Les pitreries de certains intellectuels, dans, aux abords et aux alentours des cours des Roitelets africains (Adama Gaye n’avait pas tort de se méfier), nous donnent l’occasion, de commémorer les 35 ans du mémorable poème « Intellectuel d’Afrique » de notre ami Nougbonové (contenu dans le message du Gankéké), 2ème prix du concours de poésie organisé en 1971, par la revue Africasia édité, à Paris et dirigé à l’époque par Simon Malley en collaboration avec le mauritanien Ahmed Baba Miské. Ecrit dans le contexte de l’effervescence de mai 1968, ce poème est en quelque sorte, une ‘’mise en garde’’, de « mots d’ordre », adressés aux intellectuels africains, occupant ou censés occuper une place prépondérante dans la société : Cadres, étudiants, élèves, syndicalistes, travailleurs de l’administration et du secteur privé. Sans doute certains de ceux-là qui assistèrent avec bonheur aux déclamations de son auteur au cours de soirées chaudes à l’Université de Dakar, s’en souviendront avec beaucoup de satisfaction. Par contre, d’ autres « Intellectuels révolutionnaires», de la même époque, devenus « réalistes », bien au chaud dans les coussins et couffins des Palais, ne voudront même pas en entendre parler, comme nous avons eu à le souligner, ailleurs. Certes, le texte a pris de l’âgé et, est un peu « décalé » par rapport à certains faits, à certains personnages, mais par certains aspects, il demeure toujours d’actualité.
Si la problématique de l’intellectuel africain est souvent posée, ce n’est pas parce que tous sont de la même trempe, ou adoptent le même comportement face à la domination de notre Continent. C’est par ce qu’une partie de cette catégorie sociale, la plus médiatisée s’est comportée et se comporte de façon si exécrable, qu’on a tendance à mettre tout le monde dans le même sac. Le rythme, la facilité avec lesquels certains intellectuels retournent leur veste, transhument, ont amené, un de nos amis à se demander, un jour, si même Fanon n’aurait pas suivi ce mouvement. D’aucuns le faisant sur la pointe des pieds, d’autres, les plus audacieux, n’hésitent pas, parfois, à théoriser leur reniement avec aplomb et beaucoup de toupet. D’ou ce « brusque revirement qualifié de réalisme, dont parle le poète.
Mais, pour nous, Fanon ne serait pas de cette partie de sarabande. Il serait sans doute sur les positions éternelles des : Toussaint Louverture, Anthenor Firmin, Alboury Ndiaye, Sidiya Léon Diop, Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Tidiane Baidy Ly, Djibo Bakary, Modibo Keita, Sékou Touré, David Diop etc. Sur celles des commandants actuels des sentinelles de l’indépendance et de la dignité des peuples, tels que Nelson Mandela, Aimé Césaire, Mamadou Dia, Fidel Castro, Laurent Gbagbo etc. Quelques soient par ailleurs les réserves des uns et des autres sur leurs erreurs supposées ou réelles. Nous soutenons Gbagbo et Fidel, c’est par ce que, ils font le minimum, comme le firent Sankara et le CHE : Résister contre l’asservissement, l’indignité, l’arrogance et l’esclavage néolibéral. Ce dont on ne peut obtenir de certains intellectuels qui, par couardise ou par calcul sont muets comme une carpe, devant l’oppression et l’exploitation de nos populations et lorsque nos valeurs républicaines, les consensus sacrés sont bafoués. Par exemple, il ne reviendrait à l’esprit d’aucun intellectuel américain, de cautionner la remise en cause de la durée du mandat présidentiel de 4 ans, renouvelable une fois, ou d’aliéner Green Park. Pas plus, qu’il ne reviendrait à l’esprit d’aucun intellectuel français, d’admettre que l’on remette en cause le principe de la séparation entre Administrateur et comptable, hérité de l’autre principe de la séparation des pouvoirs de 1789 ou d’aliéner la forêt de Rambouillet, de Vincennes. C’est autour de la pérennisation de ces types de valeurs, de principes, que les intellectuels africains devraient se battre et non autour des besoins animaux. Il est affligeant de constater que la plupart de nos intellectuels prennent prétexte des « réalités » (réalités des politiques néolibérales plutôt), pour se métamorphoser en « bûcheron » (Xarkatu matt), pour arrondir les fins de mois. Contribuant de ce fait à complexifier leur propre condition. Rappelons-nous que c’est un « intellectuel », ancien inspecteur de l’enseignement, ancien syndicaliste qui est à la base de la création de ce type de corps odieux des « Volontaires de l’enseignement ». Au lieu de s’engager résolument, si nous prenons l’exemple de l’école sénégalaise, à transformer la situation, on se complait à développer des stratégies de survie, pour s’adapter. Que dire maintenant des « intellectuels-économistes » qui cautionnent, courent après ces miroirs aux alouettes du néolibéralisme : « projets, financements, ligne de crédits », sinon que ces « machins » sont plutôt destinés à corrompre de manière sélective (à travers d’ONG bidons à financements opaques), les consciences, qu’autre chose.
