La transhumance politique est comparable à un cancer sociétal propre à notre pays. Le transhumant se comporte comme le virus du SIDA qui est introduit, par effraction, dans un nouvel organisme plein de vitalité, s’y développe progressivement, gangrène les autres cellules saines, les détruit à petit feu et finit par anéantir tout le système immunitaire d’autodéfense.
Pour mieux comprendre ce fléau afin d’aider à l’éradiquer définitivement de nos mœurs, nous allons dans un premier temps faire son historique 1) et dans une seconde étape, formuler quelques pistes de réflexion pour rebâtir le PDS après l’alternance 2)
1) Historique de la transhumance politique.
La transhumance politique s’est beaucoup développée au Sénégal dès le lendemain des événements de 1962. Tous les Chefs d’Etat du Sénégal en ont bénéficié au détriment de leurs opposants et surtout au préjudice de certains de leurs militants authentiques, les plus fidèles.
De prime abord, celui qui reçoit le transhumant au sein de sa formation politique peut penser que ce dernier lui apportera une valeur ajoutée mais l’expérience a montré qu’il est souvent le premier à quitter le navire en cas de naufrage. Aussi, est-il le premier à le trahir en cas de défaite. Pour illustrer nos propos, remontons une peur dans l’histoire politique contemporaine de notre pays.
a) De 1962 à 1978.
Jean Collin, Ancien Secrétaire Général du Président du Conseil, a rejoint le Président Léopold Sédar Senghor, le jour même de l’arrestation de son plus proche collaborateur. Il disait à sa secrétaire : « Je ne suis jamais avec les perdants ». Nommé Ministre de l’Intérieur, ce colon français sera pendant de longues années le premier geôlier de celui qui l’avait fait venir au Sénégal et qui l’avait intégré dans la fonction publique. De la même manière qu’il avait lâché Mamadou Dia au profit de Senghor, il trahira ce dernier en faveur de son successeur, Abdou Diouf.
Cette pathologie typiquement sénégalaise, né dès les premières heures de l’indépendance de notre pays, s’est poursuivie durant toute la première république. En effet, la plus part de « Diaïstes » et des responsables du PRA-Sénégal ont, très top, retourné leur veste pour rejoindre le Président Senghor, par simple opportunisme.
Ainsi ils ont été nommés, soit des ministres dans les différents gouvernements de la période allant de 1962 à 1978, soit des députés à l’Assemblée Nationale au cours des premières législatures. Pendant donc près de vingt (20) ans, ils n’ont fait que chanter les louanges du Président poète pour rester dans les arcanes du pouvoir. Leurs enfants ont, eux aussi, beaucoup profité des privilèges du régime socialiste en fréquentant les meilleures écoles et en bénéficiant des bourses d’études sélectives.
b) De 1978 à 2000
Le mal s’est développé et l’opposant Abdoulaye Wade en a fait les frais dès l’entrée de son parti, le PDS, à l’assemblée nationale en 1978. En effet, de dix huit (18) députés au départ, il a terminé son premier mandat à l’hémicycle avec seulement le tiers de l’effectif de ses élus. La transhumance s’est pratiquée de façon éhontée et de manière continue durant les dix neuf (19) années pendant lesquelles Diouf a exercé le pouvoir présidentiel. Paradoxalement, durant toute cette période, ce sont les transhumants qui exécutaient toutes les sales besognes. L’opposant Wade a été l’homme le plus diabolisé au Sénégal. Et, ironie du sort, ceux-là même qui, jadis, le taxait de tous les noms d’oiseau seront, en 2000, les premiers transhumants vers le PDS, parti au pouvoir.
c) De 2000 à 2007
A l’an 2000, l’alternance politique est intervenue au Sénégal et le phénomène de transhumance s’est amplifié considérablement. C’est donc des responsables du Parti Socialiste qui sont les premiers à rejoindre notre parti victorieux des ces élections présidentielles. Parmi ceux-ci, on compte les deux dames qui avaient surnommé le Secrétaire Général National de notre parti, l’une de « Hamann » et l’autre, de « Fantômas ». Le première a été nommée Ministre et la seconde comme Conseillère Technique à la Présidence de la République.
