Le 13 septembre 2004 s’éteignait, au nord de Ndar, sa ville natale, cette voix de stentor, empreinte d’un ton inimitable, d’une passion délirante mais encore et surtout d’un amour inégalable du football, du Sénégal et de la liberté. «Ma» savait, à la perfection, électriser les foules, retenir l’attention, inculquer le savoir à ses élèves, motiver les footballeurs, de la rue, des terrains vagues, des cours de récréation ou les vedettes évoluant à Wiltord, Demba Diop, Suruléré, au 28 Septembre de Conakry ou en terre érythréenne, à Asmara.
Avec et grâce à lui s’illustrèrent les génies ; il leur vouait une confiance frisant l’adoration, au Réveil puis au Brack de Saint-Louis : Petit Guèye, Yérim Diagne, Yatma Diouck, Germain Faye, Mamour Sène, Petit Ousmane, Moussa Sy, Médoune Fall, Balla Diakhaté, Anoun Ndiaye, Mansour Ciss, Léopold Diop.
En Equipe nationale, la voix teintée d’extase, il évoquait avec délectation les qualités merveilleuses de Louis Camara, Loulou Gomis, Matar Niang, Fadel, Yatma Diop, Doudou Diongue, Diémé, Saliou Cissé Chita, Mamadou Diop «Boy Dakar», Alpha Touré, Camou, Assane Mboup, Malick Diallo, Laye Diallo, Baye Moussé Paye «Takac», Demba Thioye, Oumar Guèye Samb, Bamba Diarra, Elhadji Sarr Samassa, Laye Sène, Assane Paye, Locotte, Mame Touty.
Mais «Ma» n’était pas seulement un expert du football, reconnu en Afrique et sur notre planète, au point d’occuper d’éminentes fonctions continentales et mondiales (membre du Comité exécutif de la Caf, instructeur de la Fifa, président de la commission technique continentale, c’est-à-dire alliant parfaitement les tâches d’administrateur et de technicien). Il fut aussi, au plan professionnel, un pédagogue distingué, comme en témoignent les brillants résultats de ses élèves à Saint-Louis, Kolda, Ziguinchor, Sindone, puis à Kaolack où il partagea la demeure d’un futur journaliste qui épousait ses convictions, Mame Less Dia.
Durant la période coloniale, il sut aussi se mettre au service de sa corporation, celle des brillants pédagogues issus de William Ponty qui prirent une part prépondérante dans la marche glorieuse du Continent et des Peuples d’Asie vers l’Indépendance. Membre du Syndicat unique de l’enseignement laïc (Suel) avec Madické Wade son éternel et inséparable collègue et camarade, proximité renforcée par la parenté, ils s’opposèrent aux dérives du pouvoir colonial. Dans cette lutte, ils eurent pour compagnons des combattants comme Souleymane Ndiaye que nous saluons au passage et notre regretté père, Amadou Guèye Gabin de Rufisque. Il animait à merveille les débats syndicaux, en compagnie de Abdoulaye Fofana, un autre tribun de la famille du football, avec le Jaraaf et la Fédération sénégalaise de football.
Les témoins de cette période, devenus des historiens par leur parcours, nous rappellent les merveilleuses joutes oratoires qui forgèrent les responsabilités politiques et sportives, assumées dès l’indépendance.
