J’ai souvent entendu dire que le Sénégal était un Pays-phare en matière de dialogue islamo-chrétien. Et j’en avais déjà eu une forme d’expérience quand, jeune lycéen, je vécus pendant une année au centre d’accueil Téranga de Saint-Louis au milieu d’autres jeunes de toutes confessions.
Le centre était géré par la mission catholique de la ville et les visites du père Armel Duteil étaient une occasion pour les pensionnaires de discuter de beaucoup de thématiques qui intéressaient les jeunes.
Dans nos familles, nous cohabitons, chrétiens et musulmans, partageons des mets lors de nos fêtes. Mais il y’a des moments où une chose que nous semblions déjà admettre prenne une intensité telle, qu’elle nous apparaisse, à l’instant, comme une découverte toute nouvelle.
C’était le cas hier dans la cour de l’Eglise de Savoigne, parmi les rizières, sous les arbres à peine ombragers et le soleil. Ils étaient presque tous là, les élèves-maîtres du CRFPE de Saint-Louis, des visages graves, des corps en larmes, en sanglots, des regards tristes et inquiets, tendus vers l’enceinte dressée, solennelle.
Dedans, s’élève, comme des profondeurs mythiques, la voix du Prêtre qui officie, accompagnée des envolées lyriques de l’orgue et des chants mélodieux des fidèles, des sanglots arrachés des transes, tandis que repose dans ce cercueil orné de fleurs, Hélène.
Hélène Mbengue était là. Nous l’avions connu il y a seulement si peu, volontaire, courageuse et joviale, parmi les stagiaires qui aspiraient à prendre en charge la relève dans l’action continue d’éducation des enfants génération après génération. Jeune sérère couleur ébène, elle n’échappait guère aux taquineries des peuls et des diolas, ses cousins.
Oui, elle était là, Hélène! Mais la voix du Prêtre tantôt détachée des mélodies, seule et grave au milieu du Temps suspendu, semblait négocier comme une ouverture, un passage pour Hélène vers un AILLEURS et, par ce fait, nous convaincre que celle-ci n’était plus des nôtres !
Puis vint le moment de la remettre à la Terre-Mère. Ce fut aussi le moment des questionnements : quelles sont les procédures dans cette confession pour présenter les condoléances ? Au domicile ? Au cimetière ? Comment faire pour ne pas enfreindre les rituels en vigueur pour les uns et les autres ? Se dessinent ainsi les paramètres d’un dialogue.
Pendant ce temps, l’humanité basique, s’exprime dans sa nature profonde, entre gémissements, sanglots, élans de compassion, de solidarité, de soutien, de partage. « L’on n’a peur que de ce que l’on ne connait pas » et à Savoigne, ce jour-là, nous étions entre nous, éducateurs et préposés à l’éducation, voisins, parents et bref communauté… communauté éducative.
Je compris alors que le peuple sénégalais profond n’a jamais fait que revendiquer son humanité. Contre tous les extrémismes, de quelque confession qu’ils soient, nous opposerons notre humanité. Car en fait, Dieu le très haut n’a jamais donné comme promesse de faire de nous des Dieux, mais de nous faire découvrir notre humanité et notre appartenance à cette Terre qu’Il a mise entre nos mains pour nous apprendre à Le connaître- LUI- en même temps que nous apprenons à connaitre cette terre et nous-mêmes.
Dès lors, obéir à Dieu n’est ce pas, tout d’abord, respecter sa création ? C’est dans ce sens que le développement durable ne pourrait s’accommoder de l’ignorance. Notre conviction est que certaines options de fracture sociale ne puisent leurs origines que dans l’ignorance ou dans la cupidité de joueurs, compagnons du malin. Or, dans les deux cas, nous sommes en face des maladies, les pires, à l’échelle de l’individu comme à l’échelle de la collectivité.
Aussi admettre le postulat de l’éducabilité de l’homme, c’est déjà admettre que l’action dans ce sens et l’interprétation des dynamiques sociales n’ont de valeur éthique que dans la perspective d’une recherche d’un mieux -être, c'est-à-dire un mieux devenir pour l’individu comme pour la cité.
Au Dieu en qui nous croyons, et quelque soit la manière dont nous l’adorons, nous adresserons tous les jours nos prières pour nous fortifier dans la construction de la paix dans notre pays et autour de nous, dans nos cœurs et dans nos cités. Et qu’Hélène Mbengue repose en paix !