On se souvent encore d’un grand responsable socialiste qui l’avait accusé d’avoir incendié son domicile durant la campagne du premier tour et qui le rejoindra au second tour de cette même élection. Un autre haut responsable de ce même parti dira « j’ai volé de l’argent mais je l’ai partagé avec vous ». Tous les deux ont été nommés à de hauts postes de responsabilité nationale.
Des partis satellites tels que le PLS d’Ousmane Ngom, le PDS/R de Serigne Diop, le PPC de Mbaye Jacques Diop, la CDP Garap-gui d’Iba Der Thiam, l’URD de Djibo Leyti Kâ, …) se sont dissouts dans le PDS. Certains responsables de ces partis-là ont même choisi la période d’entre les deux tours, pour jeter le discrédit sur leurs anciens camarades de parti avant de migrer vers le PDS. D’autres qui avaient soutenu la candidature de l’ancien Président déchu, prennent aussitôt leur balluchon et pratiquent, sans état d’âme, ce que les sénégalais appellent communément « l’entrisme politique ».
d) De 2007 à 2012
A partir de 2007, des partis tels que And-jeef de Mamadou Diop Decroix, le FPE de Bacar Dia, le PF d’Abdou Rahim Agne et tant d’autres rejoignent la mouvance présidentielle ; ce qui donne au phénomène de transhumance politique une dimension exceptionnelle. En effet, ces différents partis constituent, à l’interne, un cocktail explosif, et à l’externe, un imbroglio très confus.
Pour ne citer qu’un seul exemple, de la même manière que la LD/MPT et l’URD avaient éclaté en 2000, le parti de Landing Savané s’implose pour donner lieu à deux formations qui se disputent le même titre And Jeef. En dehors de leur existence juridique, ces partis voraces n’ont rien apporté au PDS lors des élections passées et présentes.
Ces formations politiques, dont la plus part sont communément appelées des « partis cabine téléphonique », n’ont qu’un seul dénominateur commun, le soutien inconditionnel du Président de la République. Mais ce soutien n’est effectif que lorsque leurs Secrétaires Généraux peuvent tirer profit du régime de l’alternance. D’ailleurs, chaque fois que l’un d’eux a été remercié du gouvernement ou d’un poste de responsabilité, il ne tarde pas à rejoindre l’opposition, comme c’est le cas de Bacar Dia du FPE. C’est aussi le cas de Seydou Gueye, le porte-parole de l’APR et de Cheikh Tidiane Gadio.
Le Premier nommé a été le Ministre de la communication qui a le plus vendu l’image du Président Wade à l’intérieur du pays. Il a rendu visibles toutes les réalisations de l’alternance comme le pont de « Médina Ndiackbé » qu’il affectionnait. Tandis que le dernier cité, Ministre des Affaires Etrangères pendant dix ans, il s’était très bien occupé de l’image extérieure du Chef de l’Etat et avait représenté dignement le Sénégal à l’étranger. Malheureusement, dès après son limogeage du gouvernement, il a renié tous ses propos d’avant. La transhumance est caractérielle.
2) Rebâtir le PDS avec les anciens et éternels oubliés mais plus que fidèles!
Aujourd’hui, avec la lourde défaite de notre candidat aux élections présidentielles de 2012, il n’est pas étonnant de voir nombres de transhumants, qui jadis ont été nommés Ministres, Députés, Maires, PDG ou PCA, quitter le parti pour atterrir à l’APR de Macky SALL. Mais nous anciens PDS, qui n’avons jamais rien bénéficié du gouvernement de l’alternance et qui plus est, n’avons jamais été quitté ce parti, sommes les seuls capables de rebâti notre parti et lui redonner sa place d’antan au sein de l’opposition. Nous n’avons rien à gagner pour avoir déjà tout perdu dans ce parti.
a) Je suis un militant PDS de la première heure. Oublié, je suis resté fidèle et j’y reste.
Mon premier contact avec Maître WADE a eu lieu chez mon père, feu Souleymane FALL, sis au quartier des Eaux-Claires à Saint-Louis. Il était un fonctionnaire à la Poste. C’était un dimanche de l’année 1974 alors que j’étais élève en classe de seconde au lycée Charles De GAULLE. A cette époque, je partageais la même classe et le même table-banc avec El Hadj Ousmane Alioune NGOM. Il était mon meilleur camarade et mon plus grand ami.
