Le concours d’entrée en sixième a livré ses résultats à quelques jours de la rentrée scolaire officielle. La suprématie des écoles privées y est notoire, elles caracolent en tête du classement en se positionnant mieux au top 150 scolaire des filles. Elles s’emparent ainsi de la mise que constitue la sélection pour l’accès à la Maison d’Éducation Mariama BA de Gorée. Cela dit, ces résultats ne sont pas sans susciter quelques interrogations : L’excellence scolaire n’est-elle pas fonction de facteurs économiques ? L’École sénégalaise arrive-t-elle à annihiler l’effet des inégalités sociales ou géographiques? L’égalité des chances d’accès à une meilleure éducation y est-elle garantie pour tous ? Voilà des questions qui ne manquent pas d’intérêt pour la République et les républicains.
Les écoles privées sont meilleures !
Il faut dire d’emblée que non seulement les résultats du concours d’entrée en sixième de cette année sont sortis très tardivement, mais sont aussi publiés sans l’information principale que constitue le classement des candidats. N’eût été la nécessité de choisir les 150 premières filles pour Mariama BA, les résultats du concours pourraient être confondus avec ceux d’un examen ; le premier des admis n’a rien de plus que le dernier, tous les élèves reçus sont ex-aequo. Ce qui est regrettable, vu les intérêts et les enjeux qui entourent ces postions ou rangs des élèves, pour les établissements, les collectivités locales, les parents et les chercheurs. En plus, cela peut bien entacher la transparence visée par le gouvernement. Néanmoins, des enseignements peuvent être tirés de la liste des 150 présélectionnées pour Mariama BA. Celle-ci révèle bien la domination des écoles privées. En effet, elles gagnent 115 places sur les 150 mises en jeux ; soit 76,7% de l’ensemble. Les établissements Immaculé conception de Fatick, Kaolack commune, Mbour et Rufisque ainsi que Village SOS Hermann Gmeiner comptent chacun 12 élèves dans la liste. Le collège Cardinal Hyacinte Thiandoum vient en seconde position avec 5 présélectionnées. Autrement dit, l’École privée catholique est de loin la plus présente dans cette liste. Considérant la portion congrue de ses candidats dans le total (14,43%), on peut bien dire que les élèves des écoles privés ont 21 fois plus de chance d’être excellentes que celles du public. Ce qui voudrait dire que les conditions économiques des familles affectent bien la réussite scolaire ; la vitesse de l’ascenseur sociale varie selon le poids financier des parents !
Ensuite, il importe d’isoler cette variable pour voir s’il y a d’autres facteurs d’inégalité scolaire.
Les écoles de Dakar sont meilleures !
Si on prend seulement en compte les écoles publiques figurant dans la listes des présélectionnées pour Mariama BA, on remarque que la région de Dakar se taille la part du lion avec 19 élèves sur 35, soit 54,3%. Sachant que cette région ne pèse que 16,09% dans l’ensemble des candidats du concours venants des établissements publics, ses élèves ont 5 fois plus de chance d’exceller que celles des autres !
Autrement dit, en plus de la situation économique des parents, la position géographique est aussi un facteur de déséquilibre scolaire. On remarquera d’ailleurs l’absence de beaucoup d’Inspections d’Éducation et de Formation(IEF) dans le palmarès.
Enfin, on peut bien affirmer qu’il y a encore beaucoup à faire pour atteindre l’égalité des chances d’accès à une bonne éducation de base au Sénégal. La volonté que manifeste le gouvernement pour l’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence, n’est pas encore à la hauteur des défis à relever. La mise en compétition des positions d’excellence scolaire est à saluer. Mais, le motif invoqué pour organiser des tests d’entrée à Mariama BA après un concours est inquiétant. La fiabilité des résultats d’entrée en 6ème, de la bouche du ministre en charge de l’éducation « nationale », laisserait à désirer ! « On a falsifié des notes au niveau d’une inspection d’académie et fait entrer 12 élèves à Mariama BA », dixit le Ministre dans une émission télévisée diffusée le 31 octobre 2015. Pour dire que nous ne sommes pas encore sortis de l’ornière EFIienne, des notes d’examen qu’on manipule après correction et délibérations des jurys. En fait, qu’est-ce qui empêcherait les parents de douter de la fiabilité des tests que le Ministre a préconisés pour éviter ces agissements ? Faut-il dire ici que la sincérité des sanctions pédagogiques doit être préservée coûte que coûte, que le traitement de cette question doit aller au-delà d’une simple rectification par des tests supplémentaires sans valeur ajoutée. On se demande s’il ne vaudrait pas mieux confier la maison Mariama BA, pour qu’elle ne soit pas gangrénée par la tricherie ambiante, à l’Armé qui gère sans bruit le lycée Charles N’Tchoréré.
Par ailleurs, il faut avouer que l’existence d’abris scolaires provisoires dans ce pays, 55 ans après l’indépendance, constitue (plus que Barça et Barzakh) un cuisant échec pour l’État. L’iniquité des résultats qu’on vient de constater n’est que le corollaire d’une offre éducative insuffisante, injuste et inégalitaire. Les classes bien bâties et ornées, raisonnablement remplies d’élèves, sont réservées aux enfants des familles nanties. Ce qui nous ramène à l’École des fils et filles de chef et notable (École des otages).
