Un débat sur une éventuelle sortie du Sénégal de la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA) anime l’espace public ces derniers jours. Les PMA sont des pays qui font face à des niveaux de développement socioéconomique particulièrement faibles. Lorsque l'on évoque la sortie d'un pays des PMA, cela signifie que ce pays a atteint un certain seuil de performances économiques, sociales et humaines. La sortie constitue une transition synonyme de progrès, mais aussi vectrice de défis, qui marque un tournant majeur dans le parcours d'un pays, pose de nombreuses questions et nécessite une réflexion approfondie.
PMA, de quoi il s’agit ?
Les PMA constituent une catégorie de pays définie depuis 1971 par les Nations Unies, ayant le plus besoin d’aide internationale. Selon la conception des Nations Unies en effet, les PMA sont le segment le plus pauvre et le plus faible de la communauté internationale. Ils sont caractérisés par des problèmes socioéconomiques structurels qui les maintiennent dans le cercle vicieux du sous-développement. Ces problèmes ont pour nom faiblesse des revenus, vulnérabilité face aux chocs exogènes, faible accumulation du capital humain, etc. Pour être admis dans la catégorie des PMA, un pays doit avoir un Revenu National Brut (RNB) par habitant de 1088 USD au moins. En 2024, les PMA étaient au nombre de quarante-cinq (45). Le statut de PMA est ainsi associé à des défis économiques et sociaux importants. Pour aider ces pays à relever ces défis, des avantages leur sont conférés. Il s’agit, entre autres avantages, d’accès préférentiel aux marchés de pays développés (réduction ou suppression des droits de douane, levée de quotas sur les exportations, levée de barrières non tarifaires, etc.), d’appuis techniques et financiers (aide publique au développement, fonds verts, financements climatiques, coopération technique, etc.), de visibilité internationale, notamment à travers les conférences internationales sur les PMA dont parmi les plus célèbres, les conférences des Nations Unis sur les PMA de Paris (1981 et 1990), Bruxelles (2001), Istanbul (2011), et Doha (2023).
Sortir de la catégorie des PMA
La sortie de la catégorie des PMA est soumise à un succès à la suite d’une série de trois examens, suivi d’une recommandation du Comité des Politiques de Développement des Nations Unies (UN-CDP) au Conseil Économique et Social (ECOSOC) des Nations Unies. Les examens se font sur la base de trois critères.
Le premier critère est le RNB par Habitant. Le seuil considéré est de 1 306 USD (ou 3 918 $ US si seulement le revenu est considéré).
Le deuxième critère est l’Indice du Capital Humain (Human Asset Index). Le seuil considéré est de 66 sur 100. Cet indice est calculé avec des indicateurs de santé (taux de mortalité infantile, ratio de mortalité maternelle, prévalence du retard de croissance) et des indicateurs d’éducation (taux d'achèvement de l'enseignement moyen, taux d’alphabétisation des adultes, indice de parité entre les sexes pour l'achèvement du premier cycle de l'enseignement secondaire).
Le troisième critère est l’Indice de Vulnérabilité Économique et Environnementale. Le seuil considéré est de 32 sur 100. L’indice est évalué en considération de deux facteurs. Le premier est l’indice de vulnérabilité économique calculé avec des indicateurs comme la part de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche dans le PIB, le niveau d’éloignement et d’enclavement, la concentration des exportations de marchandise et l’instabilité des exportations de biens et services. Le deuxième est l’indice de vulnérabilité environnementale calculé avec des indicateurs comme la proportion de la population dans les zones côtières de basse altitude, la proportion de la population vivant dans les zones arides, l’instabilité de la production agricole, les victimes de catastrophe.
Le succès est conditionné à des résultats positifs au moins sur deux examens consécutifs, avec la satisfaction d’au moins deux critères sur trois. Un pays qui réussit à sortir des PMA améliore son image à l’international, avec une reconnaissance des progrès accomplis en matière de développement socioéconomique. Il améliore aussi son attractivité, ce qui pourrait se traduire par l’accroissement des flux entrants d’investissements directs étrangers. Aussi, il renforce son autonomie économique et financière en se passant progressivement de l’aide internationale. La sortie fait toutefois perdre certains avantages liés au statut de PMA.
Sortie du Sénégal de la catégorie des PMA
Pour le Sénégal, le processus de sortie de la catégorie des PMA a effectivement démarré en 2018. Le pays a successivement atteint, en février 2021 puis en mars 2024, deux des trois critères de sortie. Il s’agit du RNB par habitant qui est ressorti respectivement à 1 370 $ US et à 1 558 $ US. Il s’agit ensuite de l’Indice du Capital Humain qui est ressorti respectivement à 66,1 et à 66,5. Ainsi, lors du dernier examen triennal, tenu du 4 au 8 mars 2024 à New York, le Comité des Politiques de Développement (CPD) a recommandé au Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies, la sortie du Sénégal de la catégorie des PMA, avec une période transitoire de 5 ans. Autrement dit, le Sénégal est apte à sortir de la catégorie des PMA, et a une période de cinq ans pour préparer sa sortie.