Soulignons que ce poème s’adresse à deux catégories d’intellectuels, voire trois : La première, ceux arrivés au pouvoir, avec comme chef de file Senghor. La seconde est incarnée par les ’’intellectuels révolutionnaires repentis’’. La troisième par les « combattants de la liberté », les commandants, les sentinelles de l’égalité, du droit et de la justice sociale. Mais le principal trait caractéristique commun aux deux premiers groupes d’intellectuels africains, est lié à leur félonie, leur comportement déloyal, hypocrite, leur infidélité, leur méchanceté, leur traîtrise, leur suffisance, leur soif du pouvoir, leur « complexe inavoué ».
Senghor a toujours chanté les valeurs négro-africaines, mais cela ne lui a pas empêché de préférer Versons (Normandie en France), ou il signait parfois les décrets de la République, que Dakar la capitale du Sénégal. C’est pourquoi le poète le lui rappelait, indirectement, en ces termes :
« Le temps n’est plus aux louanges de la Beauté-du-Negre,
De l’Etre du-Nègre, des beautés d’Afrique,
Les masses africaines savent ce qu’elles ont toujours été, et elles ont faim…
Le temps n’est plus aux élucubrations Negritiennes
Reflet d’un complexe inavoué
Les masses africaines savent qu ‘elles sont nègres et qu’elles sont affamées…
Nous tenons d’un de nos amis fils, d’un dignitaire du premier régime, qu’un jour une proche parente de Senghor a « gâché » la réception du Président par ce qu’elle était venue à « sa » cérémonie en…’’taille basse’’ et non en tenue occidentale. Dans tous ses états, il faisait des va-et-vient, incessants auprès de la pauvre Dame pour lui faire part de son amertume. Ne parlons pas de son ministre qu’il a limogé de son gouvernement par ce que sa mise (un cafetant), ne lui revenait pas.
Si nous nous intéressons à Senghor, ce n’est pas par réaction épidermique, mais uniquement en tant que théoricien politique et homme d’Etat qui a contribué à faire du Sénégal ce qu’il est aujourd’hui : Un pays néocolonial appauvri, très endetté, conséquence d’une orientation politique néfaste. La dissolution des mœurs politiques des temps modernes, remonte à la période de notre « grand intellectuel ». Cette culture faite de dépenses de prestige, de coterie, d’ostracisme, de méchanceté, est à mettre au son compte de son régime. N’en déplaise à ses supporters nostalgiques. Cheikh Anta Diop, un intellectuel émérite qui lui faisait ombrage, n’a t-il pas été victime d’ostracisme de son fait ? Oumar Diop Blondin un autre brillant intellectuel, un de ses contempteurs intransigeants, n’a t-il pas subit, un sort tragique du fait de l’ « humaniste » ?