Mon père fut un grand responsable de l’Union Progressiste du Sénégal (UPS,). Comme beaucoup de ses camarades, il n’était pas toujours d’accord avec la manière dont sa formation politique fonctionnait. Il en était ainsi jusqu’au jour de sa démission où il rencontra Maître avec qui il partageait, enfin, les mêmes valeurs éthiques et le même idéal politique. Malheureusement, il fut rappelé à DIEU bien avant l’accès de ce dernier à la magistrature suprême. Je prie pour le repos de son âme.
En ce dimanche de cette année 1974, une importante réunion s’est donc tenue dans notre domicile familial en présence de nombreux politiciens connus à Saint-Louis. Parmi ceux-ci, je peux citer Vieux Mafal FALL, Vieux Gilbert, Vieux Iba GUEYE, Vieux Moussa FAYE et j’en oublie. Ils étaient environ une vingtaine, dans le salon, en train d’implanter leur nouveau parti politique, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS).
Me Wade nous fit signe d’entrer dans la salle, mes frères et moi, avant d’ajouter : « Vous, les jeunes de mon pays, ce parti est le vôtre. J’enverrai, dès la semaine prochaine, le Secrétaire National des jeunes travaillistes, vous rendre visite ». C’était la première sortie du frère Serigne DIOP dans les régions nous dira-t-il. Poursuivant son message, il ajouta : « Il faudra le présenter à tous vos camarades ». Enfin il termina son adresse en ces termes : « Je vous amènerai au pouvoir et ensemble nous développerons l’Afrique et ferons du Sénégal un pays prospère».
Plus tard, mes camarades me surnommèrent « Démocrate ». Jusqu’à présent, il y en a beaucoup qui ne connaissent pas mon vrai nom. Ce pseudonyme m’a été donné par mon ami Ousmane Ngom, du fait que j’avais toujours mon journal « le démocrate » à la main.
Ce jour-là, Vieux Mafal FALL a été l’avant-dernier orateur. Il s’exprimait en ces termes : « Maître, nous t’amènerons au pouvoir car, tu as les diplômes requis et le courage de tes idées. Léo n’est pas le seul capable de diriger ce pays ». A la fin de la réunion, Me Wade donna plusieurs billets de banques à ma mère et à mes tantes. Puis mon père nous dira ceci : « Vous avez en face de vous l’homme qui succédera à Senghor au palais présidentiel ».
Quelques jours après Me WADE revint à Saint-Louis dans le cadre d’une autre tournée. En compagnie de mon père, de ses autres frères du parti et de moi-même, il s’est rendu à Ndiawdoune et à Sawagne, deux villages du Walo, pour rencontrer les premiers militants de la localité. L’accueil était chaleureux. J’étais dans la voiture de mon père, une Peugeot 203 de couleur noire. Toute la délégation se contenait dans quatre à cinq véhicules banalisés. Ce n’était pas encore la période des grands convois du parti avec sirènes et klaxons.
Plus tard une dernière tournée aura lieu dans le département de Dagana avec une étape très riche à Gaya, le village qui a vu naître mon père et en même temps le lieu de naissance d’El Hadj Mailck SY, paix sur lui. Cet homme de DIEU est le frère cadet de mon arrière grand-père Abdou Boly FALL qui finira par s’installer à Tivaouane.
La délégation s’était inclinée devant la tombe de Mame Fawade WELLE avant de regagner le domicile de Chérif NIANG, premier militant PDS de cette contrée. En sortant des cimetières, mon père dira à Me Wade : « Mame Fawade WELLE a trois enfants tous nés dans ce village. Il s’agit de Mame Abdou Boly FALL, Mame Maodo Malick et Mame Fanta NIANG ». Il ajouta : « Gaya et Tivaouane c’est la même famille ». Terminant son allocution, il dira « Tu es venu t’abreuver à la source qui t’amènera au palais in cha Alah ». Ainsi, la visite se termina par de longues prières.
