Nous étions encore de jeunes collégiens et lycéens. Dans les années 70-80, dans nos villages et nos quartiers, les jeunes se mobilisaient dans la création et l’animation d’associations à vocation dite sportive et culturelle. Très jeunes, nous avons été associés, par nos ainés déjà étudiants ou lycéens en fin de cycle, à la mise sur pied et à la gestion de la nôtre.
Je profite de ce moment de mémoire et de réflexion, pour dire merci, pour le passé, merci pour le présent et merci pour le futur, à ceux qui ont été les précurseurs. Merci à ceux qui ont porté la voix et ouvert la voie comme cette langue qui, un jour, a bruit depuis la glotte ouverte du ventre du Fuuta Jalo et depuis, continue à bruir le long de sa Vallée pour dès lors s’unir au grondement des océans ! J’aimerais pouvoir citer des noms de ceux là, qui, en cette année 2016 sont tous partis à la retraite pour ceux d’entre eux qui étaient fonctionnaires ou travailleurs salariés dans le privé !
Mais non ! Ils seront sûrement honorés par leurs proches en des jours qui seront ciblés. Comme tous ceux qui participent sans tambours dans l’action de tissage de cette toile qui unit présent au passé et ouvre les mailles du futur. Cette toile que l’on baptise culture ! Elle mêle dans l’actualité, expérience des anciens et vision prospective des lendemains et fonde la substance de notre action présente. Elle est souvent portée par des hommes dont les noms se perdent dans la succession des époques qui n’en retiennent que quelques uns.
Mais alors, n’était-ce pas là la finalité de l’éducation ? Permettre « une insertion harmonieuse dans la communauté » ? Ou encore « former les hommes et les femmes capables de travailler efficacement à la construction du pays » ? Vous l’avez traduit, chers ainés, dans le « vivre ensemble » et dans le « vivre dans son milieu ».
Ainsi vous avez pu identifier des problèmes de votre milieu : problèmes d’hygiène et de salubrité publique, de santé, d’éducation populaire, d’instruction et d’alphabétisation, d’infrastructures, de production de ressources financières, de structuration et de gestion…
Vous avez pu formuler et mettre en œuvre des solutions adaptées selon vos moyens : journées de nettoyage et de désinfection ; causeries et sensibilisation sur les mesures prophylactiques contre des maladies (choléra, paludisme, bilharziose et autres maladies hydriques…) ; l’animation sportive et culturelle au service d’une conscience collective villageoise et communautaire; cours de vacances pour les plus jeunes ; cours d’alphabétisation (j’y appris l’alphabet et la grammaire du ‘pulaar’); construction de salles de classes pour l’élémentaire, participation à la construction du dispensaire ; organisation de manifestations à but lucratif pour financer vos activités, cotisations mensuelles ; animations des structures (cellules) de l’association dans toutes les localités ou se regroupent des ressortissants ; création d’une cellule féminine...
Aujourd’hui encore, par une dialectique de l’intégration et de l’alternance générationnelle, cette Association et son action survivent par vos enfants !
Et que dire alors de nos pères ? N’avaient-ils pas déjà montré la voie ? Par cette voix qui raconte, la première salle de classe construite en 1962-1963 était leur œuvre : une grande bâtisse aux murs épaisses en banco crépis de ciment et au toit de zinc !
De même, tous mobilisés dans le parti unique, malgré les tendances, l’activité politique n’était pour eux qu’un pendant de leur vie sociale : aussi le village avait-il toujours à l’époque un champ collectif appelé ‘ngesso comité’ (le champ destiné à financer les activités du comité politique villageois) dans les cultures de décrues (waalo) ou les cultures hivernales (diéri). En plus, toute famille, après chaque récolte, prélevait une certaine quantité de celle-ci fixée par la communauté, au profit des affaires collectives : organisation du ‘mawlid’, dons aux personnalités religieuses de passage (chérifs), journées de prières pour la pluie, réceptions pour des ‘étrangers’ de passage (parti ou Etat) ; aides au nécessiteux en cas de soudure…
En fait, nous, ASC, nous n’étions tout juste qu’une réponse actuelle, comme nos parents l’avaient été dans leur contexte. Ainsi que le rappelait Beaumarchais, (le Mariage de Figaro, V, 3) « … sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur… ».
