Au nom d’Allah le Miséricordieux par essence et par excellence,
Honorables participants,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
Que la Paix et la bénédiction d’Allah soient sur vous à jamais !
Je suis heureux de prendre part aux travaux du colloque international sur l’ijmaa et la conscience collective et voudrais que mon premier mot soit de remercier les organisateurs pour l’aimable invitation qu’ils ont bien voulu m’adresser.
Comme nous le savons tous, l’Ijmaa ou consensus est une source secondaire du droit musulman qui exprime l’accord des ulémas sur une question de droit. L’Ijmaa peut par conséquent être le révélateur de la conscience collective dans les sociétés musulmanes. Il y a en effet une adéquation possible entre d’une part, le consensus des ulémas sachants et d’autre part, les représentations de la société musulmane sur elle-même, sur ses problèmes et sur son devenir.
Il est important pour bien connaître les sociétés musulmanes de s’intéresser à l’Ijmaa en ce sens qu’il pourrait être une manifestation ou une représentation de la conscience collective des sociétés musulmanes à un moment donné de leur évolution.
On pourrait aborder cette problématique du colloque en étudiant les manifestations de l’ijmaa consacré dans les différentes écoles du Fiqh, qu’elles soient sunnites ou chiites. Cette démarche peut nous révéler la diversité de l’ijmaa et par voie de conséquence la relativité du consensus, lequel devient forcément un consensus partiel et donc partial.
A partir de ce constat, l’ijmaa peut-il être considéré comme consensus lorsqu’il n’est pas la représentation de l’ensemble de la conscience collective de la communauté islamique ? Les questions sur lesquelles un ijmaa s’est dégagé sont-elles les seules questions qui interpellent la conscience musulmane ? Est-ce qu’il existe une possibilité de susciter un nouveau consensus sur les questions de l’heure ?
A notre humble avis, nous pensons que l’ijmaa est une source du droit musulman qui a favorisé la prise de positions consensuelles sur des questions d’importance capitale pour la Umma à un moment donné de son évolution.
Mais sur certaines questions, les divergences sont telles que l’ijmaa était impossible en raison de la diversité des interprétations et positions. D’où le retour à la Sunna du Prophète (PSL) qui enseigne : « la controverse doctrinale est une source de miséricorde ».
Les échanges lors ce colloque nous auront enseignés que :
- L’ijmaa n’est pas un consensus absolu mais une unanimité doctrinale, une unanimité à l’échelle d’une d’école et parfois même au sein d’un courant dans une école ;
- L’ijmaa n’est pas exclusif de la diversité qui en soi est une richesse ;
- La controverse doctrinale est une source de miséricorde comme nous l’enseigne le Prophète (PSL).
Forts de ces constats, il est possible pour les sociétés musulmanes de s’orienter vers un nouvel Ijmaa de notre temps, un Ijmaa musulman sur les problématiques contemporaines, un Ijmaa comme expression de la conscience collective musulmane.
Les enjeux de l’ijmaa aujourd’hui : les valeurs partagées
Dans un monde devenu village planétaire, où se développent de plus en plus des phénomènes d’exclusion, de haine et de rejet de l’autre, où les sociétés musulmanes sont la proie des réactions islamophobes, la conscience islamique individuelle comme collective est interpellée.
Il nous semble impératif de nous baser sur les enseignements authentiques du Coran et de la Sunna, sans dénaturation idéologique, pour organiser le dialogue, l’éducation et le travail autour des valeurs partagées.
Parmi ces valeurs cardinales, on peut retenir les cinq suivantes comme préalables à la construction de la paix et de l’harmonie entre les musulmans et les non-musulmans :
L’équilibre entre la fraternité humaine et la fraternité islamique :
Le Coran pose le principe de la haute dignité humaine : « Nous (Allah) avons honoré les fils d'Adam, Nous les avons portés sur la terre ferme et sur la mer; Nous leur avons accordé d'excellentes nourritures et leur avons donné la préférence sur un grand nombre (d’êtres) que Nous avons créés. » (Sourate Israa, l’Ascension, Verset 70).
Cette fraternité entre les membres de la famille humaine ne doit pas être occultée au profit de la fraternité entre les croyants qui a un sens plus spirituel et communautaire : « Certes les croyants sont frères ». (Sourate Les appartements privés, XLIX, 13 , verset 10)
Le Coran est un message universel destiné à l’humanité entière. Le fait de privilégier la fraternité islamique sur la fraternité humaine transforme le message islamique en message communautariste et le fait renoncer à son universalité. L’universalité exige l’ouverture, le respect des autres et le dialogue avec eux.
