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Sanctions de la CEDEAO contre le Mali : quand le populisme sur fond de nationalisme mal placé, cherche à décrédibiliser la logique intégrationniste. PAR Par Abdoulaye DIEYE

Mardi 11 Janvier 2022

La critique facile et improductive, l’apanage des populistes, est l’un des exercices les avilissants. Accuser la CEDEAO d’être à la solde d’intérêts étrangers, surtout sur le cas précis du Mali, c’est faire preuve de mauvaise foi manifeste. L’honnêteté intellectuelle aurait voulu que soient revisitées l’histoire et les différentes actions et positions de la CEDEAO sur le cas du Mali, et que soient ainsi reconnus tous les efforts de l’organisation communautaire pour sauvegarder l’ordre constitutionnel, la paix et la stabilité dans ce pays, avant la prise de ces sanctions avec certainement des pincements au cœur.


Sanctions de la CEDEAO contre le Mali : quand le populisme sur fond de nationalisme mal placé, cherche à décrédibiliser la logique intégrationniste. PAR Par Abdoulaye DIEYE
La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a prononcé contre le Mali, un certain nombre de sanctions, à la suite de moult médiations et rappels à l’ordre. C’est malheureusement avec stupéfaction et déception que l’on a remarqué des analystes, acteurs politiques et panafricanistes autoproclamés, s’insurger contre ces sanctions, sur fond de populisme et de nationalisme complexé. La déception est d’autant plus grande, que des intellectuels et acteurs politiques se permettent d’apporter ouvertement leur soutien et encouragement à des putschistes au pouvoir. Il faut que ces gens sachent raison garder. La conquête du pouvoir par tous les moyens, si par extraordinaire elle permettait l’accès au pouvoir par des moyens illégaux ou illégitimes, ne permettrait jamais son exercice apaisé.

La CEDEAO est et reste notre organisation communautaire, même si elle n’est pas parfaite. Aucune zone d’intégration n’est indemne de reproches. La CEDEAO est l’une des zones d’intégration, les plus dynamiques en Afrique, avec ses organes, outils et son mode de fonctionnement. Elle doit être consolidée et renforcée par les uns et les autres. Elle ne saurait être, comme veut le faire croire une certaine opinion, un club des présidents. Si elle l’était, Yaya Jammeh serait encore président de la Gambie et Mahamad Issoufou serait encore président du Niger. Si elle l’était, le Niger ne serait pas condamné par la cour de justice de la CEDEAO, le Sénégal aussi.
La critique facile et improductive, l’apanage des populistes, est l’un des exercices les avilissants. Accuser la CEDEAO d’être à la solde d’intérêts étrangers, surtout sur le cas précis du Mali, c’est faire preuve de mauvaise foi manifeste. L’honnêteté intellectuelle aurait voulu que soient revisitées l’histoire et les différentes actions et positions de la CEDEAO sur le cas du Mali, et que soient ainsi reconnus tous les efforts de l’organisation communautaire pour sauvegarder l’ordre constitutionnel, la paix et la stabilité dans ce pays, avant la prise de ces sanctions avec certainement des pincements au cœur.

Pour donc les critiques faciles contre la CEDEAO, évoquant que le peuple malien soutien la junte militaire, il est bon de rappeler que dans un monde civilisé, la souveraineté légitime se ne mesure qu’à travers des élections libres et démocratiques et non pas par des soulèvements populaires ou des manifestations pro juntes. Sinon, il suffirait pour faire et défaire un régime, une mobilisation déterminée de quelques milliers de personnes. Si on acceptait que tel soit le cas, aucun régime dans nos pays n’aurait le temps de s’installer.