Pour terminer, disons que si un régime sobre et vertueux n’arrive pas à rayer de la carte scolaire les abris provisoires, les classes pléthoriques ainsi que les enseignants sans formation professionnelle, il vaudrait mieux qu’il change de devise. N’est ni sobre ni vertueuse, une gouvernance qui n’arrive pas à éradiquer l’iniquité et l’injustice sociale à l’École !
Mamadou Youry SALL
Chercheur-Enseignant à UGB .
Le 3/11/2015
Les écoles privées sont meilleures !
Il faut dire d’emblée que non seulement les résultats du concours d’entrée en sixième de cette année sont sortis très tardivement, mais sont aussi publiés sans l’information principale que constitue le classement des candidats. N’eût été la nécessité de choisir les 150 premières filles pour Mariama BA, les résultats du concours pourraient être confondus avec ceux d’un examen ; le premier des admis n’a rien de plus que le dernier, tous les élèves reçus sont ex-aequo. Ce qui est regrettable, vu les intérêts et les enjeux qui entourent ces postions ou rangs des élèves, pour les établissements, les collectivités locales, les parents et les chercheurs. En plus, cela peut bien entacher la transparence visée par le gouvernement. Néanmoins, des enseignements peuvent être tirés de la liste des 150 présélectionnées pour Mariama BA. Celle-ci révèle bien la domination des écoles privées. En effet, elles gagnent 115 places sur les 150 mises en jeux ; soit 76,7% de l’ensemble. Les établissements Immaculé conception de Fatick, Kaolack commune, Mbour et Rufisque ainsi que Village SOS Hermann Gmeiner comptent chacun 12 élèves dans la liste. Le collège Cardinal Hyacinte Thiandoum vient en seconde position avec 5 présélectionnées. Autrement dit, l’École privée catholique est de loin la plus présente dans cette liste. Considérant la portion congrue de ses candidats dans le total (14,43%), on peut bien dire que les élèves des écoles privés ont 21 fois plus de chance d’être excellentes que celles du public. Ce qui voudrait dire que les conditions économiques des familles affectent bien la réussite scolaire ; la vitesse de l’ascenseur sociale varie selon le poids financier des parents !
Ensuite, il importe d’isoler cette variable pour voir s’il y a d’autres facteurs d’inégalité scolaire.
Les écoles de Dakar sont meilleures !
Si on prend seulement en compte les écoles publiques figurant dans la listes des présélectionnées pour Mariama BA, on remarque que la région de Dakar se taille la part du lion avec 19 élèves sur 35, soit 54,3%. Sachant que cette région ne pèse que 16,09% dans l’ensemble des candidats du concours venants des établissements publics, ses élèves ont 5 fois plus de chance d’exceller que celles des autres !
Autrement dit, en plus de la situation économique des parents, la position géographique est aussi un facteur de déséquilibre scolaire. On remarquera d’ailleurs l’absence de beaucoup d’Inspections d’Éducation et de Formation(IEF) dans le palmarès.
Enfin, on peut bien affirmer qu’il y a encore beaucoup à faire pour atteindre l’égalité des chances d’accès à une bonne éducation de base au Sénégal. La volonté que manifeste le gouvernement pour l’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence, n’est pas encore à la hauteur des défis à relever. La mise en compétition des positions d’excellence scolaire est à saluer. Mais, le motif invoqué pour organiser des tests d’entrée à Mariama BA après un concours est inquiétant. La fiabilité des résultats d’entrée en 6ème, de la bouche du ministre en charge de l’éducation « nationale », laisserait à désirer ! « On a falsifié des notes au niveau d’une inspection d’académie et fait entrer 12 élèves à Mariama BA », dixit le Ministre dans une émission télévisée diffusée le 31 octobre 2015. Pour dire que nous ne sommes pas encore sortis de l’ornière EFIienne, des notes d’examen qu’on manipule après correction et délibérations des jurys. En fait, qu’est-ce qui empêcherait les parents de douter de la fiabilité des tests que le Ministre a préconisés pour éviter ces agissements ? Faut-il dire ici que la sincérité des sanctions pédagogiques doit être préservée coûte que coûte, que le traitement de cette question doit aller au-delà d’une simple rectification par des tests supplémentaires sans valeur ajoutée. On se demande s’il ne vaudrait pas mieux confier la maison Mariama BA, pour qu’elle ne soit pas gangrénée par la tricherie ambiante, à l’Armé qui gère sans bruit le lycée Charles N’Tchoréré.
Par ailleurs, il faut avouer que l’existence d’abris scolaires provisoires dans ce pays, 55 ans après l’indépendance, constitue (plus que Barça et Barzakh) un cuisant échec pour l’État. L’iniquité des résultats qu’on vient de constater n’est que le corollaire d’une offre éducative insuffisante, injuste et inégalitaire. Les classes bien bâties et ornées, raisonnablement remplies d’élèves, sont réservées aux enfants des familles nanties. Ce qui nous ramène à l’École des fils et filles de chef et notable (École des otages).
Pour terminer, disons que si un régime sobre et vertueux n’arrive pas à rayer de la carte scolaire les abris provisoires, les classes pléthoriques ainsi que les enseignants sans formation professionnelle, il vaudrait mieux qu’il change de devise. N’est ni sobre ni vertueuse, une gouvernance qui n’arrive pas à éradiquer l’iniquité et l’injustice sociale à l’École !
Mamadou Youry SALL
Chercheur-Enseignant à UGB .
Le 3/11/2015