A la fin de le journée de réunion, juste après le retour à Dakar de Maître, mon père me demanda de convoquer une réunion qui sera présidée par Serigne DIOP. J’ai fait appel, tout naturellement, à Ousmane Ngom et à d’autres camarades de lycée et de quartier. C’est la première réunion des jeunes du PDS à Saint-Louis.
Le brillant étudiant en droit à l’Université de Dakar avait fait une très bonne prestation avec cette phrase que j’ai entendue pour la première fois : « Maître a dit que la jeunesse de son pays vaut plus que les milliards de l’étranger ». Avant de nous quitter, je l’ai fait visiter quelques maisons voisines pour le présenter aux familles des jeunes et futurs militants.
Bien plus tard, quand j’ai obtenu mon Baccalauréat, durant l’année scolaire 1995-1996, je suis allé poursuivre mes études à Dakar et là, je me rendais souvent, avec Ousmane, au domicile de Maître WADE situé au point E. Depuis, je n’ai jamais quitté ce parti.
b) Le PDS peut encore compter sur d’anciens militants, même s’ils ont été les éternels oubliés de l’alternance.
Si j’ai tenu à rédiger ce passage, ce n’est point pour revendiquer ni mon ancienneté ni ma légitimité au PDS mais pour donner l’exemple par rapport à moi-même. Je connais mon parcours politique mieux que celui des autres. J’épargnerai mes lecteurs du reste de mon parcours politique qui a été émaillé de beaucoup d’amertumes et très lourds sacrifices.
Par ailleurs, je sais qu’il y a des militantes et des militants, comme moi, qui se sont sentis frustrés et trahis par les responsables du parti, durant tout le long de l’alternance. Nous sommes les éternels oubliés du régime libéral que nous avons porté au pouvoir après de longues et âpres luttes et au prix de grands risques. Mais, je pense que ce n’est pas une raison suffisante pour prendre le chemin de la transhumance. Il faut accepter le destin. Nous avons créé l’alternance mais d’autres, plus opportunistes que nous en ont bénéficié.
Comme vous le constater, à travers ce récit, pour mon cas personnel, celui qui devait me positionner et me parrainer c’est bien mon ami Ousmane Ngom car, c’est grâce à moi qu’il a connu de PDS. Combien de fois, il a été nommé Ministre ? Combien de fois, il a eu l’opportunité de placer ses anciens camarades de parti. Peut-être, attendait-il que je fasse la courbette devant lui !
Avant son entrée dans le premier gouvernement de majorité présidentielle élargie, il passait régulièrement la journée chez moi, chaque fois qu’il était de passage à Thiès. D’ailleurs c’est chez moi, qu’il m’a appris, en 1991, que le PDS allait faire entrer quatre Ministres dans ce gouvernement : Abdoulaye Wade, Aminata Tall, Jean Paul Diaz et lui-même. Après, il a coupé les ponts.
Je suis sûr que mon cas est un cas parmi des milliers. Mais, pour autant, je n’en veux pas à notre Secrétaire Général National. Il ne peut pas être au four et au moulin. Il ne peut pas, non plus placer tous les cades qui l’ont accompagné depuis le début de son combat politique. Tout ce qu’il pouvait faire, c’est placer certains d’entre eux à des hauts postes de responsabilité et il appartenait à ces derniers de lui emboiter le pas. Malheureusement, la chaine s’est rompue quelque part. Et beaucoup de cadres frustrés et trahis ont quitté le PDS. En 2012, il ne reste que les transhumants.
c) Tirons les leçons maintenant et préparons-nous à retourner dans l’opposition.
Sans faire de déballages, ni jeter l’anathème sur qui que ce soit, il nous faut organiser les assises de l’après alternances pour évaluer les actes que nous avons posés durant la période pendant laquelle notre parti a exercé pleinement le pouvoir. C’est en reconnaissant nos erreurs, que l’on peut repartir sur de nouvelles bases. C’est aussi, la meilleure manière de lutter contre la transhumance vers le nouveau parti au pouvoir. Il faut laisser les oubliés exprimer leur sentiment de frustration.
Tous les anciens cadres qui ont été écartés durant ces douze longues années doivent pouvoir enfin réhabilités moralement. C’est le moins qu’ils peuvent attendre du Secrétariat National du parti.
