► Ecouter, laisser la musique parler et se taire. Peut-être est-ce le meilleur conseil à donner à qui voudrait se laisser gagner par la puissante vibration de ce disque d’une stupéfiante beauté. Car en unissant ses forces à celles d’Ablaye Cissoko et son groupe, Simon Goubert réussit un véritable tour de force avec African Jazz Roots, lumineux hommage au brassage des musiques et, ce faisant, à John Coltrane - lui qui fut, jusqu’à son dernier souffle, en quête d’absolu et du métissage de toutes les cultures, d’un cri universel. Or, on connaît la passion que le batteur voue au saxophoniste, son parcours en est le vibrant témoignage. Mais l’histoire de cette rencontre est si belle qu’il faut prendre le temps de la raconter, d’autant qu’une telle fusion entre jazzmen occidentaux et musiciens traditionnels africains est extrêmement rare, malgré les liens historiques bien connus qui unissent jazz et Afrique.
Simon Goubert a rencontré Ablaye Cissoko, griot et maître de la kora, en 2009 au festival de jazz de Saint-Louis du Sénégal, en même temps que l’orchestre de tambours de Babou Ngom, percussionniste très prisé et fils d’un tambour-major qui souhaita, à sa mort, qu’il transmette son héritage. Un déclic pour Goubert et, très vite, l’idée d’un répertoire qui pourrait rassembler des musiciens d’origines différentes. Dès l’année suivante, Goubert et Cissoko mettent au point leur projet, constituent une formation (le fidèle Jean-Jacques Avenel à la contrebasse, Ousmane Bâ à la flûte peule et Babou Ngom, lui-même accompagné de deux jeunes percussionnistes aux sabars). Il s’agissait de se comprendre, de s’imprégner des approches musicales des uns et des autres et – grande ambition qui fonde la réussite de cet album – d’en extraire ce qu’on pourrait appeler le noyau dur, la respiration commune, comme un seul cœur battant au service d’une communion vitale. Un premier concert a lieu à Saint-Louis en mai 2010 et, quelques mois plus tard, la décision est prise de graver ce répertoire. Ces belles African Jazz Roots ont donc été enregistrées en avril 2011 à Dakar, et aussitôt suivies d’un concert, lui-même capté. Le résultat est magnifique, intemporel ; on sait dès la première écoute que les richesses en seront inépuisables.
Simon Goubert est venu les bras chargés de cadeaux : de superbes compositions sur lesquelles ses comparses semblent s’être jetés avec le plus grand bonheur. Ainsi « Spirit Wall », majestueuse évocation du « Spiritual » de Coltrane. Un peu plus tard, dans un esprit que n’aurait pas renié ce dernier, son « Marché Tilène » propulsé par une contrebasse gourmande, se pare d’une puissante et alerte mélodie dont la joie est celle de la vie elle-même. Une respiration à pleins poumons, une entente parfaite. Sur « Waxtan » il se fait pianiste, et Jean-Jacques Avenel empoigne son archet, comme si tous les deux voulaient laisser plus d’espace au dialogue entre par Cissoko et Bâ et magnifier leur propos. Et de « Drôles d’oiseaux » viennent apporter une touche finale joyeuse et festive, sur une introduction de Babou Ngom.
Mais African Jazz Roots, on s’en doute, fait aussi une large place aux inspirations des complices sénégalais : tantôt un dialogue entre percussionnistes (le bien nommé « From Heart To Heart »), tantôt une improvisation recueillie d’Ablaye Cissoko (« Cameleon ») ou une histoire contée par la flûte d’Ousmane Bâ (« Kaw ») entre souffle et cri ; là encore un dialogue inspiré entre la kora de Cissoko et la contrebasse d’Avenel, dont on ne dira jamais assez l’immense talent (« Lio » d’abord, où le duo est rejoint par la flûte et les cymbales, puis « Djarabi » et enfin « Balacos »). Âmes sensibles, sachez que 55 minutes de musique chair de poule vous guettent et qu’un envoûtement n’est pas à exclure !
