La dimension intellectuelle de Seydi El Hadj Malick Sy à travers "Xilassu Zaab" (ou l'Or décanté)
La dimension intellectuelle de Seydi
El Hadji Malick Sy
A travers « Xilaasu Zaab »
Au nom d’ALLAH, le Sublime, Créateur et Maître de l’Univers, que
le salut soit sur notre Bien aimé Guide, le Prophète Muhammad,
Boussole des croyants, ainsi que sur ses apôtres et sa vénérable
famille. Chers frères et sœurs, que la Paix et la Bénédiction divines
soient avec vous, ici et dans vos foyers et qu’elles vous accompagnent
jusqu’au terme d’une longue vie heureuse.
Dans quelques jours, s’il plaît à DIEU, Tivaouane connaîtra encore
cette ferveur impressionnante dominée par la psalmodie du
« Bourde », la récitation du Coran, en passant par les causeries
religieuses, conférences et autres tables rondes, faisant vibrer la ville
sainte d’une intense activité. En effet, sous l’égide du Khalife Général
des Tidjanes, Serigne Cheikh Ahmed Tidjane Sy et sous la conduite
éclairée de Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, la célébration de la
naissance du Prophète appelée « Gamou » suscite chaque année, chez
les milliers de fidèles, engouement et émotion.
On ne peut pas parler de « Gamou » sans évoquer le plus
distingué des chantres et biographes du prophète : Seydi El Hadji
Malick Sy, plus connu sous le surnom de « Maodo », un terme pulaar
signifiant « Doyen ». Et Maodo est, sans aucun doute, le doyen, sinon
d’âge, du moins de sagesse des laudateurs du Prophète Mouhamad
(S.A.W.S.)
Une étude attentive de son fameux « Mimiya » (vers marqués par la
rime en « m ») intitulé « Xilaasu Zaab » et que nous avons traduit par
« L’or décanté » nous le prouvera.
Maodo a choisi le plus précieux des métaux pour magnifier le
Prophète. L’or symbolise en effet la pureté, la noblesse et la majesté.
Mais, pour Maodo, l’or brut ne suffit pas à illustrer la dimension
sublime de notre Prophète : il veut de l’or travaillé, raffiné, apuré… de
l’or décanté.
Iman Souyitiyou a dit : « Nul ne connaît DIEU sinon DIEU et nul ne
connaît le Prophète Mouhamad (S.A.W.S.) sinon DIEU. »
Iman Bousseyri ne dira pas le contraire lui qui, dans son majestueux
poème « Al Bourda » ou « Le Manteau », avouant son incapacité à
cerner la dimension du Prophète, s’est contenté de dire : « Tout ce que je sais de lui, c’est que c’est un être humain ». (Famablakhoul hilmi
anahoo bacharoun) Il a fallu l’intervention du Prophète qui lui est
apparu en vision pour lui dicter la suite : « et, cependant, c’est la
meilleure des créatures de DIEU ». (wa anahoo khayrou khalkhi
LLAHI koulihim)
Pour dire que nul ne connaît véritablement le Prophète Mouhamad
(S.A.W.S.) sinon DIEU qui l’a créé. D’innombrables érudits se sont
évertués à chanter le Prophète mais, pour l’essentiel, certains ont pris
un aspect dans la glorification ; d’autres ont mis en exergue certains
éléments de sa biographie.
Mais « Xilaasu Zaab » constitue une synthèse, la plus harmonieuse
et la plus édifiante de la biographie et de la glorification du Prophète
Mouhamad (S.A.W.S.)
C’est pourquoi nous avons choisi cette œuvre de Maodo devenue
un classique incontournable à l’occasion des gamous et autres
célébrations de notre bien aimé Prophète, pour illustrer la dimension
intellectuelle incommensurable de Seydi El Hadji Malick Sy. En
effet, « Xilaasu Zaab » est un puits insondable et inépuisable qui est à
la dimension de ce que peut cerner l’esprit humain dans la
connaissance de Seydina Mouhamad (S.A.W.S.). C’est ce qui a fait
dire à Seydi Khalifa Ababacar Sy : « Maodo est à imiter et non à
égaler ».
DIEU n’a rien omis dans le SAINT CORAN. De même, nous
pouvons dire que Seydi El Hadji Malick Sy n’a négligé aucun détail
dans la vie du Prophète Mouhamad (S.A.W.S.) : ses traits physiques
et moraux, sa vie, sa mission, ses biens matériels et animaux (il est
allé jusqu’à évoquer le peigne, le miroir, le cure-dents et les ciseaux
du Prophète.
Plus surprenant encore, la nomenclature même de ces objets et
animaux a fait l’objet des investigations de Maodo. D’ailleurs, c’est
pour départager des disciples qui avaient une divergence sur la
dénomination d’une des brebis du Prophète (« khawzatoune » ou
« Khayzatoune ») que le Doyen des sages a eu l’idée de composer
« Xilaasu Zaab »
Les biographes du Prophète s’accordent à fixer le nombre des cheveux
de notre vénéré guide à 124000 (correspondant au nombre des
prophètes) Mais l’auteur de « L’or décanté » va plus loin en nous disant le nombre de cheveux blancs entre la tête et la barbe de Seydina
Mouhamad (S.A.W.S.) au moment où il s’éteignit.
