Le 11 mai 1930, il y a 90 ans, un aviateur réussissait la première liaison postale aérienne directe France-Amérique du Sud. Son nom : Jean Mermoz. Dans ce nouvel épisode de "Au cœur de l'histoire", produit par Europe 1 Studio, Jean des Cars dresse le portrait de cette figure de l'Aéropostale.
Le 11 mai 1930, une foule incroyable se presse le long du fleuve, à Saint-Louis du Sénégal. Le grondement d’un avion met ces centaines de gens au comble de la joie : c’est le magnifique et tout nouvel hydravion sorti des usines Latécoère. Il se pose sur le fleuve Sénégal. Les portes s’ouvrent. Le premier à sortir est Didier Daurat, le patron mythique des usines Latécoère et de l’Aéropostale. Puis apparaît l’équipage : le navigateur Gimié et le radio Dabry. Enfin, celui que tout le monde attend, Jean Mermoz. Grand, blond, magnifique, il a été choisi par Daurat pour piloter cet hydravion. C’est un vrai défi de faire traverser à l’appareil l'Atlantique Sud d’une seule traite. Selon lui, Mermoz, déjà couvert de gloire, est le seul à pouvoir le relever.
Mermoz est arrivé quelques semaines auparavant de Buenos Aires, en Argentine, pour tester l’appareil, baptisé le Comte de La Vaulx, sur l’étang de Berre, près de Marseille. Il a passé son brevet de pilote d’hydravion, exécuté un vol d’essai obligatoire de 3.500 km. Profitant de cette occasion, Mermoz s’est attaqué, avec son équipage, au record du monde de distance qu’ils portent à 4.308 km en 30 heures et 25 minutes. Un beau baptême pour le nouvel appareil !
Puis, ils se sont envolés de Marseille pour le Sénégal. Daurat, le patron, voulait absolument être avec eux pour le départ du vol inaugural. Fêtes et réceptions occupent toute la journée. Le lendemain matin, à 11h, le trio Mermoz-Gimié-Dabry s’installe dans la carlingue. C’est la première fois que Mermoz se trouve dans un avion aussi confortable. Il a ses aises, ses deux compagnons aussi. Le radio aura deux relais au cours de la traversée, avec deux bateaux, des avisos. L’un, le Phocée, est fixé à 1.000 km du Sénégal et l’autre, le Brintivi, à 1.000 km de Natal, sur la côte brésilienne.
Le jour du départ a été bien choisi car cette nuit, il y aura pleine lune. Une nécessité pour un pareil vol de nuit. Le temps est idéal, pas un nuage à l’horizon. C’est à 6 heures du soir que le moment le plus périlleux du voyage s’annonce, la fameuse traversée du pot au noir. Un cauchemar pour tous les aviateurs. C’est une masse nuageuse sombre qui se profile à l’horizon, se gonfle, devient gigantesque et avale l’appareil. Mermoz tient bon dans le fracas du vent, de la grêle et des trombes d’eau. Et le Comte de La Vaulx résiste. Il passe entre deux colonnes de déluges. Laissons la parole à Mermoz :
Il leur reste encore 1.000 km à parcourir. Ils volent à un degré du Brintivi avec lequel Gimié établit le contact. Ils survolent Natal, la capitale de l'Etat du Rio Grande, au nord-est du Brésil, avant de se poser en douceur sur le fleuve Potengi, devant la base de l'Aéropostale, après 21h et 15 minutes de vol. Sitôt arrivés, Mermoz glisse à la queue de l’avion, déloge les sacs de courrier et les lance à Gimié et Dabry.
Dans 20 minutes, les sacs seront dans l’avion que Barbier pilotera jusqu’à Rio de Janeiro et de Rio, ce sera Guillaumet qui enchaînera le vol jusqu’à Santiago du Chili. L’Aéropostale a gagné son pari. Mais qui est donc le vainqueur, Jean Mermoz ?
Un jeune homme qui voulait être aviateur
Jean Mermoz est né le 4 décembre 1901 à Aubenton, dans les Ardennes. Son père est aubergiste. Il maltraite sa mère qui le quitte en 1902. Elle part en emmenant son fils. Elle doit gagner sa vie, confiant le bébé à ses parents. Ils l’élèvent sans tendresse. Le petit Jean n’aperçoit sa mère, qu’il adore, que les dimanches. Il travaille bien à l’école. Il a une passion pour la lecture. Trois auteurs l’accompagneront toute sa vie : à chaque voyage, à chaque escale, il aura avec lui Baudelaire, Verlaine et Armand Sylvestre, un poète parnassien, bien oublié aujourd’hui.
