Les élections législatives du 30 juillet 2017 ont été émaillées par de nombreux dysfonctionnements et des manquements constatés par tous les Sénégalais et par les observateurs : non disponibilité des cartes pour beaucoup d’électeurs ( près de 800 000 cartes non tirées ) ; démarrage tardif du vote dans beaucoup de centres ; des erreurs et omissions d’électeurs sur le fichier ; des bulletins manquants ; des bureaux de vote ouverts tardivement ; des difficultés à trouver son nom sur les listes ; de nombreuses confusions sur les adresses électorales ; des documents électoraux non disponibles dans certains centres, etc. etc. Bref, les récriminations ont étés nombreuses, vérifiables et vérifiées sur le terrain.
Cette situation a été aggravée par la forte pluie qui s’était abattue la veille du scrutin, en début de soirée, sur presque l’ensemble du territoire, et qui a dévasté plusieurs abris provisoires, entrainant ainsi d’énormes difficultés dans l’acheminement du matériel électoral dans plusieurs localités. Heureusement que la situation a été rétablie grâce aux mesures d’urgences rigoureuses prises par l’Etat.
Devant une telle situation, Me Abdoulaye Wade a pointé du doigt, le Président de la République, considéré comme le seul responsable des dysfonctionnements du scrutin législatif 2017, en ces termes : « Macky Sall a donné des instructions pour que, dans tous les endroits où il pense que l’opposition pourra gagner, les gens ne votent pas… Macky Sall c’est comme quelqu’un qui essaie de bloquer la fermeture d’une marmite bouillante et qui fait tout exploser, mais on saura que c’est de sa faute. Il faut que Macky Sall s’en aille car il a prouvé son incapacité ». (Le Monde Afrique du 31 juillet 2017).
Les Sénégalais sont unanimes à reconnaître que les élections législatives du 30 juillet 2017 se sont déroulées dans des conditions difficiles. Personne n’a nié un tel fait. Cependant, le juge des élections qu’est le Conseil Constitutionnel, a estimé que malgré les couacs constatés, la sincérité du scrutin n’a pas été entachée dans l’ensemble.
La Coalition Wattu Senegaal a publié un document non daté intitulé « Eléments d'un livre blanc sur la mascarade électorale du 30 juillet 2017 au Sénégal et les raisons d’une non élection ». Le mérite de ce document d’évaluation des législatives 2017 est d’avoir pointé du doigt des dysfonctionnements nés de ce scrutin. Cependant, il a le défaut majeur de noircir tout le tableau des législatives du 30 juillet 2017, jusqu’à tomber dans la désinformation, la caricature et des accusations visant à discréditer le chef de coalition Benno Book Yaakaar.
Le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique (MINT) a sans aucun doute des responsabilités particulières dans ce qui s’est passé lors de ce scrutin. Il a publié un document intitulé « Eléments de réponse au « livre blanc » de la coalition de partis de l'opposition wattu senegaal sur les élections législatives du 30 juillet 2017 » (août 2017). La publication de ce document, par-delà les aspects polémiques, mérite d’être saluée dans la mesure où elle a apporté des éclairages utiles sur le déroulement et l’organisation des législatives du 30 juillet 2017. S’il est vrai comme le dit l’adage « qu’expliquer n’est pas excuser », il nous semble utile de prendre en compte les informations importantes livrées par le MINT dans la conduite et le management de tout le processus électoral des législatives du 30 juillet 2017. Tous les acteurs politiques doivent procéder à une évaluation critique collective et s’interroger sur leurs propres responsabilités et les assumer.
Le nombre élevé des 47 listes en compétition et qui est à la source des difficultés d’organisation du scrutin, n’est pas le fait du MINT. C’est une responsabilité de tous les acteurs politiques et de notre système électoral qui a rendu très élastiques les conditions de participation des partis politiques et des citoyens à tous les types d’élection. Si donc des mesures ne sont pas prises pour réguler le jeu électoral, on pourrait se retrouver demain avec des centaines de listes aux élections. Ce qui serait ingérable.
Les dernières élections locales de 2014 nous avaient déjà donné un avant-goût de ce que nous avons vécu lors des législatives 2017, avec 2709 listes en compétition, sur tout le territoire national. Mais du fait du caractère local du scrutin, les difficultés organisationnelles liées au vote n’ont pas étaient bien ressenties par les populations. Mais avec les législatives du 30 juillet, qui sont des élections nationales, c’était absolument impossible d’organiser un scrutin, selon les dispositions actuelles du Code électoral, sans tenir compte de la réalité née des 47 listes en présence.
L’atelier de simulation organisé le 19 juin 2017 à Dakar, par l’ONG 3D, et auquel étaient conviés l’ensemble des acteurs du jeu électoral, avait fait ressortir de façon incontestable, que rien que pour le temps de vote, avec 47 bulletins, à raison de 4 minutes par électeur , au strict minimum, pour accomplir les actes de vote, dans un bureau de vote de 300 électeurs ( l’article L. 66 du Code électoral fixe le nombre d’électeurs, au plus, à 600 par bureau de vote dans les communes ), il faudrait 2O H pour que tout le monde puisse voter. Bien plus, si l’on sait que l’article L. 63 stipule que « le scrutin ne dure qu’un seul jour et a lieu un dimanche », on se rend à l’évidence que le vote ne pourrait absolument pas se dérouler le 30 juillet 2017, selon les dispositions en vigueur. Heureusement que des mesures d’assouplissement de la loi électorale ont été préconisées par la CENA, en concertation avec les acteurs politiques, pour que l’électeur ne soit pas obligé de prendre les 47 bulletins de vote, mais au moins 5 bulletins pour voter. Cette solution de compromis a permis aux électeurs d’accomplir leurs devoirs civiques sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora, dans le calme et la paix civile.
Pourtant, des partis signataires du Livre blanc de Wattu Senegaal étaient farouchement opposé à toute dérogation à la loi électorale, en préconisant le respect strict de la façon dont le vote s’est toujours déroulé dans notre pays. C’est pourquoi, beaucoup de sénégalais ont vite interprété cette position, comme l’indice d’une volonté de faire en sorte que le scrutin ne puisse pas se dérouler correctement.
