En recevant au Palais Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, Macky Sall foule aux pieds les combats antiracistes des pionniers de l’indépendance du Sénégal et des défenseurs du panafricanisme.
Cette validation africaine de la stratégie de dédiabolisation d’un parti grisé par ses récents succès électoraux et par son intégration progressive dans l’appareil d’État français constitue un précédent dont les diasporas africaines risquent de pâtir, dans une Europe où l’extrême droite grignote insidieusement l’espace républicain.
Éléments de langage
En choisissant le Sénégal pour sa première visite à l’étranger depuis les élections qui ont vu le parti créé par Jean-Marie Le Pen entrer massivement à l’Assemblée nationale française, Marine Le Pen déploie une stratégie d’ensemble sur un continent dont les ressortissants sont pourtant les cibles favorites des attaques, physiques et verbales, des militants d’extrême droite.
L’habile dirigeante de l’extrême droite française a su bien préparer ses interlocuteurs sénégalais, trop ignorants à la fois de leur propre histoire politique et des valeurs qu’incarne le Rassemblement national.
Dans une tribune publiée par le journal L’Opinion, le 16 janvier, la fille de Jean-Marie Le Pen a enrobé sa stratégie d’éléments de langage que l’élite politique sénégalaise a gobés tout rond.
Courbettes
Habituée des harangues contre l’immigration, Marine Le Pen use de la langue de bois pour mettre en avant « l’importance d’un authentique co-développement euro-africain », « la francophonie » ou « les questions de sécurité alimentaire et de santé ». Opportuniste, elle parachève son discours en défendant une candidature africaine à l’ONU et en souhaitant « qu’un représentant de l’Afrique [siège] comme membre permanent du Conseil de sécurité ».
Il n’en fallait pas plus pour que le président Macky Sall, qui doit pourtant avoir remarqué que la jeunesse sénégalaise s’en prend de manière récurrente aux intérêts français, déroule le tapis rouge à la présidente du Rassemblement national, entraînant dans son sillage une administration qui, en trois interminables journées, de Dakar à Saint-Louis, a multiplié les courbettes pour vanter la coopération possible avec la dirigeante d’un parti qui fait ouvertement carrière sur la haine des Noirs et des Arabes.
Visite d’exploitations agricoles, accolades avec des forces militaires françaises, larmes de crocodile devant des lits de patients hospitalisés et tristesse de façade à la Maison des esclaves de Gorée, elle a tout osé, et le Sénégal lui a tout permis.
Grisée, elle a enfoncé le clou : « Il est très important de ne pas perdre le contact avec l’Afrique. Je voulais commencer par me rendre au Sénégal, qui est un pays pivot sur le continent. La vision que je porte n’est pas seulement une vision franco-française. Elle est aussi une vision de la France dans le monde. Il est important de pouvoir la confronter à l’étranger. »
Face à ce discours et cette présence incongrue, seule une femme, l’ancienne Première ministre Aminata Touré, s’est dite scandalisée. « Madame Le Pen n’aurait jamais dû être autorisée à fouler un continent qu’elle insulte depuis des années. Le Sénégal, ce n’est pas un pays qui devrait accueillir des personnalités racistes et xénophobes, qui l’assument et qui en font un plan de carrière politique. Qu’elle reprenne immédiatement le prochain avion et qu’elle reparte. »
« J’ai un ami président noir »
En espérant que cette diatribe ne soit pas qu’opportunisme de la part de celle qui, il y a encore huit mois, approuvait toutes les stratégies de Macky Sall, il reste une vraie question : comment expliquer l’indifférence des milieux militants panafricanistes sénégalais devant cet accueil présidentiel ?
Macky Sall a offert à Marine Le Pen une porte d’entrée idéologique inédite sur le continent africain, ce qui profitera surtout à l’extrême droite européenne et aux racistes de tout poil.
