La scène se passe de commentaires. Elle perturbe la solennité de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, agace le chef de l’Etat Macky Sall, indispose les membres du gouvernement. Dans la salle Bruno Diatta du Palais de la République, une voix résonne. Un homme crie sa colère. Sa rage, son amertume. Ministre de l’Économie, du plan et de la coopération, Amadou Hott s’en prend (ou)vertement à son collègue des Finances et du budget, Abdoulaye Daouda Diallo. Les deux ministres s’échangent des propos aigres-doux, sous le regard médusé et ahuri du chef de l’Etat qui semble être pris au dépourvu. Macky Sall intervient pour calmer les esprits.
Dans la foulée, il sollicite l’expertise du ministre Amadou Bâ qui a eu à occuper le ministère de l’Economie et des finances, avant d’atterrir au ministère des Affaires des étrangères et des Sénégalais de l’extérieur pour arrondir les angles. Gêné par le spectacle qui s’offre à ses yeux, Amadou Bâ se veut élégant dans sa démarche équidistante. Il ne donne ni raison à l’un, ni tort à l’autre. L’ex-argentier de l’Etat tente de purger l’atmosphère, de remettre tout à zéro. Sa communication est suivie, la bombe désamorcée. Une semaine plus tard, le sujet revient sur la table du Conseil des ministres. Pas pour jouer les prolongations d’un Mortal Kombat dommageable à l’image du gouvernement, mais pour susciter une mise au point du chef de l’Etat. «Le Conseil des ministres est une séance solennelle. Il ne faut pas que ce qui se dit ici se retrouve dans la presse», rappelle furax Macky Sall, outré par la limpidité des comptes rendus que la presse a fait de cet incident le lendemain.
Réunions sectorielles avec Boun Dionne
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de ce différend au sommet de l’Etat, mais les postures restent figées, le malaise entier. D’après des sources au cœur de la République, le Président Sall qui s’est retrouvé en pleine réunion du gouvernement à gérer une querelle d’ego entre deux ministres qui se disputent la gestion du pilotage des opérations de levée de fonds comme les Eurobonds, a été obligé de mettre son ex-Premier ministre en tampon entre les deux chef de département.
Le principal objet du conflit – la signature de conventions de financement et des prêts de l’Etat – est pourtant clairement défini. Selon un agent de l’Etat et expert en la matière, le remboursement des dettes doit normalement être géré par le ministère des Finances, alors que le ministère de l’Economie signe les conventions et s’occupe de la coopération. Mais même si les choses semblent évidentes, la pratique ne se passe pas sans heurts. Cela aurait même plongé Amadou Hott et Abdoulaye Daouda Diallo dans une longue et dure épreuve de bras de fer. «Il y a eu plein d’incompréhensions sur ce point et, dans bien des cas, le Président Macky Sall a arbitré», confie l’expert. Pour juguler le mal et éviter l’escalade, le chef de l’Etat a même été obligé, souffle-t-on des arcanes du gouvernement, d’activer Mahammad Boun Abdallah Dionne pour qu’il serve de tampon entre les deux.
L’ancien Premier ministre jouerait aujourd’hui le rôle de sapeur-pompier chargé d’éteindre le feu qui couve entre les deux ministères. Pour y arriver, Mahammad Boun Abdallah Dionne tiendrait souvent des réunions sectorielles avec Abdoulaye Daouda Diallo, mais également avec Amadou Hott. Parfois avec les deux ensemble. «C’est lui le relais entre les deux ministres. Il les convoque régulièrement à des rencontres pour harmoniser les positions. Il fait tout son possible pour créer un cadre d’harmonisation avec des réunions de coordination», glisse un membre du cabinet de l’ex-PM. Au delà des hommes, le ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République est chargé d’éviter que subsistent des goulots d’étranglement entre les deux ministères, des problèmes qui ralentiraient la vitesse d’exécution des projets du chef de l’Etat qui a inscrit son quinquennat sous le sceau du «Fast-track». Un «coaching» important, selon des membres du gouvernement qui révèlent que malgré l’accalmie, la tension est encore vive entre leurs deux collègues.
D’après de hauts dignitaires de l’Etat, le ministre Amadou Hott a toujours dénoncé l’empiètement de Abdoulaye Daouda Diallo sur son champ d’actions. «Il s’est toujours plaint, mais il n’a jamais eu de réponses favorables, c’est pourquoi il a pété les plombs en Conseil des ministres», défend un proche du chef de l’Etat qui prétend avoir discuté des supposés «agissements» de Abdoulaye Daouda Diallo avec Amadou Hott. Le différend entre les deux hommes a longtemps été appréhendé au ministère de l’Economie et du plan.
