Connectez-vous
NDARINFO.COM
NDARINFO.COM NDARINFO.COM
NDARINFO.COM
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte

Maladies cardiaques: pourquoi le fléau s'amplifie à Saint-Louis

Jeudi 24 Novembre 2016

Professeur, faites-nous l’état des maladies cardiovasculaires au Sénégal ?

De manière générale, les maladies cardiovasculaires sont les plus fréquentes au monde. Et sont émergentes en Afrique. Au Sénégal, elles sont la première cause de décès chez l’adulte. Elles sont l’hypertension artérielle, la crise cardiaque, les Accidents vasculaires cérébraux (Avc). En pleine émergence au Sénégal, elles constituent le gros du lot. A côté de ces maladies universelles, il y a d’autres plus fréquentes dans les pays en voie de développement. Puisqu’elles sont intimement liées au sous-développement. C’est le cas des cardiopathies rhumatismales, c’est-à-dire des maladies qui touchent surtout l’enfant et qui sont dues à des angines de gorge d’enfant mal traités. Il y a aussi les maladies héréditaires présentes dans d’autres pays du monde et qu’on retrouve au Sénégal.

A combien peut-on chiffrer le nombre de malades cardiovasculaires au Sénégal ?

Au moins 24, voire 25% des Sénégalais sont hypertendus. L’hypertension artérielle est une maladie chronique. Les facteurs de risque comme le cholestérol sont très fréquents et touchent au moins un tiers de la population. Donc, c’est un quart de la population adulte qui est atteint. Les autres facteurs de risque ont été moins documentés, mais on constate qu’ils sont tout à fait fréquents. D’après mes études, la crise cardiaque peut atteindre 2% dans certaines localités. C’est le cas de la région de Saint-Louis qui a une fréquence très forte de ces maladies cardiovasculaires. C’est un chiffre qui peut être comparé à ce qu’on peut retrouver dans d’autres pays. En gros, ces maladies sont un véritable enjeu de santé publique au Sénégal.

«Une opération du cœur peut coûter trois millions FCfa ou plus»
C’est quoi donc l’hypertension artérielle ?

L’hypertension artérielle peut être définie comme l’augmentation de la pression du sang dans nos artères. Le cœur reçoit du sang par des canaux appelés veines et doit chercher le sang dans les différentes parties du corps pour l’irriguer. Les canaux qui distribuent le sang à partir du cœur sont appelés artères. La pression sanguine ne doit être ni trop forte ni très faible. Parce que si la pression est trop forte, cela peut abimer les artères et les organes, en créant une sorte d’inondation. C’est cette forte pression qu’on appelle hypertension artérielle. Il ne faut pas que les chiffres de pression artérielle dépassent 140 et 90. Puisqu’on a deux chiffres de pression : les chiffres maximums et minimums. Cette maladie détériore les organes. Et les trois organes les plus atteints sont le cœur, les reins et le cerveau. Ainsi l’hypertension artérielle est-elle la principale cause de maladie rénale chronique, c’est-à-dire de dialyse, d’Avc et de crise cardiaque.

Il est difficile, voire impossible pour un Sénégalais qui peine à réunir les deux bouts, de suivre correctement un traitement. Qu’est-ce qui l’explique ?

Il se pose d’abord un problème d’accessibilité géographique. Parce que 90 cardiologues qui sont essentiellement à Dakar ne peuvent pas couvrir 13 millions d’habitants. Il y a aussi que les autres régions du Sénégal n’ont pas de cardiologues, encore moins d’infrastructures. La question financière est cruciale. Pour le cas de l’hypertension artérielle, outre le sport et le régime alimentaire approprié, il faut évidemment prendre des médicaments. Une moyenne des hypertendus prend deux médicaments, avec des traitements qui peuvent coûter mensuellement 20 000, voire 30 000 FCfa. En plus, pour le traitement d’une maladie chronique, on peut se retrouver avec des ordonnances de 50 000 FCfa par mois et de manière continue.

Mais, s’il y a une maladie cardiaque avérée, il y a trois options de traitement : outre les médicaments, on peut arriver à vouloir déboucher une artère, ce qui peut avoisiner deux millions FCfa. La troisième option, c’est la chirologie qui, lorsque le cœur est déjà altéré, il faudra forcément l’opérer. Cela est coûteux et peut atteindre trois millions FCfa, voire plus, en fonction du type et de la complexité de l’opération. Les maladies cardiovasculaires sont très coûteuses. Et beaucoup de Sénégalais n’ont pas les moyens de se soigner. C’est ce qu’on vit actuellement. Aujourd’hui, beaucoup, de personnes n’ont pas accès aux soins. Et perdent la vie, faute de moyens.