Pendant la Première Guerre mondiale, ses grands-parents se retirent avec lui à Aurillac, dans le Cantal. Il ne retrouvera sa mère qu’en 1918, à Paris... Elle est infirmière à l’hôpital Laënnec. Ils vivent dans un atelier d’artistes, à Montparnasse. Jean Mermoz passe brillamment l’écrit de son baccalauréat mais échoue à l’oral à cause de sa très grande timidité. Un ami de sa mère, chanteur d’opérette, lui conseille de s’engager dans l’armée et de choisir l’aviation. Les avions ont fait leurs preuves pendant la guerre, ils symbolisent l’avenir.
Mermoz fait ses classes. Un petit matin de décembre 1920, venant de fêter ses 19 ans, il monte dans un Bréguet 14 qu’il va piloter seul pour la première fois ! C’est la révélation ! Il sent l’avion, il l’apprivoise mais rate son atterrissage : le Bréguet s’écrase sur la piste. Mermoz s'est fracturé la mâchoire et un tibia. Ce n’est pas très grave. En revanche, il est certain d’avoir trouvé sa voie. Il s’entraîne et obtient son brevet de pilote militaire le 10 février 1921. Mermoz est affecté à Metz dans une escadrille.
Un incroyable charisme, une facilité de conviction
Parlons un peu de son physique : c’est un véritable athlète, qui aime le sport. Il pratique la boxe française et soulève volontiers les poids et haltères. C’est aussi un excellent nageur. Son allure est impressionnante. Une crinière blonde lui fait une tête d’archange. Il plaît aux femmes, il fréquente des prostituées qui l’initient à la cocaïne. Mais il a surtout un incroyable charisme, une générosité, une facilité de conviction qui le mettra toujours un peu au-dessus des autres.
Son affectation suivante est Damas, plus exactement Palmyre où, en application du mandat donné à la France, les avions français aident la troupe à pacifier les tribus rebelles. C’est à Palmyre que Mermoz s’affranchit de la cocaïne : il court vers une dune, il y enfouit son stock. Il souffre. Il résiste. Il n’y touchera plus jamais. S’il adore les nourritures abondantes, les dîners joyeux, les agapes en tous genres, il saura toujours se modérer dans sa consommation d’alcool. C’est dans le désert syrien qu’il vit sa première expérience d’un crash aérien. Avec son mécanicien, ils vont souffrir plusieurs jours de déshydratation avant d’être sauvés par un peloton de méharistes.
En 18 mois à Palmyre, Mermoz atteint ses 600 heures de vol. Il se fait des amitiés qu’il retrouvera sous d’autres cieux, Etienne et Guillaumet. Il rentre en France, passe un an à Thionville puis quitte l’armée. A Paris, il s’installe dans une chambre meublée. Il pense que son expérience de pilote va lui permettre de trouver facilement un emploi dans un compagnie aérienne. Mais ce n’est pas facile. Il lui faut attendre le 23 septembre 1923. Ce jour-là, il reçoit une lettre de l’usine Latécoère, à Toulouse. On lui propose un engagement de pilote.
"Au Grand Balcon" : rendez-vous des aviateurs
Mermoz arrive à Toulouse le 13 octobre 1923. Dès l’Armistice de 1918, l’industriel Pierre Latécoère avait décidé d’établir une liaison aérienne entre la France et l’Argentine. C’était un rêve insensé : aucun avion ne pouvait alors franchir l’obstacle de l’Atlantique. Mais ce Pyrénéen y croyait. Ce qu’il appelait "la ligne" prenait tournure : une fois par semaine, le courrier était acheminé de Toulouse à Casablanca.
Mermoz est reçu par le directeur, Didier Daurat, ancien pilote, héros de la Grande Guerre. C’est lui qui avait découvert, lors d’un vol de reconnaissance au-dessus des lignes allemandes, la terrible Grosse Bertha qui avait bombardé Paris en 1918, en particulier l’église Saint-Gervais. Si Jean Mermoz pensait voler tout de suite, il se trompait. Chez Latécoère, tous les pilotes passent d’abord par les ateliers. Ils apprennent à décortiquer les moteurs, à les nettoyer. Les ouvriers de l’usine leur révèlent, avec patience, les secrets des moteurs. C’est obligatoire.
Le soir, les pilotes se retrouvent dans un petite pension de famille de Toulouse "Au Grand Balcon", tenue par trois adorables vieilles filles aux petits soins pour les pilotes. Au bout de trois semaines, Jean Mermoz est enfin autorisé à voler. Là, il se livre à une exercice de haute virtuosité, enchaînant les loopings, persuadé d’avoir ébloui le patron ! Daurat le douche : "J’ai besoin de pilotes, pas d’acrobates de cirque !".
Bien que furieux, il ne congédie pas Mermoz. Il lui donne une deuxième chance. Cette-fois, l’exercice est parfait. Jean Mermoz va désormais être affecté au courrier Toulouse-Barcelone-Alicante. Puis, le 1er janvier 1925, la ligne s’allonge, dépasse l’Espagne, apportant un courrier hebdomadaire au Maroc, à Casablanca et à Dakar, au Sénégal. C’est "La ligne des sables", avec trois escales de ravitaillement, dont une qui va devenir mythique dans la conquête aérienne de l’Atlantique, Cap Juby.
