Je voudrais m’acquitter du droit à la liberté d’opinion que me confère la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Citoyen, et partager avec les lecteurs mon intime conviction à propos de l’affaire Hissène Habré… Il est vrai que je ne suis ni juge, ni avocat, c’est la raison pour laquelle d’ailleurs, je me garderai bien d’émettre un quelconque jugement de valeur sur cet homme que j’ai du reste toujours considéré à tort ou à raison comme un « grand guerrier » et dont j’ai toujours suivi les activités depuis la prise en otage de Madame Françoise Claustre, le 21 avril 1974. Il convient de rappeler encore une fois que mon propos n’est pas de défendre le Président Habré et d’occulter le droit des victimes à réclamer justice. En effet, je leur reconnais sans ambages, la liberté de se battre pour que la lumière soit faite sur les accusations portées contre l’ancien Président tchadien.
Cela dit je suis entièrement d’accord avec le Pr. Oumar Sankharé qui vient de lancer un cri de rage à ses frères africains en leur rappelant tous ces pays dont les politiques et les pratiques esclavagistes, colonialistes et néocolonialistes ont ensanglanté l’histoire de l’humanité et qui aujourd’hui, s’érigent en justicier et en redresseurs de torts.
Ces derniers jours, le Gouvernement du Sénégal en encore été interpellé par une prétendue justice internationale qui avec autorité et arrogance lui a intimé l’ordre de juger ou d’extrader M. Habré en Belgique. Comme on pouvait s’y attendre, cette décision surprenante et désinvolte a outré tous les vrais patriotes Africains. Elle a soulevé un tollé général et une vigoureuse désapprobation de la quasi-totalité des organismes de défense des droits de l’homme et même des populations sénégalaises en général, en particulier celles de Ouakam, lieu de refuge de M. Habré. Les observateurs ont trouvé curieux que l’État du Sénégal, après s’être toujours conformé à l’autorité de la chose jugée, se soit empressé d’acquiescer et de reconsidérer sa position dans le sens de se soumettre à cet arrêt manifestement partisan et sans fondement, émis par cette justice néocoloniale des Occidentaux. C’est malheureux qu’il en soit ainsi ! En ce qui me concerne, je demeure persuadé que la culpabilité personnelle de M. Habré sera difficilement prouvée.
En effet, comment peut-on s’acharner à ce point sur M. Habré et laisser libre M. Idriss Déby lui-même, ancien conseiller de Habré chargé de la défense et de la sécurité et exécuteur en chef de tout ce qui pourrait être reproché à tort ou à raison à M. Hissene Habré. Le Chef de l’État tchadien devrait obligatoirement comparaître aux côtés de son ancien patron qu’il a toujours servi avec zèle, les yeux fermés. Les juristes ne disent-ils pas que : « les complices sont punissables dans tous les cas » ?
S’agissant de la Belgique et de son fameux Tribunal à compétence universelle qui demande à cor et à cri qu’on lui livre le ressortissant africain et ancien Président du Tchad M. Hissene Habré, la morale et l’éthique devraient la forcer à renoncer définitivement à cette entreprise qui ne lui sied guère. En effet, en visitant les compartiments de l’histoire de la colonisation en Afrique, on trouve aisément des griefs d’une extrême gravité et en nombre incalculable à l’actif du colonisateur belge. Si nous convoquons l’histoire de l’humanité, la Belgique fait partie des pays qui ont commis les crimes les plus ignobles et les atrocités les plus inhumaines qui ont fait couler à flots le sang encore fumant des milliers d’Africains du Congo ! C’est d’ailleurs cela qui a conduit Éric Toussaint à pousser un cri de rage et à écrire un article pathétique intitulé : «Les crimes de la Belgique coloniale au Congo. Devoir de mémoire ». L’histoire a retenu que la Belgique est totalement disqualifiée pour donner des leçons ou juger qui que ce soit en matière de génocide, de crime contre l’humanité et autres délits voisins. Voilà un pays qui a joué un rôle primordial dans l’organisation de l’assassinat de Patrice Lumumba et d’autres dignes fils du Congo !
