1- La télévision comme moyen pour véhiculer une culture occidentale
La vision du Sénégal depuis les années 60, a toujours été de se doter des technologies de l’information et de la communication pour rattraper les pays du Nord sur le plan informationnel. Sur ce plan, plusieurs projets occidentaux de coopération proposaient d’aider le pays à réduire sa fracture numérique par rapport aux pays développés.
Cependant, pour certains, cette phase d’équipement n’est qu’un élément des stratégies de communication/développement qui reposent avant tout sur l’exposition aux médias occidentaux par les pays du Sud, qui apparaissent comme des moyens efficaces pour véhiculer une culture occidentale. Le cinéaste sénégalais Sembene Ousmane dans un courrier adressé à l’Unesco avait déjà prédit la situation quand il affirmait: « A l’époque coloniale, la terre était occupée mais l’homme, lui, avait l’esprit libre. Mais avec la télévision, c’est l’occupation mentale. À l’intérieur de la case, on introduit une autre culture, une conception différente des choses. Le modèle de société proposé par les aïeux vole en éclat ». En effet, soumis à une culture télévisuelle sur une culture locale et traditionnelle, les enfants et adolescents du Sénégal sont très vite invités à s’adapter à un univers d’images et d’informations, risquant ainsi de modifier leurs valeurs, leur cultures et opinions, leurs loisirs, voire leur consommation télévisuelle.
Avec la télévision dans les foyers sénégalais, les enfants et adolescents téléspectateurs entrent souvent facilement dans un processus de socialisation où les rôles sont dictés par la machine. D’ailleurs, une des fonctions clairement établies de cet outil, c’est qu’il permet aux enfants et adolescents d’être en contact avec d’autres valeurs différentes de celles que leurs parents leur transmettent. À ce propos, on peut remarquer que la famille et la religion, ont un peu perdu de leurs influences sur les choix des enfants et adolescents au Sénégal. La morale traditionnelle a été bousculée par l’influence télévisuelle, la conscience individuelle démocratisée, et les enfants et adolescents revendiquent de plus en plus tôt des opinions personnelles. Depuis quelques années, les jeunes n’adhèrent plus à un système de valeurs culturelles et traditionnelles dans le pays sans qu’il ait été discuté, négocié et librement choisi.
Ainsi, la multiplication des chaînes de télévisions privées depuis les années 2000 et l’arrivée de la TNT dans les foyers sénégalais, pourraient favoriser une diminution des échanges entre les différents membres qui la constituent. Ce phénomène peut créer chez l’enfant un sentiment d’individualisme qui le pousse à s’écarter du cercle familial. Mais ce qui fait le plus peur aux parents à l’heure actuelle c’est les contenus jugés inappropriés qu’on retrouve souvent à la télévision et dont les enfants et adolescents y ont très souvent accès. De plus, au Sénégal, les enfants sont bombardés d’images à caractère violent, sexuel et rarement éducatives dans presque toutes les chaînes de télévision sénégalaise. Les parents s’interrogent souvent sur le caractère positif de ces images pour leurs enfants alors qu’ils sont, en même temps, présents au moment où leurs enfants regardent ces images en question. Se pose ainsi la question de la responsabilité des parents devant cette situation.
2- Rapport entre la télévision et la socialisation des enfants et adolescents
Selon Guy Rocher, la socialisation désigne le « processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expériences et d’agents sociaux significatifs et par là s’adapte à l’environnement social où elle doit vivre » . La socialisation est donc un processus continu qui concerne l’individu tout au long de la vie. On peut ainsi mettre en exergue une socialisation primaire où l’enfant apprend à construire son identité sociale d’abord au sein de sa famille puis à l’école s’il est scolarisé et dans des groupes des pairs, mais également par l’intermédiaire des médias comme la télévision par exemple. Une socialisation secondaire dans laquelle l’enfant devenant adulte va poursuivre sa socialisation essentiellement au sein de son milieu socio-professionnel.
Cette socialisation est une pression exercée sur l'enfant pour l’éduquer, le façonner et le socialiser à l'image de son environnement social. Cette pression socialisatrice est une pression constante exercée par le milieu social à travers les parents, les enseignants mais également les médias comme la télévision qui ne sont que les représentants et les intermédiaires de la société globale.
Aujourd’hui, il n’est plus à démontrer que les enfants et adolescents se socialisent en dehors de la famille et l’école par le biais de la télévision. En effet, pendant leurs premières années de la vie, ils se développent non seulement sur le plan physique mais aussi sur les plans affectif, cognitif et social. Ils apprennent par le biais de la télévision comment se conduire et se comporter devant telle ou telle situation, ils apprennent les règles de ce qui est ou n'est pas un comportement pro-social (acceptable socialement) ou antisocial, à quelles occasions ils peuvent rire ou pleurer. Toutes ces leçons peuvent être tirées de l'expérience télévisuelle.