C’est un fortin dans ce qui est alors une colonie espagnole au Maroc. Les conditions sont rustiques : le soleil est brûlant, les nuits d’hiver glacées et il y a fréquemment des vents de sable. Les accidents sont nombreux. Mermoz n’est pas épargné. Entre Agadir et Juby, il se perd dans la brume et son moteur tombe en panne. Il réussit à se poser sans moteur et sans trop de casse, dans une ville inconnue. Il avait déjà connu ce genre de mésaventure près de Palmyre et ne s’inquiète pas trop. Son mécanicien et lui sont finalement récupérés par des Touaregs qui réclameront une rançon.... payée rubis sur l’ongle par Latécoère ! Mermoz et son compagnon sont très précieux !
Son amitié avec Antoine de Saint-Exupéry
En juin 1927, un nouveau chef d’escale l’accueille à Cap Juby. Il est vêtu d’une gandoura.Il a une tête ronde, un nez retroussé. Il est un peu maladroit mais reçoit Mermoz chaleureusement. Il lui dit : "J’avais tellement envie de vous rencontrer. Moi, c’est Saint-Exupéry. On m’appelle Saint-Ex !"
Entre ces deux hommes, l’amitié est immédiate, définitive et totale. Pour fêter cette rencontre, Jean Mermoz, qui est arrivé avec une cargaison de victuailles, prépare un festin. Antoine de Saint-Exupéry monte dans son avion avec des bouteilles pour, dit-il, les "rafraîchir en altitude" ! Ces deux hommes ont en commun d’avoir été meurtris par l’absence d’un père. Mermoz n’avait jamais connu le sien, Saint-Ex, qui a un an de moins que Mermoz, a été orphelin très jeune. Tous deux partagent aussi une extrême sensibilité, une passion pour leurs mères respectives et, bien sûr, l’amour de la littérature. Mermoz dessine bien, Saint-Ex aussi et il croque son nouvel ami en lion. Saint-Ex aime également écrire et Mermoz sera le premier lecteur de l’esquisse du premier vrai livre de Saint-Exupéry, Courrier Sud, pendant les quinze jours qu’ils partagent à Cap Juby.
Mais pour Mermoz, la ligne continue : après Dakar, ce sera l'Amérique du Sud. Il part pour Buenos-Aires. Daurat le nomme chef-pilote chargé de défricher la ligne qui reliera le Brésil au Chili, en passant par le Paraguay, l'Uruguay et l’Argentine.
Un défi : survoler la cordillère des Andes
Dès son arrivée à Buenos-Aires, Mermoz persuade Marcel Bouillou-Lafont de racheter la ligne à Latécoère, qui se consacrerait désormais uniquement à la construction des avions. Bouillou-Lafont est un Français qui a fait fortune en Argentine en construisant des ponts et des voies ferrées. Il possède son propre réseau bancaire. Totalement séduit par le projet de Mermoz, il envisage un trafic postal régulier entre l'Europe et Santiago du Chili, via l’Afrique. L’homme d’affaires se donne cinq ans comme délai pour la mise en route complète de la ligne. Et il lui trouve un nom : l'Aéropostale, qui deviendra mythique.
Mermoz devient chef-pilote de l’Amérique du Sud. À lui de développer la ligne Rio-Buenos-Aires-Santiago. Il va alors sillonner le continent sud-américain. Il balise le trajet Buenos-Aires-Rio, parcourt aussi le nord du continent, la Guyane, l'Uruguay et le Paraguay pour trouver des lieux susceptibles d’être aménagés en aéroports. Il invente, pour gagner du temps, les vols de nuit entre Rio et Buenos-Aires. Le 16 avril 1926, à 2 heures du matin, il quitte Rio. Il arrive le lendemain à Buenos Aires. Au lieu de trois jours, il lui a fallu moins de 24 heures pour relier les deux villes.
Le 9 mars 1929, Mermoz s’attaque à la partie la plus difficile de l’itinéraire : Buenos-Aires-Santiago, et donc au franchissement de la Cordillère des Andes. Après maints repérages et quelques accidents, le pilote réussit. Il profite de courants d’air ascendants, lui permettant de franchir ces montagnes dominées par l'Aconcagua, qui culmine à près de 7.000 m et marque, spectaculairement, la frontière entre l’Argentine et le Chili. Il eut été plus facile de voler au sud mais cela prenait trop de temps. Le courrier doit passer au plus vite !
