La femme sénégalaise est à elle seule un indicateur de l’extrême pauvreté que vivent nos concitoyens surtout ceux du monde rural. La précarité dans laquelle évolue cette frange de la population est assurément indécente au regard des dépenses de prestige qu’engagent impunément nos dirigeants. Pourtant la femme est un vecteur de développement en même temps que socle de la famille sénégalaise. Toute politique de développement devrait donc faire des femmes un levier essentiel pour combattre et éradiquer la pauvreté, car elles sont non seulement les plus exposées, mais elles débordent de créativité et de persévérance dans l’effort. Les gouvernants actuels prétendent, par le PSE, mettre la femme au cœur de leurs priorités, mais au regard de leur démarche, il y a lieu de désespérer et même d’être angoissé quant à l’issue de leur entreprise.
Il y a quelques semaines, les femmes de l’AFP, parti politique pourtant allié à celui du Président dans le cadre du syndicat d’intérêts appelé « Benno Bokk Yakaar », ont dénoncé l’ostracisme et la politisation qui rythment le financement des femmes. Elles ont clairement indiqué que les femmes de l’APR étaient largement privilégiées au détriment des femmes des autres partis de la mouvance présidentielle. Et pourtant elles n’ont fait qu’effleurer le problème qui est plus pernicieux que toutes les formes de corruption politique et d’achat des consciences et ce, à l’insu de la démocratie. Les lignes de crédit placées dans des Caisses ou Mutuelles qui couvrent le territoire national servent aujourd’hui de machine de propagande et d’appât politique. L’argent du contribuable est prêté aux femmes sous un label obscur avec comme credo « la générosité du Président Macky Sall ». Il faut écouter ces femmes faire la restitution du grand mensonge qu’on leur inculque à travers ces regroupements qui sont devenus des succursales de l’APR pour sonder l’ampleur du mal qu’on est en train de porter à la démocratie. Le message tacite ou patent qui est véhiculé est que la survie de ces financements est assujettie à la réélection de Macky Sall !
Cette démarche aux antipodes de l’esprit républicain est une agression arrogante contre la démocratie et la république ; et curieusement les sentinelles autoproclamées de la démocratie sont muettes et aveugles. Alors que la lutte contre la mal gouvernance était le credo de ce régime, nous voici dans un système de mal gouvernance institutionnalisée et donc légale. Tout journaliste sérieux confirmerait ce fait, à plus forte raison les organisations de lutte contre la mal gouvernance. Le fait même qu’une agence soit créée pour s’occuper de ce financement est une porte ouverte à tous les abus, car la meilleure façon d’inféoder ces femmes vulnérables c’est de les accoutumer à des personnes politiquement marquées. Une forme de chantage tacite se fait par le détour d’un discours politique qui incite à adhérer « à la vision » du Président. Qu’est ce qui empêche au gouvernement de confier ce fonds au ministère des finances qui a des structures habilitées à le gérer sans intermédiaire ?
Le même danger de gestion clanique du pays est introduit par les bourses familiales : alors qu’une politique de sécurité alimentaire dans les zones défavorisées, le financement de l’agriculture et des études étaient la voie la plus démocratique pour libérer le peuple de la pauvreté, on a choisi des voies occultes. Cette forme de distribution de l’argent du contribuable sans aucune base républicaine est une grave atteinte aux principes fondamentaux de la démocratie que sont : la liberté et l’égalité. L’Affirmative Act (discrimination positive) aux États-Unis avait occasionné des péripéties judiciaires parce qu’il viole le principe de l’égalité des citoyens en faisant de la promotion des noirs une mesure de correction d’une injustice historique. Nos concitoyens n’ont peut-être pas cette culture de la citoyenneté affirmée, mais la philosophie qui sous-tend les bourses familiales a abouti à des frustrations légitimes qui pourraient avoir des suites judiciaires. En mutilant les étudiants des bourses que la république leur avait accordées, ce gouvernement borgne croit pouvoir financer son trop suspect programme de bourses familiales.