Face à ces multiples crimes coloniaux, la Belgique s’est lâchement tu et a toujours fait taire tout le monde, quand il s’agit de revenir sur les sanglantes exactions du Roi des Belges au Congo vers la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Les mandataires politiques belges, la presse, certains intellectuels complaisants ont gardé le silence, comme si les Congolais mutilés et massacrés avec la complicité active de la Belgique coloniale ne représentaient rien pour l’humanité. Je voudrais rappeler à la Belgique qui s’est érigée sans retenue en Zorro international, sa responsabilité historique dans les crimes contre l’humanité commis sur le peuple congolais.
Je n’en veux pour preuve que cette ignoble déclaration de Léopold II, le 11 décembre 1906, dans le journal New-yorkais Publisher’s Press où il disait ceci : «Quand on traite une race composée de cannibales depuis des milliers d’années, il est nécessaire d’utiliser des méthodes qui secoueront au mieux leur paresse et leur feront comprendre l’aspect sain du travail ».
Durant ce sinistre règne de la Belgique sur la terre africaine du Congo, on forçait les chefs de villages et les hommes à partir à la cueillette. On emprisonnait sans pitié les femmes dans des camps de concentration où elles étaient régulièrement violées et soumises à des sévices de toutes sortes de la part des colons belges ou des Congolais asservis par eux. Si le colon belge n’obtenait pas les résultats et les quantités obligatoires de produits à collecter pour l’exportation, on mutilait ou on massacrait des Congolais pour donner l’exemple et dissuader les autres. Sous la bénédiction et sur ordre du colon belge, les soldats de la Force publique devaient donner la preuve qu’ils avaient utilisé chaque cartouche à bon escient. Ainsi, ils avaient l’obligation de ramener à leurs maîtres belges une main coupée, pour prouver que la cartouche avait bien servi à tuer un Congolais. La vision, du Roi des Belges Léopold II, représentant les intérêts de son pays et de son peuple, traduisait manifestement un modèle de colonisation d’une extrême cruauté et d’une brutalité innommable !
En dépit de ces crimes odieux contre le peuple congolais et ses leaders historiques, la Belgique au lieu de raser les murs, au lieu de demander pardon aux Africains et surtout réparer tout le mal qu’elle a causé au Congo, à l’Afrique et à ses fils, persiste à insulter l’histoire en plongeant volontairement dans une amnésie indécente en se proclamant « justicier de l’Univers » ! Non ! Un État aux mains ensanglantées ne saurait revêtir la robe sacrée d’un disciple de Thémis et prétendre juger ses victimes meurtries et frustrées!
Au lieu de continuer à leurrer le monde et tenter de camoufler ses crimes en persécutant le Président Hissene Habré et autres ressortissants de pays pauvres et sans défense, la Belgique devrait s’imposer un devoir de mémoire et rendre compte des crimes commis par ses rois et autres colonisateurs sanguinaires. Il est alors plus qu’urgent pour le Tribunal des nations, d’attraire la Belgique à la barre afin qu’elle s’explique sur les crimes qu’elle a commises au Congo et rétablir la vérité historique des faits. Ce serait une opportunité d’inviter ce pays, justicier autoproclamé des temps modernes, à arrêter de mentir et à cacher ses crimes en terre du Congo! Il faut que la Belgique s’applique courageusement ce qu’elle reproche aux prétendus auteurs de crimes contre l’humanité. Qu’elle arrête de s’arroger le droit inique de pourchasser sans aucune légitimité morale, ceux ou celles qu’elle considère comme coupables de crimes. La Belgique devrait arrêter d’insulter la mémoire de ses milliers de victimes, des descendants de ces victimes et des Congolais qui ont subi pendant des siècles, dans leur dignité, une domination absolument cruelle, sanglante, inhumaine, injuste et arbitraire.
À mon avis, la Belgique devrait plutôt être habitée par un profond regret au lieu de s’ériger en Zorro et en justicier des temps modernes. Elle devrait se garder de rechercher ou de juger de prétendus criminels. En effet, elle pourrait en trouver à foison à l’intérieur de ses frontières. Elle pourrait également en Israël, aux États-Unis, en Iran et j’en passe. En un mot, que la Belgique balaye devant sa propre porte avant de dénoncer la saleté chez les autres.
