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«BEAUCOUP DE MALADES SONT EN ETAT DE DETRESSE SOCIALE PARCE QUE LES FAMILLES ONT BAISSE LES BRAS»

Vendredi 13 Mai 2016

Le psychiatre aux services externes de l’hôpital Fann, Aïda Sylla trouve que la prise en charge des malades mentaux est rendue difficile par le désengagement des familles. Les politiques mises en place par le gouvernement ne peuvent pas être efficaces sans la réinsertion des malades mentaux dans leurs familles respectives. Cependant, précise-t-elle, aucune infraction reprochée à une personne ayant des troubles psychiques ne peut être liée à sa maladie sans au préalable un examen médical. Et c’est également cet avis médical qui déterminera la conduite a adopté si les infractions commises sont en rapport avec la maladie de son auteur.

Peut-on lier les infractions commises par des personnes supposées malades à leurs troubles psychiques ?

C’est au terme d’un examen, de plusieurs examens, qu’on peut déterminer si la personne est malade, si l’acte qu’il a commis est en rapport avec sa maladie et s’il est accessible à une sanction pénale. L’accessibilité à la sanction pénale, c’est le fait que la personne réalise qu’on est en train de la mettre en prison pour la corriger à cause de l’acte qu’elle a commis. Il y a des gens qui sont tellement malades que, lorsqu’on les met en prison, ils ne comprennent pas que c’est pour les corriger. Je reçois des malades en expertise qui viennent de la prison, mais ils ne savent même pas qu’ils sont emprisonnés. Il y a certains qui me disent : «depuis qu’on m’a mis dans un hôtel, je suis bien. J’ai beaucoup d’amis. On discute, on nous amène à manger. On ne nous fatigue pas». Celui là, il ne sert à rien de l’emprisonner. Il mérite plus un traitement que d’aller en prison. Lorsque nous expliquons aux juges qu’il n’est pas accessible à la sanction pénale, il y a une autre décision qui est prise. Au lieu de le garder en prison, on l’interne dans une structure pour le soigner. Si on ne le soigne pas et le maintient en prison pendant plusieurs années, si on le libère, il reste toujours dangereux et toujours malade. Il y a la responsabilité, la dangerosité et l’accessibilité à la sanction pénale qui sont évaluées par le spécialiste pendant l’expertise lorsqu’un malade mentale ou une personne supposée l’être commet une infraction.

Comment reconnaitre un malade mental ?

Il y a une panoplie de maladies mentales. La maladie mentale, c’est toute une discipline. On ne peut pas comme ça, de vu, préjuger que quelqu’un est malade. Il faut qu’un spécialiste l’examine et qu’il parvienne à l’étayer. Lorsque nous l’examinons, nous disons qu’il est atteint d’une maladie ou une autre. Et par fois, nous donnons quelques explications au juge pour dire cette maladie se manifeste par de telles et de telles manières. Et c’est pour ça que nous pensons que cet acte est lié à cela. Je ne peux pas, en deux cinq lignes, dire voilà, si telle personne fait ça, elle est malade mentalement.

Qu’est qui explique qu’une personne malade soit agressive ?

L’agressivité est liée à la maladie. C’est la maladie qui perturbe soit les émotions soit le comportement, soit la pensée. Parfois, la personne peut être agressive parce qu’elle a des hallucinations. Elle voit une personne mais à la place d’un humain, elle voit autre chose. Souvent, le malade mental entend des voix qu’il est seul à entendre. Parfois, ce sont des insultes. Et s’il y a une personne à côte, il pense que c’est cette personne et il l’attaque. Ce qui caractérise un peu les actes posés par les malades mentaux, c’est que souvent, ils sont des actes sans raison. Par exemple : un délinquant quand il vole peut tuer la personne qui garde, ou bien une personne est en légitime défense, il se défend, et il le tue. Le malade mental quant à lui, parfois, il tue quelqu’un et sans raison aucune. Très souvent même, ils s’en prennent aux proches.

A qui incombe la responsabilité de l’acte posé par un malade mental ?

C’est la personne qui a commis l’acte qui en est responsable. Mais cette responsabilité est atténuée par des articles de la loi. Au Sénégal, l’article 50 du code pénal dispose «qu’il n’y a ni crime ni délit si l’individu est en état de démence au moment des faits ou qu’il a été sous l’emprise d’une force à laquelle, il n’a pas pu se soustraire». C’est cet article qui fait qu’on procède à l’expertise pour impliquer ou non la responsabilité du sujet à l’infraction qu’il a commis. L’acte ne peut nullement être reproché à la famille du malade.