Dans le cadre de cette contribution, nous aborderont les points suivants : 1). Quelques contre-vérités contenues dans le Livre blanc de Wattu Senegaal. 2). Eléments d’explication de ce qui s’est réellement passé. 3). Des accusations injustes contre le chef de coalition BBY qui cherchent à le discréditer. 4). Perspectives et question : Que faire maintenant ?
I. DES CONTRE VERITES COUSUES DE FIL BLANC.
Dans le Livre blanc de Wattu Senegaal, il est écrit que c’est sous l’égide du Président Wade que « furent instituées des rencontres régulières entre le Ministre de l’Intérieur et les partis politiques pour évoquer tous les problèmes apparus et leur trouver des solutions selon la règle du consensus » (P. 4). Une telle affirmation est fausse. Elle traduit une volonté qui consiste à peindre le Président Macky Sall sous les traits d’un bourreau de la démocratie sénégalaise, alors que le Président Wade est présenté comme l’incarnation authentique de la démocratie sénégalaise.
Comme chacun le sait, ce n’est pas sous le régime du Président Wade que les rencontres MINT/ PARTIS ont commencé, mais depuis l’ouverture démocratique illimitée avec le Président Abdou Diouf en 1981. Durant tout le magistère du Président DIOUF (1980- 2000), les rencontres MINT/ PARTIS se sont tenues régulièrement et ont permis à la démocratie sénégalaise de faire des progrès très importants. Deux exemples pour illustrer notre propos : Le Code Electoral consensuel de 1992 et la création de l’ONEL (Observatoire National des Elections) en 1997.
Plus connu sous le nom « Code Kéba Mbaye », le Code Electoral de 1992 fut élaboré par une commission dite « cellulaire » sous la présidence du juge Kéba MBAYE et des membres de la société civile choisi par leur expertise et les représentants de 17 (dix-sept) partis. Ce code objet de la loi n° 92-16 du 7 février 1992 (partie législative) et du décret n° 92-267 du 15 février 1992 (partie réglementaire), a fait l’objet d’un large consensus au sein de la classe politique. Il a été salué par tous les acteurs politiques, ceux du pouvoir comme ceux de l’opposition.
Pour ce qui est de l’ONEL, il a été créé au lendemain des élections locales catastrophiques de 1996. C’était un compromis dynamique entre l’opposition de l’époque incarnée par Me Abdoulaye Wade et le « Collectif des 19 » qui voulaient une CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) et le parti au pouvoir, le PS (Parti Socialiste) qui voulait le statut quo.
C’est donc contraire à la vérité que de prétendre que les concertations régulières MINT/ PARTIS ont commencé sous le magistère du Président Wade, et que c’est cela qui a fait que le fichier est « bon » puisqu’il a permis l’élection, « sans contestations majeures, de trois présidents de la Républiques (Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall), dont deux démocratiquement battus.» (P. 5).
Le fichier électoral est certes « bon », mais il ne l’a pas été de tout temps. Il l’est devenu après de très longues luttes menées par le peuple sénégalais pour l’instauration de conditions d’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes dans notre pays.
Au contraire, ce que les sénégalais ont constaté avec étonnement et surprise, c’est que c’est sous le magistère du Président Abdoulaye Wade que notre Constitution a subi le plus grand nombre de tripatouillages, avec 15 (quinze) modifications unilatérales en 12 (douze) ans. C’est sous le magistère du Président Wade que les rencontres MINT/ PARTIS se sont raréfiées et ont subi une très forte érosion.
Le Président Wade, au lendemain de ce scrutin considéré par les observateurs comme le plus « contesté » dans notre histoire électorale, a refusé systématiquement de procéder à l’évaluation exhaustive et critique de quatre scrutins, à savoir, la présidentielle du 25 février 2007, les législatives du 03 juin 2007, les Sénatoriales du 19 Août 2007 et les Locales du 29 juin 2009. Cette situation avait engendré une crise politique sans précédent dans le pays, ayant débouchée sur le boycott des législatives du 03 juin 2007, par l’Opposition regroupée dans le Front Siggil Sénégal (FSS). La Mission d’Audit du Fichier Électoral (MAFE) financée par l’Union européenne, l’Ambassade des États-Unis d’Amérique et l’Ambassade d’Allemagne en 2010, avait permis de surmonter la crise, en renouant les fils du dialogue entre le pouvoir libéral et l’opposition, avec 108 recommandations issues de l’ audit du fichier dans le cadre du Comité de Veille, en vue d’améliorer notre système électoral.
II.ELEMENTS D’EXPLICATION DE CE QUI S’EST REELLEMENT PASSE
La décision de la refonte partielle du fichier a été prise d’un commun accord lors de la rencontre de Ngor Diarama du 9 juin 2016 où tous les partis légalement constitués étaient présents. Cette question faisait partie des 12 points qui étaient retenus pour être examinés dans le cadre de la Commission Technique de Revue du Code Electoral (CTRCE). Ce n’est donc pas exact, comme le dit Le Livre blanc, d’affirmer que c’est le MINT qui a initié la refonte partielle du fichier.
C’est ainsi que la loi n° 2016-27 du 19 août 2016 portant refonte partielle des listes électorales et le décret n° 2016-1535 du 29 septembre 2016 portant application la loi n° 2016-27 du 19 août 2016 portant refonte partielle des listes électorales furent pris. Auparavant, la loi n° 2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO, ainsi que le décret n°2016- 1536 du 29 septembre 2016 portant application de la loi n° 2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO couplée avec la carte d’électeur étaient pris. Les choses se sont accélérées et le MINT prend un arrêté n° 14898 du 3 octobre 2016 fixant les modalités de fonctionnement des commissions administratives chargées de la refonte partielle des listes électorales.
Dès le lendemain, c’est-à-dire le 4 octobre 2016, dans le cadre du lancement de cette opération, le Président de la République et son épouse furent les premiers à se faire enrôler pour donner un signal fort de la volonté de l’Etat d’inciter les populations à s’inscrire sur les listes.