Par Mamadou FALL
Membre du PDS depuis 1975
Membre de la CIS Départementale de Thiès
Formateur en Mathématiques au CRFPE de Thiès
E-mail : pmofall@yahoo.fr
Pour mieux comprendre ce fléau afin d’aider à l’éradiquer définitivement de nos mœurs, nous allons dans un premier temps faire son historique 1) et dans une seconde étape, formuler quelques pistes de réflexion pour rebâtir le PDS après l’alternance 2)
1) Historique de la transhumance politique.
La transhumance politique s’est beaucoup développée au Sénégal dès le lendemain des événements de 1962. Tous les Chefs d’Etat du Sénégal en ont bénéficié au détriment de leurs opposants et surtout au préjudice de certains de leurs militants authentiques, les plus fidèles.
De prime abord, celui qui reçoit le transhumant au sein de sa formation politique peut penser que ce dernier lui apportera une valeur ajoutée mais l’expérience a montré qu’il est souvent le premier à quitter le navire en cas de naufrage. Aussi, est-il le premier à le trahir en cas de défaite. Pour illustrer nos propos, remontons une peur dans l’histoire politique contemporaine de notre pays.
a) De 1962 à 1978.
Jean Collin, Ancien Secrétaire Général du Président du Conseil, a rejoint le Président Léopold Sédar Senghor, le jour même de l’arrestation de son plus proche collaborateur. Il disait à sa secrétaire : « Je ne suis jamais avec les perdants ». Nommé Ministre de l’Intérieur, ce colon français sera pendant de longues années le premier geôlier de celui qui l’avait fait venir au Sénégal et qui l’avait intégré dans la fonction publique. De la même manière qu’il avait lâché Mamadou Dia au profit de Senghor, il trahira ce dernier en faveur de son successeur, Abdou Diouf.
Cette pathologie typiquement sénégalaise, né dès les premières heures de l’indépendance de notre pays, s’est poursuivie durant toute la première république. En effet, la plus part de « Diaïstes » et des responsables du PRA-Sénégal ont, très top, retourné leur veste pour rejoindre le Président Senghor, par simple opportunisme.
Ainsi ils ont été nommés, soit des ministres dans les différents gouvernements de la période allant de 1962 à 1978, soit des députés à l’Assemblée Nationale au cours des premières législatures. Pendant donc près de vingt (20) ans, ils n’ont fait que chanter les louanges du Président poète pour rester dans les arcanes du pouvoir. Leurs enfants ont, eux aussi, beaucoup profité des privilèges du régime socialiste en fréquentant les meilleures écoles et en bénéficiant des bourses d’études sélectives.
b) De 1978 à 2000
Le mal s’est développé et l’opposant Abdoulaye Wade en a fait les frais dès l’entrée de son parti, le PDS, à l’assemblée nationale en 1978. En effet, de dix huit (18) députés au départ, il a terminé son premier mandat à l’hémicycle avec seulement le tiers de l’effectif de ses élus. La transhumance s’est pratiquée de façon éhontée et de manière continue durant les dix neuf (19) années pendant lesquelles Diouf a exercé le pouvoir présidentiel. Paradoxalement, durant toute cette période, ce sont les transhumants qui exécutaient toutes les sales besognes. L’opposant Wade a été l’homme le plus diabolisé au Sénégal. Et, ironie du sort, ceux-là même qui, jadis, le taxait de tous les noms d’oiseau seront, en 2000, les premiers transhumants vers le PDS, parti au pouvoir.
c) De 2000 à 2007
A l’an 2000, l’alternance politique est intervenue au Sénégal et le phénomène de transhumance s’est amplifié considérablement. C’est donc des responsables du Parti Socialiste qui sont les premiers à rejoindre notre parti victorieux des ces élections présidentielles. Parmi ceux-ci, on compte les deux dames qui avaient surnommé le Secrétaire Général National de notre parti, l’une de « Hamann » et l’autre, de « Fantômas ». Le première a été nommée Ministre et la seconde comme Conseillère Technique à la Présidence de la République.
On se souvent encore d’un grand responsable socialiste qui l’avait accusé d’avoir incendié son domicile durant la campagne du premier tour et qui le rejoindra au second tour de cette même élection. Un autre haut responsable de ce même parti dira « j’ai volé de l’argent mais je l’ai partagé avec vous ». Tous les deux ont été nommés à de hauts postes de responsabilité nationale.