Selon Liliane Lurçat , psychologue spécialiste de l'enfant et la télévision, en psychologie du développement, on dit qu’au début l’enfant est en fusion émotionnelle avec sa famille, puis il grandit, il dit « Je », il s’oppose : c’est l’individualisation. Or la télévision crée une nouvelle situation fusionnelle, où l’enfant ne peut pas dire « Je » ou « Non » parce qu’il est dominé. Cette domination s’exprime par le prestige. L’enfant veut être pareil, conforme à ce qui est montré à la télévision. De ce point de vue, il y a des imitations volontaires des comportements des héros télévisuels, mais aussi des imitations involontaires, notamment à partir de l’imprégnation, favorisée par la répétition des thèmes. L’imprégnation est une forme d’apprentissage, caractérisée par le fait que l’enfant va apprendre à la télévision des valeurs et des comportements sans savoir qu’il apprend, et par conséquent ce qu’il apprend.
3- Contenus télévisuels sénégalais et leurs effets sur la socialisation des enfants et adolescents
- Les effets des émissions de téléréalité sur la socialisation de l’enfant : le cas de l’émission « Sen petit Gallé »
Je me suis interrogé sur le succès de l’émission « Sen petit Gallé » une émission pour enfants que la majorité des enfants regardent sur la Télé Future Médias (TFM). Cette émission est supposée apprendre aux enfants à devenir chanteur-euse. Ce qui se joue à travers cette émission, c’est la définition des enfants stars. Cette émission est surtout plébiscitée par les enfants qui rêvent de devenir un jour une star de la télévision et de la musique. Ce qui montre que dès le bas âge, certains enfants éprouvent déjà, le sentiment de devenir célèbre. Alors même que l’émission est très fortement décriée par une partie de la population sénégalaise y compris certains parents et éducateurs pour son caractère fascinant, le problème des enquêtes auprès des enfants c’est qu’ils utilisent des catégories de jugement qui ne sont pas celles de leurs parents.
En effet si certains parents et éducateurs critiquent l’émission « Sen petit Gallé » car selon eux elle menace le modèle éducatif de leur enfant qui devrait plus tourner vers la réussite scolaire plutôt que vers la réussite artistique c’est-à-dire la musique, cependant les enfants eux, la trouvent très divertissante, car ça leur permet de vivre dans un monde imaginaire et d’échapper à l’ennui de la vie quotidienne. L’émission est pour eux synonyme de divertissement et de réussite. C’est donc moins par sa dimension fascinante comme l’estiment certains détracteurs de l’émission qu’ils la plébiscitent que pour sa fonction divertissante et sa capacité à les faire entrer dans un monde imaginaire.
Les parents de certains enfants qui suivent l’émission ont une vision plus individualisée de l’émission centrée surtout autour de la réussite de leurs enfants dans le domaine artistique, à l’image de M. C, père de famille de trois enfants dont deux en classe de primaire âgés de 6 et 8 ans :
Je pense que l’émission « Sen Petit Gallé » est très positive c’est pourquoi j’encourage mes enfants à la regarder. Elle peut par exemple leur montrer qu’on peut réussir dans la vie même en étant un enfant. Et je pense que si les enfants intègrent cette idée dans leur conscience, cela peut les motiver à travailler dur pour réussir ».
Une opinion qui est partagée par certains parents lors de mes entretiens avec eux. Cependant, pour d’autres, le modèle scolaire est très différent du modèle artistique (dans le domaine de la musique). Les normes véhiculées par l’émission et qui sont centrées sur le paraître, l’audace, le charme et la séduction etc. peuvent entrer en conflit avec les normes proposées par l’école comme la docilité, la discipline, l’obéissance etc. Pris entre ces deux modèles, l’enfant en tant qu’être immature pourrait avoir du mal à gérer cette situation s’il n’est pas bien encadré, aussi bien sur le plan psychologique que pédagogique.
- Les contenus pour adulte que les enfants regardent : l’exemple des contenus dans les séries sénégalaises
Cette étude nous a permis de constater que les enfants de Dakar regardent la télévision d’une manière de plus en plus précoce. Dès leur bas âge, ils sont confrontés à un univers où la présence audiovisuelle est massive. Dans certaines familles, la télé est même allumée régulièrement et les enfants les plus jeunes (6 ans) y sont très largement exposés. En effet, les enfants les plus jeunes parfois même moins de 6 ans ne sont pas tenus à l'écart des programmes pour adultes.
Étant donné que les programmes de télévision sénégalaise comportent plus d’émissions destinées aux adultes qu’aux enfants, cela entraîne que dans son processus de socialisation, l'enfant sénégalais aura regardé en moyenne plus de programmes destinés aux adultes qu'à lui-même.
Par exemple les séries sénégalaises comme « Wiri wiri », « Pod et marichou », « maitresse d’un homme marié » la série la plus récente etc. sont si populaires auprès des enfants qu'elles attirent plus de téléspectateurs de 6 à 11 ans que les émissions pour enfants les plus populaires comme les dessins animés par exemple. Ces enfants regardent en moyenne toute une variété de contenus télévisuels pour adultes, y compris même les combats de lutte avec frappe, qui parfois contiennent des images très violentes. Nous y reviendrons plus tard.