Du 4 octobre à fin décembre 2016, (soit 3 mois), les inscriptions se sont poursuivies dans la région de Dakar, pour servir de phase pilote, avant la généralisation aux localités de l’intérieur et de la diaspora, conformément aux dispositions du Rapport de présentation du décret n°2016- 1536 du 29 septembre 2016, portant application de la loi n° 2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO : « pour une meilleure maîtrise des opérations et dans un souci d’efficacité et d’opérationnalité, l’option a été prise de procéder à un démarrage progressif sur l’ensemble du territoire avec l’institution au moins d’une commission dans chaque préfecture et dans chaque sous-préfecture avant de réajuster au fur et à mesure en tenant compte du potentiel électoral, des réalités démographiques et des spécificités de chaque localité, par la mise en place de nouvelles commissions fixes ou itinérantes ».
C’est ainsi que nous pouvons considérer que c’est à partir de fin décembre 2016 que les opérations de refonte ont véritablement démarré sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora. La phase pilote ou phase test est très importante dans tout processus de réforme. Elle a permis de tester les opérations avant leur généralisation, pour pouvoir corriger et rectifier les erreurs. Elle a aussi permis de former techniquement à l’outil informatique, le personnel qui devait opérer dans les commissions administratives. La clôture des inscriptions étant fixée à fin juin et le scrutin organisé le 30 juillet 2017, on peut donc considérer que la refonte partielle qui a duré 6 mois (janvier à juin 2017) n’a pas été un échec, au contraire. Les résultats publiés par le Conseil Constitutionnel en attestent : Inscrits : 6.219.446 ; Votants : 3.337.494 ; Bulletins Nuls : 27059 ; Suffrages Valablement Exprimés : 3.310.435, avec un taux de participation de 54%.
L’affirmation du Livre blanc de Wattu Senegaal selon laquelle "le Ministère de l'Intérieur a publiquement déclaré que le nouveau fichier serait pertinent s'il pouvait atteindre 4 millions d'inscrits", (P. 6) n’est pas conforme à la vérité. Le MINT n’a jamais fait une telle déclaration.
C’est l’opposition elle-même qui, à l'occasion d'une audience avec le Chef de l'Etat, le jeudi 1er décembre 2016, avait exigé que soit consigné dans la loi portant refonte partielle des listes électorales modifiée dans ce sens, un objectif chiffré d'au moins 4 millions d'électeurs inscrits avant toute utilisation du nouveau fichier électoral, conformément à la loi n°2016-08 du 09 janvier 2017 portant modification de la loi n°2016-27 du 19 août 2016.. C’est la raison pour laquelle, elle avait fortement insisté sur les dispositions de l’article 7 de cette loi qui stipulent que : « Si des élections sont organisées avant la constitution définitive de ce fichier issu de la refonte, celles-ci se tiendront avec l’actuel fichier général des électeurs ».
On peut donc considérer que le fait d’obtenir l’enrôlement de plus de six millions d’inscrits en 6 mois est véritablement un succès éclatant qui mérite d’être salué et qui est à l’honneur du peuple sénégalais, mais aussi du ministre sortant Abdoulaye Daouda Diallo et des techniciens du MINT. Nous ne devons jamais oublier que la refonte totale du fichier initiée par le Président Wade en 2005, et instituant la carte nationale d’identité numérisée et sécurisée, conformément à la loi n° 2004 – 32 du 25 août 2004, avait duré 18 mois pour obtenir 5 millions d’inscrits environ.
Il convient de rappeler qu’une première prorogation des CNI est intervenue en mars 2017, une deuxième en juin 2017, une troisième en septembre 2017. Une quatrième prorogation jusqu’au 31 décembre 2017 vient d’intervenir avec le décret n° 2017- 1777 du 29 septembre 2017.
La plupart des difficultés liées à la production et à la distribution des cartes sont liées aux délais très courts de la refonte du fichier dite « partielle » dans le décret, mais dans les faits, a revêtue une dimension de « refonte totale », puisque tous les sénégalais devaient se rendre physiquement dans les commissions administratives pour se faire enrôler. En plus, la compétence nationale des commissions, si elle a facilité l’inscription sur les listes puisque permettant à chaque sénégalais de pouvoir s’inscrire dans n’importe quelle commission, en revanche le retrait des cartes devait se faire dans la même commission, ce qui n’était pas sans difficultés.
En outre, les délais très courts de la refonte du fichier, ont entrainé un non-respect par la DAF (Direction de l’Automatisation du Fichier) des séquences électorales qui s’enchainent les unes les autres, et dont la violation peut avoir des conséquences fâcheuses sur tout le processus, entre autres : période d’inscription sur les listes ; suivie de la période de publication provisoire des listes dans les Préfectures, les Sous- préfectures et les Mairies ; suivie de la phase contentieuse auprès du Président du tribunal d’instance ( ex : Tribunal Départemental) ; suivie de la phase de réintégration des électeurs omis ou victimes d’une erreur matérielle portant sur l’un des éléments d’identification (Art L. 45 du Code Electoral) ; suivie de la phase de consolidation du fichier, suivie de la phase d’édition définitive des listes ; suivie de la phase de production et de distribution des cartes…
Tout le monde a pu constater que la phase de la publication provisoire des listes et la phase contentieuse n’ont presque pas eu lieu avec cette refonte. Le nombre très élevé de personnes enrôlées en si peu de temps (6 mois), avec une cadence précipitée et accélérée a entrainé beaucoup d’erreurs de saisie, des photos floues, des erreurs dans les adresses électorales, etc. Il faut reconnaître que le MINT a déployé des efforts considérables en recrutant beaucoup de personnel qui a travaillé à feu continue pendant plusieurs mois pour le travail de saisie, de secrétariat, de tri, de ventilation des cartes dans les commissions administratives, etc.
III. DES ACCUSATIONS INJUSTES CONTRE LE PRESIDENT DE LA COALITION BBY.
Dans son Livre blanc », Wattu Senegaal fait observer que c’est suite à l’abstention record du référendum de 2016 que « Macky Sall a décidé de rompre le consensus et se confectionner un nouveau fichier électoral sans les partis politiques, la société civile et nos partenaires » (P 5). Bien plus, les résultats issus des élections législatives du 30 juillet 2017, ne sont rien d’autre qu’une « planification programmée d'une mascarade électorale », c’est à dire « un scrutin a minima entaché de fraudes massives diverses » (P.4).
Curieuses affirmations que celles-là!