D’aucuns tentent de le réhabiliter par la bande, à travers ses poèmes qui sont, pour certains, des réussites. Mais à ce niveau, Amady Aly Dieng nous dit que ses poèmes ne les ont jamais enthousiasmés : « La poésie de Senghor était une sorte d’anesthésie intellectuelle qui était destiné à nous faire oublier les souffrances coloniale des peuples africains (…) Césaire nous armait là où Senghor nous désarmait », dit-il. (cf. Sud quotidien déc. 2001).
A signaler que cette culture senghorienne sectaire, de l’exercice du pouvoir, continue de faire des vagues. Ceci en pensant à la prestation, l’autre jour, des « intellectuels troubadours », lors d’une certaine séance de dédicace d’un livre du « savant », au Palais de la République. Manifestation au cours de laquelle le nom du maître des lieux revenait dans les propos, comme d’habitude, tel un verbe dans une phrase. Lors de la première séance de dédicace à la quelle, « l’opposant » nous avait gratifié d’un exemplaire de ce livre, « Un destin pour l’Afrique », en tant qu’allié, le 9 décembre 1990, à la permanence de son Parti, suite au boycott réussi des élections municipales, nous étions loin d’imaginer qu’une autre séance de dédicace, dans une telle atmosphère politicienne, aux allures de lancement d’une campagne électorale, allait avoir lieu un autre jour.
Notons que ces « intellectuels » « prêts à répéter », « prêts à réciter » sont toujours mis à contribution pour embrouiller ce qui est clair, pour répéter à tort et à travers, des concepts ou slogans débiles : « compétitivité, croissance, lutte contre la pauvreté » et autres balivernes. Que signifie une compétitivité avec une économie dominée ? Que veut dire une croissance qui (s’il y a lieu), est aussitôt happée par des « Jaxaay », Maff (noms wolof d’un oiseau de proie) ? Le slogan de la « détérioration des termes de l’échange » est substitué à celui de « la lutte contre la pauvreté », qui ignore au passage, les « mots qui la caractérise ».
La deuxième catégorie à la quelle s’adresse le poète est représentée par ces ’’intellectuels repentis’’ qui se réclament de la gauche à tue-tête avec une « éloquence verbeuse », vite monnayée, à la première occasion. A propos de monnayage, nous nous rappelons de cette réflexion d’un nos anciens collaborateurs, un’’ grand intellectuel’’, actuellement, ministre de la République (2006): « Non, Barros, il faut l’enlever, il va le monnayer ». Il s’agissait d’un sobriquet, très flatteur à son goût, qu’il ne fallait pas donner, dans le cadre d’un article de presse, à ce journaliste de la télévision qui ne cessait d’enlever le « fromage » de la bouche de l’opposition, à l’époque. Aujourd’hui, tous les deux se retrouvent dans le même camp politique. Plus précisément dans la même équipe gouvernementale, car le journaliste est du cabinet présidentiel. Entre les deux, qui a monnayé quoi ? En tous cas, Dieu fait bien les choses comme on a coutume de dire. Une victime de la « pensée unique », comme nous, avec qui discutions avait raison de nous dire un jour :’’ Nous avons de la chance, car si ces gens avaient pris le pouvoir, nous nous serions tous morts, aujourd’hui’’. Très certainement ! Vu sa boulimie du pouvoir, notre « grand intellectuel - philosophe nous aurait appliqué, sans doute, cette « sentence- étiquette » qu’il prononça un jour, au détour d’une phrase, au cours d’une discussion très animée entre « révolutionnaires », chez un certain Diack : « Un artiste qui met son talent au service de l’exploiteur de son peuple, doit être exécuté sommairement ».
S’agissant de la troisième catégorie qu’on cherche à enterrer, nous l’avons annoncé tantôt, plus haut. Ce sont ceux qui se préoccupent véritablement à connaître les « maux des damnés de la terre » et qui travaillent à « la réintégration de l’intellectuel africain dans son véritable milieu », pour sa fusion avec « les maux de son peuple ». Alors, tant que l’Afrique n’aura pas cette catégorie d’intellectuels conscients à la tête des Etats, elle continuera de végéter. Car au lieu d’avoir des hommes d’Etat, l’Afrique, a, actuellement, des intellectuels proconsuls, de délégués locaux des multinationales, de chefs de réseaux, de Clubs qui défendent des intérêts bien compris de groupes. Voilà le nœud gordien du drame de l’Afrique. Tout le reste n’est que bla-bla.
