoureuse. Si Wade est prêt à tout pour violer la Constitution, nous serons prêts à tout pour la protéger.
Quitte à faire sortir vos militants dans la rue?
I.S. - Nous userons de tous les moyens que nous donne la loi, y compris celui de manifester.
SlateAfrique - Pensez-vous que le président Wade est toujours en état de gouverner?
I.S. - La dernière fois que j’ai eu des nouvelles du bulletin de santé du président de la République, c’était en 1999. J’étais son directeur de campagne et déjà, son âge faisait débat. Je l’avais appelé pour lui dire que pour évacuer cette question, il nous fallait publier son bulletin de santé parce que cela rassurerait. Le bulletin a été publié dans la presse et la suite on la connaît. Depuis je n’ai plus de nouvelles. Maintenant, bonne santé ou pas, il a une maladie qui s’appelle vieillesse. Et sur cela, aussi bien les livres sacrés que les scientifiques, sont unanimes: «à quiconque longue vie est accordée, sa forme baisse». Wade a 86 ans, hors TVA, disent les mauvaises langues. Donc, de toutes les façons, il n’a plus les capacités physiques d’assumer cette charge.
SlateAfrique - A propos des manifestations du 23 juin, on a beaucoup parlé du rôle de la société civile notamment du mouvement Y’en a marre. Est-ce un constat d’échec pour les partis politiques?
I.S. - Pas du tout. La société civile, c’est la société citoyenne. La protection de la Constitution, des lois, du respect par les gouvernants des libertés essentielles est la tâche de chaque citoyen. Ce n’est pas la tâche des partis politiques. La spécificité des partis politiques c’est de concourir à l’expression des suffrages, c’est comme cela que la Constitution les définit. Que la société civile prenne en charge, à un moment donné de l’histoire, la protection de sa Constitution et crie haut et fort «Y’en a marre», c’est un message adressé à tous les politiques, au pouvoir actuel, mais aussi au pouvoir à venir. Il y a un certain nombre de choses que la jeunesse africaine, n’acceptera pas. Les partis politiques, eux, se sont prononcés sur les questions. J’ai été le premier à dénoncer la tentative de dévolution monarchique du pouvoir. Je suis allé au front sur la question de l’anti-constitutionnalité de la candidature du président Wade. C’est un mouvement qui va s’amplifier et cela tous les gouvernants, où qu’ils soient sur le continent, doivent se préparer à être vertueux puisque le peuple n’acceptera plus certaines conduites.
Je fais du Sarkozy
SlateAfrique - Une partie de l’opinion publique sénégalaise se demande dans quel camp vous êtes? Etes-vous toujours avec le PDS (parti démocratique sénégalais) ou avec l’opposition?
I.S. - Je suis dans la famille libérale et cela de manière constante. Je n’ai jamais varié sur cette question. Je suis un défenseur des grandes valeurs libérales. Et c’est grâce à cela qu’en 2000 nous avons pu débarrasser le Sénégal du régime socialiste. Je suis resté fidèle à ces valeurs donc je n’ai jamais décidé, personnellement, de quitter le PDS. J’en ai été exclu en défendant ces valeurs et les intérêts du Sénégal contre ceux d’une famille et d’un clan, qui considéraient que le Sénégal était devenu leur propriété, et pensaient qu’il pouvait se transmettre de père en fils. J’ai subi à ce titre le plus gigantesque complot d’Etat de l’histoire politique du Sénégal. Je comprends l’émotion de tous ceux qui m’ont soutenu dans le combat contre cette injustice flagrante et qui n’ont pas pu comprendre et ni me pardonner que j’accepte la nouvelle main tendue de Wade pour retourner au PDS. Mais, je l’ai accepté parce que c’est chez moi. C’est moi qui est construit ce parti, pièce par pièce, aux côtés de Wade. Et il n’était pas question pour moi, de laisser cet appareil magnifique entre les mains de Wade fils. Donc, je n’y suis pas retourné par intérêt. La preuve, lorsque Wade a voulu interpréter mon retour comme une volonté de bénéficier d’un poste, il a créé un poste de vice-présidence en procédure d’urgence, et je n’en n’ai pas voulu. Même en étant exclu du PDS en 2006, dans ma déclaration de candidature à l’élection présidentielle, je disais que la première force politique sur laquelle je compte m’appuyer, c’est ma famille politique naturelle, le PDS, au sens des hommes et des femmes qui y partagent mes valeurs et qui y sont majoritaires. Qu’ils soient manifestés ou cachés. En somme, j’ai voulu faire du Sarko c’est-à-dire: «Je suis en brouille avec Chirac mais je reste dans l’UMP et j’en prend le contrôle». Je fais du Sarkozy pas du Bayrou.