Cette préparation est sans doute importante eu égard aux inconvénients potentiels que cette sortie pourrait entrainer. Parmi ces inconvénients, la perte de certains avantages comme l’accès préférentiel aux marchés de pays développés.
Cette perte entraîne l’obligation d’une plus grande compétitivité du pays candidat à la sortie pour s’imposer sur les marchés internationaux face à la concurrence directe des pays de référence en matière de compétitivité. Parmi les inconvénients aussi, des conditions de financement qui pourraient être de moins en moins concessionnelles ainsi qu’un resserrement des privilèges financiers auprès des institutions multilatérales et des partenaires bilatéraux. Ces raisons font qu’une préparation à la sortie est importante. Elle doit aider à éviter une perturbation économique et à juguler les pertes d’avantages par la saisie des opportunités qu’elle présente.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le communiqué du Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères informe que, dans le sens du nouveau référentiel des politiques économiques et sociales, « Sénégal 2050 : agenda national de transformation », le gouvernement du Sénégal travaille à l'élaboration d'une stratégie nationale de transition.
PMA et classification suivant le niveau de revenu ne sont pas liés
Un journaliste a récemment affirmé que le Sénégal devrait sortir de la catégorie des PMA pour rentrer dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire. C’est une erreur. Il faut comprendre que les deux classifications, qui émanent de deux institutions différentes, ne sont pas liées, si bien que l’Angola est dans la catégorie des PMA et en même temps dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. D’ailleurs, le Sénégal est aussi pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure depuis 2019 et PMA depuis 2001. Le classement des pays selon le niveau de revenu est du ressort du Groupe de la Banque mondiale qui, avec l’indicateur de capacité économique courant, le Revenu National Brut (RNB) par habitant, classe les économies du monde en quatre groupes, selon les seuils de l’exercice de 2025 (à partir du 1er juillet 2024) :
- le groupe des pays à faible revenu : un pays y figurant a un RNB par habitant inférieur à 1 145 $ US.
- Le groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure : un pays y figurant a un RNB par habitant compris entre 1 146 $ US et 4 515 $ US.
- Le groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure : un pays y figurant a un RNB par habitant compris entre 4 516 $ US et 14 005 $ US.
- Le groupe des pays à revenu élevé : un pays y figurant a un RNB par habitant supérieur à 14 005 $ US.
Cette classification de la Banque Mondiale est actualisée chaque année, en fonction du RNB par habitant de l'année calendaire précédente.
Dr Abdoulaye DIEYE
Économiste
dieyeabdoulaye@hotmail.com
PMA, de quoi il s’agit ?
Les PMA constituent une catégorie de pays définie depuis 1971 par les Nations Unies, ayant le plus besoin d’aide internationale. Selon la conception des Nations Unies en effet, les PMA sont le segment le plus pauvre et le plus faible de la communauté internationale. Ils sont caractérisés par des problèmes socioéconomiques structurels qui les maintiennent dans le cercle vicieux du sous-développement. Ces problèmes ont pour nom faiblesse des revenus, vulnérabilité face aux chocs exogènes, faible accumulation du capital humain, etc. Pour être admis dans la catégorie des PMA, un pays doit avoir un Revenu National Brut (RNB) par habitant de 1088 USD au moins. En 2024, les PMA étaient au nombre de quarante-cinq (45). Le statut de PMA est ainsi associé à des défis économiques et sociaux importants. Pour aider ces pays à relever ces défis, des avantages leur sont conférés. Il s’agit, entre autres avantages, d’accès préférentiel aux marchés de pays développés (réduction ou suppression des droits de douane, levée de quotas sur les exportations, levée de barrières non tarifaires, etc.), d’appuis techniques et financiers (aide publique au développement, fonds verts, financements climatiques, coopération technique, etc.), de visibilité internationale, notamment à travers les conférences internationales sur les PMA dont parmi les plus célèbres, les conférences des Nations Unis sur les PMA de Paris (1981 et 1990), Bruxelles (2001), Istanbul (2011), et Doha (2023).
Sortir de la catégorie des PMA
La sortie de la catégorie des PMA est soumise à un succès à la suite d’une série de trois examens, suivi d’une recommandation du Comité des Politiques de Développement des Nations Unies (UN-CDP) au Conseil Économique et Social (ECOSOC) des Nations Unies. Les examens se font sur la base de trois critères.
Le premier critère est le RNB par Habitant. Le seuil considéré est de 1 306 USD (ou 3 918 $ US si seulement le revenu est considéré).