Et la non mise en œuvre des « mots d’ordre » essentiels contenus dans le poème, a fait que des’’ intellectuels ‘’ arrivés au pouvoir au niveau des directions, ont dégénérés aussi bien en Algérie, en Guinée Bissau, en Angola, en Afrique du Sud, au Sénégal, qu’ailleurs. Laissant les populations, à elles-mêmes, livrant nos richesses et les travailleurs aux multinationales esclavagistes, ils ont contribué par conséquent, à conduire le processus de transformation économique et social de ces pays d’Afrique, dans l’impasse.
C’est pourquoi nous continuons à croire que l’intellectuel AFRICAIN doit toujours être quelqu’un d’engagé, « partisan, sans être partisan ». Partisan pour la défense des intérêts supérieurs de son pays, pour la justice et la libération sociale des peuples et non partisan de la défense de cet « esprit de parti » débridé qui cache souvent la défense d’intérêts de groupe, qui est à la base de la misère et l’oppression des populations. Le CHE que tout le monde cherche aujourd’hui, par caprice, à faire de lui ‘’son’’ CHE, disait à Madame Maria Rosa Guevara, de Casablanca qui, dans une lettre, voulait savoir si elle n’était pas son parent : « Je ne pense pas que nous soyons des parents très proches, mais si vous êtes capable de trembler d’indignation chaque fois qu’il se commet une injustice dans le monde, alors nous sommes camarades, ce qui est le plus important ». (Textes politiques. Œuvres III. Ed. Maspero 1968). Voilà ce que c’est, pour nous, être partisan, sans être partisan.
Mais en parlant du CHE, on ne peut manquer de jeter, avec satisfaction, un regard sur le comportement de l’avant-garde des intellectuels d’Amérique Latine (Cuba, Venezuela, Uruguay, Brésil, Chili, Bolivie etc.), qui résistent et refusent le statu quo, en cherchant à faire bouger les choses.
Cela dit, voici en extenso le texte « Intellectuel d’Afrique », qui, a n’en pas douter, a la dignité de figurer au programme d’enseignement de nos écoles.
Qui se plaignait récemment d’absence de débats d’idées, de « mégotage » intellectuel, « d’affaissement idéologique des cadres », pour reprendre les termes de notre « grand intellectuel » de ministre ? Eh bien, voilà un thème !!
Dakar, le 13 janvier 2006
Ababacar Fall-Barros
Si la problématique de l’intellectuel africain est souvent posée, ce n’est pas parce que tous sont de la même trempe, ou adoptent le même comportement face à la domination de notre Continent. C’est par ce qu’une partie de cette catégorie sociale, la plus médiatisée s’est comportée et se comporte de façon si exécrable, qu’on a tendance à mettre tout le monde dans le même sac. Le rythme, la facilité avec lesquels certains intellectuels retournent leur veste, transhument, ont amené, un de nos amis à se demander, un jour, si même Fanon n’aurait pas suivi ce mouvement. D’aucuns le faisant sur la pointe des pieds, d’autres, les plus audacieux, n’hésitent pas, parfois, à théoriser leur reniement avec aplomb et beaucoup de toupet. D’ou ce « brusque revirement qualifié de réalisme, dont parle le poète.