SlateAfrique - Ne pensez-vous pas que vos multiples tentatives de rapprochement avec Wade, peuvent amoindrir vos chances en 2012?
I.S. - Pas du tout. Ce ne sont pas de multiples tentatives de rapprochement avec le PDS. Je suis le PDS. Je ne l’ai jamais quitté, j’en ai été exclu deux fois. Mais j’invite les militants et les militantes de qualité à me rejoindre dans mon parti Rewmi [créé en 2006]. Wade et son fils savent très bien ce qu’ils font. S’ils font tout pour m’écarter du PDS, ce n’est pas de l’appareil juridique même qu’ils veulent m’écarter, mais des militants du PDS parce qu’ils savent que dans leur combat contre moi les militants ne les ont pas accompagné. Wade a dû recourir à des mercenaires extérieurs pour m’attaquer.
SlateAfrique - Qu’entendez-vous par mercenaires?
I.S. - C’est-à-dire des gens qui ne sont pas du PDS. Les vraies fédérations et les vrais patrons ne m’ont jamais attaqué. Ni Pape Diop (président du Sénat), ni Aminata Tall (maire de Diourbel) ou Ousmane Masseck Ndiaye (président du conseil économique et social).
SlateAfrique - Est-ce qu’on pourrait s’attendre à une alliance avec ces gens même avec la multiplication des candidatures?
I.S. - Bien évidemment. Ma stratégie c’est de rassembler pour gagner, pour servir le Sénégal. Donc, à tous les autres acteurs, mis à part Wade qui est exclu de mes schémas d’alliance, je leur offre une plateforme d’alliance à trois étages. Premièrement, venez dans ma coalition pour soutenir ma candidature dès le premier tour. C’est ce que Mamoune Niasse du RP (Rassemblement pour le peuple) et d’autres leaders de parti ont fait. Deuxième étage, nous sommes concurrents au premier tour, je vous propose un accord d’alliance et de désistement en faveur du meilleur placé au second tour. Troisièmement, rien de tout cela ne se fait. Je gagne et je vous invite pour une correcte prise en charge des problèmes du Sénégal à ce que l’on constitue une vaste plateforme politique et stable pour traiter les difficultés ensemble.
Le mot PDS est souillé
SlateAfrique - Est-ce qu’ils comptent vous soutenir publiquement?
I.S. - C’est ce qu’ils font déjà. Il y a déjà des ralliements. En France, la Cames (Cellule pour la massification du parti par les secteurs), qui était la branche la plus dynamique du PDS m’a rejoint la semaine dernière. Le foyer des Mureaux qui était le foyer par excellence du PDS m’a rejoint également. Au Sénégal, les libéraux de Ziguinchor (Casamance) m’ont rejoint. Vous avez entendu parler des trente parlementaires, qui ne peuvent pas quitter formellement le PDS pour me rejoindre parce qu’ils perdraient leur mandat de députés, mais qui dans leurs activités quotidiennes me soutiennent ouvertement et ostensiblement. Donc, il est clair que la majorité des militants du PDS me soutiennent surtout maintenant qu’ils savent que Wade, c’est fini.
SlateAfrique - Si jamais la candidature de Wade est invalidée, seriez-vous prêt à aller aux élections sous la bannière du PDS?
I.S. - Non. Je vais à l’élection sous la bannière de Rewmi. J’ai créé ce parti pour une raison, que tout ce que je pense, dis et fais soit mesuré à l’aune de sa conformité aux intérêts supérieurs du Sénégal. Si j’avais hérité de l’appareil du PDS, si Wade ne m’en avait pas exclu j’aurai transformé le nom en Rewmi (Le pays en wolof). Le mot PDS en lui-même est tellement souillé par la mauvaise conduite de Wade qu’il est devenu un véhicule inefficace de séduction du peuple sénégalais qui l’a rejeté.
SlateAfrique - Certains de vos partisans affirment que les partisans de Wade veulent saborder votre candidature? Reprenez-vous ces accusations à votre compte ?
I.S. - Mais bien sûr. C’est leur principale stratégie. Il y a quelques jours, son fils s’est présenté ici à Paris, par le plus grand des hasards. Et lorsqu’il m’a vu, il a fait un demi-tour sec. On ne s’est ni serré la main, encore moins adressé la parole. Et tous ses sites Internet qu’il contrôle diffusent l’information selon laquelle l’un de ses amis avait organisé un rendez-vous avec moi au Saint-James. Il tente toujours de faire croire que je serai associé à eux mais j’ai démenti très vigoureusement. J’ai déclaré que plus jamais je n’aurai de contact avec Wade, que sa présence à la tête du Sénégal est devenue un danger, que je travaille exclusivement à son départ.
Propos recueillis par Pierre Cherruau et Lala Ndiaye
Source: Slateafrique.com