- Les séries sénégalaises et la socialisation de l’enfant :
Cas de la série « wiri wiri »
L’étude de cette série m’a permis de savoir que la télévision fait souvent l’objet de discussions fréquentes en famille, avec les parents, les frères et sœurs, les ami-e-s, les collègues, les camarades etc. Durant de sa diffusion, la série « wiri wiri » suscitait davantage de discussions familiales que d’autres. Les discussions sur les programmes de sensibilisation, les documentaires, les émissions culturelles étaient très rares dans certaines familles. Cela suppose que la plupart des téléspectateurs sénégalais considèrent d’abord l’objet télévision comme un objet de distraction et de divertissement plutôt que comme objet d’éducation. Beaucoup de parents téléspectateurs suivaient régulièrement la série avec leurs enfants de tout âge confondu y compris les plus petits et même les « bébés. »
Or, cette série n’est pas conçue pour les enfants, même si la plupart des parents la trouvent intéressante, car l’histoire qu’elle raconte est dans le quotidien de beaucoup de foyers sénégalais.
Cependant, les thèmes sont d’adultes et les parents n’imaginent pas qu’en regardant cette série avec leurs enfants, ces derniers sont d’une nature différente, et qu’ils ont des besoins particuliers. Ainsi se pose alors le problème de la compréhension par les enfants des messages qui sont véhiculées à travers les séries sénégalaises. Ce problème de compréhension peut s’expliquer par un sentiment d’exclusion c’est-à-dire le sentiment pour l’enfant que ces émissions sont réservées à une catégorie de personnes bien déterminée c’est-à-dire aux adultes. Cela est d’autant plus vrai que lorsqu’un enfant voit son modèle pleurer dans une série parce qu’elle a été trahie, frappée ou blessée, l’enfant peut se sentir triste et se met aussi à pleurer à son tour, mais ce n’est pas à cause de la trahison que lui-même n’a pas encore vécue mais plutôt parce que la tristesse de son modèle le rend triste à son tour.
Certes, les parents exercent une influence sur l’éducation et la socialisation de leurs enfants en modelant leurs comportements et en fixant des règles de conduite, mais les enfants apprennent aussi à chaque fois qu'ils sont confrontés aux contenus télévisuels. Les séries, les feuilletons et les émissions télévisées transmettent des messages qui servent de repères pour les enfants. Certaines émissions conçues pour eux peuvent être très enrichissantes, comme les émissions pédagogiques dans les années 90 sur la chaîne publique (RTS), par exemple « génie en herbes », « la télé est à nous » qui ont fait leurs preuves pour l'enseignement des mathématiques, des sciences, de la géographie, et pour les compétences en littérature d'enfants de différents âges. Mais ces émissions n’existent plus dans le palmarès des programmes de télévisions sénégalaises. Aujourd’hui beaucoup des scènes des programmes télévisés peuvent être nuisibles à l'enfant comme la lutte avec frappe par exemple que les enfants regardent très souvent à la télé.
- Les images à caractère sexuel dans les séries sénégalaises et leurs effets sur la socialisation des enfants et adolescents
En effet, pour certains sénégalais, les messages et images qui sont souvent véhiculés à travers certaines émissions de télé comme les séries sénégalaises, font l’apologie de la sexualité ou ont tendance à banaliser des comportements antinomiques aux valeurs traditionnelles sénégalaises.
D’après notre étude par exemple le constat est que les enfants de 6 ans et même moins regardent non seulement ces émissions en question, mais sont souvent seuls devant la télévision. Le plus grave c’est qu’en même temps qu’ils sont abandonnés devant l’écran, ils sont d’une certaine façon, dépossédés de leur enfance par la télévision, parce qu’ils sont initiés brutalement et surtout trop tôt aux thèmes d’adultes et à leurs aspects les plus inappropriés.
Ce contact précoce avec certaines émissions à caractère surtout sexuel comme par exemple les séries sénégalaises, les feuilletons télénovélas, ou même certaines vidéos clips etc.) pourrait favoriser de nouveaux comportements sexuels chez les enfants et adolescents. Ceux-ci seraient caractérisés notamment par une absence de pudeur par rapport aux pratiques sexuelles ainsi que par une indifférence sur certains comportements amoureux et sexuels. Certains parents et éducateurs ont même mis en évidence la croissance des comportements sexuels délinquants notés chez certains enfants et adolescents au Sénégal et imputent la responsabilité à certaines émissions de télévision en l’occurrence les séries sénégalaises comme par exemple la série « Maitresse d’un homme marié » qui a soulevé de nombreuses polémiques récemment dans le pays.
Cependant, cette relation entre la télévision et les comportements sexuels et délinquants chez certains enfants est très complexe à prouver dans cet article.
Car cela peut dépendre de plusieurs facteurs qui sont liés à l’éducation, le milieu social, le modèle éducatif des parents etc.
- La violence à la télévision et ses effets sur la socialisation des enfants et adolescents : cas de la lutte avec frappe
Avec la multiplication des chaînes de télévision au Sénégal, jamais la violence n’a été présente qu’aujourd’hui à la télévision, aussi bien en termes de quantité que de diversité. Ainsi, il apparaît que plus l’enfant regarde la télévision, plus il court le risque d’être exposé à la violence, plus aussi le téléspectateur est jeune, plus il est sensible à cette violence. Leurs parents doivent donc les protéger des contenus télévisuels violents ou terrifiants. Certains parents obéissent d’ailleurs à la volonté de leurs enfants. Or, contrairement à ce que l’on croit souvent, les enfants ne sont pas friands d’images violentes, que du contraire. Notre étude démontre que certains enfants souhaiteraient même être tenus à l'écart des images télévisuelles qui leur font souvent peur.
