C’est l’homme qui suscite toutes les convoitises. Cheikh Bamba Dièye n’est pas à la tête d’un grand parti, n’a jamais réalisé un gros score à une élection nationale, mais il est celui que tout le monde veut avoir comme allié dans la perspective de la présidentielle de février 2012. Ce n’est pas nouveau. Du temps de sa splendeur, alors qu’il avait la haute main sur la communication du palais et était le maître es-stratégie de la Génération du concert à l’époque triomphante, Hassan Bâ, aujourd’hui éloigné à Genève, avait un moment pensé à phagocyter ce Saint-Louisien bon teint au français châtié et au wolof du patelin. Cheikh Bamba Dièye devait être, dans le schéma mort-né de Bâ, le pendant couleur locale du Sénégalais occidentalisé Karim Wade, une sorte de caution culturelle et religieuse du fils du président. Hassan Bâ lui a proposé, fin 2007, de faire partie d’un think-tank au service de Wade fils, compte tenu du fait qu’il le concevait comme un élément innovant du champ politique, porteur d’un discours moderne. Pour s’entendre répondre : « Je n’ai pas vocation, en tant que leader d’un parti, à faire partie d’un club qui pense pour Karim Wade. Si, par contre, vous m’invitez à une réflexion autour d’une question qui touche au développement du Sénégal, je répondrai présent. » Tous ceux qui connaissent Cheikh Bamba Dièye lui reconnaissent une capacité à raisonner juste et à développer une vision de la politique et du pays. Elevé sur la base des préceptes du Coran, auquel il a commencé à être initié dès l’âge de quatre ans, sous la férule d’un père que beaucoup prenaient pour un mystique, il a étoffé son horizon intellectuel à la faveur de sa formation à l’école française. Au bout du compte, il est muni d’un disque dur dense et structuré. Son logiciel mental fonctionne sur la base des principes de l’Islam et de certaines grandes valeurs universelles. Il est formaté de manière à refléter une certaine idée de la droiture et de la cohérence. Même si les Sénégalais ne votent pas encore pour Cheikh Bamba Dièye, ils se reconnaissent dans son discours et aiment l’écouter. Il a réussi un geste fort en symbole le 21 juin, quand il s’est enchaîné aux grilles de l’Assemblée nationale pour exprimer la servitude à laquelle on s’apprêtait à ravaler les Sénégalais avec le vote annoncé d’une loi constitutionnelle qui allait abolir la démocratie pour une autocratie dans laquelle le Souverain allait décider du choix de son successeur. Celui qui a remporté la mairie de Saint-Louis le 22 mars 2009, à la tête d’une large coalition de l’opposition, sait qu’il est de plus en plus populaire. Et n’entend pas vendanger son capital de sympathie sans une claire conscience de là où il pose les pieds et de là où il va. Beaucoup de leaders qui ont voulu le phagocyter l’ont appris à leurs dépens. S’il prend Moustapha Niasse pour « un père », il n’a pas hésité à lui dire, devant l’insistance de ce dernier pour obtenir son soutien dans la perspective de la future présidentielle : « Je ne peux vous soutenir intuiti personae. Si, par contre, vous êtes le candidat de Bennoo Siggil Senegaal, vous aurez mon appui total et entier. » Est-il pour autant prêt à s’investir pour n’importe quel candidat de Bennoo ? Dakaractu.com est en mesure d’affirmer qu’il se porterait candidat pour défendre ses propres couleurs si la coalition arrivait à investir Ousmane Tanor Dieng, le leader du Parti socialiste (PS). Cheikh Bamba Dièye est convaincu que le PS est du passé et qu’il ne peut rien apporter de constructif au Sénégal. Nourrit-il la même opinion vis-à-vis d’Ibrahima Fall, qui fut ministre de l’Enseignement supérieur puis ministre des Affaires étrangères d’Abdou Diouf, alors patron du PS ? Ibrahima Fall et Cheikh Bamba Dièye se fréquentent et discutent assidûment depuis un an. Le premier, qui se trouve beaucoup de ressemblances avec le second, n’arrête pas de lui proposer de trouver un moyen d’œuvrer ensemble à changer les choses dans le pays. Mais prudent, Fall, qui a eu une carrière de diplomate, y a toujours mis les formes pour aborder son cadet. Il lui explique qu’il a besoin de son soutien, tout en le rassurant qu’il va effectuer un seul mandat, avec une feuille de route claire : remise de l’Etat en marche, restauration de l’éthique républicaine, réforme des institutions, impulsion d’une éthique de gestion… Cheikh Bamba Dièye mène avec lui des discussions poussées sur le pays, ses problèmes et les pistes de solution, mais garde son agenda personnel. Macky Sall, ancien Premier reconverti en opposant à la tête de l’Alliance pour la République (APR), a lui aussi tenté de séduire l’édile de Saint-Louis pour le convertir à sa cause. Et lui a rendu visite à la mairie de Saint-Louis pour le convaincre de « collaborer » avec lui. S’il a été diplomate avec son hôte, Cheikh Bamba Dièye a attendu son départ pour confier à ses proches : « Quand un arbre qui s’appelle Abdoulaye donne un fruit, celui-ci aura nécessairement la saveur de Wade. » Réfléchi jusqu’à la caricature, l’ingénieur en travaux publics qui trône à la tête de l’ancienne capitale du pays se voit un jour aux commandes pour construire le Sénégal. S’il a eu 0,97% des suffrages à la présidentielle de 2007, malgré un discours qui a accroché, il croit mordicus que son heure va arriver. A 46 ans, un âge à peine décent pour être chef d’Etat, Cheikh Bamba Dièye apprend à gérer à la tête de Saint-Louis et se donne le temps. Il est candidat à la candidature au sein de Bennoo Siggil Senegaal, mais se prépare à porter les couleurs de son parti si le leader choisi ne lui semble pas remplir les critères requis. Autant dire dorénavant qu’il prendra date une nouvelle fois en février 2012. Cheikh Bamba Dièye est trop politique pour accepter d’être absent à un rendez-vous aussi fondateur que la future présidentielle.
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