Le but de toute nation est d’accéder au stade du développement intégral et de permettre à chacun de ces citoyens de vivre la vie qui a de la valeur à ses yeux, pour reprendre les mots du prix Nobel Amartya Sen.
Le développement implique quelque chose de plus que la croissance économique définie généralement comme l’évolution du Produit Intérieur Brut (PIB) d’une année sur l’autre. Il peut se traduire comme la croissance plus la transformation (Gérald M. Meier) et se manifeste notamment par l’amélioration des performances des facteurs de production, par la densification et la modernisation du réseau d’infrastructures, par le développement des institutions et par le changement des attitudes et des valeurs, et par « un mouvement haussier de l’ensemble du système social » (Gunnar Myrdal).
Partant de ce postulat, les économistes séparent traditionnellement les nations du monde en deux groupes : celui des pays développés et celui des pays en développement (ou du tiers monde). Parfois, un sous-groupe des pays moins avancés est identifié au sein du second groupe, visant les pays les plus pauvres parmi les pauvres et caractérisés par un revenu par tête faible.
Récemment, les termes de pays émergent et de marché émergent ont également fait leur apparition dans la littérature économique, désignant les pays les plus dynamiques parmi les pays en voie de développement et les mieux intégrés dans l’économie désormais mondialisée, sans qu’une définition exacte soit élaborée à cet effet, encore moins des éléments de mesure discriminants.
Selon le dictionnaire Le Robert, «émerger » se dit d’un phénomène «qui s’impose à l’attention par sa valeur ». Subséquemment, on peut considérer qu’un pays, anciennement pauvre, émerge lorsqu’il suscite l’intérêt et se démarque de la masse des nations sous-développées et situées en marge des échanges mondiaux de biens, de services et d’idées. Mais, à partir de quel moment, dans son cheminement vers le progrès économique, peut-on considérer qu’un pays est réellement devenu émergent ? Cette question est d’autant plus pertinente qu’aujourd’hui plusieurs pays, sur tous les continents, prétendent avoir atteint le stade de l’émergence ou sont en voie de l’être. Et, il est d’autant plus difficile de les départager qu’il n’existe à ce jour aucune définition consensuelle de la notion d’émergence. La même problématique se posait avec le concept de « décollage » de Walt W. Rostow.
La notion d’émergence est une variation, adaptée à la mondialisation en cours, sur le même thème de « décollage ». Elle marque un réel point tournant, faisant passer un pays pauvre d’un équilibre de faible croissance à un meilleur équilibre de croissance forte, durable et diversifiée, dans un contexte de stabilité macro-économique.
Bien cerné, le concept d’émergence viendrait ainsi apporter une grande contribution à la théorie du développement. Car, jusqu’ici le seul but fixé aux nations pauvres est de chercher à converger avec les pays riches. Or, la convergence est un chantier de longue portée (des dizaines voire des centaines d’années), comme en atteste l’histoire économique contemporaine. Et, ne retenir comme cible que cet horizon lointain conduirait à inclure, pour longtemps, dans le même ensemble de pays en développement, des nations aux trajectoires et aux perspectives fort diverses.
Des trajectoires divergentes des pays pauvres depuis 1960
Certains économistes (dont Solow) ont estimé que, même si elle doit prendre du temps, la convergence des revenus par tête entre pays riches et pays pauvres finira tôt ou tard par se réaliser, ces derniers ayant tendance à croître plus vite (hypothèse de la convergence absolue).
Les faits empiriques ont contredit la prédiction de convergence absolue des pays. L’analyse de la base de Maddison (2003) montre ainsi qu’entre 1960 et 2003, les performances des pays partis avec des niveaux faibles de revenus par tête ont été fort diverses et que seuls quelques uns d’entre les pays anciennement pauvres (les pays gagnants) ont réussi à s’inscrire dans une dynamique de convergence avec les pays riches.
Plusieurs auteurs se sont alors mis à testé, par le biais de travaux empiriques, la validité de l’hypothèse de convergence. Barro (1997) met en évidence le rôle positif du maintien de la règle de droit et de la faiblesse de la consommation du secteur public, du niveau initial élevé d’espérance de vie et de la scolarisation masculine, du faible taux de fécondité et de l’amélioration des termes de l’échange. Pour un niveau donné de ces variables, la croissance est plus forte si le pays part avec un niveau faible de PIB par tête (phénomène de convergence conditionnelle). Selon Barro (1997), l’impact de la démocratie (droits politiques) sur la croissance est peu clair: lorsque le degré de démocratie est faible, un accroissement favorise la croissance, mais lorsque le degré de démocratie devient plus élevé, un nouvel accroissement a un impact négatif sur la croissance, du fait du poids devenu important des groupes de pression sur les dépenses publiques.