African Jazz Roots déborde de générosité ; c’est la traduction de la recherche aboutie de l’élévation spirituelle où chaque intervenant est littéralement habité par une musique qui dit la vie dans ce qu’elle a d’essentiel et de plus précieux. Ablaye Cissoko et Simon Goubert ont eu raison de se laisser emporter par la nécessité vécue de jeter des ponts entre leurs continents et de sublimer des talents qui éclatent plus que jamais. Le bonheur est là : ouvrez-lui la porte et laissez vous toucher en plein cœur.
(citizenjazz.com - Février 2013)
Spirit Wall - Ablaye Cissoko & Simon Goubert
Album : African Jazz Roots
Simon Goubert a rencontré Ablaye Cissoko, griot et maître de la kora, en 2009 au festival de jazz de Saint-Louis du Sénégal, en même temps que l’orchestre de tambours de Babou Ngom, percussionniste très prisé et fils d’un tambour-major qui souhaita, à sa mort, qu’il transmette son héritage. Un déclic pour Goubert et, très vite, l’idée d’un répertoire qui pourrait rassembler des musiciens d’origines différentes. Dès l’année suivante, Goubert et Cissoko mettent au point leur projet, constituent une formation (le fidèle Jean-Jacques Avenel à la contrebasse, Ousmane Bâ à la flûte peule et Babou Ngom, lui-même accompagné de deux jeunes percussionnistes aux sabars). Il s’agissait de se comprendre, de s’imprégner des approches musicales des uns et des autres et – grande ambition qui fonde la réussite de cet album – d’en extraire ce qu’on pourrait appeler le noyau dur, la respiration commune, comme un seul cœur battant au service d’une communion vitale. Un premier concert a lieu à Saint-Louis en mai 2010 et, quelques mois plus tard, la décision est prise de graver ce répertoire. Ces belles African Jazz Roots ont donc été enregistrées en avril 2011 à Dakar, et aussitôt suivies d’un concert, lui-même capté. Le résultat est magnifique, intemporel ; on sait dès la première écoute que les richesses en seront inépuisables.
Simon Goubert est venu les bras chargés de cadeaux : de superbes compositions sur lesquelles ses comparses semblent s’être jetés avec le plus grand bonheur. Ainsi « Spirit Wall », majestueuse évocation du « Spiritual » de Coltrane. Un peu plus tard, dans un esprit que n’aurait pas renié ce dernier, son « Marché Tilène » propulsé par une contrebasse gourmande, se pare d’une puissante et alerte mélodie dont la joie est celle de la vie elle-même. Une respiration à pleins poumons, une entente parfaite. Sur « Waxtan » il se fait pianiste, et Jean-Jacques Avenel empoigne son archet, comme si tous les deux voulaient laisser plus d’espace au dialogue entre par Cissoko et Bâ et magnifier leur propos. Et de « Drôles d’oiseaux » viennent apporter une touche finale joyeuse et festive, sur une introduction de Babou Ngom.
Mais African Jazz Roots, on s’en doute, fait aussi une large place aux inspirations des complices sénégalais : tantôt un dialogue entre percussionnistes (le bien nommé « From Heart To Heart »), tantôt une improvisation recueillie d’Ablaye Cissoko (« Cameleon ») ou une histoire contée par la flûte d’Ousmane Bâ (« Kaw ») entre souffle et cri ; là encore un dialogue inspiré entre la kora de Cissoko et la contrebasse d’Avenel, dont on ne dira jamais assez l’immense talent (« Lio » d’abord, où le duo est rejoint par la flûte et les cymbales, puis « Djarabi » et enfin « Balacos »). Âmes sensibles, sachez que 55 minutes de musique chair de poule vous guettent et qu’un envoûtement n’est pas à exclure !
African Jazz Roots déborde de générosité ; c’est la traduction de la recherche aboutie de l’élévation spirituelle où chaque intervenant est littéralement habité par une musique qui dit la vie dans ce qu’elle a d’essentiel et de plus précieux. Ablaye Cissoko et Simon Goubert ont eu raison de se laisser emporter par la nécessité vécue de jeter des ponts entre leurs continents et de sublimer des talents qui éclatent plus que jamais. Le bonheur est là : ouvrez-lui la porte et laissez vous toucher en plein cœur.
(citizenjazz.com - Février 2013)
Spirit Wall - Ablaye Cissoko & Simon Goubert
Album : African Jazz Roots