
Consul honoraire du Sénégal à Nouadhibou, Boughourbal Moulaye Abasse est en première ligne face à cette crise. Chaque jour, il tente d’apporter assistance et conseils aux migrants sénégalais, souvent démunis et en quête d’un avenir meilleur. Il revient sur la situation actuelle, les défis que posent ces flux migratoires et l’importance des relations entre le Sénégal et la Mauritanie. Ce lundi, la ministre sénégalaise Yacine Fall est attendue à Nouakchott pour renforcer la coopération bilatérale et apaiser les tensions.
Selon le diplomate, la communauté sénégalaise en Mauritanie se porte bien pour ceux qui disposent d’un titre de séjour. En revanche, ceux qui ne possèdent aucun document officiel font face à des expulsions systématiques. La Mauritanie est devenue une plaque tournante de la migration clandestine, attirant non seulement des Africains de l’Ouest, mais aussi des Pakistanais et des Indiens. Cette situation a entraîné une montée de la criminalité et des réseaux de trafic de migrants, obligeant les autorités à réagir fermement.
Le gouvernement mauritanien, soutenu par les forces de sécurité espagnoles, mène des opérations pour démanteler ces réseaux. Récemment, 80 Mauritaniens impliqués dans le trafic de migrants ont été arrêtés, et l’un d’eux a été extradé en Espagne pour y être jugé. Des drames humains se multiplient, comme ce naufrage ayant coûté la vie à 20 Pakistanais, provoquant l’ouverture d’une enquête au Pakistan. Une tragédie encore plus lourde a eu lieu récemment : une embarcation a fait naufrage, causant la mort de 200 personnes dont les corps ont été enterrés en une seule nuit.
Face à cette crise, le consul honoraire s’efforce de recenser les Sénégalais présents en Mauritanie et de faciliter leur retour au pays lorsque nécessaire. À Nouadhibou, environ 15 000 Sénégalais sont recensés, tandis qu’ils seraient près de 300 000 à Nouakchott. Cependant, les Maliens forment désormais la plus grande communauté de migrants en raison du conflit qui ravage leur pays.
Lorsqu’on lui demande ce qui pourrait freiner ces vagues migratoires, Boughourbal Moulaye Abasse se montre réaliste : il est quasiment impossible d’arrêter ce phénomène. Selon lui, la seule solution réside dans la création d’emplois pour les jeunes. Il espère que l’exploitation du gaz en Mauritanie et au Sénégal apportera des ressources suffisantes pour offrir des perspectives aux populations locales. Il insiste sur la complémentarité économique et politique entre les deux pays et appelle à éviter que des incidents isolés ne viennent ternir ces relations stratégiques.
Au-delà des expulsions, la gestion quotidienne de ces migrants est un véritable défi. Le consul honoraire révèle qu’il prend personnellement en charge certaines dépenses, notamment la location de bus et l’achat de nourriture pour les rapatriés. Il appelle à une coopération inter-États avec un budget dédié à la gestion de ces flux migratoires. En parallèle, il souligne la nécessité d’une communication efficace pour dissuader les jeunes de tenter cette aventure périlleuse.
L’Europe, quant à elle, est débordée par l’arrivée de migrants. À Las Palmas, aux Canaries, environ 30 000 personnes sont actuellement en attente d’un avenir incertain. Certaines n’ont même pas de chaussures aux pieds. Le coût des rapatriements est colossal, atteignant 40 millions de francs CFA, et inclut des frais médicaux considérables.
Pour Boughourbal Moulaye Abasse, il est impératif d’investir dans la sensibilisation et l’éducation des jeunes pour leur faire comprendre qu’ils n’ont rien à gagner en risquant leur vie sur des embarcations de fortune. Alors que la ministre Yacine Fall s’apprête à rencontrer les autorités mauritaniennes, la question migratoire reste plus que jamais un défi majeur pour les deux nations.
Ndarinfo avec le Quotidien