Des partis satellites tels que le PLS d’Ousmane Ngom, le PDS/R de Serigne Diop, le PPC de Mbaye Jacques Diop, la CDP Garap-gui d’Iba Der Thiam, l’URD de Djibo Leyti Kâ, …) se sont dissouts dans le PDS. Certains responsables de ces partis-là ont même choisi la période d’entre les deux tours, pour jeter le discrédit sur leurs anciens camarades de parti avant de migrer vers le PDS. D’autres qui avaient soutenu la candidature de l’ancien Président déchu, prennent aussitôt leur balluchon et pratiquent, sans état d’âme, ce que les sénégalais appellent communément « l’entrisme politique ».
d) De 2007 à 2012
A partir de 2007, des partis tels que And-jeef de Mamadou Diop Decroix, le FPE de Bacar Dia, le PF d’Abdou Rahim Agne et tant d’autres rejoignent la mouvance présidentielle ; ce qui donne au phénomène de transhumance politique une dimension exceptionnelle. En effet, ces différents partis constituent, à l’interne, un cocktail explosif, et à l’externe, un imbroglio très confus.
Pour ne citer qu’un seul exemple, de la même manière que la LD/MPT et l’URD avaient éclaté en 2000, le parti de Landing Savané s’implose pour donner lieu à deux formations qui se disputent le même titre And Jeef. En dehors de leur existence juridique, ces partis voraces n’ont rien apporté au PDS lors des élections passées et présentes.
Ces formations politiques, dont la plus part sont communément appelées des « partis cabine téléphonique », n’ont qu’un seul dénominateur commun, le soutien inconditionnel du Président de la République. Mais ce soutien n’est effectif que lorsque leurs Secrétaires Généraux peuvent tirer profit du régime de l’alternance. D’ailleurs, chaque fois que l’un d’eux a été remercié du gouvernement ou d’un poste de responsabilité, il ne tarde pas à rejoindre l’opposition, comme c’est le cas de Bacar Dia du FPE. C’est aussi le cas de Seydou Gueye, le porte-parole de l’APR et de Cheikh Tidiane Gadio.
Le Premier nommé a été le Ministre de la communication qui a le plus vendu l’image du Président Wade à l’intérieur du pays. Il a rendu visibles toutes les réalisations de l’alternance comme le pont de « Médina Ndiackbé » qu’il affectionnait. Tandis que le dernier cité, Ministre des Affaires Etrangères pendant dix ans, il s’était très bien occupé de l’image extérieure du Chef de l’Etat et avait représenté dignement le Sénégal à l’étranger. Malheureusement, dès après son limogeage du gouvernement, il a renié tous ses propos d’avant. La transhumance est caractérielle.
2) Rebâtir le PDS avec les anciens et éternels oubliés mais plus que fidèles!
Aujourd’hui, avec la lourde défaite de notre candidat aux élections présidentielles de 2012, il n’est pas étonnant de voir nombres de transhumants, qui jadis ont été nommés Ministres, Députés, Maires, PDG ou PCA, quitter le parti pour atterrir à l’APR de Macky SALL. Mais nous anciens PDS, qui n’avons jamais rien bénéficié du gouvernement de l’alternance et qui plus est, n’avons jamais été quitté ce parti, sommes les seuls capables de rebâti notre parti et lui redonner sa place d’antan au sein de l’opposition. Nous n’avons rien à gagner pour avoir déjà tout perdu dans ce parti.
a) Je suis un militant PDS de la première heure. Oublié, je suis resté fidèle et j’y reste.
Mon premier contact avec Maître WADE a eu lieu chez mon père, feu Souleymane FALL, sis au quartier des Eaux-Claires à Saint-Louis. Il était un fonctionnaire à la Poste. C’était un dimanche de l’année 1974 alors que j’étais élève en classe de seconde au lycée Charles De GAULLE. A cette époque, je partageais la même classe et le même table-banc avec El Hadj Ousmane Alioune NGOM. Il était mon meilleur camarade et mon plus grand ami.