«Au début, ce n’était pas facile. Le temps que les gens prennent leurs marques, il peut y avoir quelques fissures», avouent de hauts fonctionnaires rencontrés par «L’Observateur». «Il peut même y avoir des ratés au démarrage, mais tout est rentré dans l’ordre», ajoutent-ils. Une volonté de circonscrire le conflit larvé entre les ministres qui bute sur les problèmes de fonctionnement et de gratification qui ont installé un gros malaise entre les deux départements.
Les fonds communs, le nœud du problème
Au delà des conflits de compétences, il y a surtout une affaire de sous qui serait source de remous entre les deux ministères. «Il y a eu des incidences financières avec la scission du ministère de l’Economie et des finances», murmure une source qui a longtemps arpenté les couloirs du «Bercy sénégalais», au 4017 Dakar, sur l’Avenue Carde, derrière le Théâtre Daniel Sorano. Pour ce grand commis de l’Etat qui a été affecté à ce département stratégique presque 20 ans avant la scission du ministère, «ce sont les fonds communs qui sont aujourd’hui le nœud du problème». D’après lui, pour les primes de rendement, les régies financières sont logées au ministère des Finances et les agents du ministère de l’Economie ne peuvent pas y accéder. Une situation qui n’est certes pas nouvelle, mais qui est assez sérieuse pour impacter négativement le fonctionnement du ministère de l’Économie. «C’était la même chose avec Abdoulaye Bibi Baldé qui a aussi vécu cette mésaventure au département du Plan, explique-t-on. A l’époque, des chefs de service lui avaient dit qu’il leur en coûtait énormément d’avoir à renoncer aux fameux fonds communs qui leur permettaient d’arrondir fortement leurs fins de mois.»
Aujourd’hui encore, les mêmes démons ont resurgi de la décision du Président Sall de diviser le ministère de l’Economie et des finances en deux. Mais pas que… Il y aurait dans ce capharnaüm de raisons évoquées, la bataille en sourdine entre les économistes-planificateurs et les comptables au ministère de des Finances. «Sur ce point, avoue-t-on des deux côtés, la situation était très tendue au début. Mais là, les choses commencent à se tasser.» Une sorte de paix des braves loin de mettre un terme à la guerre de territoires que se livrent les deux ministères.
l'obs
Dans la foulée, il sollicite l’expertise du ministre Amadou Bâ qui a eu à occuper le ministère de l’Economie et des finances, avant d’atterrir au ministère des Affaires des étrangères et des Sénégalais de l’extérieur pour arrondir les angles. Gêné par le spectacle qui s’offre à ses yeux, Amadou Bâ se veut élégant dans sa démarche équidistante. Il ne donne ni raison à l’un, ni tort à l’autre. L’ex-argentier de l’Etat tente de purger l’atmosphère, de remettre tout à zéro. Sa communication est suivie, la bombe désamorcée. Une semaine plus tard, le sujet revient sur la table du Conseil des ministres. Pas pour jouer les prolongations d’un Mortal Kombat dommageable à l’image du gouvernement, mais pour susciter une mise au point du chef de l’Etat. «Le Conseil des ministres est une séance solennelle. Il ne faut pas que ce qui se dit ici se retrouve dans la presse», rappelle furax Macky Sall, outré par la limpidité des comptes rendus que la presse a fait de cet incident le lendemain.
Réunions sectorielles avec Boun Dionne
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de ce différend au sommet de l’Etat, mais les postures restent figées, le malaise entier. D’après des sources au cœur de la République, le Président Sall qui s’est retrouvé en pleine réunion du gouvernement à gérer une querelle d’ego entre deux ministres qui se disputent la gestion du pilotage des opérations de levée de fonds comme les Eurobonds, a été obligé de mettre son ex-Premier ministre en tampon entre les deux chef de département.