Mais, pour nous, Fanon ne serait pas de cette partie de sarabande. Il serait sans doute sur les positions éternelles des : Toussaint Louverture, Anthenor Firmin, Alboury Ndiaye, Sidiya Léon Diop, Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Tidiane Baidy Ly, Djibo Bakary, Modibo Keita, Sékou Touré, David Diop etc. Sur celles des commandants actuels des sentinelles de l’indépendance et de la dignité des peuples, tels que Nelson Mandela, Aimé Césaire, Mamadou Dia, Fidel Castro, Laurent Gbagbo etc. Quelques soient par ailleurs les réserves des uns et des autres sur leurs erreurs supposées ou réelles. Nous soutenons Gbagbo et Fidel, c’est par ce que, ils font le minimum, comme le firent Sankara et le CHE : Résister contre l’asservissement, l’indignité, l’arrogance et l’esclavage néolibéral. Ce dont on ne peut obtenir de certains intellectuels qui, par couardise ou par calcul sont muets comme une carpe, devant l’oppression et l’exploitation de nos populations et lorsque nos valeurs républicaines, les consensus sacrés sont bafoués. Par exemple, il ne reviendrait à l’esprit d’aucun intellectuel américain, de cautionner la remise en cause de la durée du mandat présidentiel de 4 ans, renouvelable une fois, ou d’aliéner Green Park. Pas plus, qu’il ne reviendrait à l’esprit d’aucun intellectuel français, d’admettre que l’on remette en cause le principe de la séparation entre Administrateur et comptable, hérité de l’autre principe de la séparation des pouvoirs de 1789 ou d’aliéner la forêt de Rambouillet, de Vincennes. C’est autour de la pérennisation de ces types de valeurs, de principes, que les intellectuels africains devraient se battre et non autour des besoins animaux. Il est affligeant de constater que la plupart de nos intellectuels prennent prétexte des « réalités » (réalités des politiques néolibérales plutôt), pour se métamorphoser en « bûcheron » (Xarkatu matt), pour arrondir les fins de mois. Contribuant de ce fait à complexifier leur propre condition. Rappelons-nous que c’est un « intellectuel », ancien inspecteur de l’enseignement, ancien syndicaliste qui est à la base de la création de ce type de corps odieux des « Volontaires de l’enseignement ». Au lieu de s’engager résolument, si nous prenons l’exemple de l’école sénégalaise, à transformer la situation, on se complait à développer des stratégies de survie, pour s’adapter. Que dire maintenant des « intellectuels-économistes » qui cautionnent, courent après ces miroirs aux alouettes du néolibéralisme : « projets, financements, ligne de crédits », sinon que ces « machins » sont plutôt destinés à corrompre de manière sélective (à travers d’ONG bidons à financements opaques), les consciences, qu’autre chose.
Soulignons que ce poème s’adresse à deux catégories d’intellectuels, voire trois : La première, ceux arrivés au pouvoir, avec comme chef de file Senghor. La seconde est incarnée par les ’’intellectuels révolutionnaires repentis’’. La troisième par les « combattants de la liberté », les commandants, les sentinelles de l’égalité, du droit et de la justice sociale. Mais le principal trait caractéristique commun aux deux premiers groupes d’intellectuels africains, est lié à leur félonie, leur comportement déloyal, hypocrite, leur infidélité, leur méchanceté, leur traîtrise, leur suffisance, leur soif du pouvoir, leur « complexe inavoué ».
Senghor a toujours chanté les valeurs négro-africaines, mais cela ne lui a pas empêché de préférer Versons (Normandie en France), ou il signait parfois les décrets de la République, que Dakar la capitale du Sénégal. C’est pourquoi le poète le lui rappelait, indirectement, en ces termes :
« Le temps n’est plus aux louanges de la Beauté-du-Negre,
De l’Etre du-Nègre, des beautés d’Afrique,
Les masses africaines savent ce qu’elles ont toujours été, et elles ont faim…
Le temps n’est plus aux élucubrations Negritiennes
Reflet d’un complexe inavoué
Les masses africaines savent qu ‘elles sont nègres et qu’elles sont affamées…
Nous tenons d’un de nos amis fils, d’un dignitaire du premier régime, qu’un jour une proche parente de Senghor a « gâché » la réception du Président par ce qu’elle était venue à « sa » cérémonie en…’’taille basse’’ et non en tenue occidentale. Dans tous ses états, il faisait des va-et-vient, incessants auprès de la pauvre Dame pour lui faire part de son amertume. Ne parlons pas de son ministre qu’il a limogé de son gouvernement par ce que sa mise (un cafetant), ne lui revenait pas.