Mais pour mieux suivre le cursus de l’homme, nous allons faire appel à nos souvenirs amplifiés par une conférence animée par Mawade Wade dans cette mythique Salle des fêtes de Rufisque, cadre prestigieux pour la réflexion des précurseurs, ces combattants de la liberté, militants infatigables pour l’indépendance (syndicalistes, patriotes, hommes politiques, farouchement opposés au colonialisme, à l’impérialisme et aux autochtones, supports masqués de cette domination). Pour mieux respecter la vision prophétique de cet homme exceptionnel, nous allons le suivre dans son discours si riche de 1976 et qui, à bien des égards demeure plus qu’actuel dès lors que l’on semble douter de l’esprit patriotique de certains footballeurs. «Je suis venu au football par la lutte, une lutte ardente, passionnée, pour mon Peuple, pour les Peuples d’Afrique.» C’est cette dimension qui explique son séjour en Hongrie et sa rencontre avec Gustav Sebes, entraîneur de la grande Equipe de Hongrie. Dans les buts, le gardien avancé préfigurait l’organisation menant vers la ligne, une défense qui construisait, un milieu avec des artistes doués dans l’élaboration et une attaque percutante capable de se transformer en première ébauche de récupération. Cette belle équipe de Hongrie qui joua la finale et perdit (énorme surprise) face à l’Allemagne le 4 juillet 1954 au Wankdorf de Berne (3-2) était ainsi composée : Grosics, Buzansky, Lorant, Lantos, Bozsik, Zakarias, Czibor, Kocsis, Hidegkuti, Puskas, Toth. Mais par des aménagements dans l’animation du jeu des intérieurs et demis, cette Hongrie se dirigeait résolument vers le 4-2-4, après le W.M.
C’est du reste grâce à sa triple casquette de syndicaliste, de militant politique et de technicien que «Ma» fut invité à Budapest, siège à l’époque de la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique. Durant son séjour à Budapest, Gustav Sebes l’a convié au camp d’entraînement de l’Equipe hongroise à Tatabànya, centre minier et industriel à l’Ouest de Budapest. La Capitale hongroise abritait aussi l’Institut Supérieur des Sports (centre de formation d’entraîneurs qui accueillit Mawade et Joe Diop).
Revenons à cette conférence où il affirma sans ambages, «en ce monde difficile (…) nous pouvons puiser dans les vertus profondes de notre Peuple, une force qui nous permettrait, quels que soient les aléas de la vie, d’être parmi les forces émergentes de l’humanité». C’est pourquoi il ajoutait : «Tout footballeur qui a peur doit être extirpé du football de notre pays. Il ne doit pas nous représenter parce qu’au-delà du football qui symbolise les vertus cardinales de notre Peuple, vertus qui s’appellent courage et loyauté, courage devant l’adversité, je crois que si tout le monde plaide contre nous, nous sommes plus forts.» Oui, face aux récriminations et critiques acerbes (comme aujourd’hui on vitupère pour remplacer !) – il revint constamment, chaque fois qu’après un échec on fit appel à lui, pour relancer la machine, souvent contre l’avis unanime de ses proches. L’exemple le plus pathétique fut illustré après la déconvenue du Caire en 1986. Plus tard il rappellera ses relations étroites avec le jeune Abdou Diouf lycéen à Saint-Louis, futur président de la République. Dix ans plus tôt, il affirmait après un autre retour «je suis revenu grâce à la confiance des sportifs (…) Si Dieu me prête vie, mon désir le plus ardent est de faire bien sûr avec et grâce à vous, de notre football un grand football, celui que nous méritons tous». C’est en ce sens qu’il souhaitait «construire ensemble un football digne du génie créateur de notre Peuple (…). Mais la réussite sera subordonnée à la lutte, à un effort permanent pour l’amour de notre Peuple». Les Guinéens du Syli considèrent notre pays comme le plus riche pourvoyeur de talents en Afrique et dans le monde, pour avoir joué avec des dizaines de footballeurs sénégalais dans les compétitions continentales quand leur ossature demeurait intacte en dix ans, avec le même encadrement technique. Et comme cette rengaine qui revient encore aujourd’hui il avait tiré la sonnette d’alarme. «Si les moyens suivent, la réussite se profile déjà à l’horizon. Avec moins de talents mais grâce à des moyens considérables, les autres nous ont dominé (…) Les solutions dépendent uniquement de notre volonté au service de la collectivité.» A ce propos nous rappelons encore les conditions désastreuses du regroupement, après Caire 86, à l’Institut national du Développement Rural (Indr) de Thiès, infesté de moustiques et envahi par les herbes et les reptiles, ainsi que l’hébergement au stade Iba Mar Diop qui permit à des visiteurs nocturnes de voler et de déverser des litres de safara, sur les effets des joueurs qui disputaient une rencontre amicale de préparation à Demba Diop.
