Trois ans jour pour jour après notre première notule qui nous avait valu quelques sarcasmes courageusement anonymes, imbéciles et ignorants, rien n'a changé à Goxuumbacc, sur les séchoirs de Sal-Sal longtemps célèbre pour ses coquillages yèt, pratiquement éradiqués depuis le début de ce siècle... Les femmes du quartier de Goxuumbacc tout proche ont déserté les lieux, vite devenus un énième dépotoir ndar ndar, directement en bordure du lagon: la nature humaine a horreur du vide. Avant qu'une "famille" de Ghanéens ne récupère le site pour en faire l'un des innombrables séchoirs à élasmobranches côtiers (elasmobranchii, ex sélaciens auxquels appartiennent les fameux chondrychtiens que sont les requins, raies, roussettes et autres chimères) que la communauté du pays de Kwamé N'Krumah gère sur l'ensemble du littoral ouest-africain, des confins camerounais (au sud) à la frontière marocaine (au nord). Ici ce sont les requins-marteaux (sphyrna sp.) qui embaument l'air, en vrac exposés aux vents, aux sables et au soleil (cf. photo en haut de notule). Décapités, tronçonnés, lacérés, ils sont au séchage et à la salaison sur des étals de fortune; des monceaux de chairs sont sous les bâches, à l'abri des mouches et des regards indiscrets. Après la saumure, d'autres attendent déjà dans les sacs de riz (cf. photos ci-après). Fins prêts pour leur exportation et/ou leur transformation - rien ne se perd. La plupart des ailerons si prisés du gourmet asiatique semblent déjà en route. Par camions vers des destinations bien connues, par des cheminements parfaitement identifiés - Gambie et Guinée-Bissau à partir desquels les cargaisons poursuivent vers le Ghana puis l'Empire du Milieu. Ceci n'est pas un scoop.
Trois espèces de requins-marteaux peuvent fréquenter les eaux sénégalaises et mauritaniennes:
Requin-marteau commun (requin-marteau lisse, sphyrna zygaena, smooth hammerhead), inscrit à la Liste rouge UICN des espèces menacées de disparition, dans la catégorie 'Vulnerable/Vulnérable' (VU)
Requin-marteau halicorne (sphyrna lewini, scalloped hammerhead), globalement inscrit à la Liste rouge UICN des espèces menacées de disparition, dans la catégorie 'Endangered/En danger (EN) mais encore dans la catégorie 'Vulnerable/Vulnérable' (VU) en ce qui concerne les sous-populations de l'Atlantique centre et est
Grand requin-marteau (sphyrna mokarran, squat-headed hammerhead shark), globalement inscrit à la Liste rouge UICN des espèces menacées de disparition, dans la catégorie 'Endangered/En danger' (EN) mais désormais dans la catégorie 'Critically endangered / En danger critique d'extinction' (CR) pour l'Atlantique centre et est, donc y compris dans les eaux d'Afrique occidentale
Trois espèces de requins-marteaux peuvent fréquenter les eaux sénégalaises et mauritaniennes:
Requin-marteau commun (requin-marteau lisse, sphyrna zygaena, smooth hammerhead), inscrit à la Liste rouge UICN des espèces menacées de disparition, dans la catégorie 'Vulnerable/Vulnérable' (VU)
Requin-marteau halicorne (sphyrna lewini, scalloped hammerhead), globalement inscrit à la Liste rouge UICN des espèces menacées de disparition, dans la catégorie 'Endangered/En danger (EN) mais encore dans la catégorie 'Vulnerable/Vulnérable' (VU) en ce qui concerne les sous-populations de l'Atlantique centre et est
Grand requin-marteau (sphyrna mokarran, squat-headed hammerhead shark), globalement inscrit à la Liste rouge UICN des espèces menacées de disparition, dans la catégorie 'Endangered/En danger' (EN) mais désormais dans la catégorie 'Critically endangered / En danger critique d'extinction' (CR) pour l'Atlantique centre et est, donc y compris dans les eaux d'Afrique occidentale