Ainsi, les émissions sur la lutte sénégalaise mettant en scène des confrontations violentes et des insultes, peuvent enseigner aux enfants et adolescents que la violence est normale, et qu'elle peut être un moyen efficace pour régler un conflit. Ces émissions, peuvent aussi enseigner aux jeunes téléspectateurs qu'il est plus amusant d'insulter les gens que de leur témoigner du respect. D’ailleurs de nos jours beaucoup de sénégalais décrient le fait que les jeunes sont devenus de plus en plus agressifs, vulgaires et insolents aussi bien dans les espaces publics comme dans les espaces privés. Ces attitudes qui se manifestent le plus souvent par des insultes, des menaces de mort, des intimidations etc. deviennent de plus en plus banalisées au Sénégal, ce qui est antinomique aux valeurs culturelles et traditionnelles du pays.
En outre, en regardant la lutte avec frappe, les enfants ont souvent d’énormes difficultés à faire la distinction entre la fiction et la réalité. De ce fait, ils acceptent sans poser de question la réalité qui est présentée à la télévision, ce qui peut les conduire à entrer facilement dans un processus d’identification, et adopter ce faisant les comportements de leurs « modèles » télévisuels.
À ce propos, dans tous les foyers visités chaque enfant ou adolescent a par exemple son lutteur préféré et certains parmi eux vont jusqu’à imiter leur modèle qu’il s’agit de Balla Gaye, de Modou Lo ou de Euma Sene, les lutteurs les plus populaires actuellement dans l’arène nationale sénégalaise que les enfants et adolescents, filles comme garçons plébiscitent énormément dans leur quotidien. Ne cherchant pas à caricaturer la lutte sénégalaise car elle fait partie du patrimoine culturel du pays, il est cependant nécessaire de signaler que les enfants sont des êtres immatures qui doivent être protégés des influences néfastes de certains contenus télévisuels même si ces contenus entrent dans leurs codes culturels.
En outre, les modèles positifs ou négatifs répétés à la télévision imprègnent l’enfant à l’âge où se forme sa personnalité souvent avant que ne se forme son esprit critique. Or, tout personnage, toute situation rendue familière sont valorisés et deviennent des modèles potentiels. Mais, l’imitation courante des façons de se comporter, de se vêtir, de parler ou même de marcher passe souvent inaperçue au contrôle des parents et éducateurs, pour la bonne et simple raison que plus l’imitation se généralise, moins on la reconnait comme telle.
Cette étude sur les contenus des programmes de télévisions sénégalaises nous permet de dire que la plupart du temps passé par les enfants et adolescents devant la télévision ne l'est pas devant des émissions éducatives ou culturelles mais devant des émissions divertissantes, violentes ou des émissions pour adultes. Les opinions des parents et éducateurs interrogés durant cette étude sont diverses mais, ils sont tous d’accord que trop de télévision n’est pas favorable pour une meilleure éducation de l’enfant.
L’objectif de cet article était donc d’analyser l’influence de la télévision sur la socialisation des enfants et adolescents de Dakar et sur la manière dont ils gèrent aujourd’hui leur environnement social. Ils vivent désormais dans un contexte où les écrans de télévision tiennent une place considérable dans leurs pratiques quotidiennes. Évidemment, ce changement affecte leur développement social et modifie la manière dont ils structurent leur sociabilité.
Cependant force est de reconnaître que les effets des contenus télévisuels ne s’opèrent pas de la même manière sur tous les enfants et adolescents.
En outre, il est important de ne pas tomber dans l’erreur qui consiste à attribuer systématiquement à la télévision certains comportements antisociaux abordés dans cet article. À cette explication très simpliste doit s’ajouter une réflexion sur l’environnement familial et social de l’enfant.
Ainsi donc, la finalité cette étude consiste à inviter les parents, les éducateurs et responsables des médias en l’occurrence de la télévision à réfléchir sur comment faire pour amener les médias sénégalais à contribuer à une meilleure éducation des enfants et adolescents du pays. Aujourd’hui à l’heure où le Sénégal entre dans l’ère du numérique, le concept d’éducation aux médias et par les médias devient plus que jamais nécessaire pour qu’on l’intègre dans les politiques entreprises par le gouvernement du Sénégal en vue de fournir une meilleure éducation aux enfants et adolescent du pays.
Enfin, ce même travail pourrait être fait sur le cas de l’internet ou les autres TIC qui occupent désormais la vie quotidienne des enfants et adolescents du Sénégal. Ce que nous ne manquerons pas de faire lors de nos prochaines publications.