Saint-Louis, le 15/07/2016
Aboubacry KANE
Inspecteur de l’Education
Formateur au CRFPE/St-Louis
kaneabba@yahoo.fr
Tél : +221776341017 /+22170454608
Le centre était géré par la mission catholique de la ville et les visites du père Armel Duteil étaient une occasion pour les pensionnaires de discuter de beaucoup de thématiques qui intéressaient les jeunes.
Dans nos familles, nous cohabitons, chrétiens et musulmans, partageons des mets lors de nos fêtes. Mais il y’a des moments où une chose que nous semblions déjà admettre prenne une intensité telle, qu’elle nous apparaisse, à l’instant, comme une découverte toute nouvelle.
C’était le cas hier dans la cour de l’Eglise de Savoigne, parmi les rizières, sous les arbres à peine ombragers et le soleil. Ils étaient presque tous là, les élèves-maîtres du CRFPE de Saint-Louis, des visages graves, des corps en larmes, en sanglots, des regards tristes et inquiets, tendus vers l’enceinte dressée, solennelle.
Dedans, s’élève, comme des profondeurs mythiques, la voix du Prêtre qui officie, accompagnée des envolées lyriques de l’orgue et des chants mélodieux des fidèles, des sanglots arrachés des transes, tandis que repose dans ce cercueil orné de fleurs, Hélène.
Hélène Mbengue était là. Nous l’avions connu il y a seulement si peu, volontaire, courageuse et joviale, parmi les stagiaires qui aspiraient à prendre en charge la relève dans l’action continue d’éducation des enfants génération après génération. Jeune sérère couleur ébène, elle n’échappait guère aux taquineries des peuls et des diolas, ses cousins.
Oui, elle était là, Hélène! Mais la voix du Prêtre tantôt détachée des mélodies, seule et grave au milieu du Temps suspendu, semblait négocier comme une ouverture, un passage pour Hélène vers un AILLEURS et, par ce fait, nous convaincre que celle-ci n’était plus des nôtres !
Puis vint le moment de la remettre à la Terre-Mère. Ce fut aussi le moment des questionnements : quelles sont les procédures dans cette confession pour présenter les condoléances ? Au domicile ? Au cimetière ? Comment faire pour ne pas enfreindre les rituels en vigueur pour les uns et les autres ? Se dessinent ainsi les paramètres d’un dialogue.
Pendant ce temps, l’humanité basique, s’exprime dans sa nature profonde, entre gémissements, sanglots, élans de compassion, de solidarité, de soutien, de partage. « L’on n’a peur que de ce que l’on ne connait pas » et à Savoigne, ce jour-là, nous étions entre nous, éducateurs et préposés à l’éducation, voisins, parents et bref communauté… communauté éducative.
Je compris alors que le peuple sénégalais profond n’a jamais fait que revendiquer son humanité. Contre tous les extrémismes, de quelque confession qu’ils soient, nous opposerons notre humanité. Car en fait, Dieu le très haut n’a jamais donné comme promesse de faire de nous des Dieux, mais de nous faire découvrir notre humanité et notre appartenance à cette Terre qu’Il a mise entre nos mains pour nous apprendre à Le connaître- LUI- en même temps que nous apprenons à connaitre cette terre et nous-mêmes.
Dès lors, obéir à Dieu n’est ce pas, tout d’abord, respecter sa création ? C’est dans ce sens que le développement durable ne pourrait s’accommoder de l’ignorance. Notre conviction est que certaines options de fracture sociale ne puisent leurs origines que dans l’ignorance ou dans la cupidité de joueurs, compagnons du malin. Or, dans les deux cas, nous sommes en face des maladies, les pires, à l’échelle de l’individu comme à l’échelle de la collectivité.
Aussi admettre le postulat de l’éducabilité de l’homme, c’est déjà admettre que l’action dans ce sens et l’interprétation des dynamiques sociales n’ont de valeur éthique que dans la perspective d’une recherche d’un mieux -être, c'est-à-dire un mieux devenir pour l’individu comme pour la cité.
Au Dieu en qui nous croyons, et quelque soit la manière dont nous l’adorons, nous adresserons tous les jours nos prières pour nous fortifier dans la construction de la paix dans notre pays et autour de nous, dans nos cœurs et dans nos cités. Et qu’Hélène Mbengue repose en paix !
Saint-Louis, le 15/07/2016
Aboubacry KANE
Inspecteur de l’Education
Formateur au CRFPE/St-Louis
kaneabba@yahoo.fr
Tél : +221776341017 /+22170454608