En attendant, le Sénégal, à l’instar de ce qu’il avait fait en faveur du Président Ahmadou Ahidjo du Cameroun et de Sir Dawda Jawara de Gambie, devra éviter de se soumettre à la volonté de la justice occidentale et continuer à offrir l’asile au Président Habré conformément à nos valeurs de « teraanga » légendaire. Ces valeurs ancestrales, ne l’oublions pas, nous interdisent de livrer un réfugié à son ennemi, ou à un juge partisan, incompétent et disqualifié.
Moumar GUEYE
Écrivain
E-mail : moumar@orange.sn
Cela dit je suis entièrement d’accord avec le Pr. Oumar Sankharé qui vient de lancer un cri de rage à ses frères africains en leur rappelant tous ces pays dont les politiques et les pratiques esclavagistes, colonialistes et néocolonialistes ont ensanglanté l’histoire de l’humanité et qui aujourd’hui, s’érigent en justicier et en redresseurs de torts.
Ces derniers jours, le Gouvernement du Sénégal en encore été interpellé par une prétendue justice internationale qui avec autorité et arrogance lui a intimé l’ordre de juger ou d’extrader M. Habré en Belgique. Comme on pouvait s’y attendre, cette décision surprenante et désinvolte a outré tous les vrais patriotes Africains. Elle a soulevé un tollé général et une vigoureuse désapprobation de la quasi-totalité des organismes de défense des droits de l’homme et même des populations sénégalaises en général, en particulier celles de Ouakam, lieu de refuge de M. Habré. Les observateurs ont trouvé curieux que l’État du Sénégal, après s’être toujours conformé à l’autorité de la chose jugée, se soit empressé d’acquiescer et de reconsidérer sa position dans le sens de se soumettre à cet arrêt manifestement partisan et sans fondement, émis par cette justice néocoloniale des Occidentaux. C’est malheureux qu’il en soit ainsi ! En ce qui me concerne, je demeure persuadé que la culpabilité personnelle de M. Habré sera difficilement prouvée.
En effet, comment peut-on s’acharner à ce point sur M. Habré et laisser libre M. Idriss Déby lui-même, ancien conseiller de Habré chargé de la défense et de la sécurité et exécuteur en chef de tout ce qui pourrait être reproché à tort ou à raison à M. Hissene Habré. Le Chef de l’État tchadien devrait obligatoirement comparaître aux côtés de son ancien patron qu’il a toujours servi avec zèle, les yeux fermés. Les juristes ne disent-ils pas que : « les complices sont punissables dans tous les cas » ?
S’agissant de la Belgique et de son fameux Tribunal à compétence universelle qui demande à cor et à cri qu’on lui livre le ressortissant africain et ancien Président du Tchad M. Hissene Habré, la morale et l’éthique devraient la forcer à renoncer définitivement à cette entreprise qui ne lui sied guère. En effet, en visitant les compartiments de l’histoire de la colonisation en Afrique, on trouve aisément des griefs d’une extrême gravité et en nombre incalculable à l’actif du colonisateur belge. Si nous convoquons l’histoire de l’humanité, la Belgique fait partie des pays qui ont commis les crimes les plus ignobles et les atrocités les plus inhumaines qui ont fait couler à flots le sang encore fumant des milliers d’Africains du Congo ! C’est d’ailleurs cela qui a conduit Éric Toussaint à pousser un cri de rage et à écrire un article pathétique intitulé : «Les crimes de la Belgique coloniale au Congo. Devoir de mémoire ». L’histoire a retenu que la Belgique est totalement disqualifiée pour donner des leçons ou juger qui que ce soit en matière de génocide, de crime contre l’humanité et autres délits voisins. Voilà un pays qui a joué un rôle primordial dans l’organisation de l’assassinat de Patrice Lumumba et d’autres dignes fils du Congo !
Face à ces multiples crimes coloniaux, la Belgique s’est lâchement tu et a toujours fait taire tout le monde, quand il s’agit de revenir sur les sanglantes exactions du Roi des Belges au Congo vers la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Les mandataires politiques belges, la presse, certains intellectuels complaisants ont gardé le silence, comme si les Congolais mutilés et massacrés avec la complicité active de la Belgique coloniale ne représentaient rien pour l’humanité. Je voudrais rappeler à la Belgique qui s’est érigée sans retenue en Zorro international, sa responsabilité historique dans les crimes contre l’humanité commis sur le peuple congolais.