Les pays qui ont réussi ont appliqué des recettes diverses
Les pays gagnants de la période 1960-2003, comme la Corée du Sud, le Botswana, la Malaisie, la Chine ou Maurice, ont mis en œuvre des stratégies hétérodoxes pour réaliser des performances, mêlant attraction des investissements étrangers, promotion active des exportations (y compris par la manipulation du taux de change et le maintien de plusieurs marchés de change au niveau interne, protection (par le biais de tarifs et d’éléments non tarifaires) et subvention des industries locales, encouragement des PME ou des grandes entreprises, etc. Et, il est difficile de trouver, parmi la palette d’instruments, une recette simple permettant de trouver des clés de succès universelles (Rodrick 2004)
Le nouveau contexte mondial tend à contraindre les choix stratégiques des pays
Le nouveau mouvement de mondialisation de l’économie en cours caractérisé par un «monde sans frontières» («Bordeless world», Kenichi Ohmae) et marqué par la libéralisation sans précédent des échanges, la révolution de l’informatique et des télécommunications, le développement rapide de la sous-traitance mondiale, et l’ouverture des marchés et la liberté plus grande de circulation des capitaux, réduit très fortement la marge de manoeuvre des pays dans la conduite de leur politique économique. Pour les pays pauvres, désireux de recevoir une aide internationale, une contrainte supplémentaire s’ajoute : celle de satisfaire les conditionnalités du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale qui mettent en avant la levée des distorsions potentiellement créées par les politiques de protection et de subvention et encouragent les pays à réduire les réglementations et à orienter leur économie vers l’extérieur «outward looking policy».
Pour pouvoir amorcer une dynamique de croissance forte et durable («growth sustaining»), tout pays pauvre doit donc tenir compte, dans la définition et dans la mise en oeuvre de sa stratégie de développement, de la donnée que constitue la nouvelle mondialisation qui offre autant d’opportunités que de contraintes. Il doit chercher à exister sur la carte des réseaux mondiaux de production et d’échanges d’idées et de savoirs, de capitaux, de biens et de services, sous peine de perdre en dynamisme économique, en mettant en place un environnement des affaires de classe internationale et en menant de bonnes politiques macroéconomiques pour rassurer les investisseurs sur ses perspectives futures. Il doit également accompagner sa stratégie de croissance économique par une transformation structurelle correspondante (CEA/CUA 2013, Rapport économique sur l’Afrique), en créant de la valeur ajoutée sur son territoire.
L’émergence constitue un préalable et une étape décisive vers la convergence et le développement intégral
La convergence est un long processus
Le pays le plus performant de la classe de pays pauvres de 1960 (la Corée du Sud) ne parvient toujours pas à rattraper les États Unis en terme de revenu par habitant. Même s’il a fortement réduit le gap initial, son PIB par tête ne représente encore que 54% de celui des Etats-Unis en 2003 (contre seulement près de 11% en 1960). Si la tendance à la convergence se maintient (sans doute à un rythme moins rapide, au fur et à mesure que la Corée se rapproche des Etats-Unis), la Corée du Sud ne pourra au mieux égaler le revenu par habitant des Etats-Unis qu’après 2020, soit 60 ans après avoir commencé à accélérer sa croissance.
Pour les pays moins performants et inscrits dans une dynamique de convergence, la durée de la convergence sera encore plus longue et représentera cent à deux cents ans voire davantage.
L’émergence donne des ressorts pour accélérer la marche vers la convergence et le développement intégral
La convergence étant un processus de longue haleine, l’émergence représente une étape qui lorsqu’il est franchi rend plus soutenable le chantier de rattrapage des pays riches. Elle possède une autre vertu : celle de sanctionner positivement les progrès accomplis par les pays les plus performants et de leur permettre de célébrer des victoires intermédiaires (« quick wins ») stimulantes pour continuer à mobiliser les énergies, poursuivre dans la voie tracée, engager d’autres réformes structurantes et institutionnaliser les bonnes pratiques.
Pour émerger, le pays pauvre doit en effet se mettre aux normes internationales de compétitivité et s’aligner sur les meilleures pratiques. De ce fait, c’est comme s’il mettait les pendules à l’heure et se donnait, avec un certain décalage dans le temps, les mêmes conditions initiales que les pays riches. En franchissant le seuil de l’émergence, le pays anciennement pauvre obtient alors les mêmes niveaux d’éducation primaire et secondaire que les pays riches (mais pas le même niveau d’enseignement supérieur qui deviendra déterminant au fur et à mesure le pays s’approche de la frontière technologique, conformément au paradigme schumpétérien), des taux d’épargne et d’investissement équivalents, ou encore des institutions et des données démographiques relativement comparables. La convergence conditionnelle à la Barro peut alors s’enclencher de manière inexorable.
L’atteinte du stade de l’émergence dépend de la capacité des pays peu développés à gérer efficacement des facteurs de nature différente
Atteindre le stade de l’émergence économique ne provient pas du hasard ou de la chance. Un pays peut certes initier et enregistrer des pics de croissance, durant une certaine période, mais comme l’a montré Haussmann-Pritchett-Rodrik (2004), la croissance économique ne peut être soutenable et mener vers le développement que si le pays en question poursuit les bonnes politiques économiques et possède des institutions de qualité.