De l'aveu des scientifiques et des organisateurs de colloques sur la question, et selon les pêcheurs eux-mêmes (quand ils font la différence entre les espèces !), le grand requin-marteau (sphyrna mokarran) a quasiment déserté les eaux ouest-africaines - comme les poissons-scies (pristis sp.), disparus du littoral saint-louisien dans le courant des années 70', de Mauritanie au début des années 90', de la Petite Côte au milieu de la même décennie; ou des raies-guitares (rhinobatos sp.), qui ne survivent qu'au Banc d'Arguin, en Mauritanie. Le requin-marteau commun (sphyrna zygaena) est lui aussi réduit à la portion congrue. Ce sont les armadas de palangriers et de chalutiers hauturiers, et pas qu'asiatiques, qui ont largement réduit les "stocks" de ces deux espèces. Il restait le requin-marteau halicorne (sphyrna lewini), le plus côtier - le plus sénégalais, en somme !-, traditionnellement pêché avec les autres petits carcharhinidés du plateau continental par 'nos' piroguiers, sans que cela n'ait jamais été une industrie extractive. Jusqu'à ce que les affairistes sous-régionaux à la solde de la demande asiatique approchent les 'artisans' en mal de poissons et d'argent pour nourrir leurs familles pléthoriques, et les incitent à taper plus vigoureusement dans le stock du requin-marteau halicorne... Depuis une vingtaine d'années c'est donc le sphyrna le plus rencontré... sur les séchoirs du littoral, de Nouadhibou à Conakry. Car ce requin-là est aussi le plus facile à attraper; les téméraires esquives des Nyominkas, des Lébous et autres Guet N'Dariens sénégalais (ou des Imraguen mauritaniens) prennent dans cette zone le relais de leurs uniques rivaux en Afrique occidentale, les Ghanéens. Lesquels ont depuis longtemps fini le travail dans le Golfe de Guinée, de Libreville à Conakry, et se sont reconvertis en grossistes, avec leur pragmatisme so british: après avoir troqué la pirogue pour la balance ils sont venus s'installer sur nos côtes... Et nous apprendre à pêcher plus efficacement... le requin, pour leurs gros sous. Mais ce n'est évidemment ni de l'impérialisme ni de l'exploitation, vices exclusifs de l'Européen: on appelle cela le panafricanisme ! Et comme in fine en bout de chaîne il y a du Chinois derrière tout cela, qui ne veut que le bien de l'Afrique, inutile de convoquer le ban et l'arrière-ban des médias d'investigation locaux, des intellectuels engagés de Dakar, des politiciens sacerdotaux de Nouakchott, tous obnubilés par l'avenir nourricier de leurs concitoyens !
Ghanéens et Guet Ndariens - ou les comptoirs panafricains du sélacien !
Dans une région largement francophone, les Ghanéens mettent à profit la tête de pont anglophone qu'est la Gambie pour s'implanter dès le milieu des années 70' dans cet extrême ouest-africain - précisément à Brufut encore appelé 'Ghana town'. A la fin des années 80', ils s'installent en Guinée-Bissau, un pays lusophone mis à bas par la corruption et les trafics de toutes sortes - ça aide... Non seulement nos affairistes invitent les pêcheurs du cru à se spécialiser dans la capture des squales mais ils incitent aussi les mareyeurs à organiser des dépôts collecteurs spécifiquement dédiés aux prises de sélaciens. C'est ainsi que le site de Sal-Sal a été adjoint aux autre unités de la Langue de Barbarie et rejoint la multitude d'étals - des comptoirs ?- qui s'égrènent peu à peu depuis la Gambie toujours plus vers le nord. Saint-Louis-du-Sénégal est un relais capital pour la conquête des rivages sahariens: la cité patrimoniale a toujours été le principal séchoir à élasmobranches des confins septentrionaux. Depuis les années 40', les Guet Ndariens et leurs saisonniers Walo-Walo sont si impliqués dans la pêche des requins et des raies, avec des techniques qui leur sont propres (plus efficace pour cette pêche ciblée, le félé félé a remplacé la senne tournante), qu'ils traitent directement avec les Asiatiques et les Ghanéens, sans intermédiaires. Ceux-là savent bien que nos célèbres pêcheurs peuvent pousser leurs marées aussi loin que les eaux de la Sierra Leone après avoir même installé les armoiries ndar ndar en Casamance et en Guinée-Bissau... Dans les années 90', la Mauritanie est massivement touchée par le phénomène: ce n'est plus une "ruée"*1 mais une curée ! Depuis le Sénégal, les mareyeurs de Mbour (Petite Côte) et de Kayar (Grande Côte) sillonnent le littoral jusqu'à Nouadhibou, bientôt relayés par des commerçants de nationalité mauritanienne. La zone qui va de Nouakchott à la péninsule du Cap-Blanc, donc celle du parc