Dr. Demba SECK
Sociologue des médias et des Technologies de l’Information et de la Communication
Chercheur postdoctoral à la chaire de recherche sur les enjeux socioculturels du numérique en éducation
Université du Québec à Montréal/Canada
Courriel: seck.demba@uqam.ca
La vision du Sénégal depuis les années 60, a toujours été de se doter des technologies de l’information et de la communication pour rattraper les pays du Nord sur le plan informationnel. Sur ce plan, plusieurs projets occidentaux de coopération proposaient d’aider le pays à réduire sa fracture numérique par rapport aux pays développés.
Cependant, pour certains, cette phase d’équipement n’est qu’un élément des stratégies de communication/développement qui reposent avant tout sur l’exposition aux médias occidentaux par les pays du Sud, qui apparaissent comme des moyens efficaces pour véhiculer une culture occidentale. Le cinéaste sénégalais Sembene Ousmane dans un courrier adressé à l’Unesco avait déjà prédit la situation quand il affirmait: « A l’époque coloniale, la terre était occupée mais l’homme, lui, avait l’esprit libre. Mais avec la télévision, c’est l’occupation mentale. À l’intérieur de la case, on introduit une autre culture, une conception différente des choses. Le modèle de société proposé par les aïeux vole en éclat ». En effet, soumis à une culture télévisuelle sur une culture locale et traditionnelle, les enfants et adolescents du Sénégal sont très vite invités à s’adapter à un univers d’images et d’informations, risquant ainsi de modifier leurs valeurs, leur cultures et opinions, leurs loisirs, voire leur consommation télévisuelle.
Avec la télévision dans les foyers sénégalais, les enfants et adolescents téléspectateurs entrent souvent facilement dans un processus de socialisation où les rôles sont dictés par la machine. D’ailleurs, une des fonctions clairement établies de cet outil, c’est qu’il permet aux enfants et adolescents d’être en contact avec d’autres valeurs différentes de celles que leurs parents leur transmettent. À ce propos, on peut remarquer que la famille et la religion, ont un peu perdu de leurs influences sur les choix des enfants et adolescents au Sénégal. La morale traditionnelle a été bousculée par l’influence télévisuelle, la conscience individuelle démocratisée, et les enfants et adolescents revendiquent de plus en plus tôt des opinions personnelles. Depuis quelques années, les jeunes n’adhèrent plus à un système de valeurs culturelles et traditionnelles dans le pays sans qu’il ait été discuté, négocié et librement choisi.
Ainsi, la multiplication des chaînes de télévisions privées depuis les années 2000 et l’arrivée de la TNT dans les foyers sénégalais, pourraient favoriser une diminution des échanges entre les différents membres qui la constituent. Ce phénomène peut créer chez l’enfant un sentiment d’individualisme qui le pousse à s’écarter du cercle familial. Mais ce qui fait le plus peur aux parents à l’heure actuelle c’est les contenus jugés inappropriés qu’on retrouve souvent à la télévision et dont les enfants et adolescents y ont très souvent accès. De plus, au Sénégal, les enfants sont bombardés d’images à caractère violent, sexuel et rarement éducatives dans presque toutes les chaînes de télévision sénégalaise. Les parents s’interrogent souvent sur le caractère positif de ces images pour leurs enfants alors qu’ils sont, en même temps, présents au moment où leurs enfants regardent ces images en question. Se pose ainsi la question de la responsabilité des parents devant cette situation.
2- Rapport entre la télévision et la socialisation des enfants et adolescents
Selon Guy Rocher, la socialisation désigne le « processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expériences et d’agents sociaux significatifs et par là s’adapte à l’environnement social où elle doit vivre » . La socialisation est donc un processus continu qui concerne l’individu tout au long de la vie. On peut ainsi mettre en exergue une socialisation primaire où l’enfant apprend à construire son identité sociale d’abord au sein de sa famille puis à l’école s’il est scolarisé et dans des groupes des pairs, mais également par l’intermédiaire des médias comme la télévision par exemple. Une socialisation secondaire dans laquelle l’enfant devenant adulte va poursuivre sa socialisation essentiellement au sein de son milieu socio-professionnel.
Cette socialisation est une pression exercée sur l'enfant pour l’éduquer, le façonner et le socialiser à l'image de son environnement social. Cette pression socialisatrice est une pression constante exercée par le milieu social à travers les parents, les enseignants mais également les médias comme la télévision qui ne sont que les représentants et les intermédiaires de la société globale.
Aujourd’hui, il n’est plus à démontrer que les enfants et adolescents se socialisent en dehors de la famille et l’école par le biais de la télévision. En effet, pendant leurs premières années de la vie, ils se développent non seulement sur le plan physique mais aussi sur les plans affectif, cognitif et social. Ils apprennent par le biais de la télévision comment se conduire et se comporter devant telle ou telle situation, ils apprennent les règles de ce qui est ou n'est pas un comportement pro-social (acceptable socialement) ou antisocial, à quelles occasions ils peuvent rire ou pleurer. Toutes ces leçons peuvent être tirées de l'expérience télévisuelle.