Cette forme d’assistance qui avilit les assistés ne pourra jamais sortir une famille de la pauvreté. L’assistanat tue la créativité et la dignité, elle enlève à l’homme la confiance en soi et l’espérance qui nourrit ses actions héroïques. Que les bénéficiaires de ces pacotilles de vision appelées « financement des femmes » et « bourses familiales » pardonnent notre perception, nous n’avons rien contre la solidarité, mais face à un pouvoir imposteur et bricoleur, l’irrévérence de notre modeste plume nous semble être un devoir. Les bourses familiales finiront par révéler leur propre nature, à savoir un mécanisme astucieux d’acheter la conscience des Sénégalais. Il faut arrêter cette mascarade : il y a des programmes objectifs sérieux qui auraient dû engloutir cette manne financière aux résultats fatalement stériles. La vision de Macky Sall n’est pas une vision c’est une cécité occultée, un cul-de-sac au fond duquel on fait une alchimie de tout ce qu’on voit ailleurs comme politique.
Dans une république organisée selon des principes et des mécanismes administratifs rationnels et affranchis de toute contingence politique, une vision authentiquement sociale se passerait de bourses familiales aussi insignifiantes. Les ressources de ce pays sont tellement insuffisantes que se permettre de telles libéralités c’est sans aucun doute faire preuve de médiocrité dans la vision. Un pays comme le Brésil peut se permettre une redistribution des richesses dont est nantie l’Amazonie. Notre pays est tellement pauvre qu’au lieu de partager ses maigres ressources, le bon sens recommande plutôt leur investissement dans des secteurs porteurs de croissance et générateurs d’emplois. Le financement d’unités de production rurales (une mutualisation des familles pauvres pour une production sous forme de coopératives) par les structures du ministère des finances aurait été plus efficace et plus respectueux de la dignité humaine.
Comment un gouvernement sérieux peut-il se permettre de donner gracieusement de l’argent alors qu’il n’est même pas en mesure de payer aux enseignants leurs indemnités et autres rappels de salaire ? Comment expliquer que chaque mois les étudiants, sur qui compte la nation, soient amenés à perturber les universités pour recevoir leurs bourses alors qu’au même moment l’État trouve les moyens de financer sa fameuse politique sociale ? Un État qui n’est pas capable de s’acquitter de ses obligations régaliennes se permet ainsi une forme de misère dorée en faisant preuve de générosité hypocrite !
Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Il y a quelques semaines, les femmes de l’AFP, parti politique pourtant allié à celui du Président dans le cadre du syndicat d’intérêts appelé « Benno Bokk Yakaar », ont dénoncé l’ostracisme et la politisation qui rythment le financement des femmes. Elles ont clairement indiqué que les femmes de l’APR étaient largement privilégiées au détriment des femmes des autres partis de la mouvance présidentielle. Et pourtant elles n’ont fait qu’effleurer le problème qui est plus pernicieux que toutes les formes de corruption politique et d’achat des consciences et ce, à l’insu de la démocratie. Les lignes de crédit placées dans des Caisses ou Mutuelles qui couvrent le territoire national servent aujourd’hui de machine de propagande et d’appât politique. L’argent du contribuable est prêté aux femmes sous un label obscur avec comme credo « la générosité du Président Macky Sall ». Il faut écouter ces femmes faire la restitution du grand mensonge qu’on leur inculque à travers ces regroupements qui sont devenus des succursales de l’APR pour sonder l’ampleur du mal qu’on est en train de porter à la démocratie. Le message tacite ou patent qui est véhiculé est que la survie de ces financements est assujettie à la réélection de Macky Sall !
