Le Sénégal vient d’entamer une série de réformes dans les différents secteurs de la vie. Touchant essentiellement la sphère socioéconomique, l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, elles seraient un moyen sûr de créer plus de richesses, d’accroître la croissance de l’économie sénégalaise et de garantir le mieux-être des populations. Dans cette perspective de « politique de rupture » réaffirmée par le gouvernement, nos universités complètement en crise n’ont pas échappé à ce coup de balai inévitable pour assurer, dit-on, les voies et moyens de l’émergence nationale.
Effectivement, dans un contexte de redressement et de reconstruction, rendre ces réformes vivantes, concrètes et utiles au sein des temples de savoir demeure crucial. Accoutumé depuis des siècles aux intempéries de l’histoire auxquelles succéda une dépendance extérieure qui semble être inaltérable, le Sénégal a aujourd’hui, la lourde charge et la plus urgente des contraintes à faire valoir son génie créatif. Voici alors, une des grandes questions qui n’ait jamais été aussi agitée : celle liée à l’enseignement supérieur et à la recherche.
L’impuissance des autorités devant des étudiants déchainés et excités allant jusqu’à faire de la violence extrême leur principale outil de communication, découle de plusieurs facteurs. Il s’agit alors, sous une atmosphère aussi tendue qu’inquiétante, de trouver les voies et moyens par lesquels, nos universités pourraient retrouver le chemin de la connaissance, de l’excellence et des autres valeurs qui leur sont assignées.
Qu’en est-il réellement ? Comment pallier les différents problèmes qui gangrènent le monde universitaire sénégalais face à un environnement de plus en plus mondialisé et concurrentiel ?
Devant l’urgence du phénomène, il faut absolument quitter le terrain de l’art des grands orateurs et faire preuve de pragmatisme. Après toutes les pistes de réflexion, venons-en à la phase d’action ! Dans une société en constante transformation, on ne cesse de dire que l’université constitue le moteur qui accompagne tous les secteurs d’activité et se dresse même, comme le véritable catalyseur des différentes énergies de l’émergence nationale. Hormis la formation, elle est censée mettre à la disposition de l’Etat ou de ses démembrements, le savoir et le savoir-faire de ses départements, laboratoires ou instituts. Ce faisant, elle contribue au développement local et national, encourage les partenariats, émet des recommandations fondées sur des résultats scientifiques, organise des transferts technologiques et/ou de compétences ; bref elle crée des valeurs ajoutées économiques, culturelles et sociales. Cette volonté d’ancrage par le truchement d’une mission de service à la société est quasi inexistante et les autorités peinent à trouver les solutions rapides et pérennes aux paralysies qui l’affectent.
Les problèmes majeurs qui fragilisent l’enseignement supérieur restent le sureffectif, les budgets qui stagnent, le manque d’infrastructures, le taux d’encadrement dépassant la norme, le système (licence-master-doctorat) inadapté et enfin le retard accusé face aux TIC qui s’imposent dans la recherche et qui permettent par exemple, de réduire la lenteur de certaines méthodes d’enseignement. Toutes ces origines plurielles ont fait de nos universités, des foyers de vives tensions. Le cas de l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop de Dakar) est l’une des meilleures illustrations.
Conçue pour quelques 20 000 étudiants, l’UCAD en accueille de nos jours plus de 80 000 pour moins de 1500 enseignants si nous savons que parmi ces derniers, certains n’hésitent pas à filer leur veste de chasseur de prime et finissent très souvent dans les filets de l’hameçonnage politique ou empruntent le chemin de l’exil. Par conséquent, doter le Sénégal de nouvelles et véritables universités est une urgence même si l’idée d’une délocalisation du grand réservoir d’étudiants qu’est la faculté des lettres et sciences humaines (FLSH) peut être recevable. Si nombreux sont ceux qui pensent que notre pays regorge d’un nombre pléthorique d’étudiants, la vérité en est autrement : nous ne disposons pas d’assez d’universités.
Quant à la formation professionnelle diplômante, au concept de perfectionnement et de reconversion, la mise sur pied de pôles d’orientation régionaux constitue aussi une solution efficace pour les emplois d’avenir. D’autre part, recruter un personnel enseignant conséquent pour un encadrement de qualité demeure primordial. Et cela demande un travail minutieux qui prône la probité, favorise l’excellence et défend l’égalité des droits de chaque citoyen ambitieux, reconnu de par ses qualités et ses aptitudes dans son domaine, à servir dignement son pays. Malheureusement, sous cet angle, il reste beaucoup à faire car l’Etat ne maîtrise pas encore les flux rentrants, les transits, les sorties et la systématisation des appels à candidature qui, jusque-là, n’ont pas donné les résultats escomptés.