Si nous nous intéressons à Senghor, ce n’est pas par réaction épidermique, mais uniquement en tant que théoricien politique et homme d’Etat qui a contribué à faire du Sénégal ce qu’il est aujourd’hui : Un pays néocolonial appauvri, très endetté, conséquence d’une orientation politique néfaste. La dissolution des mœurs politiques des temps modernes, remonte à la période de notre « grand intellectuel ». Cette culture faite de dépenses de prestige, de coterie, d’ostracisme, de méchanceté, est à mettre au son compte de son régime. N’en déplaise à ses supporters nostalgiques. Cheikh Anta Diop, un intellectuel émérite qui lui faisait ombrage, n’a t-il pas été victime d’ostracisme de son fait ? Oumar Diop Blondin un autre brillant intellectuel, un de ses contempteurs intransigeants, n’a t-il pas subit, un sort tragique du fait de l’ « humaniste » ?
D’aucuns tentent de le réhabiliter par la bande, à travers ses poèmes qui sont, pour certains, des réussites. Mais à ce niveau, Amady Aly Dieng nous dit que ses poèmes ne les ont jamais enthousiasmés : « La poésie de Senghor était une sorte d’anesthésie intellectuelle qui était destiné à nous faire oublier les souffrances coloniale des peuples africains (…) Césaire nous armait là où Senghor nous désarmait », dit-il. (cf. Sud quotidien déc. 2001).
A signaler que cette culture senghorienne sectaire, de l’exercice du pouvoir, continue de faire des vagues. Ceci en pensant à la prestation, l’autre jour, des « intellectuels troubadours », lors d’une certaine séance de dédicace d’un livre du « savant », au Palais de la République. Manifestation au cours de laquelle le nom du maître des lieux revenait dans les propos, comme d’habitude, tel un verbe dans une phrase. Lors de la première séance de dédicace à la quelle, « l’opposant » nous avait gratifié d’un exemplaire de ce livre, « Un destin pour l’Afrique », en tant qu’allié, le 9 décembre 1990, à la permanence de son Parti, suite au boycott réussi des élections municipales, nous étions loin d’imaginer qu’une autre séance de dédicace, dans une telle atmosphère politicienne, aux allures de lancement d’une campagne électorale, allait avoir lieu un autre jour.
Notons que ces « intellectuels » « prêts à répéter », « prêts à réciter » sont toujours mis à contribution pour embrouiller ce qui est clair, pour répéter à tort et à travers, des concepts ou slogans débiles : « compétitivité, croissance, lutte contre la pauvreté » et autres balivernes. Que signifie une compétitivité avec une économie dominée ? Que veut dire une croissance qui (s’il y a lieu), est aussitôt happée par des « Jaxaay », Maff (noms wolof d’un oiseau de proie) ? Le slogan de la « détérioration des termes de l’échange » est substitué à celui de « la lutte contre la pauvreté », qui ignore au passage, les « mots qui la caractérise ».
La deuxième catégorie à la quelle s’adresse le poète est représentée par ces ’’intellectuels repentis’’ qui se réclament de la gauche à tue-tête avec une « éloquence verbeuse », vite monnayée, à la première occasion. A propos de monnayage, nous nous rappelons de cette réflexion d’un nos anciens collaborateurs, un’’ grand intellectuel’’, actuellement, ministre de la République (2006): « Non, Barros, il faut l’enlever, il va le monnayer ». Il s’agissait d’un sobriquet, très flatteur à son goût, qu’il ne fallait pas donner, dans le cadre d’un article de presse, à ce journaliste de la télévision qui ne cessait d’enlever le « fromage » de la bouche de l’opposition, à l’époque. Aujourd’hui, tous les deux se retrouvent dans le même camp politique. Plus précisément dans la même équipe gouvernementale, car le journaliste est du cabinet présidentiel. Entre les deux, qui a monnayé quoi ? En tous cas, Dieu fait bien les choses comme on a coutume de dire. Une victime de la « pensée unique », comme nous, avec qui discutions avait raison de nous dire un jour :’’ Nous avons de la chance, car si ces gens avaient pris le pouvoir, nous nous serions tous morts, aujourd’hui’’. Très certainement ! Vu sa boulimie du pouvoir, notre « grand intellectuel - philosophe nous aurait appliqué, sans doute, cette « sentence- étiquette » qu’il prononça un jour, au détour d’une phrase, au cours d’une discussion très animée entre « révolutionnaires », chez un certain Diack : « Un artiste qui met son talent au service de l’exploiteur de son peuple, doit être exécuté sommairement ».