La promotion de la justice sans discrimination :
L’application absolue de la charia peut se révéler injuste dans un contexte de diversité culturelle et religieuse. Or le Coran nous enseigne encore la nécessité de faire régner la justice entre les humains sans référence à leurs croyances : « O David, rends la justice entre les hommes avec équité » (Sourate Saad, verset 26)
L’amour envers les humains et l’environnement
« Les créatures sont la progéniture d’Allah. Aimez celui qui est sur terre pour mériter de la miséricorde de Celui qui est dans les cieux » Hadith
Les créatures englobent les humains dans la diversité de leurs expressions culturelles et linguistiques comme les autres composants de l’environnement dans leur diversité biologique.
Le Prophète de l’islam a enseigné que « la communauté est une source de miséricorde » et que « la controverse doctrinale est une miséricorde ». Ce message est suffisant pour illustrer la richesse qui peut être tirée de la diversité et ne point en faire une calamité comme on le constate de nos jours.
Le respect de la liberté humaine
La liberté humaine est la base du dialogue et de la cohésion sociale. Le Coran a fait de l’absence de contrainte en religion un principe fondamental : « Point de contrainte en religion » (AL Baqarah, La Vache, verset 256) « Qui veut croit, qui veut mécroit » (Al Kahf, La caverne, verset 29). Les règles religieuses imposées sans foi ne mènent à rien. Il est par conséquent essentiel de respecter la liberté de conscience, de religion, de culte sans discrimination aucune et sans privilège de religion pour garantir la cohésion dans toutes les sociétés humaines. Le Calife Oumar ne disait-il pas : « depuis quand aviez-vous asservi les humains alors que leurs mères les ont engendrés libres ? » pour illustrer que la liberté est la nature première de l’homme.
Forts de ses principes et valeurs, les sociétés musulmanes pourront fonder leur action individuelle et collective en vue d’une meilleure cohésion sociale et une vie plus harmonieuse avec les non-musulmans.
Cela nécessite un apprentissage du vivre-ensemble et avec les autres au plan personnel, dans la famille, dans les lieux de travail et la vie sociale en général.
Au plan individuel, il est nécessaire de fournir des efforts pour réussir l’adéquation entre nos paroles et nos faits et gestes. Au plan social, il sera question de développer des projets et programmes de développement qui fournissent des opportunités d’apprentissage des valeurs partagées enseignées par le Coran et la Sunna. « Ceci ne dépend ni de vos désirs ni de ceux des gens du Livre. Quiconque fait un mal sera rétribué pour cela et ne trouvera en sa faveur hors d’Allah ni allié ni secours (Sourate Les femmes, verset 123)
Les conditions d’expression de la conscience collective musulmane
Pour réunir les conditions d’émergence d’une conscience collective sur les questions essentielles, il est plus que nécessaire de promouvoir le dialogue (chouraa), un dialogue fondé sur la connaissance de l’autre et le dialogue comme outil de gouvernance et de législation.
Le Coran n’a-t-il pas posé la méthode dans la sourate les abeilles, verset 125 : « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c'est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s'égare de Son sentier et c'est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés ».
La sagesse, la bonne exhortation et la discussion de la meilleure façon, telles sont les conditions à l’émergence d’une conscience collective musulmane. L’Ijmaa doit être une démarche et non une fin en soi. En tant que démarche, elle peut déboucher sur un consensus ou sur la prise de conscience de la diversité à préserver.
L’absence de paix et de cohésion sociales notée çà et là est souvent la résultante d’un déficit de dialogue et d’éducation orientée vers la liberté et le respect de l’autre. Et pourtant le Coran nous enseigne « … « Ô hommes Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle. Nous vous avons partagés en peuples et en tribus afin que vous vous connaissiez entre vous1. »
1 Le Coran, Les appartements privés, XLIX, 13
Le principe de la diversité humaine est reconnu et sa finalité souhaitée est posée à savoir la connaissance mutuelle pour organiser les relations entre les membres de la famille humaine. S’il est vrai que la diversité des nations est acceptée par le sens commun, on oublie souvent les autres aspects de la diversité : la diversité des écoles de pensées, des idéologies, des cultures, des expressions de la liberté qui constituent la richesse de l’humanité.
Contribution de l’Imam El Hadj Mouhammed Abdoullah CISSE,
Président de la Fondation Serigne Madior Cissé-Ihsaan
Saint-Louis, Sénégal
Honorables participants,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
Que la Paix et la bénédiction d’Allah soient sur vous à jamais !