Le deuxième critère est l’Indice du Capital Humain (Human Asset Index). Le seuil considéré est de 66 sur 100. Cet indice est calculé avec des indicateurs de santé (taux de mortalité infantile, ratio de mortalité maternelle, prévalence du retard de croissance) et des indicateurs d’éducation (taux d'achèvement de l'enseignement moyen, taux d’alphabétisation des adultes, indice de parité entre les sexes pour l'achèvement du premier cycle de l'enseignement secondaire).
Le troisième critère est l’Indice de Vulnérabilité Économique et Environnementale. Le seuil considéré est de 32 sur 100. L’indice est évalué en considération de deux facteurs. Le premier est l’indice de vulnérabilité économique calculé avec des indicateurs comme la part de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche dans le PIB, le niveau d’éloignement et d’enclavement, la concentration des exportations de marchandise et l’instabilité des exportations de biens et services. Le deuxième est l’indice de vulnérabilité environnementale calculé avec des indicateurs comme la proportion de la population dans les zones côtières de basse altitude, la proportion de la population vivant dans les zones arides, l’instabilité de la production agricole, les victimes de catastrophe.
Le succès est conditionné à des résultats positifs au moins sur deux examens consécutifs, avec la satisfaction d’au moins deux critères sur trois. Un pays qui réussit à sortir des PMA améliore son image à l’international, avec une reconnaissance des progrès accomplis en matière de développement socioéconomique. Il améliore aussi son attractivité, ce qui pourrait se traduire par l’accroissement des flux entrants d’investissements directs étrangers. Aussi, il renforce son autonomie économique et financière en se passant progressivement de l’aide internationale. La sortie fait toutefois perdre certains avantages liés au statut de PMA.
Sortie du Sénégal de la catégorie des PMA
Pour le Sénégal, le processus de sortie de la catégorie des PMA a effectivement démarré en 2018. Le pays a successivement atteint, en février 2021 puis en mars 2024, deux des trois critères de sortie. Il s’agit du RNB par habitant qui est ressorti respectivement à 1 370 $ US et à 1 558 $ US. Il s’agit ensuite de l’Indice du Capital Humain qui est ressorti respectivement à 66,1 et à 66,5. Ainsi, lors du dernier examen triennal, tenu du 4 au 8 mars 2024 à New York, le Comité des Politiques de Développement (CPD) a recommandé au Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies, la sortie du Sénégal de la catégorie des PMA, avec une période transitoire de 5 ans. Autrement dit, le Sénégal est apte à sortir de la catégorie des PMA, et a une période de cinq ans pour préparer sa sortie.
Cette préparation est sans doute importante eu égard aux inconvénients potentiels que cette sortie pourrait entrainer. Parmi ces inconvénients, la perte de certains avantages comme l’accès préférentiel aux marchés de pays développés.
Cette perte entraîne l’obligation d’une plus grande compétitivité du pays candidat à la sortie pour s’imposer sur les marchés internationaux face à la concurrence directe des pays de référence en matière de compétitivité. Parmi les inconvénients aussi, des conditions de financement qui pourraient être de moins en moins concessionnelles ainsi qu’un resserrement des privilèges financiers auprès des institutions multilatérales et des partenaires bilatéraux. Ces raisons font qu’une préparation à la sortie est importante. Elle doit aider à éviter une perturbation économique et à juguler les pertes d’avantages par la saisie des opportunités qu’elle présente.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le communiqué du Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères informe que, dans le sens du nouveau référentiel des politiques économiques et sociales, « Sénégal 2050 : agenda national de transformation », le gouvernement du Sénégal travaille à l'élaboration d'une stratégie nationale de transition.
PMA et classification suivant le niveau de revenu ne sont pas liés
Un journaliste a récemment affirmé que le Sénégal devrait sortir de la catégorie des PMA pour rentrer dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire. C’est une erreur. Il faut comprendre que les deux classifications, qui émanent de deux institutions différentes, ne sont pas liées, si bien que l’Angola est dans la catégorie des PMA et en même temps dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. D’ailleurs, le Sénégal est aussi pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure depuis 2019 et PMA depuis 2001. Le classement des pays selon le niveau de revenu est du ressort du Groupe de la Banque mondiale qui, avec l’indicateur de capacité économique courant, le Revenu National Brut (RNB) par habitant, classe les économies du monde en quatre groupes, selon les seuils de l’exercice de 2025 (à partir du 1er juillet 2024) :
- le groupe des pays à faible revenu : un pays y figurant a un RNB par habitant inférieur à 1 145 $ US.
- Le groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure : un pays y figurant a un RNB par habitant compris entre 1 146 $ US et 4 515 $ US.
- Le groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure : un pays y figurant a un RNB par habitant compris entre 4 516 $ US et 14 005 $ US.
- Le groupe des pays à revenu élevé : un pays y figurant a un RNB par habitant supérieur à 14 005 $ US.
Cette classification de la Banque Mondiale est actualisée chaque année, en fonction du RNB par habitant de l'année calendaire précédente.
Dr Abdoulaye DIEYE
Économiste
dieyeabdoulaye@hotmail.com