Durant 38 ans j’ai porté l’uniforme des Eaux et forêts, après avoir juré devant la Cour d’accomplir ma mission conformément aux lois et règlements de la République. J’ai donc partagé ma tumultueuse carrière avec de braves militaires, gendarmes, policiers et douaniers, dans un environnement parsemé d’embûches, de dangers et de risques de toutes sortes, dans les forêts et parcs nationaux de mon pays. De nuit comme de jour, j’ai parcouru ces repaires de lions, de loups d’Afrique, de serpents venimeux, de scorpions noirs au dard mortel et de redoutables braconniers et contrebandiers armés jusqu’aux dents. Certains de ces hommes de tenue sont devenus plus tard des Officiers généraux, des hauts gradés de la police et de la douane.
Mes collègues en uniforme ne peuvent guère exprimer la rage qui les étrangle, car l’obligation de réserve les oblige à garder dignement le silence, quel que soit l’intensité de la douleur qui les tenaille. Ils ont choisi pour toujours d’exécuter les ordres « sans hésitations ni murmure » et de se mettre au garde-à-vous au service exclusif de la Nation.
En ma qualité d’écrivain et de combattant irréductible de l’injustice et de l’arbitraire, j’ai décidé aujourd’hui de prendre cette arme de paix qu’est ma plume et de m’adresser à mes compatriotes. Je voudrais leur demander de tempérer leur tendance injuste et arbitraire, à mépriser ces valeureux hommes et femmes de tenue au service de la Nation. Nous devrions faire preuve de sagesse et nous abstenir à jeter sur nos forces de l’ordre l’opprobre et d’appeler sur leurs éléments, la vindicte populaire, dès qu’une bavure est commise par l’un de leurs éléments en service commandé.
Je suis ulcéré de constater la hargne avec laquelle mes compatriotes déversent leur bile sur les hommes et femmes en uniformes, chaque fois qu’il y a blessure grave ou mort d’homme, durant une opération de maintien de l’ordre ou d’arrestation d’un délinquant.
Que les démagogues ne m’accusent surtout pas de tenter de banaliser les bavures ou d’absoudre un acte de violence gratuit, comparable à celui que vient de commettre ce gendarme ivoirien qui a récemment abattu un de nos compatriotes à bout portant, dans une rue d’Abidjan !
Mon propos a pour simple objet d’inviter mes compatriotes à imaginer le scénario comparable à la fiction de ma grande sœur Aminata S. Fall, à travers son roman « La grève des bàttu ». Imaginons donc un scénario selon lequel les forces de l’ordre tous corps confondus, feraient une simple grève de zèle en n’effectuant plus aucune patrouille, en n’arrêtant plus aucun délinquant, en laissant la circulation à la merci des chauffards, en laissant n’importe qui pénétrer librement dans les domiciles et immeubles officiels, en refusant d’aller éteindre les incendies de ville ou de brousse, en laissant les contrebandiers et les braconniers piller nos ressources économiques et naturelles ! Que deviendrait alors notre société face à un tel scénario chaotique ?
Je voudrais rappeler à mes compatriotes qu’un certain 16 février 1994, cinq policiers en service commandé, ont été lâchement surpris dans leur véhicule de service et sauvagement assassinés par une horde de manifestants hystériques aux allées du Centenaire et en plein jour. Ce fut un mois de ramadan ! Certains de ces policiers avaient leur chapelet à la main, d’autres étaient en train de lire des «xassaaid». Parmi eux, il y avait le jeune Lieutenant Mamadou Diop que ses camarades de promotion appelaient respectueusement :« Diop mara », du fait de sa grande piété. Un autre agent de la Police nationale qui poursuivait un dealer sur la plage de Mbour a été lynché à mort par les populations complices du trafiquant fugitif. Les protecteurs du dealer, comme une horde de guerriers indiens, se sont mis à poursuivre le policier en criant : « Au voleur ! au voleur ! » avant de l’exécuter à coups de gourdins et de barres de fer.
Du côté des Eaux et forêts, le Lieutenant Djiby Ndiaye, Chef de la Réserve de faune de Ranérou, a été lâchement abattu par un assassin qui par la suite, n’a même pas purgé un mois de prison, suite à d’obscures pressions. Toujours dans le corps des Eaux et Forêts, le paroxysme de l’horreur a été atteint avec l’assassinat du Garde forestier Demba Sarr, déchiqueté à coups de hache et de machette par des exploitants forestiers fraudeurs, dans la forêt de Malem Hoddar!
On peut également rappeler la fin tragique du Gardien de faune Parfait Mané, abattu à la fleur de l’âge, en 1982 par des braconniers au Parc du Niokolo Koba. Dans le même parc, François Bringale et Mamadou Sagna ont été grièvement blessés par des braconniers surarmés.