Aujourd’hui encore, le Centre de développement technique de Toubab Dialaw n’est toujours pas fonctionnel car, dès le départ, des décideurs avaient projeté de créer les conditions de contre-performance, afin de disposer d’arguments plus solides, pour balayer la structure fédérale. D’ailleurs, malgré les doléances des techniciens sénégalais, Mawade en tête, le centre d’hébergement du Cneps de Thiès a été mis en place grâce à Claude Leroy…
L’hébergement à l’hôtel qui n’est nullement édifié pour la récupération des sportifs et qui engendre des dépenses faramineuses est peut être très rentable, pour certains experts autoproclamés de l’économie du sport.
Mawade laissait aussi la place requise à la préformation et à la formation, à la prospection et à la détection comme le démontrent avec éloquence ses propos : «Nous avons opté, sur le plan de l’organisation pour trois équipes nationales dont la première, celle des juniors doit être privilégiée. Les raisons qui nous imposent une telle attitude sont très simples. Le jeune Européen qu’il soit Allemand, Anglais ou Français qui pratique le football est suivi en très bas âge, aussi bien sur le plan technique que dans le domaine médico-sportif. Nous nous occupons de nos jeunes talents à un âge plus avancé avec tous leurs plis et des automatismes néfastes qu’il est difficile d’enlever.»
Mais c’est surtout dans un autre domaine celui qui nous semble le plus important c’est-à-dire la conception et l’organisation de jeu, que Mawade apporta une contribution irremplaçable et ineffaçable. Il s’agissait, il s’agit encore aujourd’hui d’un système fondé sur une défense de zone et favorisant constamment les initiatives et orientations offensives, par la mise en place d’un cadre référentiel, collectif de production d’un jeu de solidarité, grâce à une attaque et à une récupération collectives. Cette démarche engendra un patrimoine sportif et historique où la conception de jeu exprime la coopération et la solidarité. Ce patrimoine a été largement défendu et diffusé par le Miroir du football et notre regretté François Thébaud que cite souvent notre ami, le consultant Iba Dia. Tous ces aspects sont dès lors considérés comme des rapports sociaux dans le jeu, basé sur la répartition des tâches d’attaque et de récupération, distribués à des hommes partageant leur épanouissement, humain et leur projet de société qui élève l’être et l’anoblit, en extirpant la violence , force des faibles et signe d’une absence d’arguments. Dans cette belle dynamique s’illustrèrent, le Réveil de Saint-Louis avec Mawade, le Club Olympique Thiessois de Jo Diop, le Foyer France Sénégal de l’athlète longiligne, actuel Président de la Fédération Internationale d’Athlétisme, Lamine Diack, champion du saut en longueur et surtout pourvoyeur talentueux sur les terrains de football, l’Us Ouakam de Franky Ndiaye. Cette complicité était partagée par les Belges d’Anderlecht avec Sinibaldi, le Brésil de 58 et 70, abreuvant aussi Yohan Cruyff et préparant le Barça d’aujourd’hui, comme référence actuelle.
Mawade Wade, cet homme dont nous venons de retracer brièvement quelques facettes de sa si riche existence, au service de la collectivité, de convictions très fortes pour la liberté et l’épanouissement de l’homme, ne doit pas être oublié. Mawade symbolise le patriotisme, le panafricanisme et c’est ce qui explique ses relations avec Ahmed Sékou Touré, relations cimentées par les luttes des travailleurs, au sein de l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (Ugtan) ainsi que les luttes des Peuples d’Afrique pour leur libération.
Le souvenir de Mawade interpelle les secteurs de l’éducation et du sport pour son attachement à l’Afrique et son combat contre toute forme d’assujettissement. Partisan d’un football inspiré par la réflexion dans l’action, il répétait sans cesse : «Le football c’est l’intelligence en mouvement.»
Ces souvenirs qui rappellent «Ma» imposent et exigent une grande reconnaissance par les institutions étatiques centrales ou décentralisées. De telles exigences devraient être symbolisées par la création et /ou l’attribution de sites incarnant son combat (stade, rues, places) pour perpétuer son image, son immortalité car, il est encore parmi nous.
