Par une déclaration d'un niveau de rédaction assez moyen, Youssou Ndour a franchi le Rubicon et déclaré sa candidature à la présidentielle du 26 février prochain. L'annonce a surpris plus d'un observateur. L'opinion dominante pensait en effet que la star internationale s'employait à massifier son mouvement citoyen Fekkee Ma Ci Bolé dans le but de peser dans le paysage politique et de monnayer son poids contre son implication dans la gestion des affaires pubiques. Le roi du Mbalakh en a décidé autrement, surprenant son monde pour se jeter dans la course pour le fauteuil présidentiel.
Celui qui, pendant plus de trente ans, s'est attelé à adoucir les moeurs par sa musique, doit durcir le cuir pour ne pas finir dans l'estomac des crocodiles du marigot politique sénégalais. La politique n'est pas la musique. La musique relève du registre du plaisir. La politique n'est pas une partie de plaisir. C'est une affaire de fauves qui s'entredévorent pour contrôler la puissance, l'argent, la décision... Nombre d'intrus qui se sont aventurés dans ce monde de brutes s'y sont cassé les dents. Mikhaïl Khodorkovski, le plus grand milliardaire russe, patron de la firme pétrolière Ioukos, croupit en prison pour avoir eu l'outrecuidance de lorgner le fauteuil de Vladimir Poutine. Plus près de nous, au Nigeria, un autre musicien, Fela Kuti, a subi de graves entraves à sa carrière et à sa liberté pour avoir osé défier le pouvoir fédéral. On n'entre pas en politique impunément quand on n'est pas de ce monde. Bernard Tapie, brillant homme d'affaires, propulsé ministre par François Mitterrand, s'est rendu compte en prison de la dangerosité de son incursion dans le monde de la politique.
Youssou Ndour risque gros dans l'opération pour un résultat très improbable. Il risque d'abord la crédibilité de son groupe de presse. L'Observateur, Télé Futurs Médias et Radio Futurs Médias ne peuvent pas ne pas être suspectés de connivence avec leur propriétaire à l'occasion des prochaines échéances électorales. Il risque ensuite la sécurité de son business. C'est une règle évidente: il fouille les affaires des politiques qui à leur tour vont s'intéresser aux siennes. Il risque enfin sa réputation tout court. L'image lisse du self made man rigoureux et exemplaire qu'il veut vendre risque de pâlir à l'épreuve de la confrontation politique. Nul doute que les politiques noirciront le tableau. C'est la règle du jeu.
Le jeu en vaut la chandelle s'il gagne. S'il est l'homme le plus populaire du Sénégal, et sans nul doute le plus adulé, il aura un mal certain à transformer ses fans en électeurs. Le musicien à la formation sommaire est l'idole de millions de Sénégalais. Lui confieront-ils pour autant une chose aussi stratégique que le gouvernail de leur pays ? Rien n'est moins sûr. Une seule certitude: la candidature de Youssou Ndour n'est pas anodine. Il est, de tous les prétendants à la magistrature suprême, le seul à pouvoir remplir les tribunes et les gradins du stade Léopold-Sédar-Senghor de "militants" qui de surcroît paient. Ce n'est pas banal. S'il parvient à capter les suffrages de la seule frange fanatique et illétrée de son public, il réalisera un score qui risque de bouleverser la hiérarchie. Youssou Ndour, qui croit en son destin, est convaincu depuis plusieurs années qu'il a une étoile de chef d'Etat. Il ne porte à coup sûr pas une candidature de témoignage. Une présence remarquée vaut-elle toutefois les risques encourus ?
Cheikh Yérim Seck
DakarActu
Celui qui, pendant plus de trente ans, s'est attelé à adoucir les moeurs par sa musique, doit durcir le cuir pour ne pas finir dans l'estomac des crocodiles du marigot politique sénégalais. La politique n'est pas la musique. La musique relève du registre du plaisir. La politique n'est pas une partie de plaisir. C'est une affaire de fauves qui s'entredévorent pour contrôler la puissance, l'argent, la décision... Nombre d'intrus qui se sont aventurés dans ce monde de brutes s'y sont cassé les dents. Mikhaïl Khodorkovski, le plus grand milliardaire russe, patron de la firme pétrolière Ioukos, croupit en prison pour avoir eu l'outrecuidance de lorgner le fauteuil de Vladimir Poutine. Plus près de nous, au Nigeria, un autre musicien, Fela Kuti, a subi de graves entraves à sa carrière et à sa liberté pour avoir osé défier le pouvoir fédéral. On n'entre pas en politique impunément quand on n'est pas de ce monde. Bernard Tapie, brillant homme d'affaires, propulsé ministre par François Mitterrand, s'est rendu compte en prison de la dangerosité de son incursion dans le monde de la politique.
Youssou Ndour risque gros dans l'opération pour un résultat très improbable. Il risque d'abord la crédibilité de son groupe de presse. L'Observateur, Télé Futurs Médias et Radio Futurs Médias ne peuvent pas ne pas être suspectés de connivence avec leur propriétaire à l'occasion des prochaines échéances électorales. Il risque ensuite la sécurité de son business. C'est une règle évidente: il fouille les affaires des politiques qui à leur tour vont s'intéresser aux siennes. Il risque enfin sa réputation tout court. L'image lisse du self made man rigoureux et exemplaire qu'il veut vendre risque de pâlir à l'épreuve de la confrontation politique. Nul doute que les politiques noirciront le tableau. C'est la règle du jeu.
Le jeu en vaut la chandelle s'il gagne. S'il est l'homme le plus populaire du Sénégal, et sans nul doute le plus adulé, il aura un mal certain à transformer ses fans en électeurs. Le musicien à la formation sommaire est l'idole de millions de Sénégalais. Lui confieront-ils pour autant une chose aussi stratégique que le gouvernail de leur pays ? Rien n'est moins sûr. Une seule certitude: la candidature de Youssou Ndour n'est pas anodine. Il est, de tous les prétendants à la magistrature suprême, le seul à pouvoir remplir les tribunes et les gradins du stade Léopold-Sédar-Senghor de "militants" qui de surcroît paient. Ce n'est pas banal. S'il parvient à capter les suffrages de la seule frange fanatique et illétrée de son public, il réalisera un score qui risque de bouleverser la hiérarchie. Youssou Ndour, qui croit en son destin, est convaincu depuis plusieurs années qu'il a une étoile de chef d'Etat. Il ne porte à coup sûr pas une candidature de témoignage. Une présence remarquée vaut-elle toutefois les risques encourus ?
Cheikh Yérim Seck
DakarActu