Cher Thierno,
Je ne vous connais pas. Peut être même aurai-je vécu toute ma vie sans jamais penser à vous, vous croiser, vous parler ou encore moins vous écrire. Pas que j’ignore que vous représentez votre peuple à son Assemblée. Que non! Je sais même que vous y siégez, au nom du peuple, pour le compte du parti politique Rewmi. Voilà tout ce que je sais de vous. Mais votre douleur me lacère si vivement le cœur qu’il m’est impérieux de m’abandonner à l’étreinte de ces mots que je vous adresse pour, non pas vous soutenir (le seul soutien qui vaille, en ces circonstances, me parait être celui qui vient de votre propre peine, qui vient de vous même. (« Soutiens-toi toi même », pour détourner la célèbre maxime philosophique), ni vous réconforter (le seul réconfort qui vaille, en ces circonstances, me parait être l’amour des vôtres) mais pour pleurer avec vous ce si brusque envol de Vieux. Brusque envol oui !
Quand j’étais jeune enfant Thierno, j’aimai gambader dans le verger familial à Sébikotane. Avec mes frères, nous piégions de petits oiseaux qui cherchaient pitance dans les fruits et autres restes de nourriture jetés ça-et-là dans le verger. Un jour, j’eus l’heur de surprendre dans mon piège un bien bel oiseau. Son plumage était d’une si rare beauté Thierno que ses gazouillis de complainte me semblaient porter une mélodie unique. Vous savez, ces sublimes mélodies dont savent nous gratifier les oiseaux quand point l’aurore. « Mon » oiseau était si beau que je n’ai pas eu le cœur à le déplumer pour, qu’handicapé, il reste à moi et à ma volonté. Je l’ai jalousement gardé dans une petite boite cachée dans ma chambre d’enfant et le chérissais si vivement. Un jour, alors que je voulais l’admirer de nouveau, « mon » petit oiseau s’envola brusquement au travers de l’ouverture par laquelle j’avais l’habitude de passer ma main pour le nourrir ou le saisir. Je n’y ai pas cru tellement l’envol était brusque. J’ai cru qu’il s’ébattrait fiévreusement et reviendrait heureux à son douillet nid de boite que j’avais mis tant de douceur à lui construire. Mais de le voir battre fermement ses ailes pour se soustraire si résolument à mon emprise me fendit le cœur. Je fus saisi d’un douloureux tressaillement que je ressens encore.
La nouvelle du brusque envol de Vieux m’a replongé dans cette affliction d’enfance. Mais ma peine est autrement plus intense car si l’envol de « mon » oiseau a pu être à son heure de sauvage liberté, l’envol de Vieux arrive bien trop tôt comme une insupportable perte. Thierno, comme vous, ces nuits je n’ai pu fermer l’œil. Cette nouvelle me hante et m’habite tout entier. Mes larmes, comme appelées à mes yeux, viennent toutes seules mouiller mon visage et mon oreiller. J’envisage, à ma mesure, l’ampleur de votre peine, celle de votre épouse et de vos proches. Mes yeux embués, mes mains moites et mon cœur endolori, je vous écris ces lignes juste pour vous dire toute ma solidarité en ces moments de solitude et de douleur.
Je prie pour vous et pour votre famille pour que Le Bon Dieu vous aide à supporter ce silence. Je prie pour vous et pour votre famille pour que Le Bon Dieu allège votre souffrance. Je prie pour vous et pour votre famille pour que l’insupportable envol de Vieux vous revienne comme sa partance vers son édénique liberté. Puisse-t-il en être ainsi car, Thierno, je prie pour vous et pour votre famille.
Cheikh Sadibou Sakho
Socio-anthropologue
Université Gaston Berger de Saint-Louis
Je ne vous connais pas. Peut être même aurai-je vécu toute ma vie sans jamais penser à vous, vous croiser, vous parler ou encore moins vous écrire. Pas que j’ignore que vous représentez votre peuple à son Assemblée. Que non! Je sais même que vous y siégez, au nom du peuple, pour le compte du parti politique Rewmi. Voilà tout ce que je sais de vous. Mais votre douleur me lacère si vivement le cœur qu’il m’est impérieux de m’abandonner à l’étreinte de ces mots que je vous adresse pour, non pas vous soutenir (le seul soutien qui vaille, en ces circonstances, me parait être celui qui vient de votre propre peine, qui vient de vous même. (« Soutiens-toi toi même », pour détourner la célèbre maxime philosophique), ni vous réconforter (le seul réconfort qui vaille, en ces circonstances, me parait être l’amour des vôtres) mais pour pleurer avec vous ce si brusque envol de Vieux. Brusque envol oui !
Quand j’étais jeune enfant Thierno, j’aimai gambader dans le verger familial à Sébikotane. Avec mes frères, nous piégions de petits oiseaux qui cherchaient pitance dans les fruits et autres restes de nourriture jetés ça-et-là dans le verger. Un jour, j’eus l’heur de surprendre dans mon piège un bien bel oiseau. Son plumage était d’une si rare beauté Thierno que ses gazouillis de complainte me semblaient porter une mélodie unique. Vous savez, ces sublimes mélodies dont savent nous gratifier les oiseaux quand point l’aurore. « Mon » oiseau était si beau que je n’ai pas eu le cœur à le déplumer pour, qu’handicapé, il reste à moi et à ma volonté. Je l’ai jalousement gardé dans une petite boite cachée dans ma chambre d’enfant et le chérissais si vivement. Un jour, alors que je voulais l’admirer de nouveau, « mon » petit oiseau s’envola brusquement au travers de l’ouverture par laquelle j’avais l’habitude de passer ma main pour le nourrir ou le saisir. Je n’y ai pas cru tellement l’envol était brusque. J’ai cru qu’il s’ébattrait fiévreusement et reviendrait heureux à son douillet nid de boite que j’avais mis tant de douceur à lui construire. Mais de le voir battre fermement ses ailes pour se soustraire si résolument à mon emprise me fendit le cœur. Je fus saisi d’un douloureux tressaillement que je ressens encore.
La nouvelle du brusque envol de Vieux m’a replongé dans cette affliction d’enfance. Mais ma peine est autrement plus intense car si l’envol de « mon » oiseau a pu être à son heure de sauvage liberté, l’envol de Vieux arrive bien trop tôt comme une insupportable perte. Thierno, comme vous, ces nuits je n’ai pu fermer l’œil. Cette nouvelle me hante et m’habite tout entier. Mes larmes, comme appelées à mes yeux, viennent toutes seules mouiller mon visage et mon oreiller. J’envisage, à ma mesure, l’ampleur de votre peine, celle de votre épouse et de vos proches. Mes yeux embués, mes mains moites et mon cœur endolori, je vous écris ces lignes juste pour vous dire toute ma solidarité en ces moments de solitude et de douleur.
Je prie pour vous et pour votre famille pour que Le Bon Dieu vous aide à supporter ce silence. Je prie pour vous et pour votre famille pour que Le Bon Dieu allège votre souffrance. Je prie pour vous et pour votre famille pour que l’insupportable envol de Vieux vous revienne comme sa partance vers son édénique liberté. Puisse-t-il en être ainsi car, Thierno, je prie pour vous et pour votre famille.
Cheikh Sadibou Sakho
Socio-anthropologue
Université Gaston Berger de Saint-Louis