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La population mondiale "manque" 160 millions de femmes

Dimanche 30 Octobre 2011

La population mondiale "manque" 160 millions de femmes
A l'heure où la population mondiale franchit le cap des sept milliards, des experts craignent que le déséquilibre des sexes favorise l'émergence d'instables "pays de célibataires" se menant une concurrence acharnée pour trouver une épouse.

Les conséquences exactes de ce que le démographe français Christophe Guilmoto qualifie de "masculinisation alarmante" dans des pays comme l'Inde ou la Chine, à cause des avortements sélectifs, restent encore incertaines. Mais de nombreux experts estiment que dans cinquante ans, la pénurie de femmes aura sur la société un impact similaire à celui du réchauffement climatique, invisible mais bien réel.

Des statistiques inquiétantes

Derrière ces avertissements, se cachent des statistiques irréfutables. La nature fournit des chiffres invariables: il naît entre 104 et 106 garçons pour 100 filles et le moindre changement de cette proportion ne peut s'expliquer que par des facteurs anormaux. En Inde et au Vietnam, le chiffre est d'environ 112 garçons pour 100 filles. En Chine, la proportion passe quasiment de 120 pour 100, quand elle n'est pas de 130 garçons pour 100 filles dans certaines régions. Et la tendance se propage: en Azerbaïdjan, en Géorgie, en Arménie, les ratios à la naissance sont tous de l'ordre de plus de 115 garçons pour 100 filles. En Albanie et au Kosovo, on constate le même phénomène.

Il "manque" 160 millions de femmes

La prise de conscience mondiale remonte à 1990 lorsque le prix Nobel indien, l'économiste Amartya Sen, publia un article au titre choc: "Plus de 100 millions de femmes sont portées manquantes". Les démographes estiment que ce chiffre a désormais dépassé les 160 millions, résultat de la préférence traditionnelle pour les fils, de la baisse de la fertilité et, plus important, des échographies bon marché permettant d'avorter s'il agit d'une fille, en toute illégalité.


La Chine et l'Inde pointées du doigt


Même si le ratio à la naissance revenait à la normale en Inde et en Chine d'ici les dix prochaines années, M. Guilmoto estime que dans ces deux pays, le mariage resterait pour les décennies à venir un casse-tête pour les hommes. "Non seulement ces hommes vont devoir se marier à un âge plus avancé, mais ils risquent de devoir rester célibataires dans des pays où presque tout le monde avait l'habitude de trouver une femme", analyse-t-il. Certains pensent que ce nouveau contexte pourrait accroître la polyandrie (une femme avec plusieurs époux) et le tourisme sexuel tandis que d'autres anticipent des scénarios catastrophe où la prédation sexuelle, la violence et les conflits seraient les nouvelles normes sociales.

Vers une société plus violente?

Voici quelques années, les politologues Valérie Hudson et Andrea den Boer ont même écrit que les pays asiatiques majoritairement peuplés d'hommes représentaient une menace pour l'Occident. Selon eux, "les sociétés au fort ratio hommes-femmes ne peuvent être gouvernées que par des régimes autoritaires capables de supprimer la violence dans leur propre pays et de l'exporter à l'étranger via la colonisation ou la guerre".

Mara Hvistendahl, journaliste pour le magazine Science et auteur d'un récent essai intitulé "Sélection non naturelle", objecte que les risques de guerres à grande échelle sont peu probables, rappelant notamment que l'Inde est une démocratie. Mais elle admet qu'"historiquement, les sociétés où le nombre d'hommes dépasse celui des femmes ne sont pas agréables à vivre", évoquant des risques d'instabilité et parfois de violence.

Des agences des Nations unies ont mis en garde contre une corrélation entre la rareté des femmes et une hausse du trafic sexuel ou des migrations de population pour se marier. Mais peu de solutions ont jusqu'à présent été avancées.

Pour M. Guilmoto, la priorité aujourd'hui est de s'assurer que le problème soit rendu public, et pas seulement dans les pays émergents. "En Europe de l'Est, les gens n'ont absolument aucune idée de ce qui est en train de se passer", prévient-t-il. (afp)

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