Tous ces éléments attestent de la grande érudition de Seydi El Hadji
Malick Sy dont la multi dimensionnalité est perceptible dans
« Xilaasu Zaab » à travers :
La maîtrise de la versification
Les notions de grammaire
Le caractère didactique et la portée pédagogique
La rhétorique
L’étymologie
L’honnêteté intellectuelle…
Nous essaierons d’étayer notre propos par quelques exemples dont le
recensement est loin d’être exhaustif.
Le 1er vers nous installe dans la « Tawhid » (unicité de DIEU)
« Louanges à DIEU le Créateur Prééternel Il nous a tirés de l’essence
de la « Lune » qui est la première créature »
On ne peut appréhender la dimension du Prophète sans la « Tawhid »
qui est le fondement de la foi. Le Créateur (« Zil Idjaadi ») est
l’Unique sans second. Qui a créé les êtres et les choses à sa guise :
En couple (le jour et la nuit ou bien le ciel et la terre, l’ombre et la
lumière), en triple ((les « rakas » de la prière du « Makhrib ») ou
en quadruple (les pattes des quadrupèdes) etc.
Seydi El Hadji Malick Sy, dans sa composition, prend souvent pour
référence un hadith afin de consolider son argumentaire. Le vers 5 du
chapitre I en témoigne :
« O merveille ! Lorsque DIEU a eu le dessein de nous créer, Il a puisé
dans Sa Lumière la lumière du glorieux Prophète »
Ce vers est inspiré par un hadith rapporté par Diabir : « DIEU a créé
la lumière du Prophète à partir de Sa Propre Lumière »
La dimension intellectuelle de Seydi El Hadji Malick Sy est
également perceptible à travers le considérable travail de synthèse
auquel il se livre: quand il y a des divergences, il cite toutes les
versions pour mieux édifier le lecteur. C’est ainsi que pour le lieu où
le Prophète a vu le jour, il évoque
Ousfaan
La maison d’Ibn Youssouf
Chiib
Radam La haute facture pédagogique et la portée didactique de Maodo ne sont
plus à démontrer. Si on devait assigner à Seydi El Hadji Malick Sy
une profession, ce serait celle d’enseignant. Il ne cesse en effet de
maintenir l’attention du lecteur par des
Rappels : « wa Abdou Moutallib min bahdou » pour évoquer les
faits précédents et relatifs à Abdou Moutallib (le trésor
découvert dans le puits de « Zem Zem », l’épisode de l’éléphant)
L’apostrophe du lecteur : « sois attentif » ; enrichis-toi de cette
parole »
Des notions grammaticales et des précisions sur la phonétique ou
l’orthographe : « écris ha sans point suscrit »
Une syntaxe audacieuse : complément d’objet antéposé et non
postposé comme de coutume. « A gardé les deux biches la
Maison de DIEU »
Un niveau de langue soutenu, parfois même ésotérique. En effet
Maodo s’adresse surtout à un public lettré, c’est pourquoi son
verbe est souvent suggestif et ne doit pas être traduit de manière
littérale. Ainsi, pour illustrer la précocité du jeune Mouhamad
(S.A.W.S.) il nous dit :
« Sa croissance d’un mois se fit en un jour et celle d’un an en un
mois. A deux ans, il était un athlète courtois »
Il faut comprendre par là que le Prophète a toujours eu une
longueur d’avance sur les personnes du même âge que lui en
maturité spirituelle et probité morale.
Un langage imagé où foisonnent métaphores et autres
comparaisons : « Notre Seigneur la Lune »
« Les puits des âmes sourdent de la lumière du Timonier qui est
l’incarnation de la noble espèce et la genèse de toute matière »
chap. I V.8
Mais c’est dans l’art du portrait que Maodo est inimitable. Il
n’est, pour s’en convaincre, que de consulter le portrait
fascinant qu’il nous fait du Prophète (chapitre VI, vers 50 à
56)
50. Sa tête a été sculptée dans la Grâce Divine, ses oreilles dans la
vigilance ; les yeux de l'ami de DIEU ont été moulés dans la
courtoisie.
51. La poitrine du bien-aimé dans la pureté ; son cœur dans la
compassion ; sa cage thoracique dans la générosité.52. Dis que sa langue a été taillée dans la louange de DIEU, ses lèvres
dans la prière et son visage dans la satisfaction ; enrichis-toi de
cela.
53. Sa salive a secrété le miel du Paradis, ses cheveux purifiés dans la
flore paradisiaque, sa paume dans la prodigalité.
54. La «Lune» allie confiance, soulagement, rédemption, grâce,
douceur, mérite et félicité.
L’honnêteté intellectuelle de Seydi El Hadji Malick Sy est
nettement perceptible par les références précises aux auteurs
cités, ses sources.