D’ailleurs dans la gestion ponctuelle de notre part d’histoire, nous avons fait des erreurs ! Comme celle créée dans les représentations, d’une dichotomie entre les vacanciers lycéens instruits et non-instruits à l’école française. Le mot ‘analphabète’ était usité sans prudence de même que l’acception que l’époque avait d’autres mots comme ‘modernité’ et ‘tradition’, ‘superstitions’ ainsi que les connotations qui en découlaient et des dérives sociales en étaient vécues ! Il est vrai qu’au cours de l’action, des esprits avisés ont perçu la problématique et ont posé des jalons de rectification. La prise en compte des valeurs d’équité et de responsabilité ont permis la participation effective de tous les fils du village de tous âges et de tous lieux de résidence : cela est illustré par la construction du dispensaire. Mais il y est des plaies qui laissent toujours des séquelles que certains sont amenés à porter, injustement d’ailleurs, par leurs personnes comme ‘la croix de jésus’.
Ce pendant, dans la dynamique de construction d’une cité toujours plus harmonieuse, parce que capable de toujours s’ajuster aux fins de pourvoir à toutes ses fonctions vitales, l’histoire, donc, ne doit retenir que les faits significatifs porteurs de valeurs de progrès.
Cette histoire, pourrait être l’histoire de la conscience d’une jeunesse citoyenne de Bakel à St-Louis et d’ailleurs au Sénégal. L’histoire d’une jeunesse postindépendance qui, dans un élan et un effort permanents d’ajustement de son milieu aux valeurs de son époque, cherche son équilibre entre contexte et promesses d’un futur dont il voulait dessiner les contours.
C’est d’ailleurs cet élan généralisé dans tous les terroirs, qui a été perçu par les acteurs politiques et les pouvoirs publics. Entre tentatives de récupération politiques et devoir d’encadrement d’une jeunesse républicaine se pose la problématique de l’orientation et de la gestion des activités des jeunes pendant les vacances mais aussi au-delà. Il devenait ainsi pertinent et urgent de prendre en compte dans les politiques publiques de jeunesses la question des activités de vacances.
Déjà sous le régime libéral, les différents ministères de Modou . F. Diagne à M. Keita et par la suite sous le régime du Président Macky Sall, les concepts de ‘caravanes’ et de ‘vacances citoyennes’ ont servi de prétexte de mobilisation des jeunesses et de financement de leurs activités dans toutes les régions du Sénégal. Il convient maintenant, d’interroger le terrain pour en évaluer les impacts en tenant compte des moyens investis et des objectifs visés, pour instruire l’action dans une perspective de développement durable.
Le concept de ‘vacances citoyennes’, comme nous le constatons en nous fondant sur ce qui précède, a été vécu avant la lettre, par cette jeunesse postindépendance. Il n’est pas étonnant d’ailleurs, qu’arrivée à pleine maturité, cette génération ayant accédé ‘aux commandes’ l’inscrive comme valeur de politique publique de jeunesse.
A l’endroit de la jeunesse actuelle, et à l’heure ‘des vacances citoyennes’ nous pouvons dire ceci : la participation aux activités des vacances citoyennes (des activités saines) est une initiation de l’individu à la vie de la cité.
Par la participation, nous prenons une conscience active de nos devoirs mais aussi de nos droits. Aussi, plus grandit en nous notre individualité qui s’exprime par la conscience de notre liberté, plus nous apparait l’intérêt d’une appartenance à une communauté qui nous sert de repère mais au devenir de laquelle nous sommes impliqués pour le meilleur et pour le pire. La conscience que nous avons de la valeur de ce lien avec une communauté d’ailleurs de plus en plus extensible (échelle locale, nationale,… universelle) est la mesure de notre responsabilité et de notre liberté à la fois individuelle et collective.
« Dans un pays en guerre, on peut être soldat déserteur, mais jamais citoyen d’un pays libre », ainsi que l’affirmait Sartre. Une autre opinion assez commune est que « l’on est jamais mieux servi que par soi-même ». Autant de raisons qui valent pour une participation !
Pour le groupe ‘Education et Citoyenneté active pour la Paix et le Développement Durable’ ! Votre serviteur !
