Si l’Etat a su être sur ses gardes et prévenir les troubles qu’auraient pu entrainer le verdict de la CREI, il doit redoubler d’effort pour prévenir les troubles qui seraient liés à une proche pénurie de riz sur le marché sénégalais et à une hausse généralisée des prix de toutes les catégories de cette denrée même ceux dont les prix sont homologués. Ce phénomène se profile à l’horizon avec une probabilité très proche de un.
La seule chose qui peut empêcher sa réalisation est la non application de la mesure protectionniste qui résultera du protocole d’accord signé entre différent acteurs de la filière riz, fixant le quota des importations à 500 000 tonnes. C’était le 20 Mars dernier.
« Le protocole qui précise les engagements et les obligations des différentes parties en l’occurrence les importateurs, la Saed, la Bnde, et les riziers. », selon le reporter Serigne Mansour Sy CISSE qui poursuit : « Le protocole d’accord qui a été signé permettra, selon le ministre, de réguler les importations du riz au Sénégal et d’aménager un marché tourné vers l’offre locale. De l’avis du ministre, avec un chiffre d’affaires annuel de près de 200 milliards de FCfa, l’option de régulation des importations est synonyme de croissance économique, de création d’emplois, de souveraineté alimentaire et de stabilité sociale.
A son avis, les 200 milliards de FCfa secteurs essentiels comme l’éducation, la santé, etc. ». En d’autres circonstances, je dirais que cet avis ridicule. Mais, il s’agit de choses sérieuses et très sérieuses même. Il s’agit bien de la sécurité alimentaire des sénégalais et même de la sureté de l’Etat. Mais où est-ce que nous allons trouver les 700 000 T restant pour relever le défis de nourrir les sénégalais cette année ? Faisons parler quelques chiffres du « bulletin de suivi de hebdomadaires de campagne agricoles » de la SAED.
D’abord, les prévisions de mise en valeur portent sur une superficie estimée à 57 205 hectares dont 54 400 ha sont réservés à la riziculture, soit 95%. Ensuite, les autres chiffres sont résumés dans le tableau suivant.
Tableau 1 : superficies (ha) d’emblavure de riz dans les 4 délégations de la SAED : prévisions totales et réalisation hebdomadaires. (Source : BSHCA, Saed)
Ces chiffres appellent un certain nombre de considérations. D’abord, pour les chiffres de la délégation de Dagana, beaucoup d’acteurs de terrain s’interrogent sur leur véracité. (Qui trompe qui ici ?). Ensuite, pour les dates, officiellement les semis de la contre saison chaude doivent être terminés au plus tard le 30 mars. En spéculant positivement, on peut dire que le retard n’est pas grave car les paysans se sont adaptés au prolongement du froid de cette année. Mais dans la réalité, ce retard est handicapant et n’est point une adaptation.
Avec l’épongement des dettes de l’an dernier, la grande majorité des producteurs n’ont pas payé leurs crédits de cette année. Ce qui les empêcherait de bénéficier de nouveaux crédits pour cette contre saison et de réaliser les prévisions à temps.
Normalement aujourd’hui toutes les prévisions devraient être réalisées surtout pour Bakel et Matam dont la canicule des mois d’Avril et de Mai sera surement responsable, au moins, d’un mauvais développement végétatif si on continue de semer. Sur le plan technique, les semis qui se réaliseront à partir du mois d’Avril, vont empiéter sur la saison hivernale ; ce qui risque de compromettre aussi les prévisions de récolte de toute la saison hivernale 2015. Tout compte fait, les rendements atteindront difficilement 3 tonnes à l’hectare, si les prévisions sont atteintes. Rappelons que les rendements annoncés de 7,5 t (avec des pics de 12) cette année est une manipulation de l’autorité qui se laisse berner.
Avec ces chiffres une certitude se dégage : les prévisions ne vont pas se réaliser. Alors, ne devons- nous pas avoir peur de la mesure protectionniste ? Avant de prendre une telle mesure, il faut savoir ce que l’on protège d’abord. Déjà, le terrain révèle que les statistiques (559.021 tonnes de riz paddy cette année) ne sont que chimère. Beaucoup d’opérateurs n’ont pu trouver ce paddy annoncé avec beaucoup de certitude. La justification est que ce sont les commerçants informels (baol-baol) qui ont précédé les opérateurs (c’est très facile comme justification).
Faut-il rappeler que chaque année, le consommateur sénégalais souffre en silence de la spéculative mesure de protection sur l’oignon ? Mais le riz n’est pas l’oignon.