national du Banc d'Arguin (PNBA) est tout particulièrement ciblée. Quelques clés pour comprendre la folie meurtrière qui atteint le pays des Maures: avant 1978, les prises accidentelles de requins étaient rejetées à la mer, avec leurs ailerons; en 1979, il y a 5 pirogues spécialisées; au début des années 80', les ailerons ne représentent que 2% de la "valorisation" du requin pêché. On connaît la suite, hélas. Des centaines de milliers de requins de toutes espèces sont capturés, amputés, découpés, séchés, exportés. L'industrie extractive tourne jour et nuit. Il faudra attendre 2003 pour que la Fondation internationale du Banc d'Arguin (FIBA) parvienne enfin à faire cesser le massacre des requins au sein même du "joyau", Patrimoine mondial de l'Humanité (Unesco 1989). Sans que cela gêne les autorités, pas plus les gouvernements et régimes successifs de la capitale que les Douanes et les agents des ministères de la Pêche, des Eaux et des Forêts... Tout le monde s'en fout - le requin n'a pas bonne presse, il n'est ni dauphin ni phoque... Difficile d'apitoyer l'Homo occidentalis dont l'émotivité est à géométrie très variable. D'un commerce aisé et lucratif, c'est donc un "produit" insensible et sans affect beaucoup plus facile à massacrer sans remords, même tardifs... A défaut d'ivoire d'éléphants et de kératine de rhinocéros, peut-on faire mieux, comme bizness ? Les ailerons pour ces névrosés sexuels de 'Chinois'; la viande salée-séchée à destination des consommateurs espagnols, oui oui, ghanéens et nigérians, surtout; la chair fumée vers l'hinterland et les lointains soninkés; la chair fermentée-séchée (guedj), pour le goût culinaire des uns ou des autres...
Ghanéens et Guet Ndariens - ou les comptoirs panafricains du sélacien !
Dans une région largement francophone, les Ghanéens mettent à profit la tête de pont anglophone qu'est la Gambie pour s'implanter dès le milieu des années 70' dans cet extrême ouest-africain - précisément à Brufut encore appelé 'Ghana town'. A la fin des années 80', ils s'installent en Guinée-Bissau, un pays lusophone mis à bas par la corruption et les trafics de toutes sortes - ça aide... Non seulement nos affairistes invitent les pêcheurs du cru à se spécialiser dans la capture des squales mais ils incitent aussi les mareyeurs à organiser des dépôts collecteurs spécifiquement dédiés aux prises de sélaciens. C'est ainsi que le site de Sal-Sal a été adjoint aux autre unités de la Langue de Barbarie et rejoint la multitude d'étals - des comptoirs ?- qui s'égrènent peu à peu depuis la Gambie toujours plus vers le nord. Saint-Louis-du-Sénégal est un relais capital pour la conquête des rivages sahariens: la cité patrimoniale a toujours été le principal séchoir à élasmobranches des confins septentrionaux. Depuis les années 40', les Guet Ndariens et leurs saisonniers Walo-Walo sont si impliqués dans la pêche des requins et des raies, avec des techniques qui leur sont propres (plus efficace pour cette pêche ciblée, le félé félé a remplacé la senne tournante), qu'ils traitent directement avec les Asiatiques et les Ghanéens, sans intermédiaires. Ceux-là savent bien que nos célèbres pêcheurs peuvent pousser leurs marées aussi loin que les eaux de la Sierra Leone après avoir même installé les armoiries ndar ndar en Casamance et en Guinée-Bissau... Dans les années 90', la Mauritanie est massivement touchée par le phénomène: ce n'est plus une "ruée"*1 mais une curée ! Depuis le Sénégal, les mareyeurs de Mbour (Petite Côte) et de Kayar (Grande Côte) sillonnent le littoral jusqu'à Nouadhibou, bientôt relayés par des commerçants de nationalité mauritanienne. La zone qui va de Nouakchott à la péninsule du Cap-Blanc, donc celle du parc national du Banc d'Arguin (PNBA) est tout particulièrement ciblée. Quelques clés pour comprendre la folie meurtrière qui atteint le pays des Maures: avant 1978, les prises accidentelles de requins étaient rejetées à la mer, avec leurs ailerons; en 1979, il y a 5 pirogues spécialisées; au début des années 80', les ailerons ne représentent que 2% de la "valorisation" du requin pêché. On connaît la