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Crise universitaire: pour une généralisation des bourses autrement - Par M. Amar GUEYE, Laboratoire RSD/UGB

Jeudi 5 Juin 2014

La situation universitaire a été l’objet ces derniers temps, d’un embrasement généralisé. C’est ainsi que de fortes perturbations ont été enregistrées de St louis à Ziguinchor en passant par Thiès, Sébikotane (UVA) et Dakar causées entre autres, par une généralisation des bourses. Une option qui, loin de contribuer à une amélioration du système universitaire, n’a fait que le pervertir pour ainsi aboutir aux résultats inverses. C’est pourquoi il importe aujourd’hui de réfléchir autour de la problématique de cette option qui comporte certes des avantages mais qui risque à la longue de provoquer le naufrage de l’université si sa forme actuelle est maintenue.


En effet, c’est l’ancien Président Abdoulaye qui, par un de ses actes de générosité inconsidérés, a eu à décider de la généralisation des bourses à l’université en vue d’améliorer les conditions de travail et d’études des étudiants ; ce qui est à son avis (que du reste nous partageons), un investissement sur ces derniers. Cela va améliorer leur performance et leur compétitivité et permettre au pays de disposer de suffisamment de ressources humaines de qualité. Il se targue ainsi d’avoir pris de cette initiative inédite, une première au monde comme il aime à le dire pour la plupart de ses initiatives.

Mais hélas! les difficultés ne tardèrent pas à surgir qui commandent une remise en question de cette option. Il se précipite de condamner son successeur le Président Macky Sall pour, dit-il, son incapacité à maintenir l’initiative ou son ignorance des vertus d’une telle option pour l’enseignement supérieur. Cautère sur jambe de bois ! Si on voulait pervertir le système, on ne s’y prendrait pas autrement. Cette situation est devenue intenable aussi pour l’Etat dont les finances peinent à supporter ces charges que pour les étudiants pour qui l’accumulation d’arriérés de paiements de bourses rend difficile la vie au campus : c’est la quadrature du cercle. Alors il convient de reconsidérer la pratique de la généralisation dans les intérêts bien compris des étudiants et de l’Etat bref, de tout le monde.

En effet, sans aller jusqu’à l’arrêt de cette option que Wade qualifie de « dangereux pour le pays », on peut en changer l’approche en vue d’en garder les avantages et d’annihiler les effets pervers. Ainsi il me semble qu’on pourrait explorer l’institutionnalisation d’octroi de prêts aux étudiants (cela existe ailleurs) en partenariat avec des institutions financières ou à partir d’un fonds constitué à cet effet. Déjà, la cinquantaine de milliards consacrés au paiement des bourses (plus de 40 milliards pour les bourses et primes de réussite pour cette année) pourra par exemple, être dégagée une fois pour toute et servir ainsi de fonds de financement des études (alimentés par l’Etat et les partenaires au développement). Cette forme de généralisation de la bourse par le biais de prêts comporte plusieurs avantages.

Elle permet à l’université de pouvoir contenir le flux entrant qui devient chaque année plus important à cause de la politique d’élargissement de l’accès au niveau de l’enseignement moyen secondaire.
Il en résulte une augmentation de la capacité d’accueil par la construction d’amphithéâtres, de salles de TP bien équipées et de pavillons pour le logement

Il s’ensuit également un dégraissage salutaire des effectifs des étudiants (avec la disparition des redoublements à répétition, des inscriptions dans deux instituts à la fois pour bénéficier de deux bourses mais aussi des bourses fictives (2832 boursiers fictifs dont 1800 au 3e cycle, il faut convenir que c’est une situation aberrante si cela est avéré)

Une autre conséquence heureuse de cette option réside dans la responsabilisation accrue de l’étudiant par rapport à la gestion de sa carrière. Puisqu’il finance lui-même ses études, il veillera à ce qu’il y ait le moins de perturbations possibles (donc réduction des mouvements de grèves intempestives pour une réduction du temps à passer à la fac)

L’élimination du « sur place » au niveau licence s’en trouve facilitée avec le souci de l’étudiant de passer le moins de temps possible dans son cursus académique (645 étudiants en année de licence à la fac des lettres dont 301 ont passé 6 ans).
Cette option devrait aussi induire la possibilité de recruter plus de professeurs pour ainsi améliorer le taux d’encadrement et booster la qualité de l’enseignement et de la recherche
La pacification de l’espace académique nécessaire à la mise en œuvre de la réforme LMD va couler de source
Un autre avantage et pas le dernier tant s’en faut, est le délestage de l’Etat d’une bonne partie de ces charges sociales qui pourront être remplacées par la pleine prise en charge du volet pédagogique (inversion de la situation actuelle où les fonds alloués au volet social sont supérieurs à ceux destinés au volet pédagogique). Ainsi à l’étudiant le soin de se remplir le ventre, et à l’Etat celui de lui « remplir la tête » dans une distribution bien comprise et bénéfique des rôles et responsabilités.

En résumé, les conditions seront ainsi réunies pour une mise en œuvre réussie de la réforme LMD avec la pacification relative de l’espace universitaire, le recrutement conséquent de professeurs (ce qui, à les entendre se plaindre, sera sans doute un facteur d’augmentation de l’espérance de vie pour eux), le dégraissage des effectifs des étudiants, le relèvement du taux d’encadrement, l’amélioration globale des conditions pédagogiques, matérielles voire sociales.

Je voudrais pour terminer, rétorquer à ceux qui confondent la rigueur et la fermeté du Pr mary Teuw à de l’entêtement pour ainsi réclamer son départ, que même s’il venait à quitter, le problème du paiement des bourses (du moins dans leur approche de généralisation actuelle) demeurera toujours entier. Alors au lieu d’offrir aux étudiants des services guerriers pour une confrontation avec le ministre, il vaut mieux à mon avis, leur proposer des voies de sortie de cette situation déjà suffisamment préjudiciable à leur avenir et à notre avenir à nous tous si tant est que l’enseignement supérieur est l’avenir du pays.

M. Amar GUEYE
Chercheur en sociolinguistique
Laboratoire RSD/Université Gaston Berger/St Louis


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