Le 14 juillet 1929, c’est l’inauguration de la ligne régulière Rio-Buenos-Aires-Santiago. Quelques mois plus tard, à la mi-octobre Saint-Ex le rejoint à Buenos-Aires. C’est une ville fascinante. Elle regorge de restaurants, de cabarets. La vie nocturne est palpitante. Mermoz fréquente le lieu de plaisirs le plus connu de la ligne, le Tabaris. Saint-Ex va partager avec lui de folles nuits argentines. Saint-Exupéry travaille à son nouveau livre Vol de nuit et demande à Mermoz des détails sur cette navigation qu’il a inventée et pratiquée.
Bien que voyageant sans arrêt, Jean Mermoz est tombé amoureux. L’année précédente, il avait rencontré la très jeune fille d’un diplomate français, Gilberte Chazottes, 18 ans. On la surnomme Betina. Il décide qu’elle sera la femme de sa vie. Leur histoire d’amour est un peu compliquée car la jeune fille partage sa vie entre Buenos-Aires et Paris où elle passe six mois de l’année. Peu importe : si elle n’est pas là, ils s’écrivent. La vie de Mermoz est un mouvement perpétuel. Sa passion pour Betina ne changera pas mais sa vie de pilote a priorité sur tout le reste et Betina risque de ne pas le voir souvent...
Entre-temps, malgré la disparition de Nungesser et Coli, l’Atlantique nord n’est plus invincible. Il a été traversé par Lindbergh les 20 et 21 mai 1927. L’Aéropostale est donc poussée à faire voyager le courrier non plus par bateau mais par avion au-dessus de l’Atlantique. Et cela nous ramène à ce que je vous ai raconté au début de ce récit, la traversée victorieuse Dakar-Natal, en mai 1930.
Sa dernière traversée
Si le vol Dakar-Natal s’était bien passé, le vol de retour vire au cauchemar. Des problèmes techniques empêchent le décollage. Il faut modifier les flotteurs de l’hydravion, ce qui est une immense perte de temps. Le décollage est laborieux. Mermoz s’y prend à plusieurs reprises. Il est contraint d’alléger l’appareil au maximum. Finalement, le 6 juillet 1930, tout se passe bien, y compris la traversée du pot au noir jusqu’à ce qu’une fuite d’huile vienne à bout du moteur. L’hydravion est à environ 1.000 km de Dakar. Mais il repère son relais-radio, l’aviso Phocée. Mermoz amerrit. La mer est houleuse. L’un des flotteurs cède. Le Comte de Lavaux va couler. L’équipage et le courrier seront récupérés par le Phocée.
Mermoz regagne Paris à toute vitesse, juste à temps pour épouser Bétina le 23 août 1930. Lors de leur voyage de noces à Saint-Raphaël, il retrouvent un vieil ami russe de Jean qui leur présente un personnage extraordinaire, lequel va devenir, lui aussi, un ami indéfectible, Joseph Kessel. Ils ont tant de choses en commun, leur goût de l’aventure, la passion de la vie. Très vite, lorsqu’ils seront à Paris, Saint-Ex se joindra à eux.
La crise de 1929 fait tanguer l’Aéropostale. Bouillou-Lafont est ruiné. Plusieurs petites compagnies, dont l’Aéropostale, fusionnent pour devenir, le 14 octobre 1933, Air France. Mermoz est promu. Il fait plusieurs voyages transatlantiques dans un extraordinaire avion conçu par l’ingénieur Couzinet, L’Arc-en-Ciel. Mais il reviendra, finalement, à un hydravion monumental, à quatre moteurs, construit par Latécoère, La Croix du Sud.
Le 7 décembre 1936, Mermoz quitte Dakar à 4h32 du matin. Huit minutes après le décollage, le grand quadrimoteur se pose à nouveau sur la base. Il y a des problèmes avec l’hélice du moteur arrière droit. Après réparation, il repart à 6h52. Tout va bien jusqu’à 10h43 où la radio transmet : "Nous avons coupé le moteur arrière droit". La communication s’arrête. "La Croix du sud" a sombré dans l'Atlantique. Malgré d’intenses recherches, on ne retrouvera aucune trace. En dépit de la chance qu’il avait toujours eue, ce vol transatlantique fut le dernier. Dans un article publié par L’Intransigeant, Saint-Exupéry écrit : "Pardonnes-moi Jean Mermoz. On me l’a demandé cet article, mais comment l’écrirai-je ? J’ignore si tu as sombré ou si dans dans ton canot collé à l’océan comme un insecte à la glu d’une plante carnivore, tu ne peux plus t’en dépêtrer... Ah, Jean ! Pardonne-moi, je ne puis encore te croire parfait, de la perfection des morts. Une fois de plus, tu vas ressusciter. Dix ans que tu ressuscites".
L’archange blond n’est pas ressuscité. Mais il est devenu une légende que tous les aviateurs du monde continuent de vénérer.