S’agissant de la troisième catégorie qu’on cherche à enterrer, nous l’avons annoncé tantôt, plus haut. Ce sont ceux qui se préoccupent véritablement à connaître les « maux des damnés de la terre » et qui travaillent à « la réintégration de l’intellectuel africain dans son véritable milieu », pour sa fusion avec « les maux de son peuple ». Alors, tant que l’Afrique n’aura pas cette catégorie d’intellectuels conscients à la tête des Etats, elle continuera de végéter. Car au lieu d’avoir des hommes d’Etat, l’Afrique, a, actuellement, des intellectuels proconsuls, de délégués locaux des multinationales, de chefs de réseaux, de Clubs qui défendent des intérêts bien compris de groupes. Voilà le nœud gordien du drame de l’Afrique. Tout le reste n’est que bla-bla.
Et la non mise en œuvre des « mots d’ordre » essentiels contenus dans le poème, a fait que des’’ intellectuels ‘’ arrivés au pouvoir au niveau des directions, ont dégénérés aussi bien en Algérie, en Guinée Bissau, en Angola, en Afrique du Sud, au Sénégal, qu’ailleurs. Laissant les populations, à elles-mêmes, livrant nos richesses et les travailleurs aux multinationales esclavagistes, ils ont contribué par conséquent, à conduire le processus de transformation économique et social de ces pays d’Afrique, dans l’impasse.
C’est pourquoi nous continuons à croire que l’intellectuel AFRICAIN doit toujours être quelqu’un d’engagé, « partisan, sans être partisan ». Partisan pour la défense des intérêts supérieurs de son pays, pour la justice et la libération sociale des peuples et non partisan de la défense de cet « esprit de parti » débridé qui cache souvent la défense d’intérêts de groupe, qui est à la base de la misère et l’oppression des populations. Le CHE que tout le monde cherche aujourd’hui, par caprice, à faire de lui ‘’son’’ CHE, disait à Madame Maria Rosa Guevara, de Casablanca qui, dans une lettre, voulait savoir si elle n’était pas son parent : « Je ne pense pas que nous soyons des parents très proches, mais si vous êtes capable de trembler d’indignation chaque fois qu’il se commet une injustice dans le monde, alors nous sommes camarades, ce qui est le plus important ». (Textes politiques. Œuvres III. Ed. Maspero 1968). Voilà ce que c’est, pour nous, être partisan, sans être partisan.
Mais en parlant du CHE, on ne peut manquer de jeter, avec satisfaction, un regard sur le comportement de l’avant-garde des intellectuels d’Amérique Latine (Cuba, Venezuela, Uruguay, Brésil, Chili, Bolivie etc.), qui résistent et refusent le statu quo, en cherchant à faire bouger les choses.
Cela dit, voici en extenso le texte « Intellectuel d’Afrique », qui, a n’en pas douter, a la dignité de figurer au programme d’enseignement de nos écoles.
Qui se plaignait récemment d’absence de débats d’idées, de « mégotage » intellectuel, « d’affaissement idéologique des cadres », pour reprendre les termes de notre « grand intellectuel » de ministre ? Eh bien, voilà un thème !!
Dakar, le 13 janvier 2006
Ababacar Fall-Barros