Lors des récentes manifestations préélectorales de 2012, certes des civils ont trouvé la mort, tout le monde le regrette, mais pourquoi donc tous ceux qui crient sur le forces de l’ordre n’en font-il pas autant quand un militaire ou paramilitaire est assassiné ? Pourquoi ceux qui demandent justice pour les victimes civiles n’en font-ils pas autant pour le jeune policier Fodé Ndiaye qui a été cruellement assassiné ? Quand j’ai vu la vidéo de l’assassinat de Fodé Ndiaye, montrant des jeunes qui s’acharnaient sauvagement sur le corps agonisant du policier, j’ai eu de la peine à croire qu’un Sénégalais pouvait être aussi cruel à l’endroit d’un être humain! Et pourtant, les demandeurs de justice ne sont presque pas émus par ce crime perpétré contre ce brave et jeune policier. Peut-être même se diraient-ils : « Bien fait pour sa gueule » ?
Mes chers compatriotes ! Les militaires, gendarmes, Sapeurs pompiers, douaniers et agents des Eaux et Forêts ne sont ni des meurtriers, ni des assassins, encore moins des tortionnaires invétérés. Ce sont des citoyens comme vous et moi susceptibles de commettre des fautes ou des erreurs humainement compréhensibles. En effet, sur les théâtres d’opérations, ils peuvent disjoncter, ils peuvent s’affoler, ils peuvent avoir peur, ils peuvent se tromper… Ce n’est pas pour autant que leurs compatriotes qu’ils ont toujours protégés doivent se retourner contre eux pour se mettre à les mépriser, à les insulter et à les accuser de tous les péchés d’Israël. Combien de fois a-t-on vu des bus ou des camions fous massacrer d’innombrables citoyens innocents par imprudence, inattention ou négligence, sans soulever autant de colère que dans le cas où un homme en uniforme est impliqué dans une bavure dans l’exercice de ses fonctions ?
Mes chers compatriotes n’oublions pas, n’oublions surtout pas que ces militaires et paramilitaires qui sous le soleil, la pluie et dans les ténèbres, risquent quotidiennement leur vie pour assurer notre sécurité, ont aussi une famille. Ils ont des femmes et des enfants comme vous et moi. Ils sont certes justiciables comme tout le monde, mais ils ont droit à notre solidarité, à notre soutien, à notre respect et à notre bien aimable compréhension.
Encore une fois, Non ! Les gendarmes, les policiers, les Sapeurs pompiers, les douaniers et les agents des Eaux et forêts et des Parcs nationaux ne sont pas des meurtriers ! Ils sont à notre service, en dépit de ces bavures inévitables et inhérentes à leur métier de sécurisation et de maintien de l’ordre. Nous le savons tous, on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs !
A tous ces soldats de la Nation, je dis ceci : Du courage les gars ! «On vous tue mais on ne vous déshonore pas ! » Continuez donc à « Sauver ou périr » !
Moumar GUEYE
Ecrivain
E-mail : moumar@orange.sn
Mes collègues en uniforme ne peuvent guère exprimer la rage qui les étrangle, car l’obligation de réserve les oblige à garder dignement le silence, quel que soit l’intensité de la douleur qui les tenaille. Ils ont choisi pour toujours d’exécuter les ordres « sans hésitations ni murmure » et de se mettre au garde-à-vous au service exclusif de la Nation.
En ma qualité d’écrivain et de combattant irréductible de l’injustice et de l’arbitraire, j’ai décidé aujourd’hui de prendre cette arme de paix qu’est ma plume et de m’adresser à mes compatriotes. Je voudrais leur demander de tempérer leur tendance injuste et arbitraire, à mépriser ces valeureux hommes et femmes de tenue au service de la Nation. Nous devrions faire preuve de sagesse et nous abstenir à jeter sur nos forces de l’ordre l’opprobre et d’appeler sur leurs éléments, la vindicte populaire, dès qu’une bavure est commise par l’un de leurs éléments en service commandé.
Je suis ulcéré de constater la hargne avec laquelle mes compatriotes déversent leur bile sur les hommes et femmes en uniformes, chaque fois qu’il y a blessure grave ou mort d’homme, durant une opération de maintien de l’ordre ou d’arrestation d’un délinquant.
Que les démagogues ne m’accusent surtout pas de tenter de banaliser les bavures ou d’absoudre un acte de violence gratuit, comparable à celui que vient de commettre ce gendarme ivoirien qui a récemment abattu un de nos compatriotes à bout portant, dans une rue d’Abidjan !
Mon propos a pour simple objet d’inviter mes compatriotes à imaginer le scénario comparable à la fiction de ma grande sœur Aminata S. Fall, à travers son roman « La grève des bàttu ». Imaginons donc un scénario selon lequel les forces de l’ordre tous corps confondus, feraient une simple grève de zèle en n’effectuant plus aucune patrouille, en n’arrêtant plus aucun délinquant, en laissant la circulation à la merci des chauffards, en laissant n’importe qui pénétrer librement dans les domiciles et immeubles officiels, en refusant d’aller éteindre les incendies de ville ou de brousse, en laissant les contrebandiers et les braconniers piller nos ressources économiques et naturelles ! Que deviendrait alors notre société face à un tel scénario chaotique ?
