En 2010, le Sénégal célébrait ses 50 ans d’indépendance. Dans le cadre d’un projet de documentaire, nous avions décidé de filmer et interroger diverses personnalités témoins de l’époque coloniale. Parmi eux, Bara Diouf, ancien Directeur général du journal «Le Soleil», rencontré dans sa villa au centre-ville. Dans cet entretien qui n’a jamais été rendu public, il nous raconte, entre autres sujets, les premières années du premier quotidien national sénégalais et les péripéties de sa création par le président Léopold Sédar Senghor.
RETOUR AU SÉNÉGAL APRÈS UNE QUINZAINE D’ANNÉES D’ABSENCE
«En 1959, le Général Charles de Gaulle avait décidé d’organiser la 6ème session du Conseil exécutif de la Communauté à Saint-Louis du Sénégal qui était la capitale de l’Afrique occidentale française (Aof). Le quotidien français Le Monde devait ainsi y envoyer des journalistes de renom. À l’époque, j’étais reporter dans ce prestigieux journal et son directeur et fondateur, Hubert Beuve-Mery, décida de me mettre dans la délégation puisque l’événement se passait dans mon pays d’origine. Ainsi, après une quinzaine d’absence du Sénégal (mes parents résidaient en Côte d’Ivoire et j’avais passé mes études en France), je débarquais à Saint-Louis pour la couverture médiatique de ce Sommet de la Communauté. À l’époque, sous la Loi cadre et un peu avant l’indépendance, Obeye Diop était le ministre de l’Information du Sénégal et il fut surpris de voir sur la liste de la délégation française le nom, à consonance bien sénégalaise, d’un certain Bara Diouf. Et puisqu’il cherchait à recruter un coopérant pour encadrer la presse nationale naissante, les Français l’avaient orienté vers moi. C’est ainsi qu’il me proposa à Mamadou Dia, président du Conseil des ministres, qui accepta de me garder. À l’époque, il n’existait que quelques rares publications comme «Dakar Jeunes», «Condition humaine» (créé par Léopold Sédar Senghor et dirigé par Alioune Badara Mbengue), «Afrique nouvelle» ainsi que «Petit Jules», un hebdomadaire aux écrits d’une violence inouïe qui remettait en cause le pouvoir colonial. Il faut dire que Dakar avait une vie intellectuelle et journalistique très dense».
CRÉATION DU QUOTIDIEN LE SOLEIL
«Quand je suis revenu de France lors du fameux voyage du Général de Gaulle en 1959 à Saint-Louis, Houphouët Boigny, qui participait au Sommet, a tout fait pour me récupérer et m’emmener avec lui en Côte d’Ivoire, mais Obeye Diop avait proposé de me nommer comme directeur général de l’Agence de presse sénégalaise (Aps). Une agence que j’avais créée et fondée car seuls des journalistes français étaient là pour le compte de l’Agence France presse (Afp). Le directeur de l’antenne locale était d’ailleurs mon condisciple à l’Ecole de journalisme de la rue du Louvre à Paris. Et plus tard, après l’indépendance, les autorités décidèrent de mettre sur pied un journal sénégalais. Je me souviens que Michel de Breteuil, qui avait beaucoup d’estime pour moi, était le patron de «Paris Dakar» fondé durant la colonisation et qui s’appela ensuite «Dakar Matin» afin de coller à la nouvelle ambiance politique. Ce n’était plus, en effet, Paris-Dakar comme un axe, mais Dakar qui, chaque matin, donnait le ton et indiquait comment vivaient le Sénégal, l’Afrique et le monde. Après tant d’années, il avait envie de partir et de me laisser la publication puisque j’étais le premier Sénégalais diplômé en journalisme. Et je me souviens que Michel de Breteuil avait dit à Senghor: «Je m’en vais, je n’ai plus de place ici car le système colonial qui m’a vu naître et grandir est fini. J’ai fait mon travail, je suis en bonne amitié avec tout le monde, mais c’est bien le moment de partir en fermant mon journal. En attendant, je vous laisse le soin de former ceux qui vont diriger le vôtre». C’est ainsi que Senghor avait décidé de créer un quotidien qu’il avait lui-même appelé Le Soleil. Et comme j’étais le premier sénégalais ancien directeur d’une entreprise de presse, qui voulez-vous qu’il choisisse pour faire partie des premiers dirigeants de ce nouveau journal ? Ce n’est pas parce que j’étais le meilleur, mais comme le dit une formule, c’est le vide qui fait la valeur (rires). La valeur d’un individu n’a de sens que s’il y a un vide. Il faut dire que j’aimais ce métier, j’aimais également mon pays et j’avais un esprit d’équilibre et de raison. Je ne suis jamais tombé dans les excès politiques ou autres et suis toujours admiratif de l’éminente dignité de la personne humaine, quelle que soit son origine, son rang social ou son appartenance religieuse. J’en suis arrivé à un esprit de dépassement où personne n’est mauvais, l’essentiel est de tenir un langage de vérité».