Sportivement
Jo DIOP : président de l’Association des entraîneurs et éducateurs de football du Sénégal (Aeefs)
Doudou SENE : entraîneur de football, secrétaire adjoint de l’Association nationale des inspecteurs de l’éducation populaire de la jeunesse et des sports à la Retraite (Anijes/R).
Avec et grâce à lui s’illustrèrent les génies ; il leur vouait une confiance frisant l’adoration, au Réveil puis au Brack de Saint-Louis : Petit Guèye, Yérim Diagne, Yatma Diouck, Germain Faye, Mamour Sène, Petit Ousmane, Moussa Sy, Médoune Fall, Balla Diakhaté, Anoun Ndiaye, Mansour Ciss, Léopold Diop.
En Equipe nationale, la voix teintée d’extase, il évoquait avec délectation les qualités merveilleuses de Louis Camara, Loulou Gomis, Matar Niang, Fadel, Yatma Diop, Doudou Diongue, Diémé, Saliou Cissé Chita, Mamadou Diop «Boy Dakar», Alpha Touré, Camou, Assane Mboup, Malick Diallo, Laye Diallo, Baye Moussé Paye «Takac», Demba Thioye, Oumar Guèye Samb, Bamba Diarra, Elhadji Sarr Samassa, Laye Sène, Assane Paye, Locotte, Mame Touty.
Mais «Ma» n’était pas seulement un expert du football, reconnu en Afrique et sur notre planète, au point d’occuper d’éminentes fonctions continentales et mondiales (membre du Comité exécutif de la Caf, instructeur de la Fifa, président de la commission technique continentale, c’est-à-dire alliant parfaitement les tâches d’administrateur et de technicien). Il fut aussi, au plan professionnel, un pédagogue distingué, comme en témoignent les brillants résultats de ses élèves à Saint-Louis, Kolda, Ziguinchor, Sindone, puis à Kaolack où il partagea la demeure d’un futur journaliste qui épousait ses convictions, Mame Less Dia.
Durant la période coloniale, il sut aussi se mettre au service de sa corporation, celle des brillants pédagogues issus de William Ponty qui prirent une part prépondérante dans la marche glorieuse du Continent et des Peuples d’Asie vers l’Indépendance. Membre du Syndicat unique de l’enseignement laïc (Suel) avec Madické Wade son éternel et inséparable collègue et camarade, proximité renforcée par la parenté, ils s’opposèrent aux dérives du pouvoir colonial. Dans cette lutte, ils eurent pour compagnons des combattants comme Souleymane Ndiaye que nous saluons au passage et notre regretté père, Amadou Guèye Gabin de Rufisque. Il animait à merveille les débats syndicaux, en compagnie de Abdoulaye Fofana, un autre tribun de la famille du football, avec le Jaraaf et la Fédération sénégalaise de football.
Les témoins de cette période, devenus des historiens par leur parcours, nous rappellent les merveilleuses joutes oratoires qui forgèrent les responsabilités politiques et sportives, assumées dès l’indépendance.
Mais pour mieux suivre le cursus de l’homme, nous allons faire appel à nos souvenirs amplifiés par une conférence animée par Mawade Wade dans cette mythique Salle des fêtes de Rufisque, cadre prestigieux pour la réflexion des précurseurs, ces combattants de la liberté, militants infatigables pour l’indépendance (syndicalistes, patriotes, hommes politiques, farouchement opposés au colonialisme, à l’impérialisme et aux autochtones, supports masqués de cette domination). Pour mieux respecter la vision prophétique de cet homme exceptionnel, nous allons le suivre dans son discours si riche de 1976 et qui, à bien des égards demeure plus qu’actuel dès lors que l’on semble douter de l’esprit patriotique de certains footballeurs. «Je suis venu au football par la lutte, une lutte ardente, passionnée, pour mon Peuple, pour les Peuples d’Afrique.» C’est cette dimension qui explique son séjour en Hongrie et sa rencontre avec Gustav Sebes, entraîneur de la grande Equipe de Hongrie. Dans les buts, le gardien avancé préfigurait l’organisation menant vers la ligne, une défense qui construisait, un milieu avec des artistes doués dans l’élaboration et une attaque percutante capable de se transformer en première ébauche de récupération. Cette belle équipe de Hongrie qui joua la finale et perdit (énorme surprise) face à l’Allemagne le 4 juillet 1954 au Wankdorf de Berne (3-2) était ainsi composée : Grosics, Buzansky, Lorant, Lantos, Bozsik, Zakarias, Czibor, Kocsis, Hidegkuti, Puskas, Toth. Mais par des aménagements dans l’animation du jeu des intérieurs et demis, cette Hongrie se dirigeait résolument vers le 4-2-4, après le W.M.
