Pourquoi tous ces déchaînements de violence ? Pourquoi la noble confrontation des idées leur semble-t-elle si inaccessible ? Pourquoi cette soif démesurée de pouvoir, après seulement deux petites années de règne ? Qu’en sera-t-il lorsque nous serons à quelques encablures de ces échéances cruciales que constituent les Législatives de 2017, précédées de peu de la Présidentielle ? Ne risquerait-on pas alors, les appétits s’aiguisant, de voir les affidés de ce «président élu par accident» (Sidy Lamine dixit) sortir la grande artillerie, et s’affronter au grand jour à la kalachnikov ou au bazooka ?
Pourquoi paraissent-ils tant se plaire à se donner en spectacle ? Leur mentor, le Président Macky Sall, avait pourtant fait une énième promesse de mettre fin à la pagaille. C’était au lendemain de la bagarre ayant opposé, en décembre de l’année dernière, dans l’enceinte même du très feutré Palais de la République, le tonitruant député Farba Ngom, griot autoproclamé du maître des lieux, au ci-devant directeur général de l’Agence pour l’emploi des jeunes (Anej), Birame Faye. Un pugilat d’enfer, digne des grands rings de boxe, révélé par le journal Libération, et qui avait eu pour cadre le bureau de Mahmout Saleh, Directeur de cabinet politique du Président de la République. Lequel d’ailleurs, quelques mois plus tôt, au siège du directoire de campagne du candidat Macky Sall, à la Sicap Liberté 6, le 13 février 2012, s’était vu pointé sur sa tempe dégoulinant de sueurs un revolver près à lui faire éclater la cervelle, par l’actuel président de la Commission des Lois à l’Assemblée nationale, Maître Djibril War (réputé un redoutable "warrior" («guerrier»), particulièrement craint chez les apéristes !).
Dans un entretien accordé au lendemain de sa bévue, le 14 janvier 2012, au quotidien l’Observateur, Me War, revenant sur l'incident, se glorifiait sans gêne de son haut fait d‘arme contre le trotskyste Saleh : «Je l’ai malmené et menacé en lui disant que tous ces opportunistes qui sont en train de détruire l’Apr devront marcher sur mon cadavre. Ils auront ma peau ou j’aurai la leur (…) Ils sont en train de faire le vide autour de Macky Sall», avait-il lâché, rageur. Avant de poursuivre : «Je suis allé à son bureau, au directoire de campagne, pour le remettre à sa place. Quand je suis venu, il a été incorrect avec moi. Nous avons échangé verbalement et il a voulu être arrogant. Je l’ai bien rossé. Il a cherché à se retirer. J’ai pris mon arme, l’ai mise sur sa tempe et lui ai dit : «Cette arme n’est ni pour Abdoulaye Wade, ni pour Idrissa Seck ou un autre opposant. Mais, pour tous ces ch… tapis dans l’ombre de l’Apr !».
«Bienvenu au Far West sénégalais !»,
C’était le cri de guerre qu’avait lancé, triomphant, le maire socialiste de la commune de Mermoz, Barthélémy Dias, après avoir froidement abattu, le 22 décembre 2011, à un mois de l’ouverture de la campagne électorale pour la présidentielle, un des présumés nervis qui étaient venus, sans arme, «pour l’intimider» dans son fief électoral (comme ils l’avaient du reste fait, sans heurts, quelques minutes plus tôt devant le domicile de Abdoulaye Bathily et de Moustapha Niasse).
En tous états de cause, cette sanglante et triste séquence (jusque-là impunie) semble avoir constitué une dangereuse prémisse à cette inquiétante banalisation de la violence politique, qui semble de plus en plus caractériser le sérail, particulièrement ces deux semaines écoulées, ponctuées de batailles rangées dignes des films western, où tous les coups sont permis. Des bouts de chaises cassées qu’on fait voltiger dans l’air, aux tirs d’armes à feu, en passant par les machettes et autres gourdins qu’on fait allégrement virevolter dans les réunions des responsables apéristes, c’est la pagaille partout ! Jusqu’au Grand Théâtre, où la présidente nationale des femmes Apr, Mariéme Badiane, a eu très chaud, flanquée du marmot-en-chef, Abdou Mbow, que mitraillaient de cailloux d’autres marmots du régiment, qui lui contestaient d’avoir dépassé l’âge de diriger la structure des jeunes…
De chaudes empoignades tous azimuts ! A Thiès, Fatick, Baobab-Memoz, avec ses bombes asphyxiantes… Tout y passe ! La palme d’or ayant bien sûr été largement remportée par la région de Matam, où le griot attitré de Macky Sall, Farba Ngom, se sera distingué de manière bien ahurissante. Non content d’avoir, en septembre dernier, exaspéré les pauvres googoorlus que nous sommes, en exhibant devant les médias sa luxueuse villa, miraculeusement sortie des terres du quartier huppé des Almadies pour un investissement de pas moins de 700 millions de nos francs dévalués, il aura cette fois-ci carrément damé le pion aux deux pistoléros «médaillés d’or» de la coalition Benno bok yaakaar, Moustapha Cissé Lô et Barthélémy Dias. Farba Ngom a soudainement ouvert le feu, lors de ces démêlés déclenchés par des parrainages de candidature, pour ces élections locales qui s’annoncent déjà très électriques pour la sécurité du pays, que les «fédayins» de l’Apr risquent, si l’on y prend garde, de compromettre dangereusement !
Et l’indignation d’atteindre son comble lorsque le chargé de la Commission discipline de l’Apr, Souleymane Ndiaye, répondant à une interpellation du journaliste Babacar Fall de la Rfm ne trouva rien à donner comme explication à ces frasques détonantes du député Farba Ngom que de dire que : «C’était juste des coups feu de sommation» ! Dans quel pays sommes-nous ? Comment une voix aussi autorisée d’un parti au pouvoir peut-elle avancer une explication aussi abracadabrante pour des faits aussi gravissimes ! Dans quelles mains est tombé notre cher pays le 25 mars 2012 ? Par quels individus sommes-nous gouvernés ? Où nous mènent-ils ? Que nous réservent-ils pour ces échéances cruciales qui approchent à grands pas ? Le défunt régime a eu certes à indisposer l’opinion par des écarts similaires, mais c’est à peine si ça se limitait aux clowneries d’un Mamadou Massaly ou aux bouffonneries d’un Farba Senghor ! Mais avec ces nouveaux gouvernants, on a l’impression que presque toute l’élite dirigeante est composée que de «Massaly» et autres «Farba» - pour dire le moins ! Après seulement deux ans de magistère ! Serait-ce du à leur inextinguible soif de pouvoir, longtemps contenue durant leurs années de galère et de frustrations ? Ou avons-nous plutôt affaire à une singulière espèce de politiciens fanatiques, du genre de celle qui a mis le feu dans certains de pays proches, lesquels ne s’en remettent toujours pas?
Le danger étant que même ceux qui sont sensés n’être pas issu de la même moule génétique sont à présent menacés, dés lors qu’ils offrent à l’opinion une image en contraste notoire avec cet étrange label apériste, qui commence à inquiéter plus d’un. Gare à tout citoyen, coopté et responsabilisé par le chef de l’Etat sur la base exclusive de son mérite et de ses compétences ! Surtout s’il devient rapidement opérationnel dans l’exercice de la charge qui lui est dévolue «par accident», par le chef de l’exécutif. Il aura alors tout bonnement signé son arrêt de mort, tant les attaques malveillantes seront systématiques, les charges virulentes et lâches ! Le brillant ministre de l’économie et des finances, Amadou Bâ, en sait quelque chose pour l’avoir amèrement expérimenté, après «sa victoire» mémorable capitalisée auprès des bailleurs du Groupe consultatif de Paris.
Ces inlassables efforts, pour la consécration du «Plan Sénégal émergent» (Pse), qui tient tan à cœur le président Sall, ayant été couronnés de succès, lors du passage triomphal de notre pays devant le jury des bailleurs - qui auront concédé au Sénégal le triple de ce qu’il sollicitait pour le financement de son plan stratégique de développement -, voilà que le pauvre Amadou Bâ, pour toute récompense, essuie subitement les impitoyable tirs de barrage de ces souteneurs-snipers de la coalition «Macky 2012».
Dans leur collimateur, bien avant son retour de Paris, ces activistes de ce conglomérat de partis lilliputiens, qui peuvent à peine mobiliser un «ndiaga-ndiaye», n’ont pas perdu du temps. Le ministre des finances, qui a commis le grave péché d’avoir fait preuve de dynamisme, de rigueur et de compétence, est entrain de le payer cher. Il est l’objet de l’ostracisme et de la médiocrité de ces boutefeux, qui viennent, ridiculement et sans vergogne, de franchir le Rubicon en réclamant la saisine de l’Ofnac (l’Office nationale de lutte contre la corruption), aux fins de fouiller la gestion de ce grand commis de l’Etat, précédemment patron de la direction des impôts et domaines.
N’hésitant même pas à traîner gratuitement dans la boue, celui qu’ils caricaturent de «transhumant de la 25è heure», dans le scandale foncier, qui vaut présentement au ci-devant directeur du Cadastre, Tahibou Ndiaye, d’être dans les liens de la détention préventive.
«L’Apr s’essaye au gangstérisme», n’a alors pu s’empêcher de titrer (à juste titre !) le quotidien Libération, au vu de ces singulières manœuvres dignes de la mafia sicilienne ou de la camorra napolitaine !
«Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir», nous rappelle le vieil adage ! Une nouvelle prise de conscience serait-elle entrain de faire son bonhomme de chemin dans l’esprit de certains apéristes, au vu du dégoût suscité dans la conscience collective par ces dangereux excès que rien ne justifient ? En tous cas, le premier à monter créneau se trouve curieusement être (qui l’eût cru !)… «El pistolero», Moustapha Cissé Lô himself, «l’homme à la gâchette facile», «qui tire plus vite que son ombre» ! Il semble indiquer la voie du repentir, si l’on en croit sa dernière sortie. Dans presque tous les quotidiens du mardi 04 mars denier, le «pistolero-repenti» n’a pas mâché ses mots : «Si cette violence continue, je démissionne de l’Apr», a-t-il lâché, dépité.
Celui qui avait exaspéré plus d’un, en jetant en pâture aux griots des liasses de billets de banque, lors de la fastueuse célébration de l’anniversaire de l’Apr, le 1er décembre dernier, dans les lambris dorés du King Fahd Palace, serait-il entrain d’opérer sa mue ? Donnerait-il le signal d’une salutaire volte-face à ces violents collègues apéristes ? Ou serait-il entrain, pris d’un semblant de remords, de se donner simplement bonne conscience, à l’instar de son collègue de parti Benoit Sambou qui, lui emboitant le pas deux jours plus tard, demandait aussi à ses collègues de «savoir raison garder».
Seront-ils entendus ? Seuls les indécrottables «ninjas» de l’«Apr figth club» peuvent y répondre !
Bassirou Thioune
Enseignant à la Retraite
Pikine Tally Icotaf, Plle 843
bassirouthioune62@yahoo.com