Pour l’histoire entre la CEDEAO et le Mali, il faut rappeler que pour prévenir cette présente crise qui a démarré au lendemain des élections législations législatives et avec les manifestations populaires en juin 2020, l’organisation communautaire avait entamé le dialogue entre le pouvoir, l’opposition et la société civile pour trouver une meilleure issue. Après des communiqués et une négociation silencieuse, le président en exercice de la CEDEAO d’alors, Mahamadou Issoufou, a dépêché au Mali, le 18 juin 2020, une mission ministérielle dirigée par le président du Conseil des Ministres de la CEDEAO, Kalla Ankourao, Ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération, de l’Intégration Africaine et des Nigériens à l’Extérieur, du Niger. Etaient de la délégation, les Ministres des Affaires Etrangères de la Côte d’Ivoire et du Nigéria ; le président de la Commission de la CEDEAO et le Commissaire Affaires Politiques, Paix et Sécurité de la Commission. Cette mission avait pour objectif d’entamer une médiation entre l’opposition qui exigeait la démission du président Ibrahima Boubacar Keita, et le pouvoir. Devant la position catégorique de l’opposition et de la société civile d’exiger la démission du président démocratiquement réélu, cette mission n’a pu arriver à trouver une solution.

Le Mali fut alors séparé en deux : d’un côté le camp du pouvoir, d’un autre le regroupement de circonstance de l’opposition, d’anciens ministres, d’une partie de la société civile et d’une partie des religieux, autour du Mouvement du 5 juin et rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui trouvait là une occasion en or de se débarrasser du régime en place.

Une autre mission sera dépêchée au Mali par la CEDEAO du 15 au 19 juillet, une délégation dirigée par l’ancien Président du Nigéria, Goodluck Jonathan, nommé envoyé spécial médiateur. Dans la délégation on retrouvait le président du Conseil des ministres de la CEDEAO, le président de la Commission de la CEDEAO, le Commissaire aux Affaires Politiques, Paix et Sécurité de la CEDEAO, les présidents des Cours constitutionnelles du Togo et du Bénin. Cette mission n’arrivera également pas à trouver une issue heureuse à la situation parce que chaque partie a campé sur sa position. Pourtant elle a proposé des solutions de sortie de crise, acceptées par toutes les parties, sauf le comité stratégique du M5-RFP qui a continué à exiger entre autres, la démission du président Ibrahima Boubacar Keita, l’instauration d’un régime de transition.

Toujours dans la perspective de trouver une issue à la crise sociopolitique malienne, la CEDEAO a dépêché encore, le 23 juillet 2020, au Mali, une mission d’information, d’écoute et d’échanges, composée des présidents du Nigeria, du Niger, de la Côte d'Ivoire, du Ghana et du Sénégal. La mission s’est entretenue avec toutes les parties.
La CEDEAO tiendra un sommet extraordinaire sur le Mali le 27 juillet 2020. Ce sommet sera l’occasion de réitérer les appels au calme et au dialogue pour sauvegarder la paix, la stabilité et la démocratie. Le sommet fera des recommandations phares dont la démission des députés dont l’élection était jugée litigieuse, la recomposition de la cour constitutionnelle, la mise en place d’un gouvernement d’union nationale composée à hauteur de 50% par la coalition au pouvoir, de 30% par l’opposition et de 20% par la société civile, et la lumière sur les morts pendant les manifestations populaires.

Malheureusement les résolutions de la CEDEAO ne seront pas acceptées par le M5-RFP qui continuera ses appels à manifester. Le CEDEAO dépêchera encore une mission d’évaluation au Mali, du 10 au 13 août 2020, pour suivre et apprécier les progrès dans la mise en œuvre des résolutions du sommet du 27 juillet 2020. Les manifestations seront tenue jusqu’au 17 août 2020. Le 18 août les militaires prendront le pouvoir.