Pour émerger et donner à la croissance un caractère soutenable, un pays pauvre doit donc mettre en place des politiques volontaristes pour convaincre les investisseurs de venir et de demeurer chez lui, et chercher à s’insérer avec succès dans l’économie mondiale. Les réformes attachées à cette exigence constituent les pré-requis de l’émergence.
Dans l’idéal, le pays doit chercher à atteindre un niveau de compétitivité et d’attractivité le plus élevé possible, en mettant en place un environnement de classe internationale. Aujourd’hui, certains éléments sont généralement cités comme contribuant à renforcer la compétitivité internationale d’un pays:
Bloc 1: Stabilité politique et macroéconomique
• la stabilité politique et sociale et un bon cadre de vie (sécurité, propreté, infrastructures sanitaires adaptées, etc.) ;
• une gestion saine et dynamique des finances publiques (y compris la priorité accordée, dans les dépenses, aux investissements dans le développement des ressources humaines et des infrastructures) ;
• une inflation modérée et un taux de change réaliste ;
Bloc 2: Dynamisme économique et ouverture:
• une croissance du PIB en hausse tendancielle ;
• la libéralisation des activités économiques et des prix, couplée avec la mise en place d’un cadre réglementaire efficace de manière à supprimer les positions de rente et à consacrer la compétition;
• l’ouverture de l’économie sur l’extérieur (outward-looking policy), par la libéralisation des échanges et la construction de grands marchés intégrés avec les pays voisins, et l’encouragement des investissements par la levée des barrières entravant leur venue;
• la limitation de l’intervention de l’Etat dans l’économie au strict nécessaire;
• l’existence d’un secteur privé local dynamique, compétitif, créatif, intègre et visionnaire ;
• la capacité à générer une forte épargne locale et la disponibilité d’un bon système bancaire et financier local, régulé par des instances de supervision efficaces et capable de faire une allocation optimale des ressources. Le corollaire en est la transparence et la fiabilité des informations économiques, permettant l’évaluation correcte des performances et des potentialités des entreprises;
• la mise en place d’un système d’incitations de qualité (fiscalité, terrains et bâtiments industriels, politique agricole, etc.);
Bloc 3: Un cadre réglementaire de qualité:
• la rationalisation des procédures administratives liées à l’exercice des activités économiques et la lutte contre la corruption;
• la promotion d’une administration publique compétente, intègre, crédible et prévisible, accueillante et déterminée à faire gagner le secteur privé;
• la mise en place d’un système juridique et judiciaire crédible, capable de faire appliquer la loi, dans l’équité et dans la transparence, en particulier à faire respecter les droits de propriété et les contrats ;
Bloc 4: Des bases à long terme du développement adaptées:
• la capacité à absorber et à adapter le savoir et les technologies, y compris les TIC;
• la disponibilité d’une main d’œuvre locale bien formée, qualifiée, productive et alliée avec les employeurs pour faire progresser l’entreprise;
• la répartition équitable des fruits de la croissance pour renforcer la cohésion sociale;
• l’existence de bonnes infrastructures et d’un bon système de télécommunications;
Bloc 5: La capacité et la volonté à attirer les investisseurs
• la mise en œuvre d’une bonne promotion du pays, à travers des agences de promotion et des stratégies de communication gagnantes ;
• le consensus national sur les orientations que voilà pour les rendre irréversibles.
Plusieurs de ces éléments ont été listés dans ce que l’on a convenu d’appeler «Consensus de Washington» (version initiale puis révisée) qui a longtemps guidé et qui continue encore de guider fortement le dialogue entre les institutions de Bretton Woods et les autorités des pays pauvres. Mais comme le note Rodrick (2004 a, 2004 b), le pays pauvre qui satisfait l’ensemble des prescriptions du Consensus de Washington devient de facto un pays développé.
Ainsi, plutôt que de chercher à tout corriger à la fois, un pays doit identifier, à travers un diagnostic stratégique, les obstacles les plus sérieux qui freinent sa compétitivité internationale et engager les réformes prioritaires ayant le plus d’impact sur la croissance. Par exemple, pour l’Inde, en 1980, la principale contrainte résidait dans ce que l’État était perçu comme un acteur hostile au secteur privé; pour la Chine, en 1978, la contrainte était l’absence d’incitations orientées vers le marché. Une fois la dynamique de croissance enclenchée, les réformes pourront être accélérées et leurs coûts distribués sur la durée.
Les axes prioritaires de réformes ayant été identifiés, le pays doit veiller à engager des blocs de réformes cohérents et complémentaires (de Macedo et Martins (2006)). Lorsque plusieurs éléments de réformes sont interdépendants, changer certains sans changer les autres réduit fortement les chances de succès des réformes (principe de super-modularité). La cohérence peut se faire par le haut (lorsque l’équilibre des réformes est recherché avec des réformes ambitieuses dans chaque composante du bloc) ou par le bas (lorsque les réformes engagées sont partout mineures).