Saint-Louis, 10/08/2016
Aboubacry KANE
Inspecteur de l’Education.
Tél : +221776341017/+221704534608
kaneabba@yahoo.fr
Je profite de ce moment de mémoire et de réflexion, pour dire merci, pour le passé, merci pour le présent et merci pour le futur, à ceux qui ont été les précurseurs. Merci à ceux qui ont porté la voix et ouvert la voie comme cette langue qui, un jour, a bruit depuis la glotte ouverte du ventre du Fuuta Jalo et depuis, continue à bruir le long de sa Vallée pour dès lors s’unir au grondement des océans ! J’aimerais pouvoir citer des noms de ceux là, qui, en cette année 2016 sont tous partis à la retraite pour ceux d’entre eux qui étaient fonctionnaires ou travailleurs salariés dans le privé !
Mais non ! Ils seront sûrement honorés par leurs proches en des jours qui seront ciblés. Comme tous ceux qui participent sans tambours dans l’action de tissage de cette toile qui unit présent au passé et ouvre les mailles du futur. Cette toile que l’on baptise culture ! Elle mêle dans l’actualité, expérience des anciens et vision prospective des lendemains et fonde la substance de notre action présente. Elle est souvent portée par des hommes dont les noms se perdent dans la succession des époques qui n’en retiennent que quelques uns.
Mais alors, n’était-ce pas là la finalité de l’éducation ? Permettre « une insertion harmonieuse dans la communauté » ? Ou encore « former les hommes et les femmes capables de travailler efficacement à la construction du pays » ? Vous l’avez traduit, chers ainés, dans le « vivre ensemble » et dans le « vivre dans son milieu ».
Ainsi vous avez pu identifier des problèmes de votre milieu : problèmes d’hygiène et de salubrité publique, de santé, d’éducation populaire, d’instruction et d’alphabétisation, d’infrastructures, de production de ressources financières, de structuration et de gestion…
Vous avez pu formuler et mettre en œuvre des solutions adaptées selon vos moyens : journées de nettoyage et de désinfection ; causeries et sensibilisation sur les mesures prophylactiques contre des maladies (choléra, paludisme, bilharziose et autres maladies hydriques…) ; l’animation sportive et culturelle au service d’une conscience collective villageoise et communautaire; cours de vacances pour les plus jeunes ; cours d’alphabétisation (j’y appris l’alphabet et la grammaire du ‘pulaar’); construction de salles de classes pour l’élémentaire, participation à la construction du dispensaire ; organisation de manifestations à but lucratif pour financer vos activités, cotisations mensuelles ; animations des structures (cellules) de l’association dans toutes les localités ou se regroupent des ressortissants ; création d’une cellule féminine...
Aujourd’hui encore, par une dialectique de l’intégration et de l’alternance générationnelle, cette Association et son action survivent par vos enfants !
Et que dire alors de nos pères ? N’avaient-ils pas déjà montré la voie ? Par cette voix qui raconte, la première salle de classe construite en 1962-1963 était leur œuvre : une grande bâtisse aux murs épaisses en banco crépis de ciment et au toit de zinc !
De même, tous mobilisés dans le parti unique, malgré les tendances, l’activité politique n’était pour eux qu’un pendant de leur vie sociale : aussi le village avait-il toujours à l’époque un champ collectif appelé ‘ngesso comité’ (le champ destiné à financer les activités du comité politique villageois) dans les cultures de décrues (waalo) ou les cultures hivernales (diéri). En plus, toute famille, après chaque récolte, prélevait une certaine quantité de celle-ci fixée par la communauté, au profit des affaires collectives : organisation du ‘mawlid’, dons aux personnalités religieuses de passage (chérifs), journées de prières pour la pluie, réceptions pour des ‘étrangers’ de passage (parti ou Etat) ; aides au nécessiteux en cas de soudure…
En fait, nous, ASC, nous n’étions tout juste qu’une réponse actuelle, comme nos parents l’avaient été dans leur contexte. Ainsi que le rappelait Beaumarchais, (le Mariage de Figaro, V, 3) « … sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur… ».
