Bienvenue sur la plate-forme Orange dédiée aux professionnels (ligne fixe et internet), installée rue Chappe à Béthune. Ici, une quarantaine de salariés travaillent en plateau. Ces fameux plateaux, sensés faciliter la communication et les échanges entre collègues. Oui mais quand on n’entend rien de ce qui se dit, de ce qui se passe... Quand on ne parle pas... « Je travaille pour France Télécom depuis 30 ans, raconte, par l’intermédiaire d’une interprète, Henri, un Béthunois de 57 ans, gestionnaire administratif, sourd et muet. Et pendant de longues années, je me suis senti bloqué. Les collègues discutaient entre eux, mais pour moi c’était difficile. On avait pris l’habitude de communiquer par écrit, mais ça n’était pas évident. Et puis, régulièrement, les collègues changeaient, étaient mutés, de nouveaux arrivaient, il fallait tout recommencer. Chaque fois, pour moi, c’était très angoissant... »
Des cours de langue des signes en salle de pause
Parce que même si certains collègues suivent des stages de langue des signes, même si Henri a installé un tableau blanc dans la salle de pause où il donne de petits cours express de langue des signes, même si sa supérieure apprend à signer pour pouvoir communiquer plus facilement avec lui, dès que l’on veut approfondir la discussion, ça n’est pas satisfaisant. Jean-François Kaczmarek, responsable accessibilité pour salariés sourds de France Télécom France, lui-même sourd et muet, raconte la sensation d’isolement : « C’est terrible ! Parce qu’à l’intérieur ça bout ! On voudrait exprimer des choses et on ne peut pas s’expliquer. Il n’y a pas de complicité avec les collègues, c’est source de malentendus. La communication est bloquée à tous les niveaux ! » Comment s’épanouir au boulot dans ces conditions ?
Alors, quand Henri entend parler de ce dispositif Élision (c’est son nom), il se lance. Trois ans de démarches, de discussions avec les supérieurs, pour enfin, il y a quelques mois, voir arriver l’outil sur son bureau. Concrètement ? Hérité de la technique du visiophone, Élision utilise une tablette numérique. Depuis son bureau, quand il veut communiquer avec un interlocuteur qui ne connaît pas la langue des signes (soit 99 % de ses contacts professionnels), Henri appelle une plate-forme d’interprétariat et est mis en relation en quelques minutes avec un traducteur. Il signe devant l’écran de sa tablette, le traducteur le voit et traduit à l’oral pour l’interlocuteur d’Henri, qui peut se trouver juste à côté de lui ou à l’autre bout de la France. « Je me suis rendu compte que je pouvais discuter avec les gens, de façon fluide. Je peux apprendre des tas de choses, prendre des décisions. Avant, beaucoup de choses restaient floues pour moi... »
Un logiciel qui gagne du terrain dans l’entreprise
Le concept existe depuis quelques années déjà pour les services publics (par ailleurs), il est en train de gagner du terrain dans le monde professionnel. Jean-François Kaczmarek : « L’arrivée du téléphone a été un gros frein pour les personnes sourdes et muettes qui sont restées bloquées, pendant un siècle. Et puis, avec l’arrivée d’Internet, le retard commence à être rattrapé. La visio-interprétation est en train de se développer. Ça n’est pas une solution miracle, évidemment, la solution idéale reste un interprète en chair et en os, mais c’est compliqué à organiser pour de petits entretiens, de quelques minutes seulement parfois, et c’est très cher (environ 70 euros/heure). Disons que c’est une solution complémentaire qui permet de rétablir un peu d’égalité entre les sourds et les autres. Autrefois on était vu comme sourds, point. Maintenant, les choses sont en train de changer, on reconnaît nos compétences en tant que professionnels avant de voir notre handicap. Le regard qu’on porte sur nous commence à être différent. »
Zoom sur le logiciel
J.-Fr. Kaczmarek : « Au départ, ce logiciel était utilisé pour les services publics. Imaginez, je suis sourd et muet et je dois contacter la CAF. Au guichet la communication est impossible. Il faut faire venir un interprète, mais avec les délais, le prix... Donc, on a mis en place un écran avec webcam. La personne au guichet était équipée d’un casque et d’un micro. Elle est mise en contact avec un interprète à distance. Moi je suis au guichet, j’utilise la langue des signes, l’interprète traduit et le guichetier entend... On a fait évoluer ça dans le monde du travail. » Un frein apparaît en même temps que la plateforme prend de l’ampleur. Orange compte 100 000 employés dans l’Hexagone. « Mais on n’avait pas de liste des gens sourds, la CNIL interdit les fichiers. » Pas informés de l’existence du dispositif, les salariés concernés ne le sollicitent pas. « Donc le groupe a créé des correspondants handicap, et des accords ont été signés avec les partenaires sociaux. »