suite, hélas. Des centaines de milliers de requins de toutes espèces sont capturés, amputés, découpés, séchés, exportés. L'industrie extractive tourne jour et nuit. Il faudra attendre 2003 pour que la Fondation internationale du Banc d'Arguin (FIBA) parvienne enfin à faire cesser le massacre des requins au sein même du "joyau", Patrimoine mondial de l'Humanité (Unesco 1989). Sans que cela gêne les autorités, pas plus les gouvernements et régimes successifs de la capitale que les Douanes et les agents des ministères de la Pêche, des Eaux et des Forêts... Tout le monde s'en fout - le requin n'a pas bonne presse, il n'est ni dauphin ni phoque... Difficile d'apitoyer l'Homo occidentalis dont l'émotivité est à géométrie très variable. D'un commerce aisé et lucratif, c'est donc un "produit" insensible et sans affect beaucoup plus facile à massacrer sans remords, même tardifs... A défaut d'ivoire d'éléphants et de kératine de rhinocéros, peut-on faire mieux, comme bizness ? Les ailerons pour ces névrosés sexuels de 'Chinois'; la viande salée-séchée à destination des consommateurs espagnols, oui oui, ghanéens et nigérians, surtout; la chair fumée vers l'hinterland et les lointains soninkés; la chair fermentée-séchée (guedj), pour le goût culinaire des uns ou des autres...
Quand l'offre crée aussi la demande
La pêche et le commerce du requin dans cette Afrique du couchant sont une résurrection; savamment relancés dans les années 70' par les Ghanéens sur lesquels les Asiatiques se sont appuyés bien après la relance de la filière (comme on dit) pour alimenter leur propre marché, de plus en plus vorace et, faut-il croire, de plus en plus libidineux. A l'origine, il s'agissait même d'un commerce euro-africain, avant tout une (pré)occupation gustative des Ibères qui n'avait rien à voir avec un aileron prétendument aphrodisiaque: comme si les hidalgos avaient besoin de ce breuvage insipide pour avoir la pointe !!!... Dans le sillage de l'entente cordiale entre Sénégalais et Ghanéens, les États poussés au train par "la filière" en appelle à la coopération européenne qui s'empresse de montrer son savoir-faire, par philanthropie, uniquement par philanthropie... En plein boom de la pêche aux requins, dans les années 80 et 90', elle ne manque pas d'ingéniosité cartésienne pour répondre à l'invasion du littoral par ces milliers de requins qui débarquent à flux tendus et débordent les unités traditionnelles de transformation. Afin d'éviter le gaspillage et la perte sèche de ces milliers de carcasses de squales démembrés aussitôt rejetées à la mer, les bailleurs de fonds et tous les aigrefins voient bien l'intérêt que tous pourraient tirer de la transformation industrielle du tout requin: fours et dessicateurs de toutes sortes, ateliers et hangars se multiplient aussi vite que les stocks vont s'effondrer. Jamais en retard pour défendre le monde de la mer, la France*2 finance même un gigantesque séchoir solaire capable de 'traiter' 1 tonne de requins par 48 heures (1983, une année charnière appelée en France "virage de la rigueur", hi hi hi...) ! Au nom de l'emploi, d'une part, et de la nécessité d'aider ces braves populations souffreteuses de l'intérieur, d'autre part, on a vite fait de susciter l'intérêt des marchés sahéliens pour cette viande de requin à vil prix, salée, séchée, fumée, fermentée - il y a le choix, c'est en fonction de la distance*3 ! Enrichir une alimentation quasi exclusivement céréalière et lactée par cet apport carné et de conservation facile, pensez-donc, nous sommes là en plein 'développement', malheureusement encore moins 'durable' que les autres enthousiasmes du progrès capitaliste... Car comme toujours dans le monde instable du capital (sic), il faut faire vite: on a évidemment conscience que le filon a déjà ses jours comptés. L'âge d'or du requin ouest-africain sera bref, en effet: de 1989 (5 000 tonnes) à 2005 (26 000 tonnes) dans l'espace de pêche des sept pays membres de la Commission sous-régionale des Pêches (CSRP*4) - soit une quinzaine d'années fastes. Dès 2006, la chute des prises est brutale, rapide, sans rémission; irrémédiable.