Cette démarche aux antipodes de l’esprit républicain est une agression arrogante contre la démocratie et la république ; et curieusement les sentinelles autoproclamées de la démocratie sont muettes et aveugles. Alors que la lutte contre la mal gouvernance était le credo de ce régime, nous voici dans un système de mal gouvernance institutionnalisée et donc légale. Tout journaliste sérieux confirmerait ce fait, à plus forte raison les organisations de lutte contre la mal gouvernance. Le fait même qu’une agence soit créée pour s’occuper de ce financement est une porte ouverte à tous les abus, car la meilleure façon d’inféoder ces femmes vulnérables c’est de les accoutumer à des personnes politiquement marquées. Une forme de chantage tacite se fait par le détour d’un discours politique qui incite à adhérer « à la vision » du Président. Qu’est ce qui empêche au gouvernement de confier ce fonds au ministère des finances qui a des structures habilitées à le gérer sans intermédiaire ?
Le même danger de gestion clanique du pays est introduit par les bourses familiales : alors qu’une politique de sécurité alimentaire dans les zones défavorisées, le financement de l’agriculture et des études étaient la voie la plus démocratique pour libérer le peuple de la pauvreté, on a choisi des voies occultes. Cette forme de distribution de l’argent du contribuable sans aucune base républicaine est une grave atteinte aux principes fondamentaux de la démocratie que sont : la liberté et l’égalité. L’Affirmative Act (discrimination positive) aux États-Unis avait occasionné des péripéties judiciaires parce qu’il viole le principe de l’égalité des citoyens en faisant de la promotion des noirs une mesure de correction d’une injustice historique. Nos concitoyens n’ont peut-être pas cette culture de la citoyenneté affirmée, mais la philosophie qui sous-tend les bourses familiales a abouti à des frustrations légitimes qui pourraient avoir des suites judiciaires. En mutilant les étudiants des bourses que la république leur avait accordées, ce gouvernement borgne croit pouvoir financer son trop suspect programme de bourses familiales.
Cette forme d’assistance qui avilit les assistés ne pourra jamais sortir une famille de la pauvreté. L’assistanat tue la créativité et la dignité, elle enlève à l’homme la confiance en soi et l’espérance qui nourrit ses actions héroïques. Que les bénéficiaires de ces pacotilles de vision appelées « financement des femmes » et « bourses familiales » pardonnent notre perception, nous n’avons rien contre la solidarité, mais face à un pouvoir imposteur et bricoleur, l’irrévérence de notre modeste plume nous semble être un devoir. Les bourses familiales finiront par révéler leur propre nature, à savoir un mécanisme astucieux d’acheter la conscience des Sénégalais. Il faut arrêter cette mascarade : il y a des programmes objectifs sérieux qui auraient dû engloutir cette manne financière aux résultats fatalement stériles. La vision de Macky Sall n’est pas une vision c’est une cécité occultée, un cul-de-sac au fond duquel on fait une alchimie de tout ce qu’on voit ailleurs comme politique.
Dans une république organisée selon des principes et des mécanismes administratifs rationnels et affranchis de toute contingence politique, une vision authentiquement sociale se passerait de bourses familiales aussi insignifiantes. Les ressources de ce pays sont tellement insuffisantes que se permettre de telles libéralités c’est sans aucun doute faire preuve de médiocrité dans la vision. Un pays comme le Brésil peut se permettre une redistribution des richesses dont est nantie l’Amazonie. Notre pays est tellement pauvre qu’au lieu de partager ses maigres ressources, le bon sens recommande plutôt leur investissement dans des secteurs porteurs de croissance et générateurs d’emplois. Le financement d’unités de production rurales (une mutualisation des familles pauvres pour une production sous forme de coopératives) par les structures du ministère des finances aurait été plus efficace et plus respectueux de la dignité humaine.
Comment un gouvernement sérieux peut-il se permettre de donner gracieusement de l’argent alors qu’il n’est même pas en mesure de payer aux enseignants leurs indemnités et autres rappels de salaire ? Comment expliquer que chaque mois les étudiants, sur qui compte la nation, soient amenés à perturber les universités pour recevoir leurs bourses alors qu’au même moment l’État trouve les moyens de financer sa fameuse politique sociale ? Un État qui n’est pas capable de s’acquitter de ses obligations régaliennes se permet ainsi une forme de misère dorée en faisant preuve de générosité hypocrite !
Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès