Les récentes déclarations de Macky Sall sur la Gambie méritent d’être analysées sur le fond et sur la forme au-delà des réactions épidermiques et de l’émotivité. Dans cette affaire, la Gambie ou plutôt son Président a fait preuve d’un mépris certain à l’endroit de notre pays et de ses hautes autorités, en particulier, son homologue sénégalais qui lui a consacré sa première visite officielle dès sa prise de fonction, en avril dernier. Les actes que vient de poser Yaya Jammeh sont violent tous les traités et principes diplomatiques faisant référence dans ce domaine.
La bienséance diplomatique aurait voulu que le Président Jammeh informe, par des mécanismes appropriés, son homologue sénégalais avant de passer à l’acte. L’on peut reconnaître que la politique de bon voisinage reste une des priorités de la diplomatie du nouveau régime sénégalais et, en particulier, le renforcement de l’axe Dakar-Banjul. Il est donc normal que le Président de la République réagisse et hausse le ton surtout que la protection de tous les Sénégalais à l’intérieur et à l’extérieur, fait partie de ses missions sacrées quelle que soit, par ailleurs, la gravité des fautes commises par ses compatriotes.
Sur la forme, il faut rappeler qu’en diplomatie, la réaction est graduée. On passe d’une étape à une autre
. La convocation de l’Ambassadeur du pays mis en cause pour explication et pour recueillir la position du pays d’accueil a été le premier acte posé et le rappel de l’Ambassadeur du Sénégal pourrait être la prochaine étape de ce refroidissement des relations entre les pays. Bien que personne ne puisse souhaiter que cette crise perdure jusqu’à affecter les relations fraternelles entre les deux peuples. Car, il ne faudrait pas, sous le coup de l’émotion et de la pression de l’opinion publique, confondre le peuple gambien avec son Président qui n’a cessé de fouler aux pieds des règles élémentaires de bon voisinage (récente affaire des armes iraniennes). Il faudrait aussi intégrer le fait que la Gambie demeure, dans tous les cas, un partenaire indispensable pour la résolution de cette autre crise qui a déjà duré trente ans : le conflit casamançais.
Macky Sall avait, tout de même, besoin de marquer le coup. Les Affaires étrangères étant un domaine réservé du Président de la République, le Chef de l’Etat ne doit pas hésiter à user de toute son influence pour régler des situations les plus compromises comme celle-ci.
Mais il devra vite comprendre qu’il a affaire à un Chef d’Etat qui n’a que faire des procédures diplomatiques et qui, dit-on dans certaines chancelleries, a son orgueil souvent démesuré.
En tout état de cause, il ne faut pas que cette situation s’empire : la Gambie et le Sénégal étant deux pays frères, un même peuple partageant le même destin historique.
Le risque serait qu’on assiste à l’escalade et aux réactions disproportionnées qui creuseraient le malentendu et le malaise déjà installés. Malgré la gravité des actes posés par Banjul, il faudrait garder présent à l’esprit que sur le fond, la Gambie estime qu’en pays souverain, il n’a fait qu’appliquer ses lois.
La question que posent certains analystes est, dès lors, de savoir, s’il y aurait la même fermeté de la part du Sénégal si les USA, par exemple, venaient à exécuter un de ses ressortissants ? Cette question qui peut choquer, dans un contexte d’une intense émotivité est pourtant pertinente bien qu’il faille rappeler, d’emblée, que les Etats-Unis, en plus des particularités liées au fédéralisme, sont un Etat de droit où règne la séparation des pouvoirs ; ce qui n’est point le cas de la Gambie.
Les Organisations de droit de l’homme font d’ailleurs observer que les garanties d’un procès équitable n’ont jamais été données à nos compatriotes en détention dans ce pays et c’est bien cela, le fond du problème.
Mais, ce malheureux évènement qui risque de marquer les esprits pour encore longtemps pose un problème fondamental : la rupture dans la protection consulaire et diplomatique apportée par nos missions diplomatiques à nos compatriotes expatriés.
Si Alioune Badara Cissé voudrait, vraiment, marquer son passage aux Affaires Etrangères, il y a là un chantier sur lequel le nouveau régime est attendu en vue de systématiser cette protection et la rendre plus efficace. Ceci est possible en travaillant, par exemple, plus étroitement avec les associations de sénégalais à l’étranger et avec une diplomatie de « rupture » et de proximité prenant en compte les réalités de l’émigration ainsi que les avis de ceux qui les vivent au quotidien.
A l’instar de la France qui est une référence dans ce domaine de la prise en charge de ses ressortissants en danger, la protection consulaire des Sénégalais doit revenir au cœur de nos préoccupations diplomatiques. Au-delà des mesures ponctuelles dictées par de graves circonstances, il faut une réelle prise en charge de cette question à inscrire dans les priorités de notre diplomatie.
Par Dr. Bakary Sambe
La bienséance diplomatique aurait voulu que le Président Jammeh informe, par des mécanismes appropriés, son homologue sénégalais avant de passer à l’acte. L’on peut reconnaître que la politique de bon voisinage reste une des priorités de la diplomatie du nouveau régime sénégalais et, en particulier, le renforcement de l’axe Dakar-Banjul. Il est donc normal que le Président de la République réagisse et hausse le ton surtout que la protection de tous les Sénégalais à l’intérieur et à l’extérieur, fait partie de ses missions sacrées quelle que soit, par ailleurs, la gravité des fautes commises par ses compatriotes.
Sur la forme, il faut rappeler qu’en diplomatie, la réaction est graduée. On passe d’une étape à une autre
. La convocation de l’Ambassadeur du pays mis en cause pour explication et pour recueillir la position du pays d’accueil a été le premier acte posé et le rappel de l’Ambassadeur du Sénégal pourrait être la prochaine étape de ce refroidissement des relations entre les pays. Bien que personne ne puisse souhaiter que cette crise perdure jusqu’à affecter les relations fraternelles entre les deux peuples. Car, il ne faudrait pas, sous le coup de l’émotion et de la pression de l’opinion publique, confondre le peuple gambien avec son Président qui n’a cessé de fouler aux pieds des règles élémentaires de bon voisinage (récente affaire des armes iraniennes). Il faudrait aussi intégrer le fait que la Gambie demeure, dans tous les cas, un partenaire indispensable pour la résolution de cette autre crise qui a déjà duré trente ans : le conflit casamançais.
Macky Sall avait, tout de même, besoin de marquer le coup. Les Affaires étrangères étant un domaine réservé du Président de la République, le Chef de l’Etat ne doit pas hésiter à user de toute son influence pour régler des situations les plus compromises comme celle-ci.
Mais il devra vite comprendre qu’il a affaire à un Chef d’Etat qui n’a que faire des procédures diplomatiques et qui, dit-on dans certaines chancelleries, a son orgueil souvent démesuré.
En tout état de cause, il ne faut pas que cette situation s’empire : la Gambie et le Sénégal étant deux pays frères, un même peuple partageant le même destin historique.
Le risque serait qu’on assiste à l’escalade et aux réactions disproportionnées qui creuseraient le malentendu et le malaise déjà installés. Malgré la gravité des actes posés par Banjul, il faudrait garder présent à l’esprit que sur le fond, la Gambie estime qu’en pays souverain, il n’a fait qu’appliquer ses lois.
La question que posent certains analystes est, dès lors, de savoir, s’il y aurait la même fermeté de la part du Sénégal si les USA, par exemple, venaient à exécuter un de ses ressortissants ? Cette question qui peut choquer, dans un contexte d’une intense émotivité est pourtant pertinente bien qu’il faille rappeler, d’emblée, que les Etats-Unis, en plus des particularités liées au fédéralisme, sont un Etat de droit où règne la séparation des pouvoirs ; ce qui n’est point le cas de la Gambie.
Les Organisations de droit de l’homme font d’ailleurs observer que les garanties d’un procès équitable n’ont jamais été données à nos compatriotes en détention dans ce pays et c’est bien cela, le fond du problème.
Mais, ce malheureux évènement qui risque de marquer les esprits pour encore longtemps pose un problème fondamental : la rupture dans la protection consulaire et diplomatique apportée par nos missions diplomatiques à nos compatriotes expatriés.
Si Alioune Badara Cissé voudrait, vraiment, marquer son passage aux Affaires Etrangères, il y a là un chantier sur lequel le nouveau régime est attendu en vue de systématiser cette protection et la rendre plus efficace. Ceci est possible en travaillant, par exemple, plus étroitement avec les associations de sénégalais à l’étranger et avec une diplomatie de « rupture » et de proximité prenant en compte les réalités de l’émigration ainsi que les avis de ceux qui les vivent au quotidien.
A l’instar de la France qui est une référence dans ce domaine de la prise en charge de ses ressortissants en danger, la protection consulaire des Sénégalais doit revenir au cœur de nos préoccupations diplomatiques. Au-delà des mesures ponctuelles dictées par de graves circonstances, il faut une réelle prise en charge de cette question à inscrire dans les priorités de notre diplomatie.
Par Dr. Bakary Sambe