Les chantiers de réforme doivent également être gérés en accordant une attention à la séquence des blocs de réforme, à l’horizon temporel de leur entrée en vigueur et de mise en œuvre , ainsi qu’aux indispensables mesures d’accompagnement.
L’émergence est multidimensionnelle
a) Émergence économique et émergence sociale
L’homme devant être au début et à la fin du développement, pour paraphraser Léopold S. Senghor, le concept d’émergence ne peut être uniquement appréhendé sous l’angle économique. Les citoyens d’un pays qui émerge doivent sentir dans leur vie quotidienne que leur bien-être s’améliore et que des opportunités nouvelles d’éducation, de santé, d’emplois et de revenus se présentent pour eux.
L’émergence doit ainsi être également sociale.
Inversement, l’émergence économique ne peut être durable que si certains pré-requis sont satisfaits dans le domaine social. Il est désormais universellement admis que la qualité du capital humain (une population éduquée, bien nourrie et en bonne santé) est un des facteurs les plus déterminants de la croissance économique, surtout dans le nouvel environnement de la mondialisation où le savoir et le savoir-faire jouent un rôle central dans la hausse de la productivité des économies. Les calculs réalisés par la Banque Mondiale et par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), comparant d’une part l’évolution respective du PIB par tête et du taux de pauvreté et, d’autre part le PIB par tête et l’Indicateur de Pauvreté Humaine (IPH) de différents pays pour une année donnée, montrent que la corrélation est souvent établie entre les variables de croissance économique et celles de pauvreté. En d’autres termes, un pays améliore ses indices sociaux au fur et à mesure qu’il s’enrichit. Mais il ne s’agit point de causalité puisque le classement des pays en termes de pauvreté humaine ne suit pas rigoureusement celui établi à partir des niveaux de revenu par tête. La qualité de la politique menée en termes de redistribution des fruits de la croissance compte aussi dans l’impact réel du dynamisme économique sur le niveau de vie des pauvres.
b) Émergence et qualité des institutions
Le rôle des institutions est bien mis en évidence par Kaufmann et al. (2005) , en se fondant sur l’élaboration d’un indicateur synthétique de la bonne gouvernance (mesurant la qualité des institutions), et incluant les droits humains et démocratiques, la stabilité politique et l’absence de violence politique, l’efficacité du gouvernement, la simplicité et la rapidité des procédures administrative, le respect des règles de droit et la lutte contre la corruption. Testant cet indicateur, FMI (2005) a trouvé qu’il existe une forte corrélation entre la bonne gouvernance et le niveau du revenu national par tête. En particulier, l’Afrique subsaharienne aurait multiplié son PIB par tête de deux fois et demi si ses institutions étaient établies au niveau de la qualité moyenne des institutions dans le monde. FMI (2005) a également découvert que les institutions exercent un impact significatif sur la croissance économique future, en ce qu’elles favorisent la durabilité des bonnes pratiques en matière de politique économique. En outre, des institutions de qualité permettent de réduire la volatilité de la croissance et facilitent donc la réalisation des objectifs économiques et sociaux du pays considéré.
Au total, le concept d’émergence devient ainsi un puissant instrument de gestion pour les autorités gouvernementales des pays moins avancés, en fixant à toute la société un objectif intermédiaire à atteindre sur une période relativement courte (dix à quinze ans) dans le cheminement vers le développement intégral. Bien mieux que l’augmentation du PIB/tête, qui ne permet de mesurer qu’imparfaitement le degré de sophistication du pays concerné, le stade de l’émergence représente un important palier dans le processus de transformation que constitue le chantier du développement.
Par Moubarack LO
Auteur du livre « le Sénégal émergent, Agenda pour le futur», Ed. Wal Fadjri, mars 2003, réédité au Maroc en janvier 2013 par Afrique Challenge
Email : moubaracklo@gmail.com
Références bibliographiques
Barro R. J. (1997): «Economic Growth in a Cross Section of Countries »
Barro R. J. & Sala-i-Martin X. (1992): «Convergence », Journal of Political Economy, Vol. 100, n°2, 1992
Cohen D. et Soto M. (2002): « Why are Some Countries so Poor?: Another Look at the Evidence and a Message of Hope», OECD Development Centre Working Papers, No. 197, 10/2002,
FMI (2005): « Building Institutions », World Economic Outlook, September 2005 Haussmann R., Pritchett L. et Rodrik D. (2005): « Growth accelerations », August 2005, Harvard University
Kaufmann et al. (2005): «Governance matters, Governance Indicators for 19996-2004», World Bank Policy Research Working Paper 3630, June 2005
Lucas R. (1988): « On the Mechanics of Economic Development », Journal of Monetary Economics, 22, 1988, PP 3-42
de Macedo J. B. et Martins J. O. (2006): « Growth, Reform Indicators and Policy Complementarities », NBER Working Paper, n° 12544, September 2006
Rodrick D, Subramanian A, Trebbi F (2002):«The primacy of Institutions over Geography and economic integration », Harvard University Mimeographed, 2002
Rodrick D. (2004 a): « Rethinking growth policies in the developing world », Lucas d’Agliano Lecture in development economics, oct. 2004, Torino
Rodrick D. (2004 b): « Growth strategies », August 2004, Harvard University
Sachs J. et Warner A. (1995): «Economic convergence and Economic Policies», NBER Working Papers Series, WP n° 5039, February 1995
Solow R.M. (1956): « A contribution to the Theory of Economic Growth », Quarterly Journal of Economics, 70(1), pp 65-94
Walt W. Rostow (1960): « les étapes du développement économique», 1960, Seuil, Paris
Williamson O. (2000): « The new Institutionnal Economics: Taking Stock, Looking Ahead», Journal of Economic Literature, Vol. XXXVIII, (Sept. 2000), PP 595-613.