Le principal objet du conflit – la signature de conventions de financement et des prêts de l’Etat – est pourtant clairement défini. Selon un agent de l’Etat et expert en la matière, le remboursement des dettes doit normalement être géré par le ministère des Finances, alors que le ministère de l’Economie signe les conventions et s’occupe de la coopération. Mais même si les choses semblent évidentes, la pratique ne se passe pas sans heurts. Cela aurait même plongé Amadou Hott et Abdoulaye Daouda Diallo dans une longue et dure épreuve de bras de fer. «Il y a eu plein d’incompréhensions sur ce point et, dans bien des cas, le Président Macky Sall a arbitré», confie l’expert. Pour juguler le mal et éviter l’escalade, le chef de l’Etat a même été obligé, souffle-t-on des arcanes du gouvernement, d’activer Mahammad Boun Abdallah Dionne pour qu’il serve de tampon entre les deux.
L’ancien Premier ministre jouerait aujourd’hui le rôle de sapeur-pompier chargé d’éteindre le feu qui couve entre les deux ministères. Pour y arriver, Mahammad Boun Abdallah Dionne tiendrait souvent des réunions sectorielles avec Abdoulaye Daouda Diallo, mais également avec Amadou Hott. Parfois avec les deux ensemble. «C’est lui le relais entre les deux ministres. Il les convoque régulièrement à des rencontres pour harmoniser les positions. Il fait tout son possible pour créer un cadre d’harmonisation avec des réunions de coordination», glisse un membre du cabinet de l’ex-PM. Au delà des hommes, le ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République est chargé d’éviter que subsistent des goulots d’étranglement entre les deux ministères, des problèmes qui ralentiraient la vitesse d’exécution des projets du chef de l’Etat qui a inscrit son quinquennat sous le sceau du «Fast-track». Un «coaching» important, selon des membres du gouvernement qui révèlent que malgré l’accalmie, la tension est encore vive entre leurs deux collègues.
D’après de hauts dignitaires de l’Etat, le ministre Amadou Hott a toujours dénoncé l’empiètement de Abdoulaye Daouda Diallo sur son champ d’actions. «Il s’est toujours plaint, mais il n’a jamais eu de réponses favorables, c’est pourquoi il a pété les plombs en Conseil des ministres», défend un proche du chef de l’Etat qui prétend avoir discuté des supposés «agissements» de Abdoulaye Daouda Diallo avec Amadou Hott. Le différend entre les deux hommes a longtemps été appréhendé au ministère de l’Economie et du plan.
«Au début, ce n’était pas facile. Le temps que les gens prennent leurs marques, il peut y avoir quelques fissures», avouent de hauts fonctionnaires rencontrés par «L’Observateur». «Il peut même y avoir des ratés au démarrage, mais tout est rentré dans l’ordre», ajoutent-ils. Une volonté de circonscrire le conflit larvé entre les ministres qui bute sur les problèmes de fonctionnement et de gratification qui ont installé un gros malaise entre les deux départements.
Les fonds communs, le nœud du problème
Au delà des conflits de compétences, il y a surtout une affaire de sous qui serait source de remous entre les deux ministères. «Il y a eu des incidences financières avec la scission du ministère de l’Economie et des finances», murmure une source qui a longtemps arpenté les couloirs du «Bercy sénégalais», au 4017 Dakar, sur l’Avenue Carde, derrière le Théâtre Daniel Sorano. Pour ce grand commis de l’Etat qui a été affecté à ce département stratégique presque 20 ans avant la scission du ministère, «ce sont les fonds communs qui sont aujourd’hui le nœud du problème». D’après lui, pour les primes de rendement, les régies financières sont logées au ministère des Finances et les agents du ministère de l’Economie ne peuvent pas y accéder. Une situation qui n’est certes pas nouvelle, mais qui est assez sérieuse pour impacter négativement le fonctionnement du ministère de l’Économie. «C’était la même chose avec Abdoulaye Bibi Baldé qui a aussi vécu cette mésaventure au département du Plan, explique-t-on. A l’époque, des chefs de service lui avaient dit qu’il leur en coûtait énormément d’avoir à renoncer aux fameux fonds communs qui leur permettaient d’arrondir fortement leurs fins de mois.»
Aujourd’hui encore, les mêmes démons ont resurgi de la décision du Président Sall de diviser le ministère de l’Economie et des finances en deux. Mais pas que… Il y aurait dans ce capharnaüm de raisons évoquées, la bataille en sourdine entre les économistes-planificateurs et les comptables au ministère de des Finances. «Sur ce point, avoue-t-on des deux côtés, la situation était très tendue au début. Mais là, les choses commencent à se tasser.» Une sorte de paix des braves loin de mettre un terme à la guerre de territoires que se livrent les deux ministères.
l'obs