D’ailleurs, même si notre production devenait suffisante et de bonne qualité, nous aurions un gros effort à faire sur le coût de production pour permettre au « gorgorlou » de le consommer. Le riz irrigué sénégalais est l’un des plus chers au monde car son coût est très élevé et c’est là qu’il faut faire un effort. Au-delà de la quantité de production, seule la compétitivité de notre riz permettra de nourrir tous les sénégalais et de prendre donc des mesures protectionnistes. Sinon, d’autres mesures (subvention et péréquation) sont plus adaptées à cette période pour vendre le riz sénégalais. La compétitivité appuyé par le marketing en cours de l’humoriste Khoutia (qui doit être décoré par le chef de l’Etat ?) avec son cri de ralliement : « ceebu waalo, do toog do taxaw », permettrait aux sénégalais de consommer, surement, le riz local et de tendre asymptotiquement à la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans 10 ans.
Nous avons, néanmoins, peur que l’effort de Khoutia ne soit vain comme l’a été l’inspiration de Salam Diallo sur la GOANA. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : à quelques exceptions près, les mêmes personnes qui avaient portées la GOANA, portent ce nouveau programme riz avec la même certitude d’atteinte des résultats.
Pour terminer, nous avions déjà attiré l’attention sur la mauvaise définition de PNAR 2017 (voir contribution « autosuffisance en riz : ne fermez pas le débat »). Dans sa mise en œuvre, nous avons noté que sur le terrain que la distribution du matériel agricole est problématique (les femmes se plaignent déjà en attendant le second lot). Mais le plus grave encore est que beaucoup de nouveaux aménagements dits « du PRACAS » sont sans drainage. Les conséquences de cette option ne tarderont pas à se manifester.
Dans 3 à 4 ans, tous ces aménagements seront abandonnés par les producteurs car la salinité va prendre une telle ampleur que les rendements seront presque nuls. Des investissements qui devaient être durables, seront fugaces et la production qui va, certes, un peu augmenter chutera brutalement dans 3 ans. C’est bien calculer, on sera en 2018.
Alors où se trouve l’autosuffisance et surtout l’émergence à l’horizon 2030 ?
Amadou NDIAYE
UFR S2ATA UGB
La seule chose qui peut empêcher sa réalisation est la non application de la mesure protectionniste qui résultera du protocole d’accord signé entre différent acteurs de la filière riz, fixant le quota des importations à 500 000 tonnes. C’était le 20 Mars dernier.
« Le protocole qui précise les engagements et les obligations des différentes parties en l’occurrence les importateurs, la Saed, la Bnde, et les riziers. », selon le reporter Serigne Mansour Sy CISSE qui poursuit : « Le protocole d’accord qui a été signé permettra, selon le ministre, de réguler les importations du riz au Sénégal et d’aménager un marché tourné vers l’offre locale. De l’avis du ministre, avec un chiffre d’affaires annuel de près de 200 milliards de FCfa, l’option de régulation des importations est synonyme de croissance économique, de création d’emplois, de souveraineté alimentaire et de stabilité sociale.
A son avis, les 200 milliards de FCfa secteurs essentiels comme l’éducation, la santé, etc. ». En d’autres circonstances, je dirais que cet avis ridicule. Mais, il s’agit de choses sérieuses et très sérieuses même. Il s’agit bien de la sécurité alimentaire des sénégalais et même de la sureté de l’Etat. Mais où est-ce que nous allons trouver les 700 000 T restant pour relever le défis de nourrir les sénégalais cette année ? Faisons parler quelques chiffres du « bulletin de suivi de hebdomadaires de campagne agricoles » de la SAED.
D’abord, les prévisions de mise en valeur portent sur une superficie estimée à 57 205 hectares dont 54 400 ha sont réservés à la riziculture, soit 95%. Ensuite, les autres chiffres sont résumés dans le tableau suivant.