Le développement implique quelque chose de plus que la croissance économique définie généralement comme l’évolution du Produit Intérieur Brut (PIB) d’une année sur l’autre. Il peut se traduire comme la croissance plus la transformation (Gérald M. Meier) et se manifeste notamment par l’amélioration des performances des facteurs de production, par la densification et la modernisation du réseau d’infrastructures, par le développement des institutions et par le changement des attitudes et des valeurs, et par « un mouvement haussier de l’ensemble du système social » (Gunnar Myrdal).
Partant de ce postulat, les économistes séparent traditionnellement les nations du monde en deux groupes : celui des pays développés et celui des pays en développement (ou du tiers monde). Parfois, un sous-groupe des pays moins avancés est identifié au sein du second groupe, visant les pays les plus pauvres parmi les pauvres et caractérisés par un revenu par tête faible.
Récemment, les termes de pays émergent et de marché émergent ont également fait leur apparition dans la littérature économique, désignant les pays les plus dynamiques parmi les pays en voie de développement et les mieux intégrés dans l’économie désormais mondialisée, sans qu’une définition exacte soit élaborée à cet effet, encore moins des éléments de mesure discriminants.
Selon le dictionnaire Le Robert, «émerger » se dit d’un phénomène «qui s’impose à l’attention par sa valeur ». Subséquemment, on peut considérer qu’un pays, anciennement pauvre, émerge lorsqu’il suscite l’intérêt et se démarque de la masse des nations sous-développées et situées en marge des échanges mondiaux de biens, de services et d’idées. Mais, à partir de quel moment, dans son cheminement vers le progrès économique, peut-on considérer qu’un pays est réellement devenu émergent ? Cette question est d’autant plus pertinente qu’aujourd’hui plusieurs pays, sur tous les continents, prétendent avoir atteint le stade de l’émergence ou sont en voie de l’être. Et, il est d’autant plus difficile de les départager qu’il n’existe à ce jour aucune définition consensuelle de la notion d’émergence. La même problématique se posait avec le concept de « décollage » de Walt W. Rostow.
La notion d’émergence est une variation, adaptée à la mondialisation en cours, sur le même thème de « décollage ». Elle marque un réel point tournant, faisant passer un pays pauvre d’un équilibre de faible croissance à un meilleur équilibre de croissance forte, durable et diversifiée, dans un contexte de stabilité macro-économique.
Bien cerné, le concept d’émergence viendrait ainsi apporter une grande contribution à la théorie du développement. Car, jusqu’ici le seul but fixé aux nations pauvres est de chercher à converger avec les pays riches. Or, la convergence est un chantier de longue portée (des dizaines voire des centaines d’années), comme en atteste l’histoire économique contemporaine. Et, ne retenir comme cible que cet horizon lointain conduirait à inclure, pour longtemps, dans le même ensemble de pays en développement, des nations aux trajectoires et aux perspectives fort diverses.
Des trajectoires divergentes des pays pauvres depuis 1960
Certains économistes (dont Solow) ont estimé que, même si elle doit prendre du temps, la convergence des revenus par tête entre pays riches et pays pauvres finira tôt ou tard par se réaliser, ces derniers ayant tendance à croître plus vite (hypothèse de la convergence absolue).
Les faits empiriques ont contredit la prédiction de convergence absolue des pays. L’analyse de la base de Maddison (2003) montre ainsi qu’entre 1960 et 2003, les performances des pays partis avec des niveaux faibles de revenus par tête ont été fort diverses et que seuls quelques uns d’entre les pays anciennement pauvres (les pays gagnants) ont réussi à s’inscrire dans une dynamique de convergence avec les pays riches.