Est-ce que la société sénégalaise permet une bonne prise en charge du malade mental ?

Jusqu’à date, c’est une société qui parvenait à contenir la maladie, à donner une place aux malades mentaux pour les accompagner. Mais, c’est une société qui subit beaucoup de mutations. Elle se modernise. Le type d’habitat change. Le mode de vie devient de plus en plus individuel ce qui fait que lorsque des personnes ont certaines troubles, il leur est difficile de trouver une place et d’être entourées. Le résultat : beaucoup de malades sont en état de détresse sociale parce que souvent, les familles ont baissé les bras alors il y a de cela des années, la situation n’était pas comme cela. Le malade avait toujours des gens autour de lui et qui l’accompagnait dans les soins. Socialement aussi, les gens parvenaient à le garder quoi qu’il puisse se passer. Malheureusement, maintenant, tout est demandé à l’Etat qui, même s’il peut assurer les soins, peut difficilement se substituer aux familles.

Quelles sont les politiques mises en place par les autorités étatiques pour la prise en charge des malades mentaux ?

Jusque là, L’Etat assure la gestion des structures de soin. Comme toutes les autres maladies, la maladie mentale est prise en charge. Il y a des structures de psychiatries un peu partout au Sénégal pour recevoir les malades, les traiter et aider à la réinsertion. Le plus difficile, c’est ce côté de la réinsertion qui se faisait dans les foyers, beaucoup de familles maintenant rechignent à faire. La demande est maintenant à ce que l’Etat trouve des structures sanitaires en lieu et place des familles. Personnellement, c’est une politique que je n’approuve pas. Même dans les pays développés où cela se fait, elle a montré ses limites. Aujourd’hui au Sénégal, c’est ce qui est demandé et revendiqué par certaines familles et certaines associations. Et l’Etat est en train de vouloir mettre des structures d’accompagnement à la réinsertion. Même si cela se passait, cela devrait être temporaire. Le temps d’autonomiser les malades mentaux. Mais de toute façon, il faut que les malades mentaux retournent dans une famille. Une personne ne doit pas être condamnée à vivre toute sa vie dans un asile.

Que doivent donc faire les familles ?

Les familles doivent être ouvertes à l’aide qui leur est offerte par les autorités. Elles doivent comprendre les malades, les contenir et les accompagner. Ce n’est pas facile mais les soins y aident beaucoup. Lorsque le malade est soigné, lorsqu’on est en contact avec les soignants qui donnent des conseils aux familles, cela peut-être bénéfique. Cependant, Il y a même des personnes qui ont honte de dire qu’un de leurs proches est malade. Les malades mentaux sont exclus ou cachés.

PRISE EN CHARGE DES MALADES MENTAUX : Un traitement jugé exorbitant

Le coût du traitement fait partie des raisons qui poussent les familles à abandonner leurs malades. Selon un proche d’un malade qui a retrouvé la santé après avoir passé quelques semaines dans un centre psychiatrique, «l’accès aux soins n’est pas donné à toutes les personnes ayant des troubles psychiques. Le coût quotidien du traitement est à 5000 F Cfa. Et, la personne malade est obligée de passer quatre ou cinq mois dans un centre psychiatrique pour retrouver sa santé». Notre source qui a préféré garder l’anonymat, nous informe «qu’en cas de non payement de la somme due, le traitement du malade est souvent bloqué. C’est pourquoi, il faut maintenant une garantie financière avant que le personnel soignant prenne en charge convenablement le malade». Pis, «ce payement journalier de la prise en charge quotidienne vient s’ajouter aux ordonnances qui coûtent chers», soutient-il.

Ainsi donc, pour une meilleure prise en charge de cette couche vulnérable, il est souhaité l’intégration du traitement de la maladie mentale dans le programme de la couverture maladie universelle. A signaler qu’il existe quatre centres psychiatriques à Dakar, (Centre hospitalier de Fann, hôpital Principal, hôpital miliaire de Ouakam et l’hôpital de Thiaroye). Les centres de prise en charge des malades mentaux existent aussi à Thiès, Fatick, Tambacounda et Ziguinchor. Les malades sont aussi reçus à Louga et St-Louis.


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