Triste, disais-je de ce spectacle horrible qui n’a que trop duré. Et pourtant, il s’en est enfilé une procession de ministres de l’enfance, de la jeunesse et de l’éducation. Mais ce ballet incessant n’est que le témoin de l’impéritie des hommes et femmes en charge de cette question sociétale puisque le problème n’a toujours pas connu de solution.
ENFANT : voila de quoi il s’agit.
Mais c'est pourtant ce que semble oublier la plus part des femmes et hommes politiques de ce pays, et aussi de nombre de sénégalais qui ne semblent plus choqués par le spectacle insupportable qu'offrent ces enfants de la rue. Les autorités successives investies de cette mission l’ont toutes soigneusement éludée malgré le principe de gouvernance qui attribue à un ministre, une feuille de route, laquelle feuille de route indique le canevas qui encadre l'action ministérielle et offre un cadre d'évaluation. Les ministres doivent donc être jugés sur ces objectifs. Le constat qui s'impose est qu'aucun ministre ou gouvernement depuis les indépendances jusqu’à ce jour n'a donc trouvé une solution à cette question, si tant est que cette mission lui ait été officiellement assignée. Mais peu-ton imaginer un seul instant un sujet d’une telle importance sortir du champ de compétence ou de la liste prioritaire des missions de ces ministères bien nommées (mais oh ! combien mal assumées) ?
Les rares tentatives d’éradication de la mendicité se sont parfois heurtées à la barrière des pseudos indications religieuses qui légitiment la politique de la main tendue au nom du quatrième pilier de l'islam ou d’une tradition de solidarité nationale ou encore de formation de l’enfant aux réalités de la vie. ENFANT : voila de quoi il s’agit. Rappel nécessaire pour décrier cette instrumentalisation politicienne ou religieuse douteuse d’une question sociétale d’une telle acuité.
Les solutions sont pourtant théorisées et expérimentées depuis des années par les associations et ONG qui se sont en réalité, substituées à l’Etat devant le devoir de protection des enfants qui lui incombe pourtant.
Il convient avant d’esquisser quelques solutions de présenter ces principes fondamentaux, car CONSTITUTIONNELS, qui engagent les parents, l’Etat et les collectivités publiques dans la protection et la formation de l’enfance. En ce sens, l’article 20 de notre constitution stipule que « les parents ont le droit naturel et le devoir d'élever leurs enfants. Ils sont soutenus, dans cette tâche, par l'Etat et les collectivités publiques. La jeunesse est protégée par l'Etat et les collectivités publiques contre l'exploitation, la drogue, les stupéfiants, l'abandon moral et la délinquance. » L’article 21 de cette même constitution proclame que « l'Etat et les collectivités publiques créent les conditions préalables et les institutions publiques qui garantissent l'éducation des enfants. »
Il est possible d’aller plus loin avec l’article 22 qui rappelle que « l'Etat a le devoir et la charge de l'éducation et de la formation de la jeunesse par des écoles publiques. Tous les enfants, garçons et filles, en tous lieux du territoire national, ont le droit d'accéder à l'école. »
Au regard de ce préalable, les solutions à ce problème crucial passeront nécessairement par une volonté politique forte exempte de tout marchandage et calcul politique. Il ne sera donc pas nécessaire de créer des lois supplémentaires, mais de veiller à l’application effective de celles qui existent déjà, notamment en matière de lutte contre l’exploitation des enfants par la mendicité. La stratégie sera de sortir les daaras de l’informel pour les recenser et les normaliser puisque l’Etat leur reconnait constitutionnellement la charge d’éducation (art. 22 de constitution du Sénégal). Ce travail passera par une gestion décentralisée de la question en impliquant les administrations locales (entre autres la région, les CLEF – Comités Locaux de l’Education et de Formation dont la présidence est assurée par le maire ou le président de la communauté rurale) et les institutions déconcentrées de l’Etat (IA - Inspections d’Académie ou IDEN – Inspections Départementales de l’Education Nationale).
Il s’agira ensuite d’apporter une réponse précise aux statuts conférés aux daaras : s’agit -il d’établissements d’enseignement au même titre que les institutions académiques classiques de langues françaises ou sont-ce des établissements à caractère particulier ?