Je suis heureux de prendre part aux travaux du colloque international sur l’ijmaa et la conscience collective et voudrais que mon premier mot soit de remercier les organisateurs pour l’aimable invitation qu’ils ont bien voulu m’adresser.
Comme nous le savons tous, l’Ijmaa ou consensus est une source secondaire du droit musulman qui exprime l’accord des ulémas sur une question de droit. L’Ijmaa peut par conséquent être le révélateur de la conscience collective dans les sociétés musulmanes. Il y a en effet une adéquation possible entre d’une part, le consensus des ulémas sachants et d’autre part, les représentations de la société musulmane sur elle-même, sur ses problèmes et sur son devenir.
Il est important pour bien connaître les sociétés musulmanes de s’intéresser à l’Ijmaa en ce sens qu’il pourrait être une manifestation ou une représentation de la conscience collective des sociétés musulmanes à un moment donné de leur évolution.
On pourrait aborder cette problématique du colloque en étudiant les manifestations de l’ijmaa consacré dans les différentes écoles du Fiqh, qu’elles soient sunnites ou chiites. Cette démarche peut nous révéler la diversité de l’ijmaa et par voie de conséquence la relativité du consensus, lequel devient forcément un consensus partiel et donc partial.
A partir de ce constat, l’ijmaa peut-il être considéré comme consensus lorsqu’il n’est pas la représentation de l’ensemble de la conscience collective de la communauté islamique ? Les questions sur lesquelles un ijmaa s’est dégagé sont-elles les seules questions qui interpellent la conscience musulmane ? Est-ce qu’il existe une possibilité de susciter un nouveau consensus sur les questions de l’heure ?
A notre humble avis, nous pensons que l’ijmaa est une source du droit musulman qui a favorisé la prise de positions consensuelles sur des questions d’importance capitale pour la Umma à un moment donné de son évolution.
Mais sur certaines questions, les divergences sont telles que l’ijmaa était impossible en raison de la diversité des interprétations et positions. D’où le retour à la Sunna du Prophète (PSL) qui enseigne : « la controverse doctrinale est une source de miséricorde ».
Les échanges lors ce colloque nous auront enseignés que :
- L’ijmaa n’est pas un consensus absolu mais une unanimité doctrinale, une unanimité à l’échelle d’une d’école et parfois même au sein d’un courant dans une école ;
- L’ijmaa n’est pas exclusif de la diversité qui en soi est une richesse ;
- La controverse doctrinale est une source de miséricorde comme nous l’enseigne le Prophète (PSL).
Forts de ces constats, il est possible pour les sociétés musulmanes de s’orienter vers un nouvel Ijmaa de notre temps, un Ijmaa musulman sur les problématiques contemporaines, un Ijmaa comme expression de la conscience collective musulmane.
Les enjeux de l’ijmaa aujourd’hui : les valeurs partagées
Dans un monde devenu village planétaire, où se développent de plus en plus des phénomènes d’exclusion, de haine et de rejet de l’autre, où les sociétés musulmanes sont la proie des réactions islamophobes, la conscience islamique individuelle comme collective est interpellée.
Il nous semble impératif de nous baser sur les enseignements authentiques du Coran et de la Sunna, sans dénaturation idéologique, pour organiser le dialogue, l’éducation et le travail autour des valeurs partagées.
Parmi ces valeurs cardinales, on peut retenir les cinq suivantes comme préalables à la construction de la paix et de l’harmonie entre les musulmans et les non-musulmans :
L’équilibre entre la fraternité humaine et la fraternité islamique :
Le Coran pose le principe de la haute dignité humaine : « Nous (Allah) avons honoré les fils d'Adam, Nous les avons portés sur la terre ferme et sur la mer; Nous leur avons accordé d'excellentes nourritures et leur avons donné la préférence sur un grand nombre (d’êtres) que Nous avons créés. » (Sourate Israa, l’Ascension, Verset 70).
Cette fraternité entre les membres de la famille humaine ne doit pas être occultée au profit de la fraternité entre les croyants qui a un sens plus spirituel et communautaire : « Certes les croyants sont frères ». (Sourate Les appartements privés, XLIX, 13 , verset 10)
Le Coran est un message universel destiné à l’humanité entière. Le fait de privilégier la fraternité islamique sur la fraternité humaine transforme le message islamique en message communautariste et le fait renoncer à son universalité. L’universalité exige l’ouverture, le respect des autres et le dialogue avec eux.