Plusieurs auteurs se sont alors mis à testé, par le biais de travaux empiriques, la validité de l’hypothèse de convergence. Barro (1997) met en évidence le rôle positif du maintien de la règle de droit et de la faiblesse de la consommation du secteur public, du niveau initial élevé d’espérance de vie et de la scolarisation masculine, du faible taux de fécondité et de l’amélioration des termes de l’échange. Pour un niveau donné de ces variables, la croissance est plus forte si le pays part avec un niveau faible de PIB par tête (phénomène de convergence conditionnelle). Selon Barro (1997), l’impact de la démocratie (droits politiques) sur la croissance est peu clair: lorsque le degré de démocratie est faible, un accroissement favorise la croissance, mais lorsque le degré de démocratie devient plus élevé, un nouvel accroissement a un impact négatif sur la croissance, du fait du poids devenu important des groupes de pression sur les dépenses publiques.
Les pays qui ont réussi ont appliqué des recettes diverses
Les pays gagnants de la période 1960-2003, comme la Corée du Sud, le Botswana, la Malaisie, la Chine ou Maurice, ont mis en œuvre des stratégies hétérodoxes pour réaliser des performances, mêlant attraction des investissements étrangers, promotion active des exportations (y compris par la manipulation du taux de change et le maintien de plusieurs marchés de change au niveau interne, protection (par le biais de tarifs et d’éléments non tarifaires) et subvention des industries locales, encouragement des PME ou des grandes entreprises, etc. Et, il est difficile de trouver, parmi la palette d’instruments, une recette simple permettant de trouver des clés de succès universelles (Rodrick 2004)
Le nouveau contexte mondial tend à contraindre les choix stratégiques des pays
Le nouveau mouvement de mondialisation de l’économie en cours caractérisé par un «monde sans frontières» («Bordeless world», Kenichi Ohmae) et marqué par la libéralisation sans précédent des échanges, la révolution de l’informatique et des télécommunications, le développement rapide de la sous-traitance mondiale, et l’ouverture des marchés et la liberté plus grande de circulation des capitaux, réduit très fortement la marge de manoeuvre des pays dans la conduite de leur politique économique. Pour les pays pauvres, désireux de recevoir une aide internationale, une contrainte supplémentaire s’ajoute : celle de satisfaire les conditionnalités du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale qui mettent en avant la levée des distorsions potentiellement créées par les politiques de protection et de subvention et encouragent les pays à réduire les réglementations et à orienter leur économie vers l’extérieur «outward looking policy».
Pour pouvoir amorcer une dynamique de croissance forte et durable («growth sustaining»), tout pays pauvre doit donc tenir compte, dans la définition et dans la mise en oeuvre de sa stratégie de développement, de la donnée que constitue la nouvelle mondialisation qui offre autant d’opportunités que de contraintes. Il doit chercher à exister sur la carte des réseaux mondiaux de production et d’échanges d’idées et de savoirs, de capitaux, de biens et de services, sous peine de perdre en dynamisme économique, en mettant en place un environnement des affaires de classe internationale et en menant de bonnes politiques macroéconomiques pour rassurer les investisseurs sur ses perspectives futures. Il doit également accompagner sa stratégie de croissance économique par une transformation structurelle correspondante (CEA/CUA 2013, Rapport économique sur l’Afrique), en créant de la valeur ajoutée sur son territoire.
L’émergence constitue un préalable et une étape décisive vers la convergence et le développement intégral
La convergence est un long processus
Le pays le plus performant de la classe de pays pauvres de 1960 (la Corée du Sud) ne parvient toujours pas à rattraper les États Unis en terme de revenu par habitant. Même s’il a fortement réduit le gap initial, son PIB par tête ne représente encore que 54% de celui des Etats-Unis en 2003 (contre seulement près de 11% en 1960). Si la tendance à la convergence se maintient (sans doute à un rythme moins rapide, au fur et à mesure que la Corée se rapproche des Etats-Unis), la Corée du Sud ne pourra au mieux égaler le revenu par habitant des Etats-Unis qu’après 2020, soit 60 ans après avoir commencé à accélérer sa croissance.
Pour les pays moins performants et inscrits dans une dynamique de convergence, la durée de la convergence sera encore plus longue et représentera cent à deux cents ans voire davantage.
L’émergence donne des ressorts pour accélérer la marche vers la convergence et le développement intégral
La convergence étant un processus de longue haleine, l’émergence représente une étape qui lorsqu’il est franchi rend plus soutenable le chantier de rattrapage des pays riches. Elle possède une autre vertu : celle de sanctionner positivement les progrès accomplis par les pays les plus performants et de leur permettre de célébrer des victoires intermédiaires (« quick wins ») stimulantes pour continuer à mobiliser les énergies, poursuivre dans la voie tracée, engager d’autres réformes structurantes et institutionnaliser les bonnes pratiques.