En effet, Le Livre blanc de Wattu Senegaal semble oublier que les sénégalais ont vécu une période où on votait sans identification de l’électeur, sans passer par l’isoloir, sans encre indélébile, sans observateurs électoraux, sans représentants des partis dans les Commissions de Recensement. Ensuite on est passé à une époque où des pièces étaient exigées, mais elles étaient en nombre indéterminé, ce qui ouvrait la voie à des votes multiples et des bourrages d’urnes. Ensuite nous sommes passés à une période où on votait avec des pièces limitativement énumérées au nombre de 5 (cinq), et qui datent du Code Electoral consensuel de 1992. Ensuite nous sommes passés à une période où le vote se faisait sur la base d’une seule et unique pièce, la carte d’identité numérisée et sécurisée.
Dans ces conditions, comment peut- on parler de « mascarade électorale » et d’un « scrutin entaché de fraudes massives diverses » dans un pays qui a connu deux alternances pacifiques et démocratiques, (2000 et 2012), sans aucune contestation politique sérieuse ?
Retraçons à grands traits la trajectoire de la gouvernance du Président Sall jusqu’au scrutin du 30 juillet 2017.
Comme chacun le sait, le Président Macky Sall est arrivé au pouvoir, le 25 mars 2012 lors du 2ème tour de la présidentielle. Il a été installé dans ses fonctions par le Conseil Constitutionnel le 04 avril 2012. Le 1er juillet 2012, se sont tenues les élections législatives, soit 3 (trois) mois après son installation au pouvoir. Le 29 juin 2014 ont été organisées les élections locales. Le 20 mars 2016, c’est-à-dire 21 mois après les législatives, s’est tenu le Référendum constitutionnel. Six (06) mois après, s’est tenue l’élection du HCTT (Haut Conseil des Collectivités Territoriales) le 04 septembre 2016. Toutes ces élections, il faut le préciser se sont déroulées dans le cadre du fichier de la refonte totale initiée par Me Wade, conformément à loi n°2004-32 du 25 Août 2004. Les élections législatives qui devaient avoir lieu en fin juin 2017, ont été reportées au 30 juillet 2017 à cause du mois de ramadan.
A l’occasion des travaux de lancement du dialogue national le samedi 28 mai 2016, une concertation politique a été initiée par le président de la République Macky Sall au Palais de la République. Le Chef de l’Etat avait profité de cette rencontre pour faire de cette date une journée de dialogue national.. Depuis lors, plusieurs appels au dialogue politique ont étés lancés dont le dernier en date remonte à la Tabaski 2017, le 2 septembre précisément.
Dans le cadre de la mise en place de la Commission Technique de Revue du Code Electoral (CTRCE), une concertation a été organisée entre le MINT et les partis politiques légalement constitués, le jeudi 9 juin 2016 à l’Hôtel Ngor Diarama. La rencontre élargie à tous les acteurs du jeu électoral était d’une importance capitale dans la mesure où elle devait arrêter et adopter d’un commun accord l’ensemble des points qui devaient être examinés de façon approfondie à la Commission Technique de Revue du Code Electoral (CTRCE) dont les travaux étaient prévus du jeudi 16 juin au mercredi 3 août 2016.
A l’issue des travaux du CTRCE, il y a eu des points d’accord, des points de désaccord et des points de réserve. 08 Huit points d’accord ont été recensés. Deux points de désaccord ont été notés : (le mode de scrutin aux élections législatives et le bulletin unique). Deux (2) points de réserve ont été constatés : (les modalités d’élection des députés dédiés à la diaspora et le cautionnement aux élections locales).
Rappelons que c’est au cours de la rencontre de Ngor Diarama du 9 juin 2016 que la décision de création d’un COMITE DE SUIVI regroupant les partis politiques organisés sous forme de Pôles ainsi que les autres acteurs du jeu politique était retenue. Le COMITE DE SUIVI a été mis en place par arrêté n°04759 du 22 mars 2017 (modifié par l'arrêté n°11339 du 06 juillet 2017), et présidé par la CENA et composé des différents pôles politiques (Majorité, Opposition, Non Alignés et Indépendants), de la société civile et de l'Administration. C’est à l'occasion de la cérémonie d'installation de cette importante structure le lundi 23 janvier 2017, présidée par le Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique, que les pôles de l'Opposition et des Non Alignés, ont quitté la salle et boudé toutes les rencontres tenues au siège de la CENA, sous prétexte que le pôle des Indépendants ne devait pas siéger au sein du COMITE DE SUIVI dont les travaux se sont régulièrement tenus jusqu’au 30 mai 2017, date du dépôt des listes pour les législatives du 30 juillet 2017.
A la lumière d’une telle trajectoire, il apparaît nettement que les accusations contre le président de la coalition BBY de s’être taillé tout seul un fichier qui lui a permis de gagner les élections sont injustes. La coalition Wattu Senegaal doit assumer toute seule la responsabilité de son échec qui réside d’abord et avant tout dans son manque d’unité et de cohésion.
IV. PERSPECTIVES : QUE FAIRE ?
Il est heureux de constater que le nouveau ministre de l’Intérieur, monsieur Aly Ngouille Ndiaye a convié les acteurs politiques à des concertations le 21 novembre 2017 en ces termes : « Nous allons discuter du processus électoral, de la prochaine échéance présidentielle, et de tout autre sujet que les partis politiques légalement constitués jugeront utile de mettre dans la corbeille». Nous devons nous féliciter d’une telle initiative et la saluer fortement, car, les acteurs politiques doivent absolument se parler. Mais le dialogue dont il est question, c’est ce qu’on a toujours appelé concertations sur le processus électoral. Il regroupe l’ensemble des partis légalement constitués et d’autres acteurs du jeu électoral. Il ne porte que sur les questions strictement électorales, pas sur autre chose.
Maintenant, il appartient à tous les acteurs politiques de se, retrouver autour de la table, dans un formidable élan patriotique pour faire une évaluation critique collective, en toute responsabilité et dans un état d’esprit d’ouverture et d’écoute, des dysfonctionnements nés des législatives du 30 juillet 2017, pour rectifier et corriger tout ce qui peut et doit l’être, avant les prochaines échéances présidentielles et locales de 2019. Cela est d’autant plus urgent et le temps presse, car nous sommes seulement à quelques encablures de ces échéances, avec le démarrage de la prochaine révision ordinaire annuelle des listes électorales qui doit se dérouler dans la période du 1er février au 31 juillet 2018. Ainsi, la démocratie sénégalaise retrouvera à coup sûr, son éclat et sa vitalité.