LE CRÉDO DU SOLEIL DE L’ÉPOQUE
«Nos objectifs étaient de réveiller les consciences, construire une nation et informer sur la marche de l’Etat en misant sur des intellectuels. Mon option politique était axée sur l’Homme afin de forger sa dignité, sa valeur, de bâtir un citoyen laïc, ouvert à tout le monde, capable d’oublier sa race, sa religion, son ethnie, pour ne voir que sa grandeur et sa capacité de réaliser une belle et grande Afrique. À l’époque du « Soleil », le président Senghor et nous autres journalistes étions obsédés par l’idée de créer un homme de culture et de civilisation plutôt qu’un Sénégalais opposé aux autres nationalités africaines. Ce combat n’était vraiment pas le nôtre et je me souviens que lorsque j’avais eu des divergences avec Sékou Touré, le président de la Guinée, Senghor m’avait convoqué dans son bureau et m’avait dit ceci : « Bara, laisse tomber cette polémique, ça ne vaut pas la peine, surtout avec quelqu’un comme Sékou Touré et tout le combat qu’il a mené pour l’Afrique. Il ne faut pas perdre ton temps en le jugeant pour ce qu’il est en train de faire maintenant. Faisons notre Afrique, faisons le Sénégal et travaillons pour qu’il n’y ait plus de querelles ethniques entre Sérères, Wolofs, Toucouleurs, Diolas, etc., mais uniquement un grand peuple sénégalais».
Ce conseil de Senghor, je le réitère aux jeunes d’aujourd’hui : soyez de grands hommes de culture, ayez des diplômes, élaborez de grandes pensées politiques sur l’homme et son éternité! Voilà ce combat que nous menions à l’époque, ce qui expliquait pourquoi il m’était facile de faire des éditoriaux dans de telles conditions, dans un tel contexte. Je n’attaquais personne, je n’avais que de grands principes d’humanisme sur lesquels je m’appuyais. Souvent, je prenais les discours de Senghor et en discutais avec lui. Il me recevait dans son bureau et nous analysions ses discours pendant des heures. Et quand je sortais de ces échanges intellectuels, j’avais assez d’éléments et d’idées qui étaient ainsi la quintessence de mes éditoriaux. Ma chance était aussi que j’écrivais bien. Je n’étais pas un brillant intellectuel, mais je savais agencer un sujet, un verbe et un complément dans de très bonnes conditions».
NOSTALGIQUE DU SOLEIL DES ANNÉES 1970 – 1980 ?
«Je n’ai pas de nostalgie pour cette époque. Le président Senghor est parti et ne reviendra plus, la naissance du « Soleil » c’est derrière nous. Seulement, je suis fier de dire que la plupart des grands journalistes sénégalais et d’autres pays africains comme Babacar Touré, Gabriel Jacques Gomis, Aly Kheury Ndao, Hamadoun Touré et tant d’autres, sont passés entre mes mains et, parmi eux, personne ne m’en a voulu. Je répète qu’il n’y a pas un seul qui est parti en m’en voulant car j’ai eu cette chance, très tôt, d’accepter l’autre tel qu’il est. Ce qui m’intéressait chez les gens avec qui j’étais au «Soleil», c’est ce qu’ils avaient dans la tête et le fruit de leur travail. Je ne perdais jamais mon temps sur des considérations religieuses, politiques, ethniques ou autres. Ce qui m’intéressait, c’était l’homme, son intelligence, son éminente dignité, sa perception de la grandeur et du beau, son patriotisme et son combat. Dès que je voyais qu’une personne avait ces capacités, je le prenais et le protégeais.