Le plus grand massacre d'animaux de tous les temps !
Car c'est tout le paradoxe de la situation: rarement espèces d'un même ordre animal n'ont connu déclin aussi vertigineux en si peu de temps - 75 millions de squales hachés menu chaque année dans le monde, une raréfaction foudroyante atteignant parfois 90% des "stocks", certaines espèces étant désormais au seuil de l'irrécupérable-, à la vue de tous, avec des preuves largement documentées dans toutes les mers de la planète bleue. Du jamais vu. Et sous les coups de boutoir des lobbies, de l'obtusion des 'consommateurs' et de leurs flottilles de pêche, jamais l'inaction voire l'indifférence n'ont été aussi flagrantes et désespérantes durant ces trente années de l'hécatombe. Cela fait au moins quinze ans que les veilleurs de l'environnement tirent la sonnette d'alarme: les institutions qui ont pignon sur rue, avec la bienveillance des gouvernements, organisent colloques et séminaires, tables rondes et ateliers de réflexion à la chaîne. Avec de jolis posters, de séduisants rapports et d'oniriques engagements. Dans le cercle de la raison économique; toujours. Bien sages. Sans jamais faire le cow-boy, nous ne sommes pas chez ces "terroristes" de Sea Shepherd... Dans l'espace CSRP, les enquêtes de terrain et chez les pêcheurs sont les unes après les autres de plus en plus accablantes: on est face à un déni de réalité absolu, aveugle, délibéré. Charlotte Houpline, coordonnatrice des projets SALF* (Dakar) et GALF* (Conakry) de lutte contre la criminalité faunistique confie à Ornithondar qu"'en 2012 la Guinée a été [le] leader mondial des exportations non reportées d'ailerons de requins vers la Chine [via Hong Kong]*... 42 tonnes en un an !" Pourtant, n'était l'insistance 'chinoise' via ses réseaux et ses relais ghanéens, il est probable que les pirogues sénégalaises auraient cessé la pêche ciblée des chondrychtiens dès la fin des années 2000. Hélas, si le commerce de la chair recule avec le déclin des populations de requins, la demande pressante en ailerons et donc l'appât du gain - mais aussi l'endettement !- contraignent les pêcheurs à solliciter toujours plus loin, plus profond, les derniers refuges des squales. Toujours plus jeunes; en toutes saisons. Sans répit ni repos pour le 'stock'. Pas de quartier !