C’est du reste grâce à sa triple casquette de syndicaliste, de militant politique et de technicien que «Ma» fut invité à Budapest, siège à l’époque de la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique. Durant son séjour à Budapest, Gustav Sebes l’a convié au camp d’entraînement de l’Equipe hongroise à Tatabànya, centre minier et industriel à l’Ouest de Budapest. La Capitale hongroise abritait aussi l’Institut Supérieur des Sports (centre de formation d’entraîneurs qui accueillit Mawade et Joe Diop).
Revenons à cette conférence où il affirma sans ambages, «en ce monde difficile (…) nous pouvons puiser dans les vertus profondes de notre Peuple, une force qui nous permettrait, quels que soient les aléas de la vie, d’être parmi les forces émergentes de l’humanité». C’est pourquoi il ajoutait : «Tout footballeur qui a peur doit être extirpé du football de notre pays. Il ne doit pas nous représenter parce qu’au-delà du football qui symbolise les vertus cardinales de notre Peuple, vertus qui s’appellent courage et loyauté, courage devant l’adversité, je crois que si tout le monde plaide contre nous, nous sommes plus forts.» Oui, face aux récriminations et critiques acerbes (comme aujourd’hui on vitupère pour remplacer !) – il revint constamment, chaque fois qu’après un échec on fit appel à lui, pour relancer la machine, souvent contre l’avis unanime de ses proches. L’exemple le plus pathétique fut illustré après la déconvenue du Caire en 1986. Plus tard il rappellera ses relations étroites avec le jeune Abdou Diouf lycéen à Saint-Louis, futur président de la République. Dix ans plus tôt, il affirmait après un autre retour «je suis revenu grâce à la confiance des sportifs (…) Si Dieu me prête vie, mon désir le plus ardent est de faire bien sûr avec et grâce à vous, de notre football un grand football, celui que nous méritons tous». C’est en ce sens qu’il souhaitait «construire ensemble un football digne du génie créateur de notre Peuple (…). Mais la réussite sera subordonnée à la lutte, à un effort permanent pour l’amour de notre Peuple». Les Guinéens du Syli considèrent notre pays comme le plus riche pourvoyeur de talents en Afrique et dans le monde, pour avoir joué avec des dizaines de footballeurs sénégalais dans les compétitions continentales quand leur ossature demeurait intacte en dix ans, avec le même encadrement technique. Et comme cette rengaine qui revient encore aujourd’hui il avait tiré la sonnette d’alarme. «Si les moyens suivent, la réussite se profile déjà à l’horizon. Avec moins de talents mais grâce à des moyens considérables, les autres nous ont dominé (…) Les solutions dépendent uniquement de notre volonté au service de la collectivité.» A ce propos nous rappelons encore les conditions désastreuses du regroupement, après Caire 86, à l’Institut national du Développement Rural (Indr) de Thiès, infesté de moustiques et envahi par les herbes et les reptiles, ainsi que l’hébergement au stade Iba Mar Diop qui permit à des visiteurs nocturnes de voler et de déverser des litres de safara, sur les effets des joueurs qui disputaient une rencontre amicale de préparation à Demba Diop.
Aujourd’hui encore, le Centre de développement technique de Toubab Dialaw n’est toujours pas fonctionnel car, dès le départ, des décideurs avaient projeté de créer les conditions de contre-performance, afin de disposer d’arguments plus solides, pour balayer la structure fédérale. D’ailleurs, malgré les doléances des techniciens sénégalais, Mawade en tête, le centre d’hébergement du Cneps de Thiès a été mis en place grâce à Claude Leroy…
L’hébergement à l’hôtel qui n’est nullement édifié pour la récupération des sportifs et qui engendre des dépenses faramineuses est peut être très rentable, pour certains experts autoproclamés de l’économie du sport.
