La révocation de la fonction publique de l’inspecteur des Impôts et Domaines Ousmane Sonko par le pouvoir en place pour des motifs politiques est un précédent extrêmement grave dans l’histoire du Sénégal.
Cette mesure est arbitraire car elle est le fruit d’une décision politique planifiée au plus haut sommet de l’Etat. A preuve, les multiples sorties des tenants du pouvoir pour exiger sa radiation.
Elle est illégale parce que la procédure est viciée et entachée d’irrégularités: absence de motivation de la suspension, incompétence de la personne signataire de la mesure de suspension (qui diffère de l’autorité investie dudit pouvoir), frappant de nullité et d’irrégularité ladite mesure de suspension, et plus grave le non-respect des droits de la défense.
S’agissant du respect des droits de la défense, l’article 07 de la convention OIT N°158 dispose « qu’un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées ». Cet article fait du « respect des droits de la défense un principe absolu, arguant qu’un salarié sous le coup d’une mesure très grave remettant en question son emploi doit pouvoir être en mesure de se défendre utilement ». De nombreuses jurisprudences confortent ce principe essentiel d’une procédure contradictoire (ex arrêt CA de Paris du 07 mai 2014 N°S12/02642-MPDL).
Au-delà de son caractère arbitraire et illégal, cette mesure ouvre désormais la voie à une période d’incertitude pour le pays et traduit un affaissement considérable de l’état de droit au Sénégal.
Le Professeur Emérite Jacques Mariel NZOUANKEU, dans un magistral cours de Droit intitulé « OFNAC : Observations sur la légalité des actes portant nomination des membres de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption et propositions de régularisation », vient de démontrer que le mandat de la Présidente de l’OFNAC expirait le 24 mars 2017, apportant la preuve juridique que le décret mettant fin aux fonctions de Nafi NGOM KEITA par le Chef de l’Etat revêtait un caractère illégal.
L’amateurisme qui se traduit dans de nombreux actes administratifs, voire la méconnaissance des règles élémentaires de fonctionnement de l’Administration constituent une source de préoccupation et d’insécurité juridique pour le Sénégal sous le magistère de Macky Sall.
A titre d’exemple, pour la première fois, depuis l’indépendance du Sénégal, 45 professeurs, Professionnels du Droit, Constitutionnalistes ont signé un texte le 25 février 2016 , pour manifester leur désapprobation totale sur la manière dont le Pouvoir exécutif a fait dire au Droit ce qui ne relevait pas du Droit, s’agissant de l’interprétation de l’article 51 de la Constitution ( les 45 ont soutenu que le Conseil constitutionnel rendait un AVIS et non une DECISION lorsqu’il est sollicité par le Président sur un référendum). Un fait inédit dans l’histoire politique du Sénégal.
Les observateurs avertis remarqueront que le décret présidentiel révoquant Ousmane SONKO évoque « l’avis du Conseil de discipline en sa séance du 25 aout 2016 » et non le 24 aout 2016. Ousmane Sonko étant convoqué pour une audition le 24 aout 2016 et ayant déféré à la dite convocation, comment expliquer que le Conseil de discipline n’ait pas statué le jour même, soit le 24 aout 2016, sachant qu’Ousmane Sonko et ses conseils ont été placés dans une situation d’empêchement de siéger ? Qui était présent à la séance du 25 aout 2016? Pourquoi avoir choisi le lendemain du 24 aout 2016 pour tenir une séance « secrète » ? Qui nous dit que le quorum a été atteint et que toutes les conditions de régularité ont été respectées lors de cette séance (re-convocation des membres du conseil, etc…)?
S’agit-il d’une erreur de date au niveau du décret présidentiel? Mystère et boule de gomme. Probablement que les conseils d’Ousmane Sonko seront mieux à même de déchiffrer tous ces non-dits !
Mais, en matière d’amateurisme, le mieux est à venir. En effet, le communiqué de presse fait état d’une jurisprudence de la cour suprême en date du 23 mars 1966 opposant 2 citoyens sénégalais à l’Etat pour justifier la révocation d’Ousmane Sonko. Question : la situation ayant conduit au jugement de la cour suprême est-elle similaire à celle de Sonko. N’est-ce pas trop facile ?
En vérité, la référence à une jurisprudence de la cour suprême dans le communiqué du gouvernement est loin d’être anodine. Il s’agirait plutôt d’indiquer la voie à la cour suprême, en anticipant sur une saisine de la dite cour par les conseils d’Ousmane Sonko. C’est un message à peine voilé qui tend à orienter fortement l’arrêt de la cour suprême dans le sens voulu qui est de conforter la décision prise par le pouvoir exécutif.
La cour suprême saura t’elle résister à cette « pression indirecte » de l’exécutif, faire preuve d’indépendance et dire le Droit, rien que le Droit dans cette affaire? Rien n’est moins sûr.
Dans l’affaire SONKO, c’est l’existence de la liberté d’expression et l’essence de la démocratie sénégalaise qui sont menacées.
Le 25 mars 2012, Macky Sall n’a pas été élu pour instaurer un débat abject sur la bi-nationalité, radier illégalement Ousmane Sonko de la fonction publique (un sénégalais dont la réussite professionnelle est basée sur le mérite) et remettre en cause les acquis démocratiques du Sénégal.
Il urge que les citoyens sénégalais se mobilisent pour la défense et la restauration de l’état de droit. Un Etat garant des libertés individuelles et collectives contre l’arbitraire.
De toute évidence, cette affaire transcende les partis car c’est la liberté de chaque sénégalais qui est jeu.