Le 20 août 2020, au lendemain du coup d’Etat militaire, la CEDEAO tiendra encore un sommet sur le Mali. Au cours de ce sommet, elle condamnera fortement le coup d’Etat militaire, appellera à la libération du président et au retour de l’ordre constitutionnel, et prendra un certain nombre de mesures.
Le 22 août 2020, une délégation de la CEDEAO, conduite par Goodluck Jonathan sera encore dépêchée au Mali, pour chercher les solutions d’un retour immédiat de l'ordre constitutionnel. La mission, devant le désistement du président Ibrahima Boubacar Keita, verra la junte militaire proposer un pouvoir de transition de 03 ans, dirigé par un militaire, avec un gouvernement composé majoritairement par des militaires. Le CEDEAO proposera une transition d’une année, avec à la clé, l’organisation d’élections présidentielles démocratiques et transparentes. Les concertations permettront d’aboutir à une transition de 18 mois.

La Junte militaire désignera Bah N Daw président de transition et Assimi Goïta vice-président le 21 septembre 2020. Un civil sera nommé premier ministre, Moctar Ouane. La Charte de transition sera acceptée et publiée le 01 octobre 2020. Les élections présidentielles devraient être tenues en 2022. La CEDEAO lèvera les sanctions contre le Mali le 07 octobre, cherchant à favoriser ainsi une transition apaisée.

Le 25 Mai 2021, Assimi Goïta de la junte militaire sera acteur d’un nouveau coup d’Etat, après des désaccords concernant la mise en place d’un nouveau gouvernement. Les militaires écarteront le président de transition et le premier ministre de transition. Ils assureront par la même occasion que les élections se tiendront toujours en 2022.
La CEDEAO tiendra encore un sommet extraordinaire sur le Mali le 30 mai 2021, lequel sommet avait pour but d’examiner la situation socio-politique prévalant au Mali, suite à l’arrestation, la détention, puis la démission du Président et du Premier-ministre de la transition le 26 mai 2021, ainsi que pour déterminer la voie à suivre en ce qui concerne la transition. Elle réaffirmera à travers ce sommet, l’importance et la nécessité du recours à un processus démocratique pour l’accession au pouvoir, conformément aux dispositions du Protocole de 2001 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.

Le CEDEAO a prononcé la suspension du Mali de ses institutions. Elle aussi réaffirmé la nécessité de veiller au respect de la période de transition de 18 mois, comme cela a été décidé, pour donc la tenue des élections le 27 février 2022. La CEDEAO a même exhorté l’ensemble des partenaires internationaux, notamment l’Union Africaine, les Nations Unies et l’Union Européenne à poursuivre leur soutien au Mali, afin d’assurer la réussite de la mise en œuvre de la transition.

Le 16 septembre, lors de sa session extraordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, tenue à Accra, la CEDEAO a encore exigé des militaires maliens le respect strict du calendrier de la transition, après avoir affirmé être très préoccupée par la lenteur dans la préparation des élections prévues en République du Mali pour fin février 2022.
La CEDEAO tiendra encore le 07 novembre 2021, à Accra, un sommet extraordinaire sur l’évolution des situations au Mali et en Guinée. Dans le communiqué de ce sommet, concernant le Mali, on peut lire :

"Sur le plan politique, le Président de la CEDEAO a informé la Conférence de la notification officielle par les Autorités de Transition de leur incapacité à respecter la date limite de transition de février 2022".

"La Conférence déplore vivement l'absence de progrès dans la préparation des élections, notamment l'absence d'un calendrier détaillé des activités pour la tenue des élections aux dates convenues".

"La Conférence rappelle la nécessité du respect du calendrier de la transition pour les élections prévues le 27 février 2022, et demande aux Autorités de la Transition d’œuvrer dans ce sens afin d’assurer le retour rapide à l'ordre constitutionnel. Par conséquent, la Conférence appelle la communauté internationale à prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les autorités de transition respectent leur engagement en faveur d'un retour rapide à l'ordre constitutionnel".

