Avec 125 députés sur 165, la coalition Benno Bokk Yaakar renforce son assise sur le parlement. Cependant, la victoire n’est pas égale partout ailleurs. Quelques figures fortes du système y ont laissé des plumes.
A commencer par le ministre de l’intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, promis à l’échafaud. Même s’il a gagné dans sa localité, en dépit d’étrange bâtons dans les roues, commandités par ses frères d’armes de la coalition hétéroclite Benno Bokk Yakaar, le premier flic du pays ne pourra pas effacer de la tête des Sénégalais les énormes retards et la désorganisation qui ont caractérisé le scrutin. Plusieurs partis politiques réclament sa tête.
Quant au ministre des Finances, Amadou Bâ, en difficile vainqueur des Parcelles Assainies (l’une des circonscriptions de Dakar), il peut prétendre à la Primature en lieu et place d’un Boun Abdallah Dionne, qui a conduit la coalition des soutiens du président durant ces législatives et que beaucoup voient à l’Assemblée. Pure spéculation souffle une voix non autorisée, persuadée que le Premier ministre est parti pour rester jusqu’en 2019.
Le ministre de l’Industrie et des Mines, Aly Ngouille Ndiaye, a remporté son département de Linguère sans coup férir avec là aussi, des scores dignes du "petit Père du peuple".
L’une des plus belles victoires indirectes est à mettre à l’effigie du directeur de la Sénélec, Mouhamadou Makhtar Cissé, qui a réussi à détrôner Oumar Sarr, roi du Walo, défait à Dagana pour la première fois depuis 1996. Cette victoire dans une région agricole chauffée à blanc par l’opposition autochtones-allogènes, relance les dés au sein du Parti Démocratique Sénégalais. D’aucuns estiment que la défaite de Oumar Sarr renforce la légitime arrivée de Karim Wade à la tête du Parti Démocratique Sénégalais (PDS).
Par contre, l’heure est aux interrogations pour Malick Diop, directeur de l’ASEPEX et Karim Fofana, directeur du patrimoine Bâti. Le duo a été défait au Point E (quartier résidentiel de Dakar) par la coalition Mankoo Taxawu Senegaal du maire de Dakar, Khalifa Sall.
Autres hauts responsables battus dans leurs fiefs, les ministres Seydou Guèye, porte-parole du Gouvernement, Maimouna Ndoye Seck et Pape Abdoulaye Seck ou encore Cheikh Bâ, directeur des Impôts. Cette kyrielle de dignitaires n’a pas pu arracher la Médina de Dakar des mains de son maire, Bamba Fall.
Le maire de Guediéwaye, Aliou Sall est pour beaucoup sur les 7000 voix d’écart (provisoire en attendant la publication officielle) séparant le camp du pouvoir de l’opposition à Dakar. Le frère du président a remporté 37 des 38 centres de vote de Guediawaye. Un revers qui coûtera cher à son adversaire direct, Malick Gackou, probable candidat à la candidature des présidentielles de 2019.
A Matam (extrême Nord), l’ancien ministre Abou Lô, président du conseil d’administration de l’AIBD, a gagné sur un score soviétique (82,4%) dans son fief de Sinthiou Garba et sa commune de Ogo, où 10 381 personnes ont voté. Suffisant pour que ce discret technocrate jouisse d’un retour en grâce au sein de la galaxie où il fait figure de paria depuis une engueulade avec l’intouchable Farba Ngom.
Lequel Farba Ngom est le véritable patron de Matam où il a pu reconduire des scores élevés au profit du camp présidentiel. Celui qui dit n’appartenir non pas à la coalition Benno Bokk Yakaar mais à Macky Sall, a une influence qui commence à déranger jusque dans le département de Podor. Ici, le camp de Mamadou Racine Sy, méfiant envers le « griot du président », a de peu échappé aux griffes de Aissata Tall Sall, maire de Podor, victorieuse dans sa ville mais battue dans l’ensemble du département.
En sponsor intéressé, Mamadou Racine Sy, PDG de King Fahd Palace, PCA de Bolloré et PCA de l’IPRES( Institut pour la prévoyance, Caisse des retraites) a parrainé le DG du COUD (Centre des œuvres universitaires de Dakar), Cheikh Oumar Hann, qui espère le paradis suite à sa victoire à la Pyrrhus.
Dans le département de Fatick, un autre cadre du régime s’est imposé à plus de 70%. Il s’agit du Dr Cheikh Kanté, actuel directeur du Port de Dakar, qui espère faire réélire le président Macky Sall en 2019 dès le premier tour.
Par Albert Savana (financialafrik)