A LIRE SUR Ornithondar.blogspot.com
La pêche et le commerce du requin dans cette Afrique du couchant sont une résurrection; savamment relancés dans les années 70' par les Ghanéens sur lesquels les Asiatiques se sont appuyés bien après la relance de la filière (comme on dit) pour alimenter leur propre marché, de plus en plus vorace et, faut-il croire, de plus en plus libidineux. A l'origine, il s'agissait même d'un commerce euro-africain, avant tout une (pré)occupation gustative des Ibères qui n'avait rien à voir avec un aileron prétendument aphrodisiaque: comme si les hidalgos avaient besoin de ce breuvage insipide pour avoir la pointe !!!... Dans le sillage de l'entente cordiale entre Sénégalais et Ghanéens, les États poussés au train par "la filière" en appelle à la coopération européenne qui s'empresse de montrer son savoir-faire, par philanthropie, uniquement par philanthropie... En plein boom de la pêche aux requins, dans les années 80 et 90', elle ne manque pas d'ingéniosité cartésienne pour répondre à l'invasion du littoral par ces milliers de requins qui débarquent à flux tendus et débordent les unités traditionnelles de transformation. Afin d'éviter le gaspillage et la perte sèche de ces milliers de carcasses de squales démembrés aussitôt rejetées à la mer, les bailleurs de fonds et tous les aigrefins voient bien l'intérêt que tous pourraient tirer de la transformation industrielle du tout requin: fours et dessicateurs de toutes sortes, ateliers et hangars se multiplient aussi vite que les stocks vont s'effondrer. Jamais en retard pour défendre le monde de la mer, la France*2 finance même un gigantesque séchoir solaire capable de 'traiter' 1 tonne de requins par 48 heures (1983, une année charnière appelée en France "virage de la rigueur", hi hi hi...) ! Au nom de l'emploi, d'une part, et de la nécessité d'aider ces braves populations souffreteuses de l'intérieur, d'autre part, on a vite fait de susciter l'intérêt des marchés sahéliens pour cette viande de requin à vil prix, salée, séchée, fumée, fermentée - il y a le choix, c'est en fonction de la distance*3 ! Enrichir une alimentation quasi exclusivement céréalière et lactée par cet apport carné et de conservation facile, pensez-donc, nous sommes là en plein 'développement', malheureusement encore moins 'durable' que les autres enthousiasmes du progrès capitaliste... Car comme toujours dans le monde instable du capital (sic), il faut faire vite: on a évidemment conscience que le filon a déjà ses jours comptés. L'âge d'or du requin ouest-africain sera bref, en effet: de 1989 (5 000 tonnes) à 2005 (26 000 tonnes) dans l'espace de pêche des sept pays membres de la Commission sous-régionale des Pêches (CSRP*4) - soit une quinzaine d'années fastes. Dès 2006, la chute des prises est brutale, rapide, sans rémission; irrémédiable.
Le plus grand massacre d'animaux de tous les temps !
Car c'est tout le paradoxe de la situation: rarement espèces d'un même ordre animal n'ont connu déclin aussi vertigineux en si peu de temps - 75 millions de squales hachés menu chaque année dans le monde, une raréfaction foudroyante atteignant parfois 90% des "stocks", certaines espèces étant désormais au seuil de l'irrécupérable-, à la vue de tous, avec des preuves largement documentées dans toutes les mers de la planète bleue. Du jamais vu. Et sous les coups de boutoir des lobbies, de l'obtusion des 'consommateurs' et de leurs flottilles de pêche, jamais l'inaction voire l'indifférence n'ont été aussi flagrantes et désespérantes durant ces trente années de l'hécatombe. Cela fait au moins quinze ans que les veilleurs de l'environnement tirent la sonnette d'alarme: les institutions qui ont pignon sur rue, avec la bienveillance des gouvernements, organisent colloques et séminaires, tables rondes et ateliers de réflexion à la chaîne. Avec de jolis posters, de séduisants rapports et d'oniriques engagements. Dans le cercle de la raison économique; toujours. Bien sages. Sans jamais faire le cow-boy, nous ne sommes pas chez ces "terroristes" de Sea Shepherd... Dans l'espace CSRP, les enquêtes de terrain et chez les pêcheurs sont les unes après les autres de plus en plus accablantes: on est face à un déni de réalité absolu, aveugle, délibéré. Charlotte Houpline, coordonnatrice des projets SALF* (Dakar) et GALF* (Conakry) de lutte contre la criminalité faunistique confie à Ornithondar qu"'en 2012 la Guinée a été [le] leader mondial des exportations non reportées d'ailerons de requins vers la Chine [via Hong Kong]*... 42 tonnes en un an !" Pourtant, n'était l'insistance 'chinoise' via ses réseaux et ses relais ghanéens, il est probable que les pirogues sénégalaises auraient cessé la pêche ciblée des chondrychtiens dès la fin des années 2000. Hélas, si le commerce de la chair recule avec le déclin des populations de requins, la demande pressante en ailerons et donc l'appât du gain - mais aussi l'endettement !- contraignent les pêcheurs à solliciter toujours plus loin, plus profond, les derniers refuges des squales. Toujours plus jeunes; en toutes saisons. Sans répit ni repos pour le 'stock'. Pas de quartier !
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