Dans son agenda, la date est entourée de rouge : l'anniversaire des 16 ans des attentats du 11 septembre, à New York. Juste en dessous, une note : "Call mom"* (*"Appeler maman").
Cette année, Mehana Placeres, New-Yorkaise de 16 ans, ne sera pas avec sa famille pour cette journée spéciale. Elle vient de commencer son année scolaire au lycée Albert Camus de Nîmes, en classe de première L, à 6 000 kilomètres de sa ville natale. Malgré la distance, et même si Mehana, née quelques semaines à peine avant l'attentat du World Trade Center, n'en garde absolument aucun souvenir, impossible de penser à autre chose ce jour-là.
"Je sais que je vais l'avoir dans la tête toute la journée", raconte la jeune fille, assise en jean et baskets sur les marches de la cour du lycée. "Je vais appeler ma famille et mes amis aux Etats-Unis pour savoir comment ils vont, car c'est un moment particulièrement triste là-bas. Tout ce que je peux faire d'ici, c'est leur envoyer tout mon amour, pour les aider à mieux vivre cette journée."
"Cet attentat a séparé ma génération des autres"
Une journée qui a définitivement changé le monde dans lequel Mehana est né. "On en parle régulièrement avec mes amis, mes parents, mes professeurs, affirme la jeune fille. Les attentats ont modifié la façon dont les gens se perçoivent et se traitent les uns les autres. Les Américains ont peur de ceux qu'ils ne comprennent pas. Par exemple, d'un coup, tous les musulmans sont devenus des terroristes. Cela crée un environnement hostile et toxique, surtout pour les jeunes victimes de cette atmosphère. Et depuis que Donald Trump a été élu, la haine est revenue, poursuit Mehana. Ça m'est arrivé de voir ces jeunes-là pleurer dans les couloirs de l'école", témoigne la jeune fille, des trémolos dans la voix. "Cet attentat a vraiment créé un avant et un après. Il a séparé ma génération des précédentes. C'est le début du terrorisme islamiste. Je n'ai jamais connu le monde avant ce 11 septembre. J'ai grandi avec la peur et la haine."
C'est à cause de cet environnement, justement, que Mehana a choisi de venir étudier en France. "Certains Américains peuvent être très fermés d'esprit. J'ai pensé qu'il était important de m'ouvrir à d'autres façons de vivre. Mon monde ne peut pas se résumer à New-York. J'y ai vu une opportunité d'apprendre quelque chose et peut-être même d'inspirer mes quatre petits frères et sœurs."
"Les Français pensent davantage au Bataclan ou à Nice"
Ce lundi 11 septembre, 16 ans après les attentats du World Trade Center, au lycée Albert Camus comme ailleurs à Nîmes, rien n'est prévu pour commémorer l'événement. "Ça va me faire bizarre", avoue la jeune Américaine. "Chaque année dans mon lycée aux Etats-Unis, nous devons tous respecter un moment de silence. Ils font ensuite sonner une cloche à l'heure où la première tour est tombée. On reste silencieux, puis ils font sonner une autre cloche à l'heure où la seconde tour s'est effondrée. Je trouve ça triste qu'il n'y ait rien en France, mais, en même temps, je comprends", admet Mehana. "Ça n'est pas leur ville, ni leur pays qui a été touché ce jour-là. Ici, les Français pensent davantage aux attentats du Bataclan ou à Nice.
" La jeune New-Yorkaise va d'ailleurs profiter de cette journée pour discuter du sujet avec sa nouvelle amie nîmoise, Emma, 16 ans elle aussi. "Depuis toujours, on baigne dans cet environnement marqué par le terrorisme", note la Française. "J'en ai toujours eu conscience, c'est devenu une norme. J'ai toujours vécu avec. Mais peu importe la puissance du coup, nous nous relèverons. C'est notre seule façon de vivre. Avant, j'avais peur. Aujourd'hui c'est fini. Je vais penser aux attentats du 11 septembre ce lundi, mais je vais vivre ma vie de lycéenne, ce sera ma manière de commémorer les attentats."
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