Mon père fut un grand responsable de l’Union Progressiste du Sénégal (UPS,). Comme beaucoup de ses camarades, il n’était pas toujours d’accord avec la manière dont sa formation politique fonctionnait. Il en était ainsi jusqu’au jour de sa démission où il rencontra Maître avec qui il partageait, enfin, les mêmes valeurs éthiques et le même idéal politique. Malheureusement, il fut rappelé à DIEU bien avant l’accès de ce dernier à la magistrature suprême. Je prie pour le repos de son âme.
En ce dimanche de cette année 1974, une importante réunion s’est donc tenue dans notre domicile familial en présence de nombreux politiciens connus à Saint-Louis. Parmi ceux-ci, je peux citer Vieux Mafal FALL, Vieux Gilbert, Vieux Iba GUEYE, Vieux Moussa FAYE et j’en oublie. Ils étaient environ une vingtaine, dans le salon, en train d’implanter leur nouveau parti politique, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS).
Me Wade nous fit signe d’entrer dans la salle, mes frères et moi, avant d’ajouter : « Vous, les jeunes de mon pays, ce parti est le vôtre. J’enverrai, dès la semaine prochaine, le Secrétaire National des jeunes travaillistes, vous rendre visite ». C’était la première sortie du frère Serigne DIOP dans les régions nous dira-t-il. Poursuivant son message, il ajouta : « Il faudra le présenter à tous vos camarades ». Enfin il termina son adresse en ces termes : « Je vous amènerai au pouvoir et ensemble nous développerons l’Afrique et ferons du Sénégal un pays prospère».
Plus tard, mes camarades me surnommèrent « Démocrate ». Jusqu’à présent, il y en a beaucoup qui ne connaissent pas mon vrai nom. Ce pseudonyme m’a été donné par mon ami Ousmane Ngom, du fait que j’avais toujours mon journal « le démocrate » à la main.
Ce jour-là, Vieux Mafal FALL a été l’avant-dernier orateur. Il s’exprimait en ces termes : « Maître, nous t’amènerons au pouvoir car, tu as les diplômes requis et le courage de tes idées. Léo n’est pas le seul capable de diriger ce pays ». A la fin de la réunion, Me Wade donna plusieurs billets de banques à ma mère et à mes tantes. Puis mon père nous dira ceci : « Vous avez en face de vous l’homme qui succédera à Senghor au palais présidentiel ».
Quelques jours après Me WADE revint à Saint-Louis dans le cadre d’une autre tournée. En compagnie de mon père, de ses autres frères du parti et de moi-même, il s’est rendu à Ndiawdoune et à Sawagne, deux villages du Walo, pour rencontrer les premiers militants de la localité. L’accueil était chaleureux. J’étais dans la voiture de mon père, une Peugeot 203 de couleur noire. Toute la délégation se contenait dans quatre à cinq véhicules banalisés. Ce n’était pas encore la période des grands convois du parti avec sirènes et klaxons.
Plus tard une dernière tournée aura lieu dans le département de Dagana avec une étape très riche à Gaya, le village qui a vu naître mon père et en même temps le lieu de naissance d’El Hadj Mailck SY, paix sur lui. Cet homme de DIEU est le frère cadet de mon arrière grand-père Abdou Boly FALL qui finira par s’installer à Tivaouane.
La délégation s’était inclinée devant la tombe de Mame Fawade WELLE avant de regagner le domicile de Chérif NIANG, premier militant PDS de cette contrée. En sortant des cimetières, mon père dira à Me Wade : « Mame Fawade WELLE a trois enfants tous nés dans ce village. Il s’agit de Mame Abdou Boly FALL, Mame Maodo Malick et Mame Fanta NIANG ». Il ajouta : « Gaya et Tivaouane c’est la même famille ». Terminant son allocution, il dira « Tu es venu t’abreuver à la source qui t’amènera au palais in cha Alah ». Ainsi, la visite se termina par de longues prières.
A la fin de le journée de réunion, juste après le retour à Dakar de Maître, mon père me demanda de convoquer une réunion qui sera présidée par Serigne DIOP. J’ai fait appel, tout naturellement, à Ousmane Ngom et à d’autres camarades de lycée et de quartier. C’est la première réunion des jeunes du PDS à Saint-Louis.