Dakar le 15 novembre 2017.
Ousmane BADIANE Secrétaire National aux Elections
de la Ligue Démocratique (LD).
Membre du Pôle Communication de BBY.
Mail : ousmanebadiane1@gmail.com
Cette situation a été aggravée par la forte pluie qui s’était abattue la veille du scrutin, en début de soirée, sur presque l’ensemble du territoire, et qui a dévasté plusieurs abris provisoires, entrainant ainsi d’énormes difficultés dans l’acheminement du matériel électoral dans plusieurs localités. Heureusement que la situation a été rétablie grâce aux mesures d’urgences rigoureuses prises par l’Etat.
Devant une telle situation, Me Abdoulaye Wade a pointé du doigt, le Président de la République, considéré comme le seul responsable des dysfonctionnements du scrutin législatif 2017, en ces termes : « Macky Sall a donné des instructions pour que, dans tous les endroits où il pense que l’opposition pourra gagner, les gens ne votent pas… Macky Sall c’est comme quelqu’un qui essaie de bloquer la fermeture d’une marmite bouillante et qui fait tout exploser, mais on saura que c’est de sa faute. Il faut que Macky Sall s’en aille car il a prouvé son incapacité ». (Le Monde Afrique du 31 juillet 2017).
Les Sénégalais sont unanimes à reconnaître que les élections législatives du 30 juillet 2017 se sont déroulées dans des conditions difficiles. Personne n’a nié un tel fait. Cependant, le juge des élections qu’est le Conseil Constitutionnel, a estimé que malgré les couacs constatés, la sincérité du scrutin n’a pas été entachée dans l’ensemble.
La Coalition Wattu Senegaal a publié un document non daté intitulé « Eléments d'un livre blanc sur la mascarade électorale du 30 juillet 2017 au Sénégal et les raisons d’une non élection ». Le mérite de ce document d’évaluation des législatives 2017 est d’avoir pointé du doigt des dysfonctionnements nés de ce scrutin. Cependant, il a le défaut majeur de noircir tout le tableau des législatives du 30 juillet 2017, jusqu’à tomber dans la désinformation, la caricature et des accusations visant à discréditer le chef de coalition Benno Book Yaakaar.
Le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique (MINT) a sans aucun doute des responsabilités particulières dans ce qui s’est passé lors de ce scrutin. Il a publié un document intitulé « Eléments de réponse au « livre blanc » de la coalition de partis de l'opposition wattu senegaal sur les élections législatives du 30 juillet 2017 » (août 2017). La publication de ce document, par-delà les aspects polémiques, mérite d’être saluée dans la mesure où elle a apporté des éclairages utiles sur le déroulement et l’organisation des législatives du 30 juillet 2017. S’il est vrai comme le dit l’adage « qu’expliquer n’est pas excuser », il nous semble utile de prendre en compte les informations importantes livrées par le MINT dans la conduite et le management de tout le processus électoral des législatives du 30 juillet 2017. Tous les acteurs politiques doivent procéder à une évaluation critique collective et s’interroger sur leurs propres responsabilités et les assumer.
Le nombre élevé des 47 listes en compétition et qui est à la source des difficultés d’organisation du scrutin, n’est pas le fait du MINT. C’est une responsabilité de tous les acteurs politiques et de notre système électoral qui a rendu très élastiques les conditions de participation des partis politiques et des citoyens à tous les types d’élection. Si donc des mesures ne sont pas prises pour réguler le jeu électoral, on pourrait se retrouver demain avec des centaines de listes aux élections. Ce qui serait ingérable.
Les dernières élections locales de 2014 nous avaient déjà donné un avant-goût de ce que nous avons vécu lors des législatives 2017, avec 2709 listes en compétition, sur tout le territoire national. Mais du fait du caractère local du scrutin, les difficultés organisationnelles liées au vote n’ont pas étaient bien ressenties par les populations. Mais avec les législatives du 30 juillet, qui sont des élections nationales, c’était absolument impossible d’organiser un scrutin, selon les dispositions actuelles du Code électoral, sans tenir compte de la réalité née des 47 listes en présence.
L’atelier de simulation organisé le 19 juin 2017 à Dakar, par l’ONG 3D, et auquel étaient conviés l’ensemble des acteurs du jeu électoral, avait fait ressortir de façon incontestable, que rien que pour le temps de vote, avec 47 bulletins, à raison de 4 minutes par électeur , au strict minimum, pour accomplir les actes de vote, dans un bureau de vote de 300 électeurs ( l’article L. 66 du Code électoral fixe le nombre d’électeurs, au plus, à 600 par bureau de vote dans les communes ), il faudrait 2O H pour que tout le monde puisse voter. Bien plus, si l’on sait que l’article L. 63 stipule que « le scrutin ne dure qu’un seul jour et a lieu un dimanche », on se rend à l’évidence que le vote ne pourrait absolument pas se dérouler le 30 juillet 2017, selon les dispositions en vigueur. Heureusement que des mesures d’assouplissement de la loi électorale ont été préconisées par la CENA, en concertation avec les acteurs politiques, pour que l’électeur ne soit pas obligé de prendre les 47 bulletins de vote, mais au moins 5 bulletins pour voter. Cette solution de compromis a permis aux électeurs d’accomplir leurs devoirs civiques sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora, dans le calme et la paix civile.
Pourtant, des partis signataires du Livre blanc de Wattu Senegaal étaient farouchement opposé à toute dérogation à la loi électorale, en préconisant le respect strict de la façon dont le vote s’est toujours déroulé dans notre pays. C’est pourquoi, beaucoup de sénégalais ont vite interprété cette position, comme l’indice d’une volonté de faire en sorte que le scrutin ne puisse pas se dérouler correctement.
Dans le cadre de cette contribution, nous aborderont les points suivants : 1). Quelques contre-vérités contenues dans le Livre blanc de Wattu Senegaal. 2). Eléments d’explication de ce qui s’est réellement passé. 3). Des accusations injustes contre le chef de coalition BBY qui cherchent à le discréditer. 4). Perspectives et question : Que faire maintenant ?