Pour émerger, le pays pauvre doit en effet se mettre aux normes internationales de compétitivité et s’aligner sur les meilleures pratiques. De ce fait, c’est comme s’il mettait les pendules à l’heure et se donnait, avec un certain décalage dans le temps, les mêmes conditions initiales que les pays riches. En franchissant le seuil de l’émergence, le pays anciennement pauvre obtient alors les mêmes niveaux d’éducation primaire et secondaire que les pays riches (mais pas le même niveau d’enseignement supérieur qui deviendra déterminant au fur et à mesure le pays s’approche de la frontière technologique, conformément au paradigme schumpétérien), des taux d’épargne et d’investissement équivalents, ou encore des institutions et des données démographiques relativement comparables. La convergence conditionnelle à la Barro peut alors s’enclencher de manière inexorable.
L’atteinte du stade de l’émergence dépend de la capacité des pays peu développés à gérer efficacement des facteurs de nature différente
Atteindre le stade de l’émergence économique ne provient pas du hasard ou de la chance. Un pays peut certes initier et enregistrer des pics de croissance, durant une certaine période, mais comme l’a montré Haussmann-Pritchett-Rodrik (2004), la croissance économique ne peut être soutenable et mener vers le développement que si le pays en question poursuit les bonnes politiques économiques et possède des institutions de qualité.
Pour émerger et donner à la croissance un caractère soutenable, un pays pauvre doit donc mettre en place des politiques volontaristes pour convaincre les investisseurs de venir et de demeurer chez lui, et chercher à s’insérer avec succès dans l’économie mondiale. Les réformes attachées à cette exigence constituent les pré-requis de l’émergence.
Dans l’idéal, le pays doit chercher à atteindre un niveau de compétitivité et d’attractivité le plus élevé possible, en mettant en place un environnement de classe internationale. Aujourd’hui, certains éléments sont généralement cités comme contribuant à renforcer la compétitivité internationale d’un pays:
Bloc 1: Stabilité politique et macroéconomique
• la stabilité politique et sociale et un bon cadre de vie (sécurité, propreté, infrastructures sanitaires adaptées, etc.) ;
• une gestion saine et dynamique des finances publiques (y compris la priorité accordée, dans les dépenses, aux investissements dans le développement des ressources humaines et des infrastructures) ;
• une inflation modérée et un taux de change réaliste ;
Bloc 2: Dynamisme économique et ouverture:
• une croissance du PIB en hausse tendancielle ;
• la libéralisation des activités économiques et des prix, couplée avec la mise en place d’un cadre réglementaire efficace de manière à supprimer les positions de rente et à consacrer la compétition;
• l’ouverture de l’économie sur l’extérieur (outward-looking policy), par la libéralisation des échanges et la construction de grands marchés intégrés avec les pays voisins, et l’encouragement des investissements par la levée des barrières entravant leur venue;
• la limitation de l’intervention de l’Etat dans l’économie au strict nécessaire;
• l’existence d’un secteur privé local dynamique, compétitif, créatif, intègre et visionnaire ;
• la capacité à générer une forte épargne locale et la disponibilité d’un bon système bancaire et financier local, régulé par des instances de supervision efficaces et capable de faire une allocation optimale des ressources. Le corollaire en est la transparence et la fiabilité des informations économiques, permettant l’évaluation correcte des performances et des potentialités des entreprises;
• la mise en place d’un système d’incitations de qualité (fiscalité, terrains et bâtiments industriels, politique agricole, etc.);
Bloc 3: Un cadre réglementaire de qualité:
• la rationalisation des procédures administratives liées à l’exercice des activités économiques et la lutte contre la corruption;
• la promotion d’une administration publique compétente, intègre, crédible et prévisible, accueillante et déterminée à faire gagner le secteur privé;
• la mise en place d’un système juridique et judiciaire crédible, capable de faire appliquer la loi, dans l’équité et dans la transparence, en particulier à faire respecter les droits de propriété et les contrats ;
Bloc 4: Des bases à long terme du développement adaptées:
• la capacité à absorber et à adapter le savoir et les technologies, y compris les TIC;
• la disponibilité d’une main d’œuvre locale bien formée, qualifiée, productive et alliée avec les employeurs pour faire progresser l’entreprise;
• la répartition équitable des fruits de la croissance pour renforcer la cohésion sociale;
• l’existence de bonnes infrastructures et d’un bon système de télécommunications;
Bloc 5: La capacité et la volonté à attirer les investisseurs
• la mise en œuvre d’une bonne promotion du pays, à travers des agences de promotion et des stratégies de communication gagnantes ;
• le consensus national sur les orientations que voilà pour les rendre irréversibles.
Plusieurs de ces éléments ont été listés dans ce que l’on a convenu d’appeler «Consensus de Washington» (version initiale puis révisée) qui a longtemps guidé et qui continue encore de guider fortement le dialogue entre les institutions de Bretton Woods et les autorités des pays pauvres. Mais comme le note Rodrick (2004 a, 2004 b), le pays pauvre qui satisfait l’ensemble des prescriptions du Consensus de Washington devient de facto un pays développé.