Le 11 mai 1930, une foule incroyable se presse le long du fleuve, à Saint-Louis du Sénégal. Le grondement d’un avion met ces centaines de gens au comble de la joie : c’est le magnifique et tout nouvel hydravion sorti des usines Latécoère. Il se pose sur le fleuve Sénégal. Les portes s’ouvrent. Le premier à sortir est Didier Daurat, le patron mythique des usines Latécoère et de l’Aéropostale. Puis apparaît l’équipage : le navigateur Gimié et le radio Dabry. Enfin, celui que tout le monde attend, Jean Mermoz. Grand, blond, magnifique, il a été choisi par Daurat pour piloter cet hydravion. C’est un vrai défi de faire traverser à l’appareil l'Atlantique Sud d’une seule traite. Selon lui, Mermoz, déjà couvert de gloire, est le seul à pouvoir le relever.
Mermoz est arrivé quelques semaines auparavant de Buenos Aires, en Argentine, pour tester l’appareil, baptisé le Comte de La Vaulx, sur l’étang de Berre, près de Marseille. Il a passé son brevet de pilote d’hydravion, exécuté un vol d’essai obligatoire de 3.500 km. Profitant de cette occasion, Mermoz s’est attaqué, avec son équipage, au record du monde de distance qu’ils portent à 4.308 km en 30 heures et 25 minutes. Un beau baptême pour le nouvel appareil !
Puis, ils se sont envolés de Marseille pour le Sénégal. Daurat, le patron, voulait absolument être avec eux pour le départ du vol inaugural. Fêtes et réceptions occupent toute la journée. Le lendemain matin, à 11h, le trio Mermoz-Gimié-Dabry s’installe dans la carlingue. C’est la première fois que Mermoz se trouve dans un avion aussi confortable. Il a ses aises, ses deux compagnons aussi. Le radio aura deux relais au cours de la traversée, avec deux bateaux, des avisos. L’un, le Phocée, est fixé à 1.000 km du Sénégal et l’autre, le Brintivi, à 1.000 km de Natal, sur la côte brésilienne.
Le jour du départ a été bien choisi car cette nuit, il y aura pleine lune. Une nécessité pour un pareil vol de nuit. Le temps est idéal, pas un nuage à l’horizon. C’est à 6 heures du soir que le moment le plus périlleux du voyage s’annonce, la fameuse traversée du pot au noir. Un cauchemar pour tous les aviateurs. C’est une masse nuageuse sombre qui se profile à l’horizon, se gonfle, devient gigantesque et avale l’appareil. Mermoz tient bon dans le fracas du vent, de la grêle et des trombes d’eau. Et le Comte de La Vaulx résiste. Il passe entre deux colonnes de déluges. Laissons la parole à Mermoz :
"Phénoménales les sensations, je bruisse d’allégresse, en apesanteur, hors du temps, soudain, au loin, un faisceau en luminosité divine m’arrache à ma transe : la pleine Lune de mai ! Bien qu’elle m’oblige à un détour coûteux en carburant, je me lance vers la promesse de libération... A nous la splendeur de l’astre en reflet sur l’océan dormeur. D’un coup, je me sens comme un poney qu’on lâche dans un pré, je bondirais volontiers, sauterais, danserais si je pouvais quitter mon siège. On a réussi !On a passé le pot au noir !"
Il leur reste encore 1.000 km à parcourir. Ils volent à un degré du Brintivi avec lequel Gimié établit le contact. Ils survolent Natal, la capitale de l'Etat du Rio Grande, au nord-est du Brésil, avant de se poser en douceur sur le fleuve Potengi, devant la base de l'Aéropostale, après 21h et 15 minutes de vol. Sitôt arrivés, Mermoz glisse à la queue de l’avion, déloge les sacs de courrier et les lance à Gimié et Dabry.
Dans 20 minutes, les sacs seront dans l’avion que Barbier pilotera jusqu’à Rio de Janeiro et de Rio, ce sera Guillaumet qui enchaînera le vol jusqu’à Santiago du Chili. L’Aéropostale a gagné son pari. Mais qui est donc le vainqueur, Jean Mermoz ?
Un jeune homme qui voulait être aviateur
Jean Mermoz est né le 4 décembre 1901 à Aubenton, dans les Ardennes. Son père est aubergiste. Il maltraite sa mère qui le quitte en 1902. Elle part en emmenant son fils. Elle doit gagner sa vie, confiant le bébé à ses parents. Ils l’élèvent sans tendresse. Le petit Jean n’aperçoit sa mère, qu’il adore, que les dimanches. Il travaille bien à l’école. Il a une passion pour la lecture. Trois auteurs l’accompagneront toute sa vie : à chaque voyage, à chaque escale, il aura avec lui Baudelaire, Verlaine et Armand Sylvestre, un poète parnassien, bien oublié aujourd’hui.
