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Comprendre, prévenir et soigner le cancer avec Dr Doudou Diouf

Vendredi 31 Août 2018

C’est quoi  le cancer ?

On peut définir le cancer comme une sorte de tumeurs malignes. Ce sont des cellules transformées par des mécanismes internes ou externes qui ont tendance à se multiplier de façon anarchique et qui ne respectent plus les mécanismes de régulation du corps humain. Les cellules se renouvellent tous les jours, celles mortes sont remplacées.

 

Il arrive maintenant que le cancer soit causé par des facteurs extrinsèques, tels que les pesticides, les rayonnements nucléaires, les rayonnements ionisants comme le soleil, l’environnement, des virus, des bactéries, des parasites etc. Cela peut également être l’alimentation, l’alcool, le tabac. Le stress est aussi un facteur de cancer. Ces facteurs externes sont nombreux et il y en a qui sont encore inconnus. Il ne faut pas oublier les facteurs internes génétiques, car il y a des gens qui naissent avec des gènes de cancer. C’est le cas de la célèbre actrice Angélina Jolie qui, de façon prévisible, s’est fait enlever les deux seins. Elle a des gènes qui sont des facteurs de cancérisation. On connaît les gènes de cancer dans les seins, la prostate et dans le colon.  Donc, ce sont ces facteurs internes ou externes qui font que ces cellules qui se multiplient de façon normale, vont à, un moment donné, être folles et ne respectent plus les codes de conduite du corps humain. Ces cellules auront tendance à envahir les tissus avoisinants, mais également à se détacher pour aller se localier ailleurs, ce qu’on appelle les métastases.

 

Cancer au Sénégal : ces chiffres qui font froid dans le dos

On peut parler du cancer du sein qui est la forme la plus répandue chez la femme au Sénégal, avec près de 600 nouveaux cas chaque année. Au Sénégal, on dénombre près de 8.000 nouveaux cas de cancer chaque année. En 2012, on en comptait 7.000. Il y a près de 5.000 cas de décès liés au cancer chaque année.

Chez les hommes, la prostate est le premier cancer. 80% des malades arrivent en Neurologie à un stade avancé. Il faut les dépister en formant des médecins qui vont faire des touchers rectaux et qui vont pouvoir faire des dépistages de PSA. Le PSA, même s’il n’est pas gratuit, doit être le moins cher possible pour que tous les hommes puissent le faire. Pour le cancer du col, on peut faire le frottis, même s’il n’est pas gratuit. On doit pouvoir le faire partout au Sénégal. Malheureusement, on ne peut le faire qu’à Dakar, Saint-Louis et Thiès. Ça coûte 5.000 FCFA, mais pour quelqu’un qui quitte Ziguinchor pour faire un frottis à Dakar, le coût augmentera (avec le transport).

On peut dépister une lésion précancéreuse. Le traitement ne coûte rien et assure une guérison totale. Par contre, quand le cancer est installé, le taux de guérison chute à  30%. C’est pourtant la deuxième forme de cancer de la femme au Sénégal et seulement neuvième en France.

Une maladie silencieuse

Pour certains, le cancer évolue dans leur corps sans qu’il le sache, mais à un moment donné, la maladie est assez avancée et est déjà métastatique. Malheureusement, dans 80% des dossiers que nous avons ici, la maladie est assez avancée. Ils avaient le cancer sans le savoir ou alors ils ont consulté des tradi-praticiens qui ne connaissent pas le cancer et qui ne peuvent pas le soigner. Moi, je n’en ai jamais vu en 18 ans de Cancérologie. On a récemment fait une thèse là-dessus et on a remarqué que 30% des malades qui étaient venus en consultation tardivement avaient déjà vu un membre du personnel médical. L’ignorance est un gros facteur de la maladie à côté du manque de moyens, parce qu’il n’y a pas de prise en charge.

Voir tôt un médecin et guérir

Quand on vient à un stade précoce, on augmente les chances de guérison. Quand on vient à un stade avancé, on diminue les chances de guérison. Tout de même, il y a des cas où le malade est guéri, alors que sa maladie est avancée, tout comme une personne peut venir de manière précoce sans qu’on ne puisse, malheureusement, le guérir.

Un traitement long et très couteux

Le traitement du cancer est long et coûteux. Les gens s’essoufflent, ils font un, deux traitements et disparaissent, parce que le traitement est très long. Imaginez une personne qui doit faire une chimiothérapie tous les 15 jours pendant 6 mois. Pour chaque séance, elle doit dépenser 120.000 FCFA, ça fait 240.000 FCFA le mois, pendant 6 mois. Il n’y a pas beaucoup de Sénégalais qui peuvent le faire. Malheureusement, c’est le seul traitement du cancer du col à un stade avancé. Il faut compter l’opération, la radiothérapie à 150.000 FCFA, les radios, les déplacements. Les gens disparaissent parce qu’ils ne peuvent pas supporter les coûts. Il faut qu’on arrive à subventionner le traitement pour au moins une certaine catégorie de la population afin que ces gens puissent se soigner et n’abandonnent plus leurs traitements.