D’ailleurs dans la gestion ponctuelle de notre part d’histoire, nous avons fait des erreurs ! Comme celle créée dans les représentations, d’une dichotomie entre les vacanciers lycéens instruits et non-instruits à l’école française. Le mot ‘analphabète’ était usité sans prudence de même que l’acception que l’époque avait d’autres mots comme ‘modernité’ et ‘tradition’, ‘superstitions’ ainsi que les connotations qui en découlaient et des dérives sociales en étaient vécues ! Il est vrai qu’au cours de l’action, des esprits avisés ont perçu la problématique et ont posé des jalons de rectification. La prise en compte des valeurs d’équité et de responsabilité ont permis la participation effective de tous les fils du village de tous âges et de tous lieux de résidence : cela est illustré par la construction du dispensaire. Mais il y est des plaies qui laissent toujours des séquelles que certains sont amenés à porter, injustement d’ailleurs, par leurs personnes comme ‘la croix de jésus’.
Ce pendant, dans la dynamique de construction d’une cité toujours plus harmonieuse, parce que capable de toujours s’ajuster aux fins de pourvoir à toutes ses fonctions vitales, l’histoire, donc, ne doit retenir que les faits significatifs porteurs de valeurs de progrès.
Cette histoire, pourrait être l’histoire de la conscience d’une jeunesse citoyenne de Bakel à St-Louis et d’ailleurs au Sénégal. L’histoire d’une jeunesse postindépendance qui, dans un élan et un effort permanents d’ajustement de son milieu aux valeurs de son époque, cherche son équilibre entre contexte et promesses d’un futur dont il voulait dessiner les contours.
C’est d’ailleurs cet élan généralisé dans tous les terroirs, qui a été perçu par les acteurs politiques et les pouvoirs publics. Entre tentatives de récupération politiques et devoir d’encadrement d’une jeunesse républicaine se pose la problématique de l’orientation et de la gestion des activités des jeunes pendant les vacances mais aussi au-delà. Il devenait ainsi pertinent et urgent de prendre en compte dans les politiques publiques de jeunesses la question des activités de vacances.
Déjà sous le régime libéral, les différents ministères de Modou . F. Diagne à M. Keita et par la suite sous le régime du Président Macky Sall, les concepts de ‘caravanes’ et de ‘vacances citoyennes’ ont servi de prétexte de mobilisation des jeunesses et de financement de leurs activités dans toutes les régions du Sénégal. Il convient maintenant, d’interroger le terrain pour en évaluer les impacts en tenant compte des moyens investis et des objectifs visés, pour instruire l’action dans une perspective de développement durable.
Le concept de ‘vacances citoyennes’, comme nous le constatons en nous fondant sur ce qui précède, a été vécu avant la lettre, par cette jeunesse postindépendance. Il n’est pas étonnant d’ailleurs, qu’arrivée à pleine maturité, cette génération ayant accédé ‘aux commandes’ l’inscrive comme valeur de politique publique de jeunesse.
A l’endroit de la jeunesse actuelle, et à l’heure ‘des vacances citoyennes’ nous pouvons dire ceci : la participation aux activités des vacances citoyennes (des activités saines) est une initiation de l’individu à la vie de la cité.
Par la participation, nous prenons une conscience active de nos devoirs mais aussi de nos droits. Aussi, plus grandit en nous notre individualité qui s’exprime par la conscience de notre liberté, plus nous apparait l’intérêt d’une appartenance à une communauté qui nous sert de repère mais au devenir de laquelle nous sommes impliqués pour le meilleur et pour le pire. La conscience que nous avons de la valeur de ce lien avec une communauté d’ailleurs de plus en plus extensible (échelle locale, nationale,… universelle) est la mesure de notre responsabilité et de notre liberté à la fois individuelle et collective.
« Dans un pays en guerre, on peut être soldat déserteur, mais jamais citoyen d’un pays libre », ainsi que l’affirmait Sartre. Une autre opinion assez commune est que « l’on est jamais mieux servi que par soi-même ». Autant de raisons qui valent pour une participation !
Pour le groupe ‘Education et Citoyenneté active pour la Paix et le Développement Durable’ ! Votre serviteur !
Saint-Louis, 10/08/2016
Aboubacry KANE
Inspecteur de l’Education.
Tél : +221776341017/+221704534608
kaneabba@yahoo.fr