Pendant la Première Guerre mondiale, ses grands-parents se retirent avec lui à Aurillac, dans le Cantal. Il ne retrouvera sa mère qu’en 1918, à Paris... Elle est infirmière à l’hôpital Laënnec. Ils vivent dans un atelier d’artistes, à Montparnasse. Jean Mermoz passe brillamment l’écrit de son baccalauréat mais échoue à l’oral à cause de sa très grande timidité. Un ami de sa mère, chanteur d’opérette, lui conseille de s’engager dans l’armée et de choisir l’aviation. Les avions ont fait leurs preuves pendant la guerre, ils symbolisent l’avenir.
Mermoz fait ses classes. Un petit matin de décembre 1920, venant de fêter ses 19 ans, il monte dans un Bréguet 14 qu’il va piloter seul pour la première fois ! C’est la révélation ! Il sent l’avion, il l’apprivoise mais rate son atterrissage : le Bréguet s’écrase sur la piste. Mermoz s'est fracturé la mâchoire et un tibia. Ce n’est pas très grave. En revanche, il est certain d’avoir trouvé sa voie. Il s’entraîne et obtient son brevet de pilote militaire le 10 février 1921. Mermoz est affecté à Metz dans une escadrille.
Un incroyable charisme, une facilité de conviction
Parlons un peu de son physique : c’est un véritable athlète, qui aime le sport. Il pratique la boxe française et soulève volontiers les poids et haltères. C’est aussi un excellent nageur. Son allure est impressionnante. Une crinière blonde lui fait une tête d’archange. Il plaît aux femmes, il fréquente des prostituées qui l’initient à la cocaïne. Mais il a surtout un incroyable charisme, une générosité, une facilité de conviction qui le mettra toujours un peu au-dessus des autres.
Son affectation suivante est Damas, plus exactement Palmyre où, en application du mandat donné à la France, les avions français aident la troupe à pacifier les tribus rebelles. C’est à Palmyre que Mermoz s’affranchit de la cocaïne : il court vers une dune, il y enfouit son stock. Il souffre. Il résiste. Il n’y touchera plus jamais. S’il adore les nourritures abondantes, les dîners joyeux, les agapes en tous genres, il saura toujours se modérer dans sa consommation d’alcool. C’est dans le désert syrien qu’il vit sa première expérience d’un crash aérien. Avec son mécanicien, ils vont souffrir plusieurs jours de déshydratation avant d’être sauvés par un peloton de méharistes.
En 18 mois à Palmyre, Mermoz atteint ses 600 heures de vol. Il se fait des amitiés qu’il retrouvera sous d’autres cieux, Etienne et Guillaumet. Il rentre en France, passe un an à Thionville puis quitte l’armée. A Paris, il s’installe dans une chambre meublée. Il pense que son expérience de pilote va lui permettre de trouver facilement un emploi dans un compagnie aérienne. Mais ce n’est pas facile. Il lui faut attendre le 23 septembre 1923. Ce jour-là, il reçoit une lettre de l’usine Latécoère, à Toulouse. On lui propose un engagement de pilote.
"Au Grand Balcon" : rendez-vous des aviateurs
Mermoz arrive à Toulouse le 13 octobre 1923. Dès l’Armistice de 1918, l’industriel Pierre Latécoère avait décidé d’établir une liaison aérienne entre la France et l’Argentine. C’était un rêve insensé : aucun avion ne pouvait alors franchir l’obstacle de l’Atlantique. Mais ce Pyrénéen y croyait. Ce qu’il appelait "la ligne" prenait tournure : une fois par semaine, le courrier était acheminé de Toulouse à Casablanca.
Mermoz est reçu par le directeur, Didier Daurat, ancien pilote, héros de la Grande Guerre. C’est lui qui avait découvert, lors d’un vol de reconnaissance au-dessus des lignes allemandes, la terrible Grosse Bertha qui avait bombardé Paris en 1918, en particulier l’église Saint-Gervais. Si Jean Mermoz pensait voler tout de suite, il se trompait. Chez Latécoère, tous les pilotes passent d’abord par les ateliers. Ils apprennent à décortiquer les moteurs, à les nettoyer. Les ouvriers de l’usine leur révèlent, avec patience, les secrets des moteurs. C’est obligatoire.
Le soir, les pilotes se retrouvent dans un petite pension de famille de Toulouse "Au Grand Balcon", tenue par trois adorables vieilles filles aux petits soins pour les pilotes. Au bout de trois semaines, Jean Mermoz est enfin autorisé à voler. Là, il se livre à une exercice de haute virtuosité, enchaînant les loopings, persuadé d’avoir ébloui le patron ! Daurat le douche : "J’ai besoin de pilotes, pas d’acrobates de cirque !".