Et que l’on me fasse la guerre ou non, pour moi c’étaient de faux problèmes. Le vrai problème est je puisse contribuer à l’épanouissement d’une presse de qualité et je pense qu’à travers «Le Soleil», non seulement j’ai atteint cet objectif, mais j’ai aidé à l’éclosion d’une classe journalistique sénégalaise qui a fait ses preuves un peu partout à travers le monde. D’ailleurs, la plupart de ceux qui ont créé ou animé les premiers journaux privés au Sénégal ont fait leurs premières armes au «Soleil». Cette presse privée va bien sûr jouer un très grand rôle dans dix ou quinze ans. Peut-être que je ne serais plus là pour voir ça car je suis relativement vieux maintenant (rires)».
REGARD SUR LA PRESSE ACTUELLE
«Cela me fait très mal de voir l’état de la presse actuelle car je suis un idéaliste toujours à la recherche du beau et du parfait, pour ne pas dire un perfectionniste. Cependant, il faut que j’accepte que la plupart de ces jeunes journalistes viennent à peine d’atterrir dans un domaine qui était jusqu’ici très éloigné pour eux, intellectuellement. Certains ne sont pas bien formés et ils arrivent tous en masse dans la profession. Malheureusement, il faut l’avouer, au début, ce ne sont pas les meilleurs qui se sont saisis de la presse car la plupart des diplômés de l’époque voulaient devenir avocats ou fonctionnaires dans l’administration générale. Et il a fallu d’autres générations, avec la création du Cesti (Centre d’études des sciences et techniques de l’information de l’Université de Dakar), pour que de jeunes diplômés s’intéressent à la presse, mais les places étaient déjà prises.
Aujourd’hui, de nombreux jeunes ont émergé avec de nouvelles idées, mais n’ont pas toujours un grand niveau, ce qui explique cette sorte de médiocrité que nous sentons. Mais, cela va passer dans cinq ou dix ans car l’Afrique bouge et les générations avancent. Soyons patients, tolérants et acceptons cette petite médiocrité, ou plutôt ce manque de métier que nous allons bientôt dépasser».
CONSEIL AUX JEUNES JOURNALISTES
«Le seul conseil que je donne aux jeunes journalistes est celui-ci: lisez car votre drame est que vous ne lisez pas beaucoup. Lisez tout ! Vous avez ce devoir d’être l’écho de la Nation et, pour bien transmettre cet écho, vous devez en percevoir le bruit».
RETOUR AU SÉNÉGAL APRÈS UNE QUINZAINE D’ANNÉES D’ABSENCE
«En 1959, le Général Charles de Gaulle avait décidé d’organiser la 6ème session du Conseil exécutif de la Communauté à Saint-Louis du Sénégal qui était la capitale de l’Afrique occidentale française (Aof). Le quotidien français Le Monde devait ainsi y envoyer des journalistes de renom. À l’époque, j’étais reporter dans ce prestigieux journal et son directeur et fondateur, Hubert Beuve-Mery, décida de me mettre dans la délégation puisque l’événement se passait dans mon pays d’origine. Ainsi, après une quinzaine d’absence du Sénégal (mes parents résidaient en Côte d’Ivoire et j’avais passé mes études en France), je débarquais à Saint-Louis pour la couverture médiatique de ce Sommet de la Communauté. À l’époque, sous la Loi cadre et un peu avant l’indépendance, Obeye Diop était le ministre de l’Information du Sénégal et il fut surpris de voir sur la liste de la délégation française le nom, à consonance bien sénégalaise, d’un certain Bara Diouf. Et puisqu’il cherchait à recruter un coopérant pour encadrer la presse nationale naissante, les Français l’avaient orienté vers moi. C’est ainsi qu’il me proposa à Mamadou Dia, président du Conseil des ministres, qui accepta de me garder. À l’époque, il n’existait que quelques rares publications comme «Dakar Jeunes», «Condition humaine» (créé par Léopold Sédar Senghor et dirigé par Alioune Badara Mbengue), «Afrique nouvelle» ainsi que «Petit Jules», un hebdomadaire aux écrits d’une violence inouïe qui remettait en cause le pouvoir colonial. Il faut dire que Dakar avait une vie intellectuelle et journalistique très dense».