Dans le premier cas de figure, les daaras seraient affiliés aux Inspections d’Académie (IA) et un programme de formation devrait être défini conséquemment avec tout le formalisme que cela suppose (définition des cycles de formation, manuels, programmes et diplômes ; transition vers les cycles classiques et professionnalisation ; question de la formation des maîtres coraniques...) Des infrastructures doivent donc être prévues et mises en place à l ’instar des dispositions prévues pour les écoles françaises. Ce choix obligerait l’Etat (en réalité l’IA qui a reçu délégation de pouvoir du ministre de l’éducation nationale - Décret 93-789 du 25 juin) à réfléchir sur la carte scolaire des daaras au niveau de la région (avec l’appui du Bureau Planification et Statistiques de l’IA et du GOPE - Groupe d’Observation du Projet d’Etablissement institué par le Ministère de l’éducation N0ationale), implantation qui ne serait alors plus laissée au libre choix des maîtres coraniques pour ce qui est des daaras publiques. La réflexion sur la rémunération des maîtres coraniques devrait également être amorcée au même titre que dans l’enseignement académique classique. Les daaras privées obéiraient aux mêmes conditions que les écoles privées d’enseignement, mais leurs programmes de formation seraient soumis aux orientations définies pour l’ensemble des daaras.
Dans l’hypothèse d’un établissement à caractère particulier, Il faudra établir un cahier de charge qui, à défaut d’encadrer la formation religieuse, impose un cycle de scolarisation minimum et/ou de professionnalisation pour garantir un avenir à ces enfants. Des ponts devraient être prévus pour favoriser la transition entre le cycle de formation religieuse, la filière académique classique ou l’enseignement professionnel pour ne pas fermer toutes les opportunités.
Dans les deux cas de figure, un système de conventionnement doit être mis en place entre l’autorité publique et chaque gestionnaire de daara ainsi qu’entre ces derniers et les parents. L’autorité publique doit par ailleurs réglementer l’hébergement en instituant un cahier de charge strict. Une charte nationale sur l’hébergement dans les daaras devrait alors être érigée. Des critères de confort minimum corrélés à la capacité d’accueil devraient permettre à l’Etat d’ajuster les subventions accordées le cas échéant. Il faudra tenir compte du nombre de lits proposés par la structure d’accueil, définir de façon standard la surface de référence exprimée en m²/enfant ainsi que le nombre d’encadreurs par enfant ou groupe d’enfants.
Ces dispositions permettraient de conjurer la création d’hyper structures ainsi que le risque de majoration dans les déclarations pour engranger le maximum de subvention. L’implication morale voire financière des parents s’avère nécessaire pour les responsabiliser, parents qui ont mis au monde l’enfant et qui doivent donc conformément à la constitution s’occuper de leur éducation.
La réussite d’un tel projet passerait forcément par une gestion locale avec une forte implication des collectivités publiques dans le recensement, l’attribution des subventions et les contrôles de conformité des établissements. Le pool des inspecteurs (arabe et français comme cela existe déjà pour les maîtres et directeurs d’école) serait chargé de contrôler les maîtres coraniques. L’application effective de ces dispositions passe par une interdiction formelle et immuable dans le temps et dans l’espace de la mendicité. Chaque enfant (comme du reste tout citoyen d’ailleurs si les choses se passaient normalement) devra être recensé et immatriculé grâce à un numéro unique pour sa protection et dans le processus de contrôle des établissements conventionnés.
Il faudra intégrer le troisième cas de figure des enfants qui ne sont pas inscrit dans des daaras, mais qui vivent dans la rue. L’Etat devrait créer pour cette situation particulière des orphelinats dont l’administration pourrait être confiée aux associations ou ONG spécialisées dans ces questions par exemple, à travers des contrats de gestion. Le statut de ces établissements pourrait obéir aux législations en vigueur en matière d’internat scolaire ou aux mêmes conditions qui seront stipulées dans la charte d’hébergement applicable à l’ensemble des daaras.
Il est plus que temps de mettre un terme à ce phénomène déshonorant pour notre société qui traite de la sorte ces enfants. Nous devons tous nous indigner de voir encore et encore des enfants abandonnés par la société et par l’Etat sans que rien ne soit fait pour endiguer durablement ce phénomène. Umberto Ecco disait assez justement que « pour être tolérant, il faut fixer des limites à l'intolérable ». Alors jusqu’où continuerons-nous encore de tolérer ce sort réservé à NOS enfants et que nous côtoyons chaque jour dans l'indifférence ?