Bien que furieux, il ne congédie pas Mermoz. Il lui donne une deuxième chance. Cette-fois, l’exercice est parfait. Jean Mermoz va désormais être affecté au courrier Toulouse-Barcelone-Alicante. Puis, le 1er janvier 1925, la ligne s’allonge, dépasse l’Espagne, apportant un courrier hebdomadaire au Maroc, à Casablanca et à Dakar, au Sénégal. C’est "La ligne des sables", avec trois escales de ravitaillement, dont une qui va devenir mythique dans la conquête aérienne de l’Atlantique, Cap Juby.
C’est un fortin dans ce qui est alors une colonie espagnole au Maroc. Les conditions sont rustiques : le soleil est brûlant, les nuits d’hiver glacées et il y a fréquemment des vents de sable. Les accidents sont nombreux. Mermoz n’est pas épargné. Entre Agadir et Juby, il se perd dans la brume et son moteur tombe en panne. Il réussit à se poser sans moteur et sans trop de casse, dans une ville inconnue. Il avait déjà connu ce genre de mésaventure près de Palmyre et ne s’inquiète pas trop. Son mécanicien et lui sont finalement récupérés par des Touaregs qui réclameront une rançon.... payée rubis sur l’ongle par Latécoère ! Mermoz et son compagnon sont très précieux !
Son amitié avec Antoine de Saint-Exupéry
En juin 1927, un nouveau chef d’escale l’accueille à Cap Juby. Il est vêtu d’une gandoura.Il a une tête ronde, un nez retroussé. Il est un peu maladroit mais reçoit Mermoz chaleureusement. Il lui dit : "J’avais tellement envie de vous rencontrer. Moi, c’est Saint-Exupéry. On m’appelle Saint-Ex !"
Entre ces deux hommes, l’amitié est immédiate, définitive et totale. Pour fêter cette rencontre, Jean Mermoz, qui est arrivé avec une cargaison de victuailles, prépare un festin. Antoine de Saint-Exupéry monte dans son avion avec des bouteilles pour, dit-il, les "rafraîchir en altitude" ! Ces deux hommes ont en commun d’avoir été meurtris par l’absence d’un père. Mermoz n’avait jamais connu le sien, Saint-Ex, qui a un an de moins que Mermoz, a été orphelin très jeune. Tous deux partagent aussi une extrême sensibilité, une passion pour leurs mères respectives et, bien sûr, l’amour de la littérature. Mermoz dessine bien, Saint-Ex aussi et il croque son nouvel ami en lion. Saint-Ex aime également écrire et Mermoz sera le premier lecteur de l’esquisse du premier vrai livre de Saint-Exupéry, Courrier Sud, pendant les quinze jours qu’ils partagent à Cap Juby.
Mais pour Mermoz, la ligne continue : après Dakar, ce sera l'Amérique du Sud. Il part pour Buenos-Aires. Daurat le nomme chef-pilote chargé de défricher la ligne qui reliera le Brésil au Chili, en passant par le Paraguay, l'Uruguay et l’Argentine.
Un défi : survoler la cordillère des Andes
Dès son arrivée à Buenos-Aires, Mermoz persuade Marcel Bouillou-Lafont de racheter la ligne à Latécoère, qui se consacrerait désormais uniquement à la construction des avions. Bouillou-Lafont est un Français qui a fait fortune en Argentine en construisant des ponts et des voies ferrées. Il possède son propre réseau bancaire. Totalement séduit par le projet de Mermoz, il envisage un trafic postal régulier entre l'Europe et Santiago du Chili, via l’Afrique. L’homme d’affaires se donne cinq ans comme délai pour la mise en route complète de la ligne. Et il lui trouve un nom : l'Aéropostale, qui deviendra mythique.
Mermoz devient chef-pilote de l’Amérique du Sud. À lui de développer la ligne Rio-Buenos-Aires-Santiago. Il va alors sillonner le continent sud-américain. Il balise le trajet Buenos-Aires-Rio, parcourt aussi le nord du continent, la Guyane, l'Uruguay et le Paraguay pour trouver des lieux susceptibles d’être aménagés en aéroports. Il invente, pour gagner du temps, les vols de nuit entre Rio et Buenos-Aires. Le 16 avril 1926, à 2 heures du matin, il quitte Rio. Il arrive le lendemain à Buenos Aires. Au lieu de trois jours, il lui a fallu moins de 24 heures pour relier les deux villes.
Le 9 mars 1929, Mermoz s’attaque à la partie la plus difficile de l’itinéraire : Buenos-Aires-Santiago, et donc au franchissement de la Cordillère des Andes. Après maints repérages et quelques accidents, le pilote réussit. Il profite de courants d’air ascendants, lui permettant de franchir ces montagnes dominées par l'Aconcagua, qui culmine à près de 7.000 m et marque, spectaculairement, la frontière entre l’Argentine et le Chili. Il eut été plus facile de voler au sud mais cela prenait trop de temps. Le courrier doit passer au plus vite !