CRÉATION DU QUOTIDIEN LE SOLEIL
«Quand je suis revenu de France lors du fameux voyage du Général de Gaulle en 1959 à Saint-Louis, Houphouët Boigny, qui participait au Sommet, a tout fait pour me récupérer et m’emmener avec lui en Côte d’Ivoire, mais Obeye Diop avait proposé de me nommer comme directeur général de l’Agence de presse sénégalaise (Aps). Une agence que j’avais créée et fondée car seuls des journalistes français étaient là pour le compte de l’Agence France presse (Afp). Le directeur de l’antenne locale était d’ailleurs mon condisciple à l’Ecole de journalisme de la rue du Louvre à Paris. Et plus tard, après l’indépendance, les autorités décidèrent de mettre sur pied un journal sénégalais. Je me souviens que Michel de Breteuil, qui avait beaucoup d’estime pour moi, était le patron de «Paris Dakar» fondé durant la colonisation et qui s’appela ensuite «Dakar Matin» afin de coller à la nouvelle ambiance politique. Ce n’était plus, en effet, Paris-Dakar comme un axe, mais Dakar qui, chaque matin, donnait le ton et indiquait comment vivaient le Sénégal, l’Afrique et le monde. Après tant d’années, il avait envie de partir et de me laisser la publication puisque j’étais le premier Sénégalais diplômé en journalisme. Et je me souviens que Michel de Breteuil avait dit à Senghor: «Je m’en vais, je n’ai plus de place ici car le système colonial qui m’a vu naître et grandir est fini. J’ai fait mon travail, je suis en bonne amitié avec tout le monde, mais c’est bien le moment de partir en fermant mon journal. En attendant, je vous laisse le soin de former ceux qui vont diriger le vôtre». C’est ainsi que Senghor avait décidé de créer un quotidien qu’il avait lui-même appelé Le Soleil. Et comme j’étais le premier sénégalais ancien directeur d’une entreprise de presse, qui voulez-vous qu’il choisisse pour faire partie des premiers dirigeants de ce nouveau journal ? Ce n’est pas parce que j’étais le meilleur, mais comme le dit une formule, c’est le vide qui fait la valeur (rires). La valeur d’un individu n’a de sens que s’il y a un vide. Il faut dire que j’aimais ce métier, j’aimais également mon pays et j’avais un esprit d’équilibre et de raison. Je ne suis jamais tombé dans les excès politiques ou autres et suis toujours admiratif de l’éminente dignité de la personne humaine, quelle que soit son origine, son rang social ou son appartenance religieuse. J’en suis arrivé à un esprit de dépassement où personne n’est mauvais, l’essentiel est de tenir un langage de vérité».
LE CRÉDO DU SOLEIL DE L’ÉPOQUE
«Nos objectifs étaient de réveiller les consciences, construire une nation et informer sur la marche de l’Etat en misant sur des intellectuels. Mon option politique était axée sur l’Homme afin de forger sa dignité, sa valeur, de bâtir un citoyen laïc, ouvert à tout le monde, capable d’oublier sa race, sa religion, son ethnie, pour ne voir que sa grandeur et sa capacité de réaliser une belle et grande Afrique. À l’époque du « Soleil », le président Senghor et nous autres journalistes étions obsédés par l’idée de créer un homme de culture et de civilisation plutôt qu’un Sénégalais opposé aux autres nationalités africaines. Ce combat n’était vraiment pas le nôtre et je me souviens que lorsque j’avais eu des divergences avec Sékou Touré, le président de la Guinée, Senghor m’avait convoqué dans son bureau et m’avait dit ceci : « Bara, laisse tomber cette polémique, ça ne vaut pas la peine, surtout avec quelqu’un comme Sékou Touré et tout le combat qu’il a mené pour l’Afrique. Il ne faut pas perdre ton temps en le jugeant pour ce qu’il est en train de faire maintenant. Faisons notre Afrique, faisons le Sénégal et travaillons pour qu’il n’y ait plus de querelles ethniques entre Sérères, Wolofs, Toucouleurs, Diolas, etc., mais uniquement un grand peuple sénégalais».