Yatma DIEYE
Club Upsilon
Cercle de Réflexion pour le
Développement du Sénégal
*Le titre fait référence au Tartuffe de Molière qui disait "Couvrez ce sein que je ne saurais voir" (cf. Tartuffe, acte III,
scène II, vers 860-862)
ENFANT : voila de quoi il s’agit.
Mais c'est pourtant ce que semble oublier la plus part des femmes et hommes politiques de ce pays, et aussi de nombre de sénégalais qui ne semblent plus choqués par le spectacle insupportable qu'offrent ces enfants de la rue. Les autorités successives investies de cette mission l’ont toutes soigneusement éludée malgré le principe de gouvernance qui attribue à un ministre, une feuille de route, laquelle feuille de route indique le canevas qui encadre l'action ministérielle et offre un cadre d'évaluation. Les ministres doivent donc être jugés sur ces objectifs. Le constat qui s'impose est qu'aucun ministre ou gouvernement depuis les indépendances jusqu’à ce jour n'a donc trouvé une solution à cette question, si tant est que cette mission lui ait été officiellement assignée. Mais peu-ton imaginer un seul instant un sujet d’une telle importance sortir du champ de compétence ou de la liste prioritaire des missions de ces ministères bien nommées (mais oh ! combien mal assumées) ?
Les rares tentatives d’éradication de la mendicité se sont parfois heurtées à la barrière des pseudos indications religieuses qui légitiment la politique de la main tendue au nom du quatrième pilier de l'islam ou d’une tradition de solidarité nationale ou encore de formation de l’enfant aux réalités de la vie. ENFANT : voila de quoi il s’agit. Rappel nécessaire pour décrier cette instrumentalisation politicienne ou religieuse douteuse d’une question sociétale d’une telle acuité.
Les solutions sont pourtant théorisées et expérimentées depuis des années par les associations et ONG qui se sont en réalité, substituées à l’Etat devant le devoir de protection des enfants qui lui incombe pourtant.
Il convient avant d’esquisser quelques solutions de présenter ces principes fondamentaux, car CONSTITUTIONNELS, qui engagent les parents, l’Etat et les collectivités publiques dans la protection et la formation de l’enfance. En ce sens, l’article 20 de notre constitution stipule que « les parents ont le droit naturel et le devoir d'élever leurs enfants. Ils sont soutenus, dans cette tâche, par l'Etat et les collectivités publiques. La jeunesse est protégée par l'Etat et les collectivités publiques contre l'exploitation, la drogue, les stupéfiants, l'abandon moral et la délinquance. » L’article 21 de cette même constitution proclame que « l'Etat et les collectivités publiques créent les conditions préalables et les institutions publiques qui garantissent l'éducation des enfants. »
Il est possible d’aller plus loin avec l’article 22 qui rappelle que « l'Etat a le devoir et la charge de l'éducation et de la formation de la jeunesse par des écoles publiques. Tous les enfants, garçons et filles, en tous lieux du territoire national, ont le droit d'accéder à l'école. »
Au regard de ce préalable, les solutions à ce problème crucial passeront nécessairement par une volonté politique forte exempte de tout marchandage et calcul politique. Il ne sera donc pas nécessaire de créer des lois supplémentaires, mais de veiller à l’application effective de celles qui existent déjà, notamment en matière de lutte contre l’exploitation des enfants par la mendicité. La stratégie sera de sortir les daaras de l’informel pour les recenser et les normaliser puisque l’Etat leur reconnait constitutionnellement la charge d’éducation (art. 22 de constitution du Sénégal). Ce travail passera par une gestion décentralisée de la question en impliquant les administrations locales (entre autres la région, les CLEF – Comités Locaux de l’Education et de Formation dont la présidence est assurée par le maire ou le président de la communauté rurale) et les institutions déconcentrées de l’Etat (IA - Inspections d’Académie ou IDEN – Inspections Départementales de l’Education Nationale).
Il s’agira ensuite d’apporter une réponse précise aux statuts conférés aux daaras : s’agit -il d’établissements d’enseignement au même titre que les institutions académiques classiques de langues françaises ou sont-ce des établissements à caractère particulier ?