Le brillant étudiant en droit à l’Université de Dakar avait fait une très bonne prestation avec cette phrase que j’ai entendue pour la première fois : « Maître a dit que la jeunesse de son pays vaut plus que les milliards de l’étranger ». Avant de nous quitter, je l’ai fait visiter quelques maisons voisines pour le présenter aux familles des jeunes et futurs militants.
Bien plus tard, quand j’ai obtenu mon Baccalauréat, durant l’année scolaire 1995-1996, je suis allé poursuivre mes études à Dakar et là, je me rendais souvent, avec Ousmane, au domicile de Maître WADE situé au point E. Depuis, je n’ai jamais quitté ce parti.
b) Le PDS peut encore compter sur d’anciens militants, même s’ils ont été les éternels oubliés de l’alternance.
Si j’ai tenu à rédiger ce passage, ce n’est point pour revendiquer ni mon ancienneté ni ma légitimité au PDS mais pour donner l’exemple par rapport à moi-même. Je connais mon parcours politique mieux que celui des autres. J’épargnerai mes lecteurs du reste de mon parcours politique qui a été émaillé de beaucoup d’amertumes et très lourds sacrifices.
Par ailleurs, je sais qu’il y a des militantes et des militants, comme moi, qui se sont sentis frustrés et trahis par les responsables du parti, durant tout le long de l’alternance. Nous sommes les éternels oubliés du régime libéral que nous avons porté au pouvoir après de longues et âpres luttes et au prix de grands risques. Mais, je pense que ce n’est pas une raison suffisante pour prendre le chemin de la transhumance. Il faut accepter le destin. Nous avons créé l’alternance mais d’autres, plus opportunistes que nous en ont bénéficié.
Comme vous le constater, à travers ce récit, pour mon cas personnel, celui qui devait me positionner et me parrainer c’est bien mon ami Ousmane Ngom car, c’est grâce à moi qu’il a connu de PDS. Combien de fois, il a été nommé Ministre ? Combien de fois, il a eu l’opportunité de placer ses anciens camarades de parti. Peut-être, attendait-il que je fasse la courbette devant lui !
Avant son entrée dans le premier gouvernement de majorité présidentielle élargie, il passait régulièrement la journée chez moi, chaque fois qu’il était de passage à Thiès. D’ailleurs c’est chez moi, qu’il m’a appris, en 1991, que le PDS allait faire entrer quatre Ministres dans ce gouvernement : Abdoulaye Wade, Aminata Tall, Jean Paul Diaz et lui-même. Après, il a coupé les ponts.
Je suis sûr que mon cas est un cas parmi des milliers. Mais, pour autant, je n’en veux pas à notre Secrétaire Général National. Il ne peut pas être au four et au moulin. Il ne peut pas, non plus placer tous les cades qui l’ont accompagné depuis le début de son combat politique. Tout ce qu’il pouvait faire, c’est placer certains d’entre eux à des hauts postes de responsabilité et il appartenait à ces derniers de lui emboiter le pas. Malheureusement, la chaine s’est rompue quelque part. Et beaucoup de cadres frustrés et trahis ont quitté le PDS. En 2012, il ne reste que les transhumants.
c) Tirons les leçons maintenant et préparons-nous à retourner dans l’opposition.
Sans faire de déballages, ni jeter l’anathème sur qui que ce soit, il nous faut organiser les assises de l’après alternances pour évaluer les actes que nous avons posés durant la période pendant laquelle notre parti a exercé pleinement le pouvoir. C’est en reconnaissant nos erreurs, que l’on peut repartir sur de nouvelles bases. C’est aussi, la meilleure manière de lutter contre la transhumance vers le nouveau parti au pouvoir. Il faut laisser les oubliés exprimer leur sentiment de frustration.
Tous les anciens cadres qui ont été écartés durant ces douze longues années doivent pouvoir enfin réhabilités moralement. C’est le moins qu’ils peuvent attendre du Secrétariat National du parti.
Par Mamadou FALL
Membre du PDS depuis 1975
Membre de la CIS Départementale de Thiès
Formateur en Mathématiques au CRFPE de Thiès
E-mail : pmofall@yahoo.fr