Ce conseil de Senghor, je le réitère aux jeunes d’aujourd’hui : soyez de grands hommes de culture, ayez des diplômes, élaborez de grandes pensées politiques sur l’homme et son éternité! Voilà ce combat que nous menions à l’époque, ce qui expliquait pourquoi il m’était facile de faire des éditoriaux dans de telles conditions, dans un tel contexte. Je n’attaquais personne, je n’avais que de grands principes d’humanisme sur lesquels je m’appuyais. Souvent, je prenais les discours de Senghor et en discutais avec lui. Il me recevait dans son bureau et nous analysions ses discours pendant des heures. Et quand je sortais de ces échanges intellectuels, j’avais assez d’éléments et d’idées qui étaient ainsi la quintessence de mes éditoriaux. Ma chance était aussi que j’écrivais bien. Je n’étais pas un brillant intellectuel, mais je savais agencer un sujet, un verbe et un complément dans de très bonnes conditions».
NOSTALGIQUE DU SOLEIL DES ANNÉES 1970 – 1980 ?
«Je n’ai pas de nostalgie pour cette époque. Le président Senghor est parti et ne reviendra plus, la naissance du « Soleil » c’est derrière nous. Seulement, je suis fier de dire que la plupart des grands journalistes sénégalais et d’autres pays africains comme Babacar Touré, Gabriel Jacques Gomis, Aly Kheury Ndao, Hamadoun Touré et tant d’autres, sont passés entre mes mains et, parmi eux, personne ne m’en a voulu. Je répète qu’il n’y a pas un seul qui est parti en m’en voulant car j’ai eu cette chance, très tôt, d’accepter l’autre tel qu’il est. Ce qui m’intéressait chez les gens avec qui j’étais au «Soleil», c’est ce qu’ils avaient dans la tête et le fruit de leur travail. Je ne perdais jamais mon temps sur des considérations religieuses, politiques, ethniques ou autres. Ce qui m’intéressait, c’était l’homme, son intelligence, son éminente dignité, sa perception de la grandeur et du beau, son patriotisme et son combat. Dès que je voyais qu’une personne avait ces capacités, je le prenais et le protégeais.
Et que l’on me fasse la guerre ou non, pour moi c’étaient de faux problèmes. Le vrai problème est je puisse contribuer à l’épanouissement d’une presse de qualité et je pense qu’à travers «Le Soleil», non seulement j’ai atteint cet objectif, mais j’ai aidé à l’éclosion d’une classe journalistique sénégalaise qui a fait ses preuves un peu partout à travers le monde. D’ailleurs, la plupart de ceux qui ont créé ou animé les premiers journaux privés au Sénégal ont fait leurs premières armes au «Soleil». Cette presse privée va bien sûr jouer un très grand rôle dans dix ou quinze ans. Peut-être que je ne serais plus là pour voir ça car je suis relativement vieux maintenant (rires)».
REGARD SUR LA PRESSE ACTUELLE
«Cela me fait très mal de voir l’état de la presse actuelle car je suis un idéaliste toujours à la recherche du beau et du parfait, pour ne pas dire un perfectionniste. Cependant, il faut que j’accepte que la plupart de ces jeunes journalistes viennent à peine d’atterrir dans un domaine qui était jusqu’ici très éloigné pour eux, intellectuellement. Certains ne sont pas bien formés et ils arrivent tous en masse dans la profession. Malheureusement, il faut l’avouer, au début, ce ne sont pas les meilleurs qui se sont saisis de la presse car la plupart des diplômés de l’époque voulaient devenir avocats ou fonctionnaires dans l’administration générale. Et il a fallu d’autres générations, avec la création du Cesti (Centre d’études des sciences et techniques de l’information de l’Université de Dakar), pour que de jeunes diplômés s’intéressent à la presse, mais les places étaient déjà prises.
Aujourd’hui, de nombreux jeunes ont émergé avec de nouvelles idées, mais n’ont pas toujours un grand niveau, ce qui explique cette sorte de médiocrité que nous sentons. Mais, cela va passer dans cinq ou dix ans car l’Afrique bouge et les générations avancent. Soyons patients, tolérants et acceptons cette petite médiocrité, ou plutôt ce manque de métier que nous allons bientôt dépasser».
CONSEIL AUX JEUNES JOURNALISTES
«Le seul conseil que je donne aux jeunes journalistes est celui-ci: lisez car votre drame est que vous ne lisez pas beaucoup. Lisez tout ! Vous avez ce devoir d’être l’écho de la Nation et, pour bien transmettre cet écho, vous devez en percevoir le bruit».