I. DES CONTRE VERITES COUSUES DE FIL BLANC.
Dans le Livre blanc de Wattu Senegaal, il est écrit que c’est sous l’égide du Président Wade que « furent instituées des rencontres régulières entre le Ministre de l’Intérieur et les partis politiques pour évoquer tous les problèmes apparus et leur trouver des solutions selon la règle du consensus » (P. 4). Une telle affirmation est fausse. Elle traduit une volonté qui consiste à peindre le Président Macky Sall sous les traits d’un bourreau de la démocratie sénégalaise, alors que le Président Wade est présenté comme l’incarnation authentique de la démocratie sénégalaise.
Comme chacun le sait, ce n’est pas sous le régime du Président Wade que les rencontres MINT/ PARTIS ont commencé, mais depuis l’ouverture démocratique illimitée avec le Président Abdou Diouf en 1981. Durant tout le magistère du Président DIOUF (1980- 2000), les rencontres MINT/ PARTIS se sont tenues régulièrement et ont permis à la démocratie sénégalaise de faire des progrès très importants. Deux exemples pour illustrer notre propos : Le Code Electoral consensuel de 1992 et la création de l’ONEL (Observatoire National des Elections) en 1997.
Plus connu sous le nom « Code Kéba Mbaye », le Code Electoral de 1992 fut élaboré par une commission dite « cellulaire » sous la présidence du juge Kéba MBAYE et des membres de la société civile choisi par leur expertise et les représentants de 17 (dix-sept) partis. Ce code objet de la loi n° 92-16 du 7 février 1992 (partie législative) et du décret n° 92-267 du 15 février 1992 (partie réglementaire), a fait l’objet d’un large consensus au sein de la classe politique. Il a été salué par tous les acteurs politiques, ceux du pouvoir comme ceux de l’opposition.
Pour ce qui est de l’ONEL, il a été créé au lendemain des élections locales catastrophiques de 1996. C’était un compromis dynamique entre l’opposition de l’époque incarnée par Me Abdoulaye Wade et le « Collectif des 19 » qui voulaient une CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) et le parti au pouvoir, le PS (Parti Socialiste) qui voulait le statut quo.
C’est donc contraire à la vérité que de prétendre que les concertations régulières MINT/ PARTIS ont commencé sous le magistère du Président Wade, et que c’est cela qui a fait que le fichier est « bon » puisqu’il a permis l’élection, « sans contestations majeures, de trois présidents de la Républiques (Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall), dont deux démocratiquement battus.» (P. 5).
Le fichier électoral est certes « bon », mais il ne l’a pas été de tout temps. Il l’est devenu après de très longues luttes menées par le peuple sénégalais pour l’instauration de conditions d’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes dans notre pays.
Au contraire, ce que les sénégalais ont constaté avec étonnement et surprise, c’est que c’est sous le magistère du Président Abdoulaye Wade que notre Constitution a subi le plus grand nombre de tripatouillages, avec 15 (quinze) modifications unilatérales en 12 (douze) ans. C’est sous le magistère du Président Wade que les rencontres MINT/ PARTIS se sont raréfiées et ont subi une très forte érosion.
Le Président Wade, au lendemain de ce scrutin considéré par les observateurs comme le plus « contesté » dans notre histoire électorale, a refusé systématiquement de procéder à l’évaluation exhaustive et critique de quatre scrutins, à savoir, la présidentielle du 25 février 2007, les législatives du 03 juin 2007, les Sénatoriales du 19 Août 2007 et les Locales du 29 juin 2009. Cette situation avait engendré une crise politique sans précédent dans le pays, ayant débouchée sur le boycott des législatives du 03 juin 2007, par l’Opposition regroupée dans le Front Siggil Sénégal (FSS). La Mission d’Audit du Fichier Électoral (MAFE) financée par l’Union européenne, l’Ambassade des États-Unis d’Amérique et l’Ambassade d’Allemagne en 2010, avait permis de surmonter la crise, en renouant les fils du dialogue entre le pouvoir libéral et l’opposition, avec 108 recommandations issues de l’ audit du fichier dans le cadre du Comité de Veille, en vue d’améliorer notre système électoral.
II.ELEMENTS D’EXPLICATION DE CE QUI S’EST REELLEMENT PASSE
La décision de la refonte partielle du fichier a été prise d’un commun accord lors de la rencontre de Ngor Diarama du 9 juin 2016 où tous les partis légalement constitués étaient présents. Cette question faisait partie des 12 points qui étaient retenus pour être examinés dans le cadre de la Commission Technique de Revue du Code Electoral (CTRCE). Ce n’est donc pas exact, comme le dit Le Livre blanc, d’affirmer que c’est le MINT qui a initié la refonte partielle du fichier.
C’est ainsi que la loi n° 2016-27 du 19 août 2016 portant refonte partielle des listes électorales et le décret n° 2016-1535 du 29 septembre 2016 portant application la loi n° 2016-27 du 19 août 2016 portant refonte partielle des listes électorales furent pris. Auparavant, la loi n° 2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO, ainsi que le décret n°2016- 1536 du 29 septembre 2016 portant application de la loi n° 2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO couplée avec la carte d’électeur étaient pris. Les choses se sont accélérées et le MINT prend un arrêté n° 14898 du 3 octobre 2016 fixant les modalités de fonctionnement des commissions administratives chargées de la refonte partielle des listes électorales.
Dès le lendemain, c’est-à-dire le 4 octobre 2016, dans le cadre du lancement de cette opération, le Président de la République et son épouse furent les premiers à se faire enrôler pour donner un signal fort de la volonté de l’Etat d’inciter les populations à s’inscrire sur les listes.
Du 4 octobre à fin décembre 2016, (soit 3 mois), les inscriptions se sont poursuivies dans la région de Dakar, pour servir de phase pilote, avant la généralisation aux localités de l’intérieur et de la diaspora, conformément aux dispositions du Rapport de présentation du décret n°2016- 1536 du 29 septembre 2016, portant application de la loi n° 2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO : « pour une meilleure maîtrise des opérations et dans un souci d’efficacité et d’opérationnalité, l’option a été prise de procéder à un démarrage progressif sur l’ensemble du territoire avec l’institution au moins d’une commission dans chaque préfecture et dans chaque sous-préfecture avant de réajuster au fur et à mesure en tenant compte du potentiel électoral, des réalités démographiques et des spécificités de chaque localité, par la mise en place de nouvelles commissions fixes ou itinérantes ».