http://www.lavoixdunord.fr/
Des cours de langue des signes en salle de pause
Parce que même si certains collègues suivent des stages de langue des signes, même si Henri a installé un tableau blanc dans la salle de pause où il donne de petits cours express de langue des signes, même si sa supérieure apprend à signer pour pouvoir communiquer plus facilement avec lui, dès que l’on veut approfondir la discussion, ça n’est pas satisfaisant. Jean-François Kaczmarek, responsable accessibilité pour salariés sourds de France Télécom France, lui-même sourd et muet, raconte la sensation d’isolement : « C’est terrible ! Parce qu’à l’intérieur ça bout ! On voudrait exprimer des choses et on ne peut pas s’expliquer. Il n’y a pas de complicité avec les collègues, c’est source de malentendus. La communication est bloquée à tous les niveaux ! » Comment s’épanouir au boulot dans ces conditions ?
Alors, quand Henri entend parler de ce dispositif Élision (c’est son nom), il se lance. Trois ans de démarches, de discussions avec les supérieurs, pour enfin, il y a quelques mois, voir arriver l’outil sur son bureau. Concrètement ? Hérité de la technique du visiophone, Élision utilise une tablette numérique. Depuis son bureau, quand il veut communiquer avec un interlocuteur qui ne connaît pas la langue des signes (soit 99 % de ses contacts professionnels), Henri appelle une plate-forme d’interprétariat et est mis en relation en quelques minutes avec un traducteur. Il signe devant l’écran de sa tablette, le traducteur le voit et traduit à l’oral pour l’interlocuteur d’Henri, qui peut se trouver juste à côté de lui ou à l’autre bout de la France. « Je me suis rendu compte que je pouvais discuter avec les gens, de façon fluide. Je peux apprendre des tas de choses, prendre des décisions. Avant, beaucoup de choses restaient floues pour moi... »
Un logiciel qui gagne du terrain dans l’entreprise
Le concept existe depuis quelques années déjà pour les services publics (par ailleurs), il est en train de gagner du terrain dans le monde professionnel. Jean-François Kaczmarek : « L’arrivée du téléphone a été un gros frein pour les personnes sourdes et muettes qui sont restées bloquées, pendant un siècle. Et puis, avec l’arrivée d’Internet, le retard commence à être rattrapé. La visio-interprétation est en train de se développer. Ça n’est pas une solution miracle, évidemment, la solution idéale reste un interprète en chair et en os, mais c’est compliqué à organiser pour de petits entretiens, de quelques minutes seulement parfois, et c’est très cher (environ 70 euros/heure). Disons que c’est une solution complémentaire qui permet de rétablir un peu d’égalité entre les sourds et les autres. Autrefois on était vu comme sourds, point. Maintenant, les choses sont en train de changer, on reconnaît nos compétences en tant que professionnels avant de voir notre handicap. Le regard qu’on porte sur nous commence à être différent. »
Zoom sur le logiciel
J.-Fr. Kaczmarek : « Au départ, ce logiciel était utilisé pour les services publics. Imaginez, je suis sourd et muet et je dois contacter la CAF. Au guichet la communication est impossible. Il faut faire venir un interprète, mais avec les délais, le prix... Donc, on a mis en place un écran avec webcam. La personne au guichet était équipée d’un casque et d’un micro. Elle est mise en contact avec un interprète à distance. Moi je suis au guichet, j’utilise la langue des signes, l’interprète traduit et le guichetier entend... On a fait évoluer ça dans le monde du travail. » Un frein apparaît en même temps que la plateforme prend de l’ampleur. Orange compte 100 000 employés dans l’Hexagone. « Mais on n’avait pas de liste des gens sourds, la CNIL interdit les fichiers. » Pas informés de l’existence du dispositif, les salariés concernés ne le sollicitent pas. « Donc le groupe a créé des correspondants handicap, et des accords ont été signés avec les partenaires sociaux. »
http://www.lavoixdunord.fr/