Selon Liliane Lurçat , psychologue spécialiste de l'enfant et la télévision, en psychologie du développement, on dit qu’au début l’enfant est en fusion émotionnelle avec sa famille, puis il grandit, il dit « Je », il s’oppose : c’est l’individualisation. Or la télévision crée une nouvelle situation fusionnelle, où l’enfant ne peut pas dire « Je » ou « Non » parce qu’il est dominé. Cette domination s’exprime par le prestige. L’enfant veut être pareil, conforme à ce qui est montré à la télévision. De ce point de vue, il y a des imitations volontaires des comportements des héros télévisuels, mais aussi des imitations involontaires, notamment à partir de l’imprégnation, favorisée par la répétition des thèmes. L’imprégnation est une forme d’apprentissage, caractérisée par le fait que l’enfant va apprendre à la télévision des valeurs et des comportements sans savoir qu’il apprend, et par conséquent ce qu’il apprend.
3- Contenus télévisuels sénégalais et leurs effets sur la socialisation des enfants et adolescents
- Les effets des émissions de téléréalité sur la socialisation de l’enfant : le cas de l’émission « Sen petit Gallé »
Je me suis interrogé sur le succès de l’émission « Sen petit Gallé » une émission pour enfants que la majorité des enfants regardent sur la Télé Future Médias (TFM). Cette émission est supposée apprendre aux enfants à devenir chanteur-euse. Ce qui se joue à travers cette émission, c’est la définition des enfants stars. Cette émission est surtout plébiscitée par les enfants qui rêvent de devenir un jour une star de la télévision et de la musique. Ce qui montre que dès le bas âge, certains enfants éprouvent déjà, le sentiment de devenir célèbre. Alors même que l’émission est très fortement décriée par une partie de la population sénégalaise y compris certains parents et éducateurs pour son caractère fascinant, le problème des enquêtes auprès des enfants c’est qu’ils utilisent des catégories de jugement qui ne sont pas celles de leurs parents.
En effet si certains parents et éducateurs critiquent l’émission « Sen petit Gallé » car selon eux elle menace le modèle éducatif de leur enfant qui devrait plus tourner vers la réussite scolaire plutôt que vers la réussite artistique c’est-à-dire la musique, cependant les enfants eux, la trouvent très divertissante, car ça leur permet de vivre dans un monde imaginaire et d’échapper à l’ennui de la vie quotidienne. L’émission est pour eux synonyme de divertissement et de réussite. C’est donc moins par sa dimension fascinante comme l’estiment certains détracteurs de l’émission qu’ils la plébiscitent que pour sa fonction divertissante et sa capacité à les faire entrer dans un monde imaginaire.
Les parents de certains enfants qui suivent l’émission ont une vision plus individualisée de l’émission centrée surtout autour de la réussite de leurs enfants dans le domaine artistique, à l’image de M. C, père de famille de trois enfants dont deux en classe de primaire âgés de 6 et 8 ans :
Je pense que l’émission « Sen Petit Gallé » est très positive c’est pourquoi j’encourage mes enfants à la regarder. Elle peut par exemple leur montrer qu’on peut réussir dans la vie même en étant un enfant. Et je pense que si les enfants intègrent cette idée dans leur conscience, cela peut les motiver à travailler dur pour réussir ».
Une opinion qui est partagée par certains parents lors de mes entretiens avec eux. Cependant, pour d’autres, le modèle scolaire est très différent du modèle artistique (dans le domaine de la musique). Les normes véhiculées par l’émission et qui sont centrées sur le paraître, l’audace, le charme et la séduction etc. peuvent entrer en conflit avec les normes proposées par l’école comme la docilité, la discipline, l’obéissance etc. Pris entre ces deux modèles, l’enfant en tant qu’être immature pourrait avoir du mal à gérer cette situation s’il n’est pas bien encadré, aussi bien sur le plan psychologique que pédagogique.
- Les contenus pour adulte que les enfants regardent : l’exemple des contenus dans les séries sénégalaises
Cette étude nous a permis de constater que les enfants de Dakar regardent la télévision d’une manière de plus en plus précoce. Dès leur bas âge, ils sont confrontés à un univers où la présence audiovisuelle est massive. Dans certaines familles, la télé est même allumée régulièrement et les enfants les plus jeunes (6 ans) y sont très largement exposés. En effet, les enfants les plus jeunes parfois même moins de 6 ans ne sont pas tenus à l'écart des programmes pour adultes.
Étant donné que les programmes de télévision sénégalaise comportent plus d’émissions destinées aux adultes qu’aux enfants, cela entraîne que dans son processus de socialisation, l'enfant sénégalais aura regardé en moyenne plus de programmes destinés aux adultes qu'à lui-même.
Par exemple les séries sénégalaises comme « Wiri wiri », « Pod et marichou », « maitresse d’un homme marié » la série la plus récente etc. sont si populaires auprès des enfants qu'elles attirent plus de téléspectateurs de 6 à 11 ans que les émissions pour enfants les plus populaires comme les dessins animés par exemple. Ces enfants regardent en moyenne toute une variété de contenus télévisuels pour adultes, y compris même les combats de lutte avec frappe, qui parfois contiennent des images très violentes. Nous y reviendrons plus tard.