La promotion de la justice sans discrimination :
L’application absolue de la charia peut se révéler injuste dans un contexte de diversité culturelle et religieuse. Or le Coran nous enseigne encore la nécessité de faire régner la justice entre les humains sans référence à leurs croyances : « O David, rends la justice entre les hommes avec équité » (Sourate Saad, verset 26)
L’amour envers les humains et l’environnement
« Les créatures sont la progéniture d’Allah. Aimez celui qui est sur terre pour mériter de la miséricorde de Celui qui est dans les cieux » Hadith
Les créatures englobent les humains dans la diversité de leurs expressions culturelles et linguistiques comme les autres composants de l’environnement dans leur diversité biologique.
Le Prophète de l’islam a enseigné que « la communauté est une source de miséricorde » et que « la controverse doctrinale est une miséricorde ». Ce message est suffisant pour illustrer la richesse qui peut être tirée de la diversité et ne point en faire une calamité comme on le constate de nos jours.
Le respect de la liberté humaine
La liberté humaine est la base du dialogue et de la cohésion sociale. Le Coran a fait de l’absence de contrainte en religion un principe fondamental : « Point de contrainte en religion » (AL Baqarah, La Vache, verset 256) « Qui veut croit, qui veut mécroit » (Al Kahf, La caverne, verset 29). Les règles religieuses imposées sans foi ne mènent à rien. Il est par conséquent essentiel de respecter la liberté de conscience, de religion, de culte sans discrimination aucune et sans privilège de religion pour garantir la cohésion dans toutes les sociétés humaines. Le Calife Oumar ne disait-il pas : « depuis quand aviez-vous asservi les humains alors que leurs mères les ont engendrés libres ? » pour illustrer que la liberté est la nature première de l’homme.
Forts de ses principes et valeurs, les sociétés musulmanes pourront fonder leur action individuelle et collective en vue d’une meilleure cohésion sociale et une vie plus harmonieuse avec les non-musulmans.
Cela nécessite un apprentissage du vivre-ensemble et avec les autres au plan personnel, dans la famille, dans les lieux de travail et la vie sociale en général.
Au plan individuel, il est nécessaire de fournir des efforts pour réussir l’adéquation entre nos paroles et nos faits et gestes. Au plan social, il sera question de développer des projets et programmes de développement qui fournissent des opportunités d’apprentissage des valeurs partagées enseignées par le Coran et la Sunna. « Ceci ne dépend ni de vos désirs ni de ceux des gens du Livre. Quiconque fait un mal sera rétribué pour cela et ne trouvera en sa faveur hors d’Allah ni allié ni secours (Sourate Les femmes, verset 123)
Les conditions d’expression de la conscience collective musulmane
Pour réunir les conditions d’émergence d’une conscience collective sur les questions essentielles, il est plus que nécessaire de promouvoir le dialogue (chouraa), un dialogue fondé sur la connaissance de l’autre et le dialogue comme outil de gouvernance et de législation.
Le Coran n’a-t-il pas posé la méthode dans la sourate les abeilles, verset 125 : « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c'est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s'égare de Son sentier et c'est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés ».
La sagesse, la bonne exhortation et la discussion de la meilleure façon, telles sont les conditions à l’émergence d’une conscience collective musulmane. L’Ijmaa doit être une démarche et non une fin en soi. En tant que démarche, elle peut déboucher sur un consensus ou sur la prise de conscience de la diversité à préserver.
L’absence de paix et de cohésion sociales notée çà et là est souvent la résultante d’un déficit de dialogue et d’éducation orientée vers la liberté et le respect de l’autre. Et pourtant le Coran nous enseigne « … « Ô hommes Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle. Nous vous avons partagés en peuples et en tribus afin que vous vous connaissiez entre vous1. »
1 Le Coran, Les appartements privés, XLIX, 13
Le principe de la diversité humaine est reconnu et sa finalité souhaitée est posée à savoir la connaissance mutuelle pour organiser les relations entre les membres de la famille humaine. S’il est vrai que la diversité des nations est acceptée par le sens commun, on oublie souvent les autres aspects de la diversité : la diversité des écoles de pensées, des idéologies, des cultures, des expressions de la liberté qui constituent la richesse de l’humanité.
Contribution de l’Imam El Hadj Mouhammed Abdoullah CISSE,
Président de la Fondation Serigne Madior Cissé-Ihsaan
Saint-Louis, Sénégal