Né en 1955 à Saint-Louis, Souleymane Bachir Diagne est un philosophe sénégalais et un intellectuel public, attentif aux soubresauts de son temps, qu’il s’agisse de la crise en Casamance ou de la destruction des mausolées de Tombouctou, doublé d’un humaniste à l’ancienne. Logicien, spécialiste de l’histoire des sciences et de la philosophie islamique, ce passeur rare a enseigné, pendant vingt ans, au département de philosophie de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, avant de s’expatrier aux Etats-Unis où il exerce la même profession, d’abord à Chicago (Northwestern University), puis aux départements de français et de philosophie de la prestigieuse université Columbia (New-York). Au physique, c’est une longue tige fluette, des bras interminables, une bouille souriante et chaleureuse, un calme de Bouddha.
Sa solide formation le dispense de toute forfanterie, il n’a rien à prouver et tout à partager avec humilité et passion. Cet ancien normalien, passé par la rue d’Ulm du temps où Louis Althusser et Jacques Derrida y dispensaient leur enseignement, agrégé et docteur, donne toujours l’impression de n’avoir jamais quitté les bancs de l’école. Il fut le conseiller à l’Education et à la Culture du président Abdou Diouf pendant six ans et ses étudiants n’y ont vu que du feu car le professeur Diagne n’a pas annulé un seul cours. Voilà un petit indice qui dit beaucoup sur l’auteur de Comment philosopher en Islam (1).
Renouer avec la falsafa
A ceux nombreux, qui lui demandent comme définir « la philosophie islamique », le natif de Saint-Louis répond clairement qu’il préfère parler de « philosophie en islam », pour bien indiquer ce qui s’est désigné, à partir du IXe siècle, par le mot grec arabisé de falsafa et continue, dans les centres intellectuels du monde musulman, la tradition de pensée philosophique grecque et hellénistique. Il s’agit, explique-t-il, de reprendre ensemble les questions philosophiques et les questions théologiques tout en brossant leur contexte historique. Les intelligences musulmanes ont pris en charge ces questionnements dès le départ. Car par-delà les colorations spécifiques à telle ou telle culture, il s’agit toujours de la même exigence : philosopher, c’est questionner ce qui est reçu ! En s’intéressant à l’islam, notre philosophe renoue aussi avec son héritage tidjaniyya et plus directement avec la lignée familiale qui compte plus d’un muqaddam (initiateur, guide spirituel).
Détour par Bergson
Le dernier ouvrage de Souleymane Bachir Diagne, intitulé Bergson Postcolonial (2), est issu d’une série de conférences données au Collège de France en 2011. Il annonce le grand retour d’Henri Bergson, à l’orée du XXIe siècle. Ironie de l’histoire, ce regain d’intérêt ne vient pas d’Europe mais du Sud. Pour la postérité, deux hommes aussi différents que le poète et futur président Léopold Sédar Senghor et le philosophe et poète Muhammad Iqbal ont en commun d’avoir pesé dans le destin de leur pays, le Sénégal et l’Inde, et d’avoir trouvé en Bergson une inspiration pour leur pensée et leur action. Souleymane Bachir Diagne décrit la triple rencontre tout en sondant les notions bergsoniennes de vie, d’élan, de nouveauté, de durée ou d’intuition dans la pensée de Léopold Sédar Senghor et de Mohamed Iqbal. Instructif, écrit dans une langue limpide, Bergson Postcolonial fournit maints clefs de compréhension, notamment, sur les liens entre islam et modernité ou sur la place et le devenir de l’homme d’Afrique.
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Sa solide formation le dispense de toute forfanterie, il n’a rien à prouver et tout à partager avec humilité et passion. Cet ancien normalien, passé par la rue d’Ulm du temps où Louis Althusser et Jacques Derrida y dispensaient leur enseignement, agrégé et docteur, donne toujours l’impression de n’avoir jamais quitté les bancs de l’école. Il fut le conseiller à l’Education et à la Culture du président Abdou Diouf pendant six ans et ses étudiants n’y ont vu que du feu car le professeur Diagne n’a pas annulé un seul cours. Voilà un petit indice qui dit beaucoup sur l’auteur de Comment philosopher en Islam (1).
Renouer avec la falsafa
A ceux nombreux, qui lui demandent comme définir « la philosophie islamique », le natif de Saint-Louis répond clairement qu’il préfère parler de « philosophie en islam », pour bien indiquer ce qui s’est désigné, à partir du IXe siècle, par le mot grec arabisé de falsafa et continue, dans les centres intellectuels du monde musulman, la tradition de pensée philosophique grecque et hellénistique. Il s’agit, explique-t-il, de reprendre ensemble les questions philosophiques et les questions théologiques tout en brossant leur contexte historique. Les intelligences musulmanes ont pris en charge ces questionnements dès le départ. Car par-delà les colorations spécifiques à telle ou telle culture, il s’agit toujours de la même exigence : philosopher, c’est questionner ce qui est reçu ! En s’intéressant à l’islam, notre philosophe renoue aussi avec son héritage tidjaniyya et plus directement avec la lignée familiale qui compte plus d’un muqaddam (initiateur, guide spirituel).
Détour par Bergson
Le dernier ouvrage de Souleymane Bachir Diagne, intitulé Bergson Postcolonial (2), est issu d’une série de conférences données au Collège de France en 2011. Il annonce le grand retour d’Henri Bergson, à l’orée du XXIe siècle. Ironie de l’histoire, ce regain d’intérêt ne vient pas d’Europe mais du Sud. Pour la postérité, deux hommes aussi différents que le poète et futur président Léopold Sédar Senghor et le philosophe et poète Muhammad Iqbal ont en commun d’avoir pesé dans le destin de leur pays, le Sénégal et l’Inde, et d’avoir trouvé en Bergson une inspiration pour leur pensée et leur action. Souleymane Bachir Diagne décrit la triple rencontre tout en sondant les notions bergsoniennes de vie, d’élan, de nouveauté, de durée ou d’intuition dans la pensée de Léopold Sédar Senghor et de Mohamed Iqbal. Instructif, écrit dans une langue limpide, Bergson Postcolonial fournit maints clefs de compréhension, notamment, sur les liens entre islam et modernité ou sur la place et le devenir de l’homme d’Afrique.
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