Le 14 juillet 1929, c’est l’inauguration de la ligne régulière Rio-Buenos-Aires-Santiago. Quelques mois plus tard, à la mi-octobre Saint-Ex le rejoint à Buenos-Aires. C’est une ville fascinante. Elle regorge de restaurants, de cabarets. La vie nocturne est palpitante. Mermoz fréquente le lieu de plaisirs le plus connu de la ligne, le Tabaris. Saint-Ex va partager avec lui de folles nuits argentines. Saint-Exupéry travaille à son nouveau livre Vol de nuit et demande à Mermoz des détails sur cette navigation qu’il a inventée et pratiquée.
Bien que voyageant sans arrêt, Jean Mermoz est tombé amoureux. L’année précédente, il avait rencontré la très jeune fille d’un diplomate français, Gilberte Chazottes, 18 ans. On la surnomme Betina. Il décide qu’elle sera la femme de sa vie. Leur histoire d’amour est un peu compliquée car la jeune fille partage sa vie entre Buenos-Aires et Paris où elle passe six mois de l’année. Peu importe : si elle n’est pas là, ils s’écrivent. La vie de Mermoz est un mouvement perpétuel. Sa passion pour Betina ne changera pas mais sa vie de pilote a priorité sur tout le reste et Betina risque de ne pas le voir souvent...
Entre-temps, malgré la disparition de Nungesser et Coli, l’Atlantique nord n’est plus invincible. Il a été traversé par Lindbergh les 20 et 21 mai 1927. L’Aéropostale est donc poussée à faire voyager le courrier non plus par bateau mais par avion au-dessus de l’Atlantique. Et cela nous ramène à ce que je vous ai raconté au début de ce récit, la traversée victorieuse Dakar-Natal, en mai 1930.
Sa dernière traversée
Si le vol Dakar-Natal s’était bien passé, le vol de retour vire au cauchemar. Des problèmes techniques empêchent le décollage. Il faut modifier les flotteurs de l’hydravion, ce qui est une immense perte de temps. Le décollage est laborieux. Mermoz s’y prend à plusieurs reprises. Il est contraint d’alléger l’appareil au maximum. Finalement, le 6 juillet 1930, tout se passe bien, y compris la traversée du pot au noir jusqu’à ce qu’une fuite d’huile vienne à bout du moteur. L’hydravion est à environ 1.000 km de Dakar. Mais il repère son relais-radio, l’aviso Phocée. Mermoz amerrit. La mer est houleuse. L’un des flotteurs cède. Le Comte de Lavaux va couler. L’équipage et le courrier seront récupérés par le Phocée.
Mermoz regagne Paris à toute vitesse, juste à temps pour épouser Bétina le 23 août 1930. Lors de leur voyage de noces à Saint-Raphaël, il retrouvent un vieil ami russe de Jean qui leur présente un personnage extraordinaire, lequel va devenir, lui aussi, un ami indéfectible, Joseph Kessel. Ils ont tant de choses en commun, leur goût de l’aventure, la passion de la vie. Très vite, lorsqu’ils seront à Paris, Saint-Ex se joindra à eux.
La crise de 1929 fait tanguer l’Aéropostale. Bouillou-Lafont est ruiné. Plusieurs petites compagnies, dont l’Aéropostale, fusionnent pour devenir, le 14 octobre 1933, Air France. Mermoz est promu. Il fait plusieurs voyages transatlantiques dans un extraordinaire avion conçu par l’ingénieur Couzinet, L’Arc-en-Ciel. Mais il reviendra, finalement, à un hydravion monumental, à quatre moteurs, construit par Latécoère, La Croix du Sud.
Le 7 décembre 1936, Mermoz quitte Dakar à 4h32 du matin. Huit minutes après le décollage, le grand quadrimoteur se pose à nouveau sur la base. Il y a des problèmes avec l’hélice du moteur arrière droit. Après réparation, il repart à 6h52. Tout va bien jusqu’à 10h43 où la radio transmet : "Nous avons coupé le moteur arrière droit". La communication s’arrête. "La Croix du sud" a sombré dans l'Atlantique. Malgré d’intenses recherches, on ne retrouvera aucune trace. En dépit de la chance qu’il avait toujours eue, ce vol transatlantique fut le dernier. Dans un article publié par L’Intransigeant, Saint-Exupéry écrit : "Pardonnes-moi Jean Mermoz. On me l’a demandé cet article, mais comment l’écrirai-je ? J’ignore si tu as sombré ou si dans dans ton canot collé à l’océan comme un insecte à la glu d’une plante carnivore, tu ne peux plus t’en dépêtrer... Ah, Jean ! Pardonne-moi, je ne puis encore te croire parfait, de la perfection des morts. Une fois de plus, tu vas ressusciter. Dix ans que tu ressuscites".
L’archange blond n’est pas ressuscité. Mais il est devenu une légende que tous les aviateurs du monde continuent de vénérer.