Informer et éduquer les populations sur le cancer 

Le maître-mot ici, c’est l’information et l’éducation de la population. En considérant les conditions dans lesquelles nous travaillons, je suis tenté par le découragement. Un jour, j’étais à Marseille avec mon patron et il me dit : «Ne te décourage pas. Il y a 30 ans en France, on était quasiment au même niveau que ce que tu me décris au Sénégal. Dans les années 70, aux Etats-Unis, ils étaient au même niveau. Mais ce qui a été fait, c’est une prise de conscience de l’autorité. C’est le Président Nixon qui leur a dit que le cancer est un problème, il faut qu’on le règle. En France, le Président Mitterrand a lancé le premier plan contre le cancer, ensuite le Président Chirac l’a continué. Ils ont dit que c’était un problème à régler et ils se sont mis ensemble avec les spécialistes du cancer.»

Oui, il faut qu’on informe la population, il faut que cette dernière soit consciente que cette pathologie existe et qu’elle cause beaucoup de problèmes. Il faut faire des préventions, des dépistages et des consultations précoces dès qu’on sent quelque chose. Dès qu’on a quelque chose qui fait penser à la maladie, il faut consulter un médecin. Mais il faut que ces médecins soient bien formés, parce que je vous ai dit tantôt que, dans les régions, 30% des malades ont vu des médecins. Malheureusement, un faux diagnostic a été posé ou bien les moyens de diagnostic n’existent pas là-bas, ce qui fait que les gens sont venus trop tard. Donc, en plus des ressources humaines, il faut des structures adaptées pour la prise en charge des malades dans des régions. Il n’est pas question qu’on fasse venir tout le monde à Dakar. Il y aura un Institut de Cancer à Diamniadio. La convention a été signée avec les Coréens. Pour régler le problème d’accessibilité, il faut créer des centres régionaux et dans la banlieue d’où viennent beaucoup de nos patients.

En France, lorsque vous passez, on va vous dire : est-ce que vous avez fait votre mammographie ? On vous envoie les courriers par La Poste et c’est gratuit. Ici, malheureusement, la mammographie n’est pas gratuite, alors qu’elle l’est en France. Donc, on doit arriver à cela. On doit «matraquer» la population pour qu’elle se décide à aller se faire dépister.

Mieux, la conscientisation et l’information doivent démarrer avec les enfants, quand on veut sensibiliser, parce qu’ils sont curieux et avides d’informations. Ils vont vers leurs parents, ils posent des questions, mais ils ramènent également des informations quand on leur apprend dès le bas âge.

Contribution du secteur privé

Il faut que les privés mettent la main à la pâte, qu’ils participent à la sensibilisation. Tant qu’on ne fait pas cela, on ne s’en sortira pas, on sera toujours débordé et on accompagnera les malades, parce que tout simplement, on ne peut pas les guérir. Il ne faut pas que l’Etat soit seul. Ce que j’ai vu au Maghreb, plus précisément en Tunisie et au Maroc, si le traitement du cancer a connu des évolutions positives, c’est parce que les gens ont investi de l’argent dans les cliniques privées. Certes tous les malades n’auront pas les moyens d’aller dans les cliniques, mais là-bas il y a une Assurance et une Couverture maladie qui font que, lorsque tu vas dans une clinique privée avec un cancer, tu es soigné.

Cette approche a tiré le traitement vers le haut. Ce sont des médecins qui se retrouvent avec des mécènes, des privés qui ont des moyens et qui mettent de l’argent. Ici, malheureusement, les cliniques ont un peu peur du cancer qui est tabou. Quand tu consultes dans une clinique privée, les gens ont tendance à dire qu’ils ont peur des malades en phase terminale qui ne vont pas rapporter de l’argent et altèrent l’image de la clinique et ses statistiques. Et on dira même que, dans cette clinique, il y a beaucoup de morts.

Former et renforcer les capacités de la ressource humaine

Le premier problème du cancer au Sénégal, c’est celui de la ressource humaine qualifiée. On n’a pas assez de Cancérologues. Pour 14 millions d’habitants, on se retrouve seulement avec 6 ou 7 Cancérologues, c’est très peu et tous sont à Dakar. Donc, il faut former des médecins, des infirmières, des travailleurs sociaux, mais également des gens qui vont aider à faire passer l’information. Plus on fera des dépistages, plus on aura la chance de guérir du cancer. Il faut forcement que l’on fasse plus de dépistages et plus de préventions pour diminuer le nombre de cancer, communément appelé incidence.

Source: REUSSIR MAGAZINE


 



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