Dans le premier cas de figure, les daaras seraient affiliés aux Inspections d’Académie (IA) et un programme de formation devrait être défini conséquemment avec tout le formalisme que cela suppose (définition des cycles de formation, manuels, programmes et diplômes ; transition vers les cycles classiques et professionnalisation ; question de la formation des maîtres coraniques...) Des infrastructures doivent donc être prévues et mises en place à l ’instar des dispositions prévues pour les écoles françaises. Ce choix obligerait l’Etat (en réalité l’IA qui a reçu délégation de pouvoir du ministre de l’éducation nationale - Décret 93-789 du 25 juin) à réfléchir sur la carte scolaire des daaras au niveau de la région (avec l’appui du Bureau Planification et Statistiques de l’IA et du GOPE - Groupe d’Observation du Projet d’Etablissement institué par le Ministère de l’éducation N0ationale), implantation qui ne serait alors plus laissée au libre choix des maîtres coraniques pour ce qui est des daaras publiques. La réflexion sur la rémunération des maîtres coraniques devrait également être amorcée au même titre que dans l’enseignement académique classique. Les daaras privées obéiraient aux mêmes conditions que les écoles privées d’enseignement, mais leurs programmes de formation seraient soumis aux orientations définies pour l’ensemble des daaras.
Dans l’hypothèse d’un établissement à caractère particulier, Il faudra établir un cahier de charge qui, à défaut d’encadrer la formation religieuse, impose un cycle de scolarisation minimum et/ou de professionnalisation pour garantir un avenir à ces enfants. Des ponts devraient être prévus pour favoriser la transition entre le cycle de formation religieuse, la filière académique classique ou l’enseignement professionnel pour ne pas fermer toutes les opportunités.
Dans les deux cas de figure, un système de conventionnement doit être mis en place entre l’autorité publique et chaque gestionnaire de daara ainsi qu’entre ces derniers et les parents. L’autorité publique doit par ailleurs réglementer l’hébergement en instituant un cahier de charge strict. Une charte nationale sur l’hébergement dans les daaras devrait alors être érigée. Des critères de confort minimum corrélés à la capacité d’accueil devraient permettre à l’Etat d’ajuster les subventions accordées le cas échéant. Il faudra tenir compte du nombre de lits proposés par la structure d’accueil, définir de façon standard la surface de référence exprimée en m²/enfant ainsi que le nombre d’encadreurs par enfant ou groupe d’enfants.
Ces dispositions permettraient de conjurer la création d’hyper structures ainsi que le risque de majoration dans les déclarations pour engranger le maximum de subvention. L’implication morale voire financière des parents s’avère nécessaire pour les responsabiliser, parents qui ont mis au monde l’enfant et qui doivent donc conformément à la constitution s’occuper de leur éducation.
La réussite d’un tel projet passerait forcément par une gestion locale avec une forte implication des collectivités publiques dans le recensement, l’attribution des subventions et les contrôles de conformité des établissements. Le pool des inspecteurs (arabe et français comme cela existe déjà pour les maîtres et directeurs d’école) serait chargé de contrôler les maîtres coraniques. L’application effective de ces dispositions passe par une interdiction formelle et immuable dans le temps et dans l’espace de la mendicité. Chaque enfant (comme du reste tout citoyen d’ailleurs si les choses se passaient normalement) devra être recensé et immatriculé grâce à un numéro unique pour sa protection et dans le processus de contrôle des établissements conventionnés.
Il faudra intégrer le troisième cas de figure des enfants qui ne sont pas inscrit dans des daaras, mais qui vivent dans la rue. L’Etat devrait créer pour cette situation particulière des orphelinats dont l’administration pourrait être confiée aux associations ou ONG spécialisées dans ces questions par exemple, à travers des contrats de gestion. Le statut de ces établissements pourrait obéir aux législations en vigueur en matière d’internat scolaire ou aux mêmes conditions qui seront stipulées dans la charte d’hébergement applicable à l’ensemble des daaras.
Il est plus que temps de mettre un terme à ce phénomène déshonorant pour notre société qui traite de la sorte ces enfants. Nous devons tous nous indigner de voir encore et encore des enfants abandonnés par la société et par l’Etat sans que rien ne soit fait pour endiguer durablement ce phénomène. Umberto Ecco disait assez justement que « pour être tolérant, il faut fixer des limites à l'intolérable ». Alors jusqu’où continuerons-nous encore de tolérer ce sort réservé à NOS enfants et que nous côtoyons chaque jour dans l'indifférence ?
Yatma DIEYE
Club Upsilon
Cercle de Réflexion pour le
Développement du Sénégal
*Le titre fait référence au Tartuffe de Molière qui disait "Couvrez ce sein que je ne saurais voir" (cf. Tartuffe, acte III,
scène II, vers 860-862)