À la panoplie d’expressions toutes faites qu’elle a l’habitude d’aligner, Marine Le Pen pourra maintenant ajouter : « Je ne suis pas raciste, j’ai un ami président noir. Regardez la belle dédicace qu’il m’a faite sur son livre, Le Sénégal au cœur ! »
Karfa Diallo
Cette validation africaine de la stratégie de dédiabolisation d’un parti grisé par ses récents succès électoraux et par son intégration progressive dans l’appareil d’État français constitue un précédent dont les diasporas africaines risquent de pâtir, dans une Europe où l’extrême droite grignote insidieusement l’espace républicain.
Éléments de langage
En choisissant le Sénégal pour sa première visite à l’étranger depuis les élections qui ont vu le parti créé par Jean-Marie Le Pen entrer massivement à l’Assemblée nationale française, Marine Le Pen déploie une stratégie d’ensemble sur un continent dont les ressortissants sont pourtant les cibles favorites des attaques, physiques et verbales, des militants d’extrême droite.
L’habile dirigeante de l’extrême droite française a su bien préparer ses interlocuteurs sénégalais, trop ignorants à la fois de leur propre histoire politique et des valeurs qu’incarne le Rassemblement national.
Dans une tribune publiée par le journal L’Opinion, le 16 janvier, la fille de Jean-Marie Le Pen a enrobé sa stratégie d’éléments de langage que l’élite politique sénégalaise a gobés tout rond.
Courbettes
Habituée des harangues contre l’immigration, Marine Le Pen use de la langue de bois pour mettre en avant « l’importance d’un authentique co-développement euro-africain », « la francophonie » ou « les questions de sécurité alimentaire et de santé ». Opportuniste, elle parachève son discours en défendant une candidature africaine à l’ONU et en souhaitant « qu’un représentant de l’Afrique [siège] comme membre permanent du Conseil de sécurité ».
Il n’en fallait pas plus pour que le président Macky Sall, qui doit pourtant avoir remarqué que la jeunesse sénégalaise s’en prend de manière récurrente aux intérêts français, déroule le tapis rouge à la présidente du Rassemblement national, entraînant dans son sillage une administration qui, en trois interminables journées, de Dakar à Saint-Louis, a multiplié les courbettes pour vanter la coopération possible avec la dirigeante d’un parti qui fait ouvertement carrière sur la haine des Noirs et des Arabes.
Visite d’exploitations agricoles, accolades avec des forces militaires françaises, larmes de crocodile devant des lits de patients hospitalisés et tristesse de façade à la Maison des esclaves de Gorée, elle a tout osé, et le Sénégal lui a tout permis.
Grisée, elle a enfoncé le clou : « Il est très important de ne pas perdre le contact avec l’Afrique. Je voulais commencer par me rendre au Sénégal, qui est un pays pivot sur le continent. La vision que je porte n’est pas seulement une vision franco-française. Elle est aussi une vision de la France dans le monde. Il est important de pouvoir la confronter à l’étranger. »
Face à ce discours et cette présence incongrue, seule une femme, l’ancienne Première ministre Aminata Touré, s’est dite scandalisée. « Madame Le Pen n’aurait jamais dû être autorisée à fouler un continent qu’elle insulte depuis des années. Le Sénégal, ce n’est pas un pays qui devrait accueillir des personnalités racistes et xénophobes, qui l’assument et qui en font un plan de carrière politique. Qu’elle reprenne immédiatement le prochain avion et qu’elle reparte. »
« J’ai un ami président noir »
En espérant que cette diatribe ne soit pas qu’opportunisme de la part de celle qui, il y a encore huit mois, approuvait toutes les stratégies de Macky Sall, il reste une vraie question : comment expliquer l’indifférence des milieux militants panafricanistes sénégalais devant cet accueil présidentiel ?
Macky Sall a offert à Marine Le Pen une porte d’entrée idéologique inédite sur le continent africain, ce qui profitera surtout à l’extrême droite européenne et aux racistes de tout poil.
À la panoplie d’expressions toutes faites qu’elle a l’habitude d’aligner, Marine Le Pen pourra maintenant ajouter : « Je ne suis pas raciste, j’ai un ami président noir. Regardez la belle dédicace qu’il m’a faite sur son livre, Le Sénégal au cœur ! »
Karfa Diallo