- Les séries sénégalaises et la socialisation de l’enfant :
Cas de la série « wiri wiri »
L’étude de cette série m’a permis de savoir que la télévision fait souvent l’objet de discussions fréquentes en famille, avec les parents, les frères et sœurs, les ami-e-s, les collègues, les camarades etc. Durant de sa diffusion, la série « wiri wiri » suscitait davantage de discussions familiales que d’autres. Les discussions sur les programmes de sensibilisation, les documentaires, les émissions culturelles étaient très rares dans certaines familles. Cela suppose que la plupart des téléspectateurs sénégalais considèrent d’abord l’objet télévision comme un objet de distraction et de divertissement plutôt que comme objet d’éducation. Beaucoup de parents téléspectateurs suivaient régulièrement la série avec leurs enfants de tout âge confondu y compris les plus petits et même les « bébés. »
Or, cette série n’est pas conçue pour les enfants, même si la plupart des parents la trouvent intéressante, car l’histoire qu’elle raconte est dans le quotidien de beaucoup de foyers sénégalais.
Cependant, les thèmes sont d’adultes et les parents n’imaginent pas qu’en regardant cette série avec leurs enfants, ces derniers sont d’une nature différente, et qu’ils ont des besoins particuliers. Ainsi se pose alors le problème de la compréhension par les enfants des messages qui sont véhiculées à travers les séries sénégalaises. Ce problème de compréhension peut s’expliquer par un sentiment d’exclusion c’est-à-dire le sentiment pour l’enfant que ces émissions sont réservées à une catégorie de personnes bien déterminée c’est-à-dire aux adultes. Cela est d’autant plus vrai que lorsqu’un enfant voit son modèle pleurer dans une série parce qu’elle a été trahie, frappée ou blessée, l’enfant peut se sentir triste et se met aussi à pleurer à son tour, mais ce n’est pas à cause de la trahison que lui-même n’a pas encore vécue mais plutôt parce que la tristesse de son modèle le rend triste à son tour.
Certes, les parents exercent une influence sur l’éducation et la socialisation de leurs enfants en modelant leurs comportements et en fixant des règles de conduite, mais les enfants apprennent aussi à chaque fois qu'ils sont confrontés aux contenus télévisuels. Les séries, les feuilletons et les émissions télévisées transmettent des messages qui servent de repères pour les enfants. Certaines émissions conçues pour eux peuvent être très enrichissantes, comme les émissions pédagogiques dans les années 90 sur la chaîne publique (RTS), par exemple « génie en herbes », « la télé est à nous » qui ont fait leurs preuves pour l'enseignement des mathématiques, des sciences, de la géographie, et pour les compétences en littérature d'enfants de différents âges. Mais ces émissions n’existent plus dans le palmarès des programmes de télévisions sénégalaises. Aujourd’hui beaucoup des scènes des programmes télévisés peuvent être nuisibles à l'enfant comme la lutte avec frappe par exemple que les enfants regardent très souvent à la télé.
- Les images à caractère sexuel dans les séries sénégalaises et leurs effets sur la socialisation des enfants et adolescents
En effet, pour certains sénégalais, les messages et images qui sont souvent véhiculés à travers certaines émissions de télé comme les séries sénégalaises, font l’apologie de la sexualité ou ont tendance à banaliser des comportements antinomiques aux valeurs traditionnelles sénégalaises.
D’après notre étude par exemple le constat est que les enfants de 6 ans et même moins regardent non seulement ces émissions en question, mais sont souvent seuls devant la télévision. Le plus grave c’est qu’en même temps qu’ils sont abandonnés devant l’écran, ils sont d’une certaine façon, dépossédés de leur enfance par la télévision, parce qu’ils sont initiés brutalement et surtout trop tôt aux thèmes d’adultes et à leurs aspects les plus inappropriés.
Ce contact précoce avec certaines émissions à caractère surtout sexuel comme par exemple les séries sénégalaises, les feuilletons télénovélas, ou même certaines vidéos clips etc.) pourrait favoriser de nouveaux comportements sexuels chez les enfants et adolescents. Ceux-ci seraient caractérisés notamment par une absence de pudeur par rapport aux pratiques sexuelles ainsi que par une indifférence sur certains comportements amoureux et sexuels. Certains parents et éducateurs ont même mis en évidence la croissance des comportements sexuels délinquants notés chez certains enfants et adolescents au Sénégal et imputent la responsabilité à certaines émissions de télévision en l’occurrence les séries sénégalaises comme par exemple la série « Maitresse d’un homme marié » qui a soulevé de nombreuses polémiques récemment dans le pays.
Cependant, cette relation entre la télévision et les comportements sexuels et délinquants chez certains enfants est très complexe à prouver dans cet article.
Car cela peut dépendre de plusieurs facteurs qui sont liés à l’éducation, le milieu social, le modèle éducatif des parents etc.
- La violence à la télévision et ses effets sur la socialisation des enfants et adolescents : cas de la lutte avec frappe
Avec la multiplication des chaînes de télévision au Sénégal, jamais la violence n’a été présente qu’aujourd’hui à la télévision, aussi bien en termes de quantité que de diversité. Ainsi, il apparaît que plus l’enfant regarde la télévision, plus il court le risque d’être exposé à la violence, plus aussi le téléspectateur est jeune, plus il est sensible à cette violence. Leurs parents doivent donc les protéger des contenus télévisuels violents ou terrifiants. Certains parents obéissent d’ailleurs à la volonté de leurs enfants. Or, contrairement à ce que l’on croit souvent, les enfants ne sont pas friands d’images violentes, que du contraire. Notre étude démontre que certains enfants souhaiteraient même être tenus à l'écart des images télévisuelles qui leur font souvent peur.