Je voudrais rappeler à mes compatriotes qu’un certain 16 février 1994, cinq policiers en service commandé, ont été lâchement surpris dans leur véhicule de service et sauvagement assassinés par une horde de manifestants hystériques aux allées du Centenaire et en plein jour. Ce fut un mois de ramadan ! Certains de ces policiers avaient leur chapelet à la main, d’autres étaient en train de lire des «xassaaid». Parmi eux, il y avait le jeune Lieutenant Mamadou Diop que ses camarades de promotion appelaient respectueusement :« Diop mara », du fait de sa grande piété. Un autre agent de la Police nationale qui poursuivait un dealer sur la plage de Mbour a été lynché à mort par les populations complices du trafiquant fugitif. Les protecteurs du dealer, comme une horde de guerriers indiens, se sont mis à poursuivre le policier en criant : « Au voleur ! au voleur ! » avant de l’exécuter à coups de gourdins et de barres de fer.
Du côté des Eaux et forêts, le Lieutenant Djiby Ndiaye, Chef de la Réserve de faune de Ranérou, a été lâchement abattu par un assassin qui par la suite, n’a même pas purgé un mois de prison, suite à d’obscures pressions. Toujours dans le corps des Eaux et Forêts, le paroxysme de l’horreur a été atteint avec l’assassinat du Garde forestier Demba Sarr, déchiqueté à coups de hache et de machette par des exploitants forestiers fraudeurs, dans la forêt de Malem Hoddar!
On peut également rappeler la fin tragique du Gardien de faune Parfait Mané, abattu à la fleur de l’âge, en 1982 par des braconniers au Parc du Niokolo Koba. Dans le même parc, François Bringale et Mamadou Sagna ont été grièvement blessés par des braconniers surarmés.
Lors des récentes manifestations préélectorales de 2012, certes des civils ont trouvé la mort, tout le monde le regrette, mais pourquoi donc tous ceux qui crient sur le forces de l’ordre n’en font-il pas autant quand un militaire ou paramilitaire est assassiné ? Pourquoi ceux qui demandent justice pour les victimes civiles n’en font-ils pas autant pour le jeune policier Fodé Ndiaye qui a été cruellement assassiné ? Quand j’ai vu la vidéo de l’assassinat de Fodé Ndiaye, montrant des jeunes qui s’acharnaient sauvagement sur le corps agonisant du policier, j’ai eu de la peine à croire qu’un Sénégalais pouvait être aussi cruel à l’endroit d’un être humain! Et pourtant, les demandeurs de justice ne sont presque pas émus par ce crime perpétré contre ce brave et jeune policier. Peut-être même se diraient-ils : « Bien fait pour sa gueule » ?
Mes chers compatriotes ! Les militaires, gendarmes, Sapeurs pompiers, douaniers et agents des Eaux et Forêts ne sont ni des meurtriers, ni des assassins, encore moins des tortionnaires invétérés. Ce sont des citoyens comme vous et moi susceptibles de commettre des fautes ou des erreurs humainement compréhensibles. En effet, sur les théâtres d’opérations, ils peuvent disjoncter, ils peuvent s’affoler, ils peuvent avoir peur, ils peuvent se tromper… Ce n’est pas pour autant que leurs compatriotes qu’ils ont toujours protégés doivent se retourner contre eux pour se mettre à les mépriser, à les insulter et à les accuser de tous les péchés d’Israël. Combien de fois a-t-on vu des bus ou des camions fous massacrer d’innombrables citoyens innocents par imprudence, inattention ou négligence, sans soulever autant de colère que dans le cas où un homme en uniforme est impliqué dans une bavure dans l’exercice de ses fonctions ?
Mes chers compatriotes n’oublions pas, n’oublions surtout pas que ces militaires et paramilitaires qui sous le soleil, la pluie et dans les ténèbres, risquent quotidiennement leur vie pour assurer notre sécurité, ont aussi une famille. Ils ont des femmes et des enfants comme vous et moi. Ils sont certes justiciables comme tout le monde, mais ils ont droit à notre solidarité, à notre soutien, à notre respect et à notre bien aimable compréhension.
Encore une fois, Non ! Les gendarmes, les policiers, les Sapeurs pompiers, les douaniers et les agents des Eaux et forêts et des Parcs nationaux ne sont pas des meurtriers ! Ils sont à notre service, en dépit de ces bavures inévitables et inhérentes à leur métier de sécurisation et de maintien de l’ordre. Nous le savons tous, on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs !
A tous ces soldats de la Nation, je dis ceci : Du courage les gars ! «On vous tue mais on ne vous déshonore pas ! » Continuez donc à « Sauver ou périr » !
Moumar GUEYE
Ecrivain
E-mail : moumar@orange.sn