Mawade laissait aussi la place requise à la préformation et à la formation, à la prospection et à la détection comme le démontrent avec éloquence ses propos : «Nous avons opté, sur le plan de l’organisation pour trois équipes nationales dont la première, celle des juniors doit être privilégiée. Les raisons qui nous imposent une telle attitude sont très simples. Le jeune Européen qu’il soit Allemand, Anglais ou Français qui pratique le football est suivi en très bas âge, aussi bien sur le plan technique que dans le domaine médico-sportif. Nous nous occupons de nos jeunes talents à un âge plus avancé avec tous leurs plis et des automatismes néfastes qu’il est difficile d’enlever.»
Mais c’est surtout dans un autre domaine celui qui nous semble le plus important c’est-à-dire la conception et l’organisation de jeu, que Mawade apporta une contribution irremplaçable et ineffaçable. Il s’agissait, il s’agit encore aujourd’hui d’un système fondé sur une défense de zone et favorisant constamment les initiatives et orientations offensives, par la mise en place d’un cadre référentiel, collectif de production d’un jeu de solidarité, grâce à une attaque et à une récupération collectives. Cette démarche engendra un patrimoine sportif et historique où la conception de jeu exprime la coopération et la solidarité. Ce patrimoine a été largement défendu et diffusé par le Miroir du football et notre regretté François Thébaud que cite souvent notre ami, le consultant Iba Dia. Tous ces aspects sont dès lors considérés comme des rapports sociaux dans le jeu, basé sur la répartition des tâches d’attaque et de récupération, distribués à des hommes partageant leur épanouissement, humain et leur projet de société qui élève l’être et l’anoblit, en extirpant la violence , force des faibles et signe d’une absence d’arguments. Dans cette belle dynamique s’illustrèrent, le Réveil de Saint-Louis avec Mawade, le Club Olympique Thiessois de Jo Diop, le Foyer France Sénégal de l’athlète longiligne, actuel Président de la Fédération Internationale d’Athlétisme, Lamine Diack, champion du saut en longueur et surtout pourvoyeur talentueux sur les terrains de football, l’Us Ouakam de Franky Ndiaye. Cette complicité était partagée par les Belges d’Anderlecht avec Sinibaldi, le Brésil de 58 et 70, abreuvant aussi Yohan Cruyff et préparant le Barça d’aujourd’hui, comme référence actuelle.
Mawade Wade, cet homme dont nous venons de retracer brièvement quelques facettes de sa si riche existence, au service de la collectivité, de convictions très fortes pour la liberté et l’épanouissement de l’homme, ne doit pas être oublié. Mawade symbolise le patriotisme, le panafricanisme et c’est ce qui explique ses relations avec Ahmed Sékou Touré, relations cimentées par les luttes des travailleurs, au sein de l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (Ugtan) ainsi que les luttes des Peuples d’Afrique pour leur libération.
Le souvenir de Mawade interpelle les secteurs de l’éducation et du sport pour son attachement à l’Afrique et son combat contre toute forme d’assujettissement. Partisan d’un football inspiré par la réflexion dans l’action, il répétait sans cesse : «Le football c’est l’intelligence en mouvement.»
Ces souvenirs qui rappellent «Ma» imposent et exigent une grande reconnaissance par les institutions étatiques centrales ou décentralisées. De telles exigences devraient être symbolisées par la création et /ou l’attribution de sites incarnant son combat (stade, rues, places) pour perpétuer son image, son immortalité car, il est encore parmi nous.
Sportivement
Jo DIOP : président de l’Association des entraîneurs et éducateurs de football du Sénégal (Aeefs)
Doudou SENE : entraîneur de football, secrétaire adjoint de l’Association nationale des inspecteurs de l’éducation populaire de la jeunesse et des sports à la Retraite (Anijes/R).