Ainsi, plutôt que de chercher à tout corriger à la fois, un pays doit identifier, à travers un diagnostic stratégique, les obstacles les plus sérieux qui freinent sa compétitivité internationale et engager les réformes prioritaires ayant le plus d’impact sur la croissance. Par exemple, pour l’Inde, en 1980, la principale contrainte résidait dans ce que l’État était perçu comme un acteur hostile au secteur privé; pour la Chine, en 1978, la contrainte était l’absence d’incitations orientées vers le marché. Une fois la dynamique de croissance enclenchée, les réformes pourront être accélérées et leurs coûts distribués sur la durée.
Les axes prioritaires de réformes ayant été identifiés, le pays doit veiller à engager des blocs de réformes cohérents et complémentaires (de Macedo et Martins (2006)). Lorsque plusieurs éléments de réformes sont interdépendants, changer certains sans changer les autres réduit fortement les chances de succès des réformes (principe de super-modularité). La cohérence peut se faire par le haut (lorsque l’équilibre des réformes est recherché avec des réformes ambitieuses dans chaque composante du bloc) ou par le bas (lorsque les réformes engagées sont partout mineures).
Les chantiers de réforme doivent également être gérés en accordant une attention à la séquence des blocs de réforme, à l’horizon temporel de leur entrée en vigueur et de mise en œuvre , ainsi qu’aux indispensables mesures d’accompagnement.
L’émergence est multidimensionnelle
a) Émergence économique et émergence sociale
L’homme devant être au début et à la fin du développement, pour paraphraser Léopold S. Senghor, le concept d’émergence ne peut être uniquement appréhendé sous l’angle économique. Les citoyens d’un pays qui émerge doivent sentir dans leur vie quotidienne que leur bien-être s’améliore et que des opportunités nouvelles d’éducation, de santé, d’emplois et de revenus se présentent pour eux.
L’émergence doit ainsi être également sociale.
Inversement, l’émergence économique ne peut être durable que si certains pré-requis sont satisfaits dans le domaine social. Il est désormais universellement admis que la qualité du capital humain (une population éduquée, bien nourrie et en bonne santé) est un des facteurs les plus déterminants de la croissance économique, surtout dans le nouvel environnement de la mondialisation où le savoir et le savoir-faire jouent un rôle central dans la hausse de la productivité des économies. Les calculs réalisés par la Banque Mondiale et par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), comparant d’une part l’évolution respective du PIB par tête et du taux de pauvreté et, d’autre part le PIB par tête et l’Indicateur de Pauvreté Humaine (IPH) de différents pays pour une année donnée, montrent que la corrélation est souvent établie entre les variables de croissance économique et celles de pauvreté. En d’autres termes, un pays améliore ses indices sociaux au fur et à mesure qu’il s’enrichit. Mais il ne s’agit point de causalité puisque le classement des pays en termes de pauvreté humaine ne suit pas rigoureusement celui établi à partir des niveaux de revenu par tête. La qualité de la politique menée en termes de redistribution des fruits de la croissance compte aussi dans l’impact réel du dynamisme économique sur le niveau de vie des pauvres.
b) Émergence et qualité des institutions
Le rôle des institutions est bien mis en évidence par Kaufmann et al. (2005) , en se fondant sur l’élaboration d’un indicateur synthétique de la bonne gouvernance (mesurant la qualité des institutions), et incluant les droits humains et démocratiques, la stabilité politique et l’absence de violence politique, l’efficacité du gouvernement, la simplicité et la rapidité des procédures administrative, le respect des règles de droit et la lutte contre la corruption. Testant cet indicateur, FMI (2005) a trouvé qu’il existe une forte corrélation entre la bonne gouvernance et le niveau du revenu national par tête. En particulier, l’Afrique subsaharienne aurait multiplié son PIB par tête de deux fois et demi si ses institutions étaient établies au niveau de la qualité moyenne des institutions dans le monde. FMI (2005) a également découvert que les institutions exercent un impact significatif sur la croissance économique future, en ce qu’elles favorisent la durabilité des bonnes pratiques en matière de politique économique. En outre, des institutions de qualité permettent de réduire la volatilité de la croissance et facilitent donc la réalisation des objectifs économiques et sociaux du pays considéré.
Au total, le concept d’émergence devient ainsi un puissant instrument de gestion pour les autorités gouvernementales des pays moins avancés, en fixant à toute la société un objectif intermédiaire à atteindre sur une période relativement courte (dix à quinze ans) dans le cheminement vers le développement intégral. Bien mieux que l’augmentation du PIB/tête, qui ne permet de mesurer qu’imparfaitement le degré de sophistication du pays concerné, le stade de l’émergence représente un important palier dans le processus de transformation que constitue le chantier du développement.
Par Moubarack LO
Auteur du livre « le Sénégal émergent, Agenda pour le futur», Ed. Wal Fadjri, mars 2003, réédité au Maroc en janvier 2013 par Afrique Challenge
Email : moubaracklo@gmail.com
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