Seybani.Sougou
sougouparis@yahoo.fr
Cette mesure est arbitraire car elle est le fruit d’une décision politique planifiée au plus haut sommet de l’Etat. A preuve, les multiples sorties des tenants du pouvoir pour exiger sa radiation.
Elle est illégale parce que la procédure est viciée et entachée d’irrégularités: absence de motivation de la suspension, incompétence de la personne signataire de la mesure de suspension (qui diffère de l’autorité investie dudit pouvoir), frappant de nullité et d’irrégularité ladite mesure de suspension, et plus grave le non-respect des droits de la défense.
S’agissant du respect des droits de la défense, l’article 07 de la convention OIT N°158 dispose « qu’un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées ». Cet article fait du « respect des droits de la défense un principe absolu, arguant qu’un salarié sous le coup d’une mesure très grave remettant en question son emploi doit pouvoir être en mesure de se défendre utilement ». De nombreuses jurisprudences confortent ce principe essentiel d’une procédure contradictoire (ex arrêt CA de Paris du 07 mai 2014 N°S12/02642-MPDL).
Au-delà de son caractère arbitraire et illégal, cette mesure ouvre désormais la voie à une période d’incertitude pour le pays et traduit un affaissement considérable de l’état de droit au Sénégal.
Le Professeur Emérite Jacques Mariel NZOUANKEU, dans un magistral cours de Droit intitulé « OFNAC : Observations sur la légalité des actes portant nomination des membres de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption et propositions de régularisation », vient de démontrer que le mandat de la Présidente de l’OFNAC expirait le 24 mars 2017, apportant la preuve juridique que le décret mettant fin aux fonctions de Nafi NGOM KEITA par le Chef de l’Etat revêtait un caractère illégal.
L’amateurisme qui se traduit dans de nombreux actes administratifs, voire la méconnaissance des règles élémentaires de fonctionnement de l’Administration constituent une source de préoccupation et d’insécurité juridique pour le Sénégal sous le magistère de Macky Sall.
A titre d’exemple, pour la première fois, depuis l’indépendance du Sénégal, 45 professeurs, Professionnels du Droit, Constitutionnalistes ont signé un texte le 25 février 2016 , pour manifester leur désapprobation totale sur la manière dont le Pouvoir exécutif a fait dire au Droit ce qui ne relevait pas du Droit, s’agissant de l’interprétation de l’article 51 de la Constitution ( les 45 ont soutenu que le Conseil constitutionnel rendait un AVIS et non une DECISION lorsqu’il est sollicité par le Président sur un référendum). Un fait inédit dans l’histoire politique du Sénégal.
Les observateurs avertis remarqueront que le décret présidentiel révoquant Ousmane SONKO évoque « l’avis du Conseil de discipline en sa séance du 25 aout 2016 » et non le 24 aout 2016. Ousmane Sonko étant convoqué pour une audition le 24 aout 2016 et ayant déféré à la dite convocation, comment expliquer que le Conseil de discipline n’ait pas statué le jour même, soit le 24 aout 2016, sachant qu’Ousmane Sonko et ses conseils ont été placés dans une situation d’empêchement de siéger ? Qui était présent à la séance du 25 aout 2016? Pourquoi avoir choisi le lendemain du 24 aout 2016 pour tenir une séance « secrète » ? Qui nous dit que le quorum a été atteint et que toutes les conditions de régularité ont été respectées lors de cette séance (re-convocation des membres du conseil, etc…)?
S’agit-il d’une erreur de date au niveau du décret présidentiel? Mystère et boule de gomme. Probablement que les conseils d’Ousmane Sonko seront mieux à même de déchiffrer tous ces non-dits !
Mais, en matière d’amateurisme, le mieux est à venir. En effet, le communiqué de presse fait état d’une jurisprudence de la cour suprême en date du 23 mars 1966 opposant 2 citoyens sénégalais à l’Etat pour justifier la révocation d’Ousmane Sonko. Question : la situation ayant conduit au jugement de la cour suprême est-elle similaire à celle de Sonko. N’est-ce pas trop facile ?
En vérité, la référence à une jurisprudence de la cour suprême dans le communiqué du gouvernement est loin d’être anodine. Il s’agirait plutôt d’indiquer la voie à la cour suprême, en anticipant sur une saisine de la dite cour par les conseils d’Ousmane Sonko. C’est un message à peine voilé qui tend à orienter fortement l’arrêt de la cour suprême dans le sens voulu qui est de conforter la décision prise par le pouvoir exécutif.
La cour suprême saura t’elle résister à cette « pression indirecte » de l’exécutif, faire preuve d’indépendance et dire le Droit, rien que le Droit dans cette affaire? Rien n’est moins sûr.
Dans l’affaire SONKO, c’est l’existence de la liberté d’expression et l’essence de la démocratie sénégalaise qui sont menacées.
Le 25 mars 2012, Macky Sall n’a pas été élu pour instaurer un débat abject sur la bi-nationalité, radier illégalement Ousmane Sonko de la fonction publique (un sénégalais dont la réussite professionnelle est basée sur le mérite) et remettre en cause les acquis démocratiques du Sénégal.
Il urge que les citoyens sénégalais se mobilisent pour la défense et la restauration de l’état de droit. Un Etat garant des libertés individuelles et collectives contre l’arbitraire.
De toute évidence, cette affaire transcende les partis car c’est la liberté de chaque sénégalais qui est jeu.
Seybani.Sougou
sougouparis@yahoo.fr