Tableau 1 : superficies (ha) d’emblavure de riz dans les 4 délégations de la SAED : prévisions totales et réalisation hebdomadaires. (Source : BSHCA, Saed)
Dagana | Podor | Matam | Bakel | |
Prévisions | 44100 | 9 150 | 2 455 | 1 500 |
24 février | 1 142 | |||
19 mars | 13 311 | 684 | ||
24 mars | 18 620 | 1303 | 5 | |
42% | 14% | 0,2 % | 0¨% |
Ces chiffres appellent un certain nombre de considérations. D’abord, pour les chiffres de la délégation de Dagana, beaucoup d’acteurs de terrain s’interrogent sur leur véracité. (Qui trompe qui ici ?). Ensuite, pour les dates, officiellement les semis de la contre saison chaude doivent être terminés au plus tard le 30 mars. En spéculant positivement, on peut dire que le retard n’est pas grave car les paysans se sont adaptés au prolongement du froid de cette année. Mais dans la réalité, ce retard est handicapant et n’est point une adaptation.
Avec l’épongement des dettes de l’an dernier, la grande majorité des producteurs n’ont pas payé leurs crédits de cette année. Ce qui les empêcherait de bénéficier de nouveaux crédits pour cette contre saison et de réaliser les prévisions à temps.
Normalement aujourd’hui toutes les prévisions devraient être réalisées surtout pour Bakel et Matam dont la canicule des mois d’Avril et de Mai sera surement responsable, au moins, d’un mauvais développement végétatif si on continue de semer. Sur le plan technique, les semis qui se réaliseront à partir du mois d’Avril, vont empiéter sur la saison hivernale ; ce qui risque de compromettre aussi les prévisions de récolte de toute la saison hivernale 2015. Tout compte fait, les rendements atteindront difficilement 3 tonnes à l’hectare, si les prévisions sont atteintes. Rappelons que les rendements annoncés de 7,5 t (avec des pics de 12) cette année est une manipulation de l’autorité qui se laisse berner.
Avec ces chiffres une certitude se dégage : les prévisions ne vont pas se réaliser. Alors, ne devons- nous pas avoir peur de la mesure protectionniste ? Avant de prendre une telle mesure, il faut savoir ce que l’on protège d’abord. Déjà, le terrain révèle que les statistiques (559.021 tonnes de riz paddy cette année) ne sont que chimère. Beaucoup d’opérateurs n’ont pu trouver ce paddy annoncé avec beaucoup de certitude. La justification est que ce sont les commerçants informels (baol-baol) qui ont précédé les opérateurs (c’est très facile comme justification).
Faut-il rappeler que chaque année, le consommateur sénégalais souffre en silence de la spéculative mesure de protection sur l’oignon ? Mais le riz n’est pas l’oignon.
D’ailleurs, même si notre production devenait suffisante et de bonne qualité, nous aurions un gros effort à faire sur le coût de production pour permettre au « gorgorlou » de le consommer. Le riz irrigué sénégalais est l’un des plus chers au monde car son coût est très élevé et c’est là qu’il faut faire un effort. Au-delà de la quantité de production, seule la compétitivité de notre riz permettra de nourrir tous les sénégalais et de prendre donc des mesures protectionnistes. Sinon, d’autres mesures (subvention et péréquation) sont plus adaptées à cette période pour vendre le riz sénégalais. La compétitivité appuyé par le marketing en cours de l’humoriste Khoutia (qui doit être décoré par le chef de l’Etat ?) avec son cri de ralliement : « ceebu waalo, do toog do taxaw », permettrait aux sénégalais de consommer, surement, le riz local et de tendre asymptotiquement à la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans 10 ans.
Nous avons, néanmoins, peur que l’effort de Khoutia ne soit vain comme l’a été l’inspiration de Salam Diallo sur la GOANA. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : à quelques exceptions près, les mêmes personnes qui avaient portées la GOANA, portent ce nouveau programme riz avec la même certitude d’atteinte des résultats.
Pour terminer, nous avions déjà attiré l’attention sur la mauvaise définition de PNAR 2017 (voir contribution « autosuffisance en riz : ne fermez pas le débat »). Dans sa mise en œuvre, nous avons noté que sur le terrain que la distribution du matériel agricole est problématique (les femmes se plaignent déjà en attendant le second lot). Mais le plus grave encore est que beaucoup de nouveaux aménagements dits « du PRACAS » sont sans drainage. Les conséquences de cette option ne tarderont pas à se manifester.
Dans 3 à 4 ans, tous ces aménagements seront abandonnés par les producteurs car la salinité va prendre une telle ampleur que les rendements seront presque nuls. Des investissements qui devaient être durables, seront fugaces et la production qui va, certes, un peu augmenter chutera brutalement dans 3 ans. C’est bien calculer, on sera en 2018.
Alors où se trouve l’autosuffisance et surtout l’émergence à l’horizon 2030 ?
Amadou NDIAYE
UFR S2ATA UGB