Ainsi, les émissions sur la lutte sénégalaise mettant en scène des confrontations violentes et des insultes, peuvent enseigner aux enfants et adolescents que la violence est normale, et qu'elle peut être un moyen efficace pour régler un conflit. Ces émissions, peuvent aussi enseigner aux jeunes téléspectateurs qu'il est plus amusant d'insulter les gens que de leur témoigner du respect. D’ailleurs de nos jours beaucoup de sénégalais décrient le fait que les jeunes sont devenus de plus en plus agressifs, vulgaires et insolents aussi bien dans les espaces publics comme dans les espaces privés. Ces attitudes qui se manifestent le plus souvent par des insultes, des menaces de mort, des intimidations etc. deviennent de plus en plus banalisées au Sénégal, ce qui est antinomique aux valeurs culturelles et traditionnelles du pays.
En outre, en regardant la lutte avec frappe, les enfants ont souvent d’énormes difficultés à faire la distinction entre la fiction et la réalité. De ce fait, ils acceptent sans poser de question la réalité qui est présentée à la télévision, ce qui peut les conduire à entrer facilement dans un processus d’identification, et adopter ce faisant les comportements de leurs « modèles » télévisuels.
À ce propos, dans tous les foyers visités chaque enfant ou adolescent a par exemple son lutteur préféré et certains parmi eux vont jusqu’à imiter leur modèle qu’il s’agit de Balla Gaye, de Modou Lo ou de Euma Sene, les lutteurs les plus populaires actuellement dans l’arène nationale sénégalaise que les enfants et adolescents, filles comme garçons plébiscitent énormément dans leur quotidien. Ne cherchant pas à caricaturer la lutte sénégalaise car elle fait partie du patrimoine culturel du pays, il est cependant nécessaire de signaler que les enfants sont des êtres immatures qui doivent être protégés des influences néfastes de certains contenus télévisuels même si ces contenus entrent dans leurs codes culturels.
En outre, les modèles positifs ou négatifs répétés à la télévision imprègnent l’enfant à l’âge où se forme sa personnalité souvent avant que ne se forme son esprit critique. Or, tout personnage, toute situation rendue familière sont valorisés et deviennent des modèles potentiels. Mais, l’imitation courante des façons de se comporter, de se vêtir, de parler ou même de marcher passe souvent inaperçue au contrôle des parents et éducateurs, pour la bonne et simple raison que plus l’imitation se généralise, moins on la reconnait comme telle.
Cette étude sur les contenus des programmes de télévisions sénégalaises nous permet de dire que la plupart du temps passé par les enfants et adolescents devant la télévision ne l'est pas devant des émissions éducatives ou culturelles mais devant des émissions divertissantes, violentes ou des émissions pour adultes. Les opinions des parents et éducateurs interrogés durant cette étude sont diverses mais, ils sont tous d’accord que trop de télévision n’est pas favorable pour une meilleure éducation de l’enfant.
L’objectif de cet article était donc d’analyser l’influence de la télévision sur la socialisation des enfants et adolescents de Dakar et sur la manière dont ils gèrent aujourd’hui leur environnement social. Ils vivent désormais dans un contexte où les écrans de télévision tiennent une place considérable dans leurs pratiques quotidiennes. Évidemment, ce changement affecte leur développement social et modifie la manière dont ils structurent leur sociabilité.
Cependant force est de reconnaître que les effets des contenus télévisuels ne s’opèrent pas de la même manière sur tous les enfants et adolescents.
En outre, il est important de ne pas tomber dans l’erreur qui consiste à attribuer systématiquement à la télévision certains comportements antisociaux abordés dans cet article. À cette explication très simpliste doit s’ajouter une réflexion sur l’environnement familial et social de l’enfant.
Ainsi donc, la finalité cette étude consiste à inviter les parents, les éducateurs et responsables des médias en l’occurrence de la télévision à réfléchir sur comment faire pour amener les médias sénégalais à contribuer à une meilleure éducation des enfants et adolescents du pays. Aujourd’hui à l’heure où le Sénégal entre dans l’ère du numérique, le concept d’éducation aux médias et par les médias devient plus que jamais nécessaire pour qu’on l’intègre dans les politiques entreprises par le gouvernement du Sénégal en vue de fournir une meilleure éducation aux enfants et adolescent du pays.
Enfin, ce même travail pourrait être fait sur le cas de l’internet ou les autres TIC qui occupent désormais la vie quotidienne des enfants et adolescents du Sénégal. Ce que nous ne manquerons pas de faire lors de nos prochaines publications.
Dr. Demba SECK
Sociologue des médias et des Technologies de l’Information et de la Communication
Chercheur postdoctoral à la chaire de recherche sur les enjeux socioculturels du numérique en éducation
Université du Québec à Montréal/Canada
Courriel: seck.demba@uqam.ca