«On n’a que deux salles d’angiographie fonctionnelles et 80 à 100 cardiologues dans tout le pays»
Comment donc prendre en charge ces maladies ?

Il y a un problème de prise en charge qui est cortolaire à l’équipement, d’une part et aux ressources humaines, d’autre part. S’agissant des ressources humaines, on n’est pas nombreux malheureusement. Puisqu’on tourne autour de 80 et 100 cardiologues au Sénégal. Ce qui est insuffisant pour une population estimée à 13 millions d’âmes. A ce titre, il y a surtout nécessité de développer des compétences de cardiologie chez les médecins généralistes et les infirmiers. Ce qui n’est pas encore le cas, alors qu’ils pourraient jouer un rôle de relais. Il faudra donc beaucoup de temps pour combler le gap. Par ailleurs, on est très en retard sur la question des infrastructures. Puisqu’on a peu de services de cardiologies. On en a cinq, voire six dans l’ensemble du territoire national.

Donc, la plupart des régions n’en ont pas. On a également des insuffisances d’équipements. Car on n’a que deux salles d’angiographie fonctionnelles dans tout le pays. La réalité est qu’on a besoin d’autres salles à Dakar et dans les régions. Certains services sont un peu pourvus, mais beaucoup en manquent, surtout dans les secteurs périphériques où il y a des insuffisances. Il y a des équipements de base qu’on doit y retrouver. Les maladies cardiovasculaires doivent être d’abord prises en charge dans les Centres de santé et permettre aux populations d’avoir un accès facile pour le dépistage.

Les Avc sont de plus en plus fréquents. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
 
C’est vrai que les Accidents vasculaires cérébraux sont de plus en plus fréquents. Leur principale cause reste l’hypertension artérielle. Les Avc sont aussi favorisés par notre mode de vie. On mange salé, ce qui augmente l’hypertension. On mange gras, ce qui augmente notre taux de cholestérol et notre poids. On mange trop sucré, ce qui fait qu’on est devenu plus diabétique. Outre, on fait moins d’activités physiques. Donc, c’est le diabète, le cholestérol, le tabac, le stress, etc. qui causent l’Avc. Et puisque l’hypertension a augmenté de façon extraordinaire dans notre pays, on peut donc s’attendre à ce que les Avc augmentent. L’Avc, comme la crise cardiaque, est une maladie qui peut tuer en une fraction de minutes ou lentement.

Les Avc sont d’ailleurs les premières causes de handicap au monde. Et ont des dimensions sociologiques très fortes. J’ai vu des Sénégalais abandonner leurs parents, parce qu’ils se retrouvaient avec des hospitalisations trop longues et très coûteuses. Ils étaient souvent ruinés à dépenser de l’argent et parfois obligés d’arrêter leur travail. Des familles mêmes se sont déchirées, en se renvoyant la balle.

«Le tabac peut entraîner immédiatement une crise cardiaque»
Comment donc lutter contre ces maladies ?
 
Il faut agir sur différents niveaux. Dans certains pays, on a pu faire disparaître des maladies liées au sous-développement, notamment l’angine chez l’enfant, due aux difficiles conditions de vie, comme la promiscuité. C’est une question de justice sociale, d’assainissement et de développement. Sur ce point, on a beaucoup à faire, en regardant nos villes. En attendant, on peut prévenir, car certaines maladies sont dues aux comportements alimentaires. Il faut faire des exercices physiques, mais aussi réglementer le secteur de l’alimentation. L’Afrique a la législation en matière alimentaire la plus faible.

Et on oublie qu’un tiers des décès dus aux maladies cardiovasculaire, est causé par l’alimentation. Il faut donc de bons messages publicitaires sur l’alimentation et non le contraire. Les aliments industriels, comme les bouillons, les pâtisseries et la charcuterie, de même que la pollution, sont le plus souvent délétères et dangereux. Parce qu’ils renferment beaucoup plus de sel. Il faut donc privilégier l’alimentation saine et équilibrée, c’est-à-dire celle qui vienne de la nature et arrêter de prendre l’alcool et de fumer.

Puisque le tabac peut entraîner immédiatement une crise cardiaque. Et l’on peut mourir après quelques bouffées de cigarette. Personne n’est à l’abri de ces maladies. Il faut donc aller se faire consulter, lorsqu’on sent une douleur dans la poitrine, un essoufflement inhabituel, des palpitations ou encore quand on a du mal à prononcer ou articuler des mots, etc.
 
AAD Senxibar
 
 


Nouveau commentaire :
Twitter

Merci d'éviter les injures, les insultes et les attaques personnelles. Soyons courtois et respectueux et posons un dialogue positif, franc et fructueux. Les commentaires injurieux seront automatiquement bloqués. Merci d'éviter les trafics d'identité. Les messages des faiseurs de fraude sont immédiatement supprimés.