A ce laxisme triomphant, s’ajoute un système de finance qui tarde à se concrétiser. L’augmentation de la part des ressources publiques affectées à l’enseignement supérieur sur la période 2012-2017 de 6 à 7% du PIB semble être insuffisante vu l’urgence et la crise quotidienne qui demandent même un régime financier plus innovant. Pour gagner une certaine autonomie financière en dehors du budget de l’Etat, il est compréhensible que les autorités somment les étudiants au sens de la responsabilité partagée en augmentant les frais d’inscription. Une solution efficace qui aurait pu arranger les deux parties : un système de facilités de paiement adapté comme par exemple un règlement en deux ou trois fois.
Les valeurs anciennes balayées par le capitalisme sauvage qui s’invite jusqu’au cœur de nos temples de savoir et de nos institutions ont fini par évacuer le sens de la mesure. Un système lourd et compliqué comme le LMD aurait dû être adapté en tenant compte de nos réalités socioéconomiques et culturelles. Aveuglément adopté, le licence-master-doctorat qui demande beaucoup de moyens, d’exigences et des politiques d’accompagnement, a été accueilli sans aucune recherche sérieuse menée au préalable. Voilà maintenant que l’on s’acharne à la recherche accrue de passerelles pour sortir nos universités des crises qui l’assaillent tous azimuts en tâtonnant sur le modèle d’organisation de l’offre d’enseignement et de la recherche.
Aucun système ne marchera sans harmonisation complète avec nos langues nationales, nos cultures africaines et nos préoccupations majeures qui continuent de mettre à genoux une bonne partie de la population sénégalaise. Faisons ensuite des centres de recherche et des instituts, le ciment de notre engagement pour l’émergence nationale en faisant confiance à une jeunesse vivante, créative, authentique car elle représente la graine d’une future moisson. C’est en ce moment seulement que l’étudiant, conscient de sa mission fondamentale valorisante, retrouvera la nécessité de préparer son employabilité, son désir d’acquérir des connaissances en faisant l’impasse sur une dépendance et en mesurant le sens de l’ouverture sur le monde extérieur.
Dr Daouda DIOP
Historien économiste
maalakowax@gmail.com
Effectivement, dans un contexte de redressement et de reconstruction, rendre ces réformes vivantes, concrètes et utiles au sein des temples de savoir demeure crucial. Accoutumé depuis des siècles aux intempéries de l’histoire auxquelles succéda une dépendance extérieure qui semble être inaltérable, le Sénégal a aujourd’hui, la lourde charge et la plus urgente des contraintes à faire valoir son génie créatif. Voici alors, une des grandes questions qui n’ait jamais été aussi agitée : celle liée à l’enseignement supérieur et à la recherche.
L’impuissance des autorités devant des étudiants déchainés et excités allant jusqu’à faire de la violence extrême leur principale outil de communication, découle de plusieurs facteurs. Il s’agit alors, sous une atmosphère aussi tendue qu’inquiétante, de trouver les voies et moyens par lesquels, nos universités pourraient retrouver le chemin de la connaissance, de l’excellence et des autres valeurs qui leur sont assignées.
Qu’en est-il réellement ? Comment pallier les différents problèmes qui gangrènent le monde universitaire sénégalais face à un environnement de plus en plus mondialisé et concurrentiel ?
Devant l’urgence du phénomène, il faut absolument quitter le terrain de l’art des grands orateurs et faire preuve de pragmatisme. Après toutes les pistes de réflexion, venons-en à la phase d’action ! Dans une société en constante transformation, on ne cesse de dire que l’université constitue le moteur qui accompagne tous les secteurs d’activité et se dresse même, comme le véritable catalyseur des différentes énergies de l’émergence nationale. Hormis la formation, elle est censée mettre à la disposition de l’Etat ou de ses démembrements, le savoir et le savoir-faire de ses départements, laboratoires ou instituts. Ce faisant, elle contribue au développement local et national, encourage les partenariats, émet des recommandations fondées sur des résultats scientifiques, organise des transferts technologiques et/ou de compétences ; bref elle crée des valeurs ajoutées économiques, culturelles et sociales. Cette volonté d’ancrage par le truchement d’une mission de service à la société est quasi inexistante et les autorités peinent à trouver les solutions rapides et pérennes aux paralysies qui l’affectent.