C’est ainsi que nous pouvons considérer que c’est à partir de fin décembre 2016 que les opérations de refonte ont véritablement démarré sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora. La phase pilote ou phase test est très importante dans tout processus de réforme. Elle a permis de tester les opérations avant leur généralisation, pour pouvoir corriger et rectifier les erreurs. Elle a aussi permis de former techniquement à l’outil informatique, le personnel qui devait opérer dans les commissions administratives. La clôture des inscriptions étant fixée à fin juin et le scrutin organisé le 30 juillet 2017, on peut donc considérer que la refonte partielle qui a duré 6 mois (janvier à juin 2017) n’a pas été un échec, au contraire. Les résultats publiés par le Conseil Constitutionnel en attestent : Inscrits : 6.219.446 ; Votants : 3.337.494 ; Bulletins Nuls : 27059 ; Suffrages Valablement Exprimés : 3.310.435, avec un taux de participation de 54%.
L’affirmation du Livre blanc de Wattu Senegaal selon laquelle "le Ministère de l'Intérieur a publiquement déclaré que le nouveau fichier serait pertinent s'il pouvait atteindre 4 millions d'inscrits", (P. 6) n’est pas conforme à la vérité. Le MINT n’a jamais fait une telle déclaration.
C’est l’opposition elle-même qui, à l'occasion d'une audience avec le Chef de l'Etat, le jeudi 1er décembre 2016, avait exigé que soit consigné dans la loi portant refonte partielle des listes électorales modifiée dans ce sens, un objectif chiffré d'au moins 4 millions d'électeurs inscrits avant toute utilisation du nouveau fichier électoral, conformément à la loi n°2016-08 du 09 janvier 2017 portant modification de la loi n°2016-27 du 19 août 2016.. C’est la raison pour laquelle, elle avait fortement insisté sur les dispositions de l’article 7 de cette loi qui stipulent que : « Si des élections sont organisées avant la constitution définitive de ce fichier issu de la refonte, celles-ci se tiendront avec l’actuel fichier général des électeurs ».
On peut donc considérer que le fait d’obtenir l’enrôlement de plus de six millions d’inscrits en 6 mois est véritablement un succès éclatant qui mérite d’être salué et qui est à l’honneur du peuple sénégalais, mais aussi du ministre sortant Abdoulaye Daouda Diallo et des techniciens du MINT. Nous ne devons jamais oublier que la refonte totale du fichier initiée par le Président Wade en 2005, et instituant la carte nationale d’identité numérisée et sécurisée, conformément à la loi n° 2004 – 32 du 25 août 2004, avait duré 18 mois pour obtenir 5 millions d’inscrits environ.
Il convient de rappeler qu’une première prorogation des CNI est intervenue en mars 2017, une deuxième en juin 2017, une troisième en septembre 2017. Une quatrième prorogation jusqu’au 31 décembre 2017 vient d’intervenir avec le décret n° 2017- 1777 du 29 septembre 2017.
La plupart des difficultés liées à la production et à la distribution des cartes sont liées aux délais très courts de la refonte du fichier dite « partielle » dans le décret, mais dans les faits, a revêtue une dimension de « refonte totale », puisque tous les sénégalais devaient se rendre physiquement dans les commissions administratives pour se faire enrôler. En plus, la compétence nationale des commissions, si elle a facilité l’inscription sur les listes puisque permettant à chaque sénégalais de pouvoir s’inscrire dans n’importe quelle commission, en revanche le retrait des cartes devait se faire dans la même commission, ce qui n’était pas sans difficultés.
En outre, les délais très courts de la refonte du fichier, ont entrainé un non-respect par la DAF (Direction de l’Automatisation du Fichier) des séquences électorales qui s’enchainent les unes les autres, et dont la violation peut avoir des conséquences fâcheuses sur tout le processus, entre autres : période d’inscription sur les listes ; suivie de la période de publication provisoire des listes dans les Préfectures, les Sous- préfectures et les Mairies ; suivie de la phase contentieuse auprès du Président du tribunal d’instance ( ex : Tribunal Départemental) ; suivie de la phase de réintégration des électeurs omis ou victimes d’une erreur matérielle portant sur l’un des éléments d’identification (Art L. 45 du Code Electoral) ; suivie de la phase de consolidation du fichier, suivie de la phase d’édition définitive des listes ; suivie de la phase de production et de distribution des cartes…
Tout le monde a pu constater que la phase de la publication provisoire des listes et la phase contentieuse n’ont presque pas eu lieu avec cette refonte. Le nombre très élevé de personnes enrôlées en si peu de temps (6 mois), avec une cadence précipitée et accélérée a entrainé beaucoup d’erreurs de saisie, des photos floues, des erreurs dans les adresses électorales, etc. Il faut reconnaître que le MINT a déployé des efforts considérables en recrutant beaucoup de personnel qui a travaillé à feu continue pendant plusieurs mois pour le travail de saisie, de secrétariat, de tri, de ventilation des cartes dans les commissions administratives, etc.
III. DES ACCUSATIONS INJUSTES CONTRE LE PRESIDENT DE LA COALITION BBY.
Dans son Livre blanc », Wattu Senegaal fait observer que c’est suite à l’abstention record du référendum de 2016 que « Macky Sall a décidé de rompre le consensus et se confectionner un nouveau fichier électoral sans les partis politiques, la société civile et nos partenaires » (P 5). Bien plus, les résultats issus des élections législatives du 30 juillet 2017, ne sont rien d’autre qu’une « planification programmée d'une mascarade électorale », c’est à dire « un scrutin a minima entaché de fraudes massives diverses » (P.4).
Curieuses affirmations que celles-là!
En effet, Le Livre blanc de Wattu Senegaal semble oublier que les sénégalais ont vécu une période où on votait sans identification de l’électeur, sans passer par l’isoloir, sans encre indélébile, sans observateurs électoraux, sans représentants des partis dans les Commissions de Recensement. Ensuite on est passé à une époque où des pièces étaient exigées, mais elles étaient en nombre indéterminé, ce qui ouvrait la voie à des votes multiples et des bourrages d’urnes. Ensuite nous sommes passés à une période où on votait avec des pièces limitativement énumérées au nombre de 5 (cinq), et qui datent du Code Electoral consensuel de 1992. Ensuite nous sommes passés à une période où le vote se faisait sur la base d’une seule et unique pièce, la carte d’identité numérisée et sécurisée.