Prenant comme prétexte des assises nationales organisées en décembre 2021, la Junte militaire au pouvoir a proposé la prolongation de la transition pour une durée allant à plus de 05 ans.
La CEDEAO a tenu un quatrième sommet extraordinaire sur la situation politique au Mali le 09 janvier 2022. Le communiqué de ce sommet note :
Suite à la visite du Médiateur au Mali le 5 janvier 2022, les autorités de la Transition ont soumis, le 8 janvier 2022, un nouveau chronogramme prévoyant la tenue de l’élection présidentielle à fin décembre 2025, soit une période de transition de cinq ans et demi (5,5).

Ainsi donc, devant une telle forfaiture, la CEDEAO s’est retrouvée dans l’obligation de prendre des sanctions exemplaires contre le Mali, après avoir épuisé toutes les voies de négociation. Les sanctions sont les suivantes :
a) Le rappel pour consultations par les Etats membres de la CEDEAO de leurs Ambassadeurs accrédités auprès de la République du Mali ;
b) La fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Mali ;
c) La suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les pays de la CEDEAO et le Mali, à l’exception des produits alimentaires de grande consommation ; des produits pharmaceutiques ; des matériels et équipements médicaux y compris ceux pour la lutte contre la Covid 19 ; des produits pétroliers et de l’électricité ;
d) Le gel des avoirs de la République du Mali dans les Banques centrales de la CEDEAO ;
e) Le gel des avoirs de l’Etat malien et des entreprises publiques et parapubliques dans les banques commerciales des pays de la CEDEAO ;
f) La suspension de toute assistance et transaction financières en faveur du Mali par les Institutions de financement de la CEDEAO, particulièrement la BIDC et la BOAD.

Sur la base de cette historicité, il faut le reconnaitre, la CEDEAO s’est investie de la meilleure des manières pour prévenir la crise malienne. Malheureusement devant l’entêtement du M5-RFP, à vouloir vaille que vaille se débarrasser de manière illégale et illégitime d’un président démocratiquement élu, la situation a dégénéré. Si les résolutions du sommet de la CEDEAO du 27 juillet avaient été acceptées par le M5-RFP, aujourd’hui le Mali n’en serait pas à cette situation. Il est donc incompréhensible de voir une partie de l’opinion critiquer la CEDEAO pour sa démarche.

Après la décision unilatérale de prolongement de la transition, les sanctions de la CEDEAO ont sonné comme un mal nécessaire. Pourtant l’annonce de ces sanctions a soulevé auprès de certains, non pas la condamnation des actes de la junte militaire qui doit, avec le soutien de la CEDEAO et de la communauté internationale, organiser le plus rapidement des élections libres transparentes et démocratiques, mais des critiques contre l’organisation communautaire. Cela est juste inconcevable.

Encore plus aberrant, certains des analystes et acteurs politiques appellent des pays de la CEDEAO à passer outre les résolutions de l’organisation et même félicitent la Guinée, dirigée actuellement par une junte militaire arrivée au pouvoir par voie de coup d’Etat, pour avoir refusé de se conformer aux décisions de la CEDEAO. C’est juste inconcevable. D’ailleurs, le communiqué de la Junte au pouvoir en Guinée permet de constater qu’elle ne met pas en œuvre la résolution de la CEDEAO en soutien au Mali, mais plutôt parce que la Guinée a été suspendue de toutes les instances de la CEDEAO le 08 septembre 2021, et donc qu’elle n’a pas été associée au sommet.

D’autres acteurs, pour mettre la pression sur le Sénégal, soulèvent ce que le pays pourrait perdre économiquement en fermant ses frontières avec le Mali, comme le veut la CEDEAO. Il faut juste rappeler qu’il y a des moments dans lesquels les positions de principes doivent primer sur certaines considérations d’ordre économique. A cela, il faut ajouter le fait que les mesures ne peuvent être que temporaires. Elles obligeront à coup sûr la junte au pouvoir à reconsidérer sa copie pour permettre au peuple frère malien de pouvoir choisir le plus rapidement possible, au suffrage universel direct, son président de la république.

Abdoulaye DIEYE
 


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