Je n’en veux pour preuve que cette ignoble déclaration de Léopold II, le 11 décembre 1906, dans le journal New-yorkais Publisher’s Press où il disait ceci : «Quand on traite une race composée de cannibales depuis des milliers d’années, il est nécessaire d’utiliser des méthodes qui secoueront au mieux leur paresse et leur feront comprendre l’aspect sain du travail ».
Durant ce sinistre règne de la Belgique sur la terre africaine du Congo, on forçait les chefs de villages et les hommes à partir à la cueillette. On emprisonnait sans pitié les femmes dans des camps de concentration où elles étaient régulièrement violées et soumises à des sévices de toutes sortes de la part des colons belges ou des Congolais asservis par eux. Si le colon belge n’obtenait pas les résultats et les quantités obligatoires de produits à collecter pour l’exportation, on mutilait ou on massacrait des Congolais pour donner l’exemple et dissuader les autres. Sous la bénédiction et sur ordre du colon belge, les soldats de la Force publique devaient donner la preuve qu’ils avaient utilisé chaque cartouche à bon escient. Ainsi, ils avaient l’obligation de ramener à leurs maîtres belges une main coupée, pour prouver que la cartouche avait bien servi à tuer un Congolais. La vision, du Roi des Belges Léopold II, représentant les intérêts de son pays et de son peuple, traduisait manifestement un modèle de colonisation d’une extrême cruauté et d’une brutalité innommable !
En dépit de ces crimes odieux contre le peuple congolais et ses leaders historiques, la Belgique au lieu de raser les murs, au lieu de demander pardon aux Africains et surtout réparer tout le mal qu’elle a causé au Congo, à l’Afrique et à ses fils, persiste à insulter l’histoire en plongeant volontairement dans une amnésie indécente en se proclamant « justicier de l’Univers » ! Non ! Un État aux mains ensanglantées ne saurait revêtir la robe sacrée d’un disciple de Thémis et prétendre juger ses victimes meurtries et frustrées!
Au lieu de continuer à leurrer le monde et tenter de camoufler ses crimes en persécutant le Président Hissene Habré et autres ressortissants de pays pauvres et sans défense, la Belgique devrait s’imposer un devoir de mémoire et rendre compte des crimes commis par ses rois et autres colonisateurs sanguinaires. Il est alors plus qu’urgent pour le Tribunal des nations, d’attraire la Belgique à la barre afin qu’elle s’explique sur les crimes qu’elle a commises au Congo et rétablir la vérité historique des faits. Ce serait une opportunité d’inviter ce pays, justicier autoproclamé des temps modernes, à arrêter de mentir et à cacher ses crimes en terre du Congo! Il faut que la Belgique s’applique courageusement ce qu’elle reproche aux prétendus auteurs de crimes contre l’humanité. Qu’elle arrête de s’arroger le droit inique de pourchasser sans aucune légitimité morale, ceux ou celles qu’elle considère comme coupables de crimes. La Belgique devrait arrêter d’insulter la mémoire de ses milliers de victimes, des descendants de ces victimes et des Congolais qui ont subi pendant des siècles, dans leur dignité, une domination absolument cruelle, sanglante, inhumaine, injuste et arbitraire.
À mon avis, la Belgique devrait plutôt être habitée par un profond regret au lieu de s’ériger en Zorro et en justicier des temps modernes. Elle devrait se garder de rechercher ou de juger de prétendus criminels. En effet, elle pourrait en trouver à foison à l’intérieur de ses frontières. Elle pourrait également en Israël, aux États-Unis, en Iran et j’en passe. En un mot, que la Belgique balaye devant sa propre porte avant de dénoncer la saleté chez les autres.
En attendant, le Sénégal, à l’instar de ce qu’il avait fait en faveur du Président Ahmadou Ahidjo du Cameroun et de Sir Dawda Jawara de Gambie, devra éviter de se soumettre à la volonté de la justice occidentale et continuer à offrir l’asile au Président Habré conformément à nos valeurs de « teraanga » légendaire. Ces valeurs ancestrales, ne l’oublions pas, nous interdisent de livrer un réfugié à son ennemi, ou à un juge partisan, incompétent et disqualifié.
Moumar GUEYE
Écrivain
E-mail : moumar@orange.sn