Dans ces conditions, comment peut- on parler de « mascarade électorale » et d’un « scrutin entaché de fraudes massives diverses » dans un pays qui a connu deux alternances pacifiques et démocratiques, (2000 et 2012), sans aucune contestation politique sérieuse ?
Retraçons à grands traits la trajectoire de la gouvernance du Président Sall jusqu’au scrutin du 30 juillet 2017.
Comme chacun le sait, le Président Macky Sall est arrivé au pouvoir, le 25 mars 2012 lors du 2ème tour de la présidentielle. Il a été installé dans ses fonctions par le Conseil Constitutionnel le 04 avril 2012. Le 1er juillet 2012, se sont tenues les élections législatives, soit 3 (trois) mois après son installation au pouvoir. Le 29 juin 2014 ont été organisées les élections locales. Le 20 mars 2016, c’est-à-dire 21 mois après les législatives, s’est tenu le Référendum constitutionnel. Six (06) mois après, s’est tenue l’élection du HCTT (Haut Conseil des Collectivités Territoriales) le 04 septembre 2016. Toutes ces élections, il faut le préciser se sont déroulées dans le cadre du fichier de la refonte totale initiée par Me Wade, conformément à loi n°2004-32 du 25 Août 2004. Les élections législatives qui devaient avoir lieu en fin juin 2017, ont été reportées au 30 juillet 2017 à cause du mois de ramadan.
A l’occasion des travaux de lancement du dialogue national le samedi 28 mai 2016, une concertation politique a été initiée par le président de la République Macky Sall au Palais de la République. Le Chef de l’Etat avait profité de cette rencontre pour faire de cette date une journée de dialogue national.. Depuis lors, plusieurs appels au dialogue politique ont étés lancés dont le dernier en date remonte à la Tabaski 2017, le 2 septembre précisément.
Dans le cadre de la mise en place de la Commission Technique de Revue du Code Electoral (CTRCE), une concertation a été organisée entre le MINT et les partis politiques légalement constitués, le jeudi 9 juin 2016 à l’Hôtel Ngor Diarama. La rencontre élargie à tous les acteurs du jeu électoral était d’une importance capitale dans la mesure où elle devait arrêter et adopter d’un commun accord l’ensemble des points qui devaient être examinés de façon approfondie à la Commission Technique de Revue du Code Electoral (CTRCE) dont les travaux étaient prévus du jeudi 16 juin au mercredi 3 août 2016.
A l’issue des travaux du CTRCE, il y a eu des points d’accord, des points de désaccord et des points de réserve. 08 Huit points d’accord ont été recensés. Deux points de désaccord ont été notés : (le mode de scrutin aux élections législatives et le bulletin unique). Deux (2) points de réserve ont été constatés : (les modalités d’élection des députés dédiés à la diaspora et le cautionnement aux élections locales).
Rappelons que c’est au cours de la rencontre de Ngor Diarama du 9 juin 2016 que la décision de création d’un COMITE DE SUIVI regroupant les partis politiques organisés sous forme de Pôles ainsi que les autres acteurs du jeu politique était retenue. Le COMITE DE SUIVI a été mis en place par arrêté n°04759 du 22 mars 2017 (modifié par l'arrêté n°11339 du 06 juillet 2017), et présidé par la CENA et composé des différents pôles politiques (Majorité, Opposition, Non Alignés et Indépendants), de la société civile et de l'Administration. C’est à l'occasion de la cérémonie d'installation de cette importante structure le lundi 23 janvier 2017, présidée par le Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique, que les pôles de l'Opposition et des Non Alignés, ont quitté la salle et boudé toutes les rencontres tenues au siège de la CENA, sous prétexte que le pôle des Indépendants ne devait pas siéger au sein du COMITE DE SUIVI dont les travaux se sont régulièrement tenus jusqu’au 30 mai 2017, date du dépôt des listes pour les législatives du 30 juillet 2017.
A la lumière d’une telle trajectoire, il apparaît nettement que les accusations contre le président de la coalition BBY de s’être taillé tout seul un fichier qui lui a permis de gagner les élections sont injustes. La coalition Wattu Senegaal doit assumer toute seule la responsabilité de son échec qui réside d’abord et avant tout dans son manque d’unité et de cohésion.
IV. PERSPECTIVES : QUE FAIRE ?
Il est heureux de constater que le nouveau ministre de l’Intérieur, monsieur Aly Ngouille Ndiaye a convié les acteurs politiques à des concertations le 21 novembre 2017 en ces termes : « Nous allons discuter du processus électoral, de la prochaine échéance présidentielle, et de tout autre sujet que les partis politiques légalement constitués jugeront utile de mettre dans la corbeille». Nous devons nous féliciter d’une telle initiative et la saluer fortement, car, les acteurs politiques doivent absolument se parler. Mais le dialogue dont il est question, c’est ce qu’on a toujours appelé concertations sur le processus électoral. Il regroupe l’ensemble des partis légalement constitués et d’autres acteurs du jeu électoral. Il ne porte que sur les questions strictement électorales, pas sur autre chose.
Maintenant, il appartient à tous les acteurs politiques de se, retrouver autour de la table, dans un formidable élan patriotique pour faire une évaluation critique collective, en toute responsabilité et dans un état d’esprit d’ouverture et d’écoute, des dysfonctionnements nés des législatives du 30 juillet 2017, pour rectifier et corriger tout ce qui peut et doit l’être, avant les prochaines échéances présidentielles et locales de 2019. Cela est d’autant plus urgent et le temps presse, car nous sommes seulement à quelques encablures de ces échéances, avec le démarrage de la prochaine révision ordinaire annuelle des listes électorales qui doit se dérouler dans la période du 1er février au 31 juillet 2018. Ainsi, la démocratie sénégalaise retrouvera à coup sûr, son éclat et sa vitalité.
Dakar le 15 novembre 2017.
Ousmane BADIANE Secrétaire National aux Elections
de la Ligue Démocratique (LD).
Membre du Pôle Communication de BBY.
Mail : ousmanebadiane1@gmail.com