Il nous met en garde quand il énonce un vers dont il n’est pas
l’auteur :
« La Nation arabe est la meilleure de l’Humanité ; la meilleure
de ses tribus est Khourich dont est issue la meilleure personne
qui est celle du Prophète » Chap. III V.10. Mais Maodo
s’empresse de préciser « Que celui qui a dit ces chants soit
récompensé par son Créateur ». C’est ce que les Wolofs
appellent « Gnak Kagnane »
Les références à la théologie, au droit Islamique, notamment
le droit successoral sont riches d’enseignement. L’auteur nous
apprend que deux personnes décédées simultanément (par
exemple une mère et son fils) s’excluent mutuellement de
l’héritage. C’est d’ailleurs pour mieux expliciter ces subtilités
que Maodo a senti la nécessité de rédiger un traité sur
l’héritage : « Kawkaboul Mounir » (Etoiles étincelantes)
La courtoisie de Seydi El Hadji Malick Sy se manifeste
nettement dans « Xilaasu Zaab » En citant plusieurs
versions, il nous fait deviner vers laquelle va sa préférence
sans frustrer les tenants des autres versions.
Les références à la valeur numérique dénotent d’une solide
culture arabe et confèrent une ambivalence à beaucoup de ses
expressions : Quand il emploie « Huda » qui désigne la
droiture, il exploite en même temps la valeur numérique du
terme : 10.
Les références historiques nous édifient sur la culture
générale de Maodo : Il nous invite à ne pas confondre
Alexandre le Grand, encore appelé « Zoul kharaneyni »
(L’homme aux deux cornes) en référence à son légendaire casque surmonté de deux cornes avec Alexandre II qui fut un
disciple d’Aristote. (Chap. VI V. 71 ET 72 Les déboires entre
les juifs et Nabuchodonosor y sont également relatés.
La généalogie est un élément fondamental dans toute œuvre
biographique et, à travers « Xilaasu Zaab » celle du
Prophète est dressée sans équivoque. Mais Maodo la fait
remonter seulement jusqu’à l’ancêtre Adnane, par respect aux
recommandations du Prophète lui-même qui avait dit : « celui
qui dépasse Adnane, en citant ma généalogie, est dans le
mensonge »
Le trait de caractère de Seydi El Hadji Malick Sy qui est le
plus perceptible dans « « L’Or décanté », c’est sans doute sa
grande humilité. Les exemples y sont nombreux mais, pour
mieux s’en convaincre, il suffit de voir comment Maodo met
en exergue, à l’occasion de la commémoration de la naissance
du Prophète, le poème de l’Iman Bousseyri « AL Bourda »
alors qu’il aurait pu choisir les 30 chapitres de « Xilaasu
Zaab » pour animer les dix premières nuits du Gamou.
CONCLUSION
Nous n’avions pas pour prétention de fouiller toutes les
ressources de « Xilaasu Zaab ». Notre modeste contribution
avait pour objet de faire ressortir la multi dimensionnalité de
ce laudateur hors pair du Prophète Muhammad (S.A.W.S.)
qu’est Seydi El Hadji Malick Sy à travers quelques
illustrations puisées dans les 10 premiers chapitres de « L’Or
décanté ». Nous sommes conscients de n’avoir recueilli
qu’une gouttelette dans ce puits intarissable mais nous prions
ALLAH le Sublime qu’elle puisse désaltérer tout chercheur
« qui va plonger dans la mer en quête de coquillage » afin
qu’il y découvre « des coquillages qui couvent de l’or
Dourah, plus resplendissant que lune au quatorzième jour ».
Je voudrais juste, pour terminer mon propos, rendre un
hommage personnel à mon illustre homonyme sous la forme
d’une modeste composition que j’ai baptisée « L’Etoile » en
référence à notre Seigneur « La Lune »L'Etoile (Poème liminaire)
La Lune a surgi dans un ciel brumeux
Et s'effacent les ténèbres ainsi que vapeur au vent
Des milliers d'étoiles s'abreuvant de la divine lumière
En aspergent l'univers entier
Il en est une qui semble se cacher dans un coin céleste
Mais son éclat perce les éthers et éblouit la terre
Une étoile peut-elle se cacher ?
Mawdo
La lumière de la lune suffit à éclairer le monde
Mais ce sont les étoiles qui en assurent l'expansion
De même le message de Muhammad est parfait
Mais ce sont les disciples qui en assurent la diffusion
Et tu es l'une des étoiles les plus resplendissantes
De notre Lune Muhammad Disperseur des ténèbres
Malick
Dans ton manteau laiteux à l'ombre de ton parasol
Tu ne peux te dissimuler encore que t'y exhorte la modestie
Car qui nous ferait connaître Muhammad ?
Qui nous apprendrait à l'aimer à l'imiter ?
Poursuis ton ascension par la Grâce de Dieu noble étoile
Dans le ciel de notre confiance renouvelée
Que se dissipent à jamais les ténèbres de notre ignorance
Mawdo Mbengue