Patrouilles militaires renforcées à l'aéroport Léopold-Sédar-Senghor, contrôles des bagages et hommes armés à l'entrée de la plupart des grands hôtels de Dakar... Deux jours après l'attentat de Grand-Bassam (Côte d'Ivoire) au cours duquel dix-huit personnes, dont quatre Français, ont perdu la vie, la capitale sénégalaise est en alerte. Les autorités locales redoutent, en effet, une attaque sur leur sol.
Depuis les attentats à Bamako (Mali) en mars et en novembre 2015 et à Ouagadougou (Burkina Faso) le 15 janvier dernier, le gouvernement sénégalais a fortement musclé les dispositifs de sécurité aux abords des sites touristiques. Abdoulaye Daouda Diallo, ministre sénégalais de l'Intérieur, « prend la menace terroriste très au sérieux », selon son entourage. D'autant plus « au sérieux » que les services de renseignements français ont transmis à leurs homologues dakarois des éléments qui accréditent l'idée que la capitale sénégalaise figure parmi les cibles potentielles des djihadistes.
Sécurité renforcée
« Tous les effectifs de police et la gendarmerie ont été mobilisés pour sécuriser les sites vulnérables du pays. Ils sont appuyés par de nombreuses sociétés privées de sécurité », indique une source diplomatique. Le gouvernement a, de fait, demandé aux groupes hôteliers accueillant des touristes étrangers de renforcer leur sécurité, sous peine de se voir retirer leur permis d'exploitation. Il faut désormais passer des portiques et faire scanner ses bagages avant d'entrer dans la plupart des palaces dakarois.
Depuis trois mois, le président Macky Sall a appelé à plusieurs reprises à « une plus grande vigilance » pour contrer la menace qui pèse sur le Sénégal. Plusieurs prédicateurs ont, en effet, appelé à frapper le Sénégal, dont 500 militaires sont actuellement déployés au Mali au sein de la Minusma.
Une « cellule interministérielle de coordination des opérations contre les actes terroristes » (CICO) a été mise en place en février dernier. Cette structure permanente mobilisable vingt-quatre heures sur vingt-quatre regroupe des représentants de la présidence, du ministère de l'Intérieur, des forces armées et des services de santé. Elle a vocation à être mobilisée à tout moment si une attaque se produit.
Coups de filet
Entre novembre 2015 et mars 2016, police et gendarmerie ont conduit de vastes opérations de « contrôle » au sein des mosquées « radicales » à travers le pays. Plus de 1 700 personnes ont été convoquées par la police pour interrogatoire et, parfois, perquisitionnées pour déterminer si elles constituaient une menace. L'ampleur de ce coup de filet rappelle les opérations intervenues en 2012 et en 2013 dans le nord et l'est du pays.
Les services de sécurité continuent de craindre que la porosité de la frontière avec la Mauritanie mais aussi et surtout le Mali ne permette à des éléments en lien avec le groupe djihadiste Mujao de pénétrer sur le territoire sénégalais. De Guédiawaye à Rufisque, en passant par Kaolack, Kolda et Rosso, des dizaines d'arrestations ont de nouveau eu lieu, début 2016. Plus de 25 personnes ont été écrouées pour leurs relations avec des réseaux djihadistes.
Le Sénégal est composé à 90 % de musulmans qui pratiquent un islam modéré, porté par plusieurs confréries. Les plus connues constituent la Tidjaniya, dont le fondateur est cheikh Ahmed Tidiane Chérif (1150-1230 de l'Hégire) mais aussi le Mouvement des mourides, fondé par le cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927). Placées dans le giron du soufisme, ces confréries sont présentées par la plupart des islamologues comme totalement « quiétistes ». Cela n'est pas le cas des prédicateurs salafistes présents dans le nord et l'est du pays mais aussi, parfois, en banlieue dakaroise. Le 6 janvier dernier, le djihadiste cheikh Ould Saleck, condamné pour tentative d'assassinat sur le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, aurait ainsi été repéré à Saint-Louis.
Surveillance accrue
La surveillance des milieux radicaux a été intensifiée, mais aucune communication officielle ne permet, pour le moment, de chiffrer précisément le nombre de personnes ciblées. Ni même de préciser le nombre de condamnations pour « apologie du terrorisme » qui ont été prononcées depuis novembre. Tout juste évoque-t-on le démantèlement, en janvier, d'un réseau lié à l'organisation État islamique en Afrique de l'Ouest (ex-Boko Haram), au Niger et au Nigeria, et qui préparait, selon des sources judiciaires, une action terroriste au Sénégal. Ce « réseau » mettrait en cause une demi-douzaine d'imams influents dans le pays. L'arrêt des travaux de construction de la mosquée de l'aéroport serait lié à cette affaire.Lepoint.fr