Les problèmes majeurs qui fragilisent l’enseignement supérieur restent le sureffectif, les budgets qui stagnent, le manque d’infrastructures, le taux d’encadrement dépassant la norme, le système (licence-master-doctorat) inadapté et enfin le retard accusé face aux TIC qui s’imposent dans la recherche et qui permettent par exemple, de réduire la lenteur de certaines méthodes d’enseignement. Toutes ces origines plurielles ont fait de nos universités, des foyers de vives tensions. Le cas de l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop de Dakar) est l’une des meilleures illustrations.
Conçue pour quelques 20 000 étudiants, l’UCAD en accueille de nos jours plus de 80 000 pour moins de 1500 enseignants si nous savons que parmi ces derniers, certains n’hésitent pas à filer leur veste de chasseur de prime et finissent très souvent dans les filets de l’hameçonnage politique ou empruntent le chemin de l’exil. Par conséquent, doter le Sénégal de nouvelles et véritables universités est une urgence même si l’idée d’une délocalisation du grand réservoir d’étudiants qu’est la faculté des lettres et sciences humaines (FLSH) peut être recevable. Si nombreux sont ceux qui pensent que notre pays regorge d’un nombre pléthorique d’étudiants, la vérité en est autrement : nous ne disposons pas d’assez d’universités.
Quant à la formation professionnelle diplômante, au concept de perfectionnement et de reconversion, la mise sur pied de pôles d’orientation régionaux constitue aussi une solution efficace pour les emplois d’avenir. D’autre part, recruter un personnel enseignant conséquent pour un encadrement de qualité demeure primordial. Et cela demande un travail minutieux qui prône la probité, favorise l’excellence et défend l’égalité des droits de chaque citoyen ambitieux, reconnu de par ses qualités et ses aptitudes dans son domaine, à servir dignement son pays. Malheureusement, sous cet angle, il reste beaucoup à faire car l’Etat ne maîtrise pas encore les flux rentrants, les transits, les sorties et la systématisation des appels à candidature qui, jusque-là, n’ont pas donné les résultats escomptés.
A ce laxisme triomphant, s’ajoute un système de finance qui tarde à se concrétiser. L’augmentation de la part des ressources publiques affectées à l’enseignement supérieur sur la période 2012-2017 de 6 à 7% du PIB semble être insuffisante vu l’urgence et la crise quotidienne qui demandent même un régime financier plus innovant. Pour gagner une certaine autonomie financière en dehors du budget de l’Etat, il est compréhensible que les autorités somment les étudiants au sens de la responsabilité partagée en augmentant les frais d’inscription. Une solution efficace qui aurait pu arranger les deux parties : un système de facilités de paiement adapté comme par exemple un règlement en deux ou trois fois.
Les valeurs anciennes balayées par le capitalisme sauvage qui s’invite jusqu’au cœur de nos temples de savoir et de nos institutions ont fini par évacuer le sens de la mesure. Un système lourd et compliqué comme le LMD aurait dû être adapté en tenant compte de nos réalités socioéconomiques et culturelles. Aveuglément adopté, le licence-master-doctorat qui demande beaucoup de moyens, d’exigences et des politiques d’accompagnement, a été accueilli sans aucune recherche sérieuse menée au préalable. Voilà maintenant que l’on s’acharne à la recherche accrue de passerelles pour sortir nos universités des crises qui l’assaillent tous azimuts en tâtonnant sur le modèle d’organisation de l’offre d’enseignement et de la recherche.
Aucun système ne marchera sans harmonisation complète avec nos langues nationales, nos cultures africaines et nos préoccupations majeures qui continuent de mettre à genoux une bonne partie de la population sénégalaise. Faisons ensuite des centres de recherche et des instituts, le ciment de notre engagement pour l’émergence nationale en faisant confiance à une jeunesse vivante, créative, authentique car elle représente la graine d’une future moisson. C’est en ce moment seulement que l’étudiant, conscient de sa mission fondamentale valorisante, retrouvera la nécessité de préparer son employabilité, son désir d’acquérir des connaissances en faisant l’impasse sur une dépendance et en mesurant le sens de l’ouverture sur le monde extérieur.
Dr Daouda DIOP
Historien économiste
maalakowax@gmail.com