Vous venez de publier votre premier roman « Un amour au fond de l’océan » aux éditions Harmattan. Ça n’a pas été facile.
Je dois préciser que ce roman « Un amour au fond de l’océan » paru le 1er octobre dernier aux éditions Harmattan n’est pas mon premier roman, mais bien le second. « La misère des temps » est la toute première œuvre que j’ai écrite et elle doit paraitre très prochainement. Pour revenir à « Un amour au fond de l’océan », j’ai commencé à le rédiger en 2001. À cette époque-là, j’étais à Tambacounda. Ce livre, au départ, était intitulé « Cruelles amours ». Avec le naufrage du Joola survenu le 26 septembre 2002, j’ai eu l’idée de changer le contexte du livre. C’est de là qu’est partie l’idée du roman « Un amour au fond de l’océan ». Je me suis alors dit, pourquoi ne pas créer une œuvre dont la trame tournerait au tour de ce terrible naufrage et rendre un vibrant hommage à tous ceux qui ont péri dans cet accident sans précédent. Je me suis alors lancé à corps perdu dans l’écriture de ce roman en entrant à fond dans son histoire, en vivant avec mes personnages, en m’émouvant avec eux, en les accompagnant, en ressentant leurs peines et leurs joies, etc. Cela m’a pris treize longues années et je ne l’ai pas regretté, car ce travail de très longue haleine a été récompensé par une publication aux éditions Harmattan.
Dans ce roman, vous traitez de thèmes très sensibles, à savoir la crise en Casamance qui dure depuis plus de trente ans.
Loin de moi l’idée de vouloir faire le procès de la crise en Casamance qui dure depuis plus de trois décennies. Ce roman sonne comme une piqure de rappel. C’est comme dans « L’amour au temps du choléra » de Gabriel Garcia Márquez. Le choléra est juste un prétexte, mais le thème central reste l’amour. Le roman, qui s’inspire de faits réels, choisit le parti pris de la fiction pour nous offrir une parabole sur la Casamance. La belle Penda, qui croyait avoir trouvé l’amour éternel avec son cousin, doit vite déchanter du fait de la résistance et de l’hostilité caractérisée de sa mère, à cette union. Passant outre la recommandation de son défunt époux Mansour, Adja Ouly va obliger sa fille à opter pour la fugue avec l’homme de sa vie. Mais ce qui aurait pu aboutir à une aventure conjugale accomplie se transforme très vite en une symphonie inachevée. Les deux tourtereaux périssent dans le naufrage du bateau qui les transportait de Ziguinchor vers Dakar, déposant ainsi au « fond de l’océan » leur « amour » trop pur et trop grand. À travers ce livre, j’ai donc voulu revenir sur ce conflit qui déchire la Casamance depuis plus de trente ans et dont le bilan est lourd de conséquences avec des centaines de morts (civils, militaires et combattants), des villages détruits ou désertés, des milliers de populations déplacées ou enfuies. Ce qui est déplorable dans ce conflit, c’est que ce sont des Sénégalais, qui tuent des Sénégalais. C’est calamiteux. Le Bon Dieu ne nous a pas créés pour qu’on s’entretue. Il nous a créés pour qu’on vive en parfaite harmonie, qu’on s’entraide, se soutienne. Malheureusement, les conflits armés créent des divisions profondes et de graves blessures qui demandent de longues années pour être cicatrisées. Et je crois qu’il est grand temps qu’on mette un terme à cette rébellion qui a entravé le développement de la belle région de la Casamance. À son arrivée au pouvoir, le président Abdoulaye Wade avait promis de régler le problème en cent jours. Il a échoué sur toute la ligne. Même si des accords de paix ont été signés en 2001, 2002 et 2003 entre le gouvernement sénégalais et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC, rébellion indépendantiste), les nombreux médiateurs n’ont jamais réussi à convaincre les combattants de déposer les armes. Avant Me Wade, il y a eu Abdou Diouf qui avait prôné l’option militaire, avant de jouer la carte du dialogue. Mais tout cela n’a rien donné. Élu le 25 mars 2012, le président Macky Sall, a fait du retour de la paix en Casamance une de ses priorités, prônant une large gestion concertée de ce dossier et même l’implication des pays voisins comme la Gambie. Il y a de l’espoir, car la violence ne conduit jamais à la paix, condition nécessaire pour le développement. Mais, il ne suffit pas de soutenir l’objectif d’une paix négociée, mais, il faut que l’État y consacre toute l’énergie et les ressources nécessaires, entamer les négociations officielles avec le MFDC, pour un accord de paix définitif qui apporterait stabilité et sécurité dans cette partie du pays.
Vous parlez aussi du naufrage du bateau le « Joola » qui a officiellement fait au moins 1 863 morts et disparus…
C’est vrai. Comme tous les Sénégalais, j’ai été très consterné par cet accident sans précédent. Je crois que c’est la plus grande catastrophe de la marine civile jamais enregistrée. Je n’avais pas de parents ou proches qui avaient péri dans le naufrage du Joola, mais j’avais ressenti une profonde tristesse. J’ai essayé de m’imaginer le calvaire, la détresse de tous ces gens qui ont perdu quelqu’un dans ce naufrage. Mais c’était inimaginable. Ce livre a été une occasion pour plonger le lecteur dans le bain de cette tragédie et pour dire « jamais plus ça ! ». Car cette tragédie a bouleversé le Sénégal, l’Afrique et le monde entier.
Depuis quand écrivez-vous et comment cela est-il arrivé ?
Ma passion pour l’écriture est née depuis bien des années. J’ai toujours voulu écrire, surtout en lisant les bandes dessinées. Comme je me frottais un peu au dessin, il m’arrivait de créer des textes que j’associais à mes images, mes graphiques. Puis, à force de lire Birago Diop, je me suis essayé au conte. Durant mes années de collèges, j’avais un journal que j’animais régulièrement en y enregistrant mes activités quotidiennes. Mais c’est véritablement au lycée que j’ai pris les sentiers buissonniers de l’écriture. Je ne me séparais jamais de mon stylo et j’avais toujours des bouts de papier dans mes poches. Des fois, lors des ennuyeux cours de mathématiques, je m’installais tout au fond de la classe pour écrire. Je dois dire que ma passion pour la lecture m’a beaucoup aidé dans la réalisation de mon rêve de devenir écrivain. Quand j’ai commencé à pouvoir me payer des livres, j’ai eu une sacrée boulimie. Je dévorais tous les écrivains sénégalais comme Léopold Sédar Senghor, Abdoulaye Sadji, Ousmane Socé Diop, Sembène Ousmane, Cheikh Hamidou Kane, Aminata Sow Fall, Boubacar Boris Diop, Abasse Dione, Alioune Badara Bèye, Marouba Fall, entre autres. Cependant, l’un de mes premiers coups de foudre, c’était il y a très longtemps, fut « Une si longue lettre » de Mariama Ba qu’on m’avait gracieusement offert. Je crois que j’ai lu ce livre une bonne dizaine de fois. Amadou Hampathé Ba m’a aussi marqué, surtout avec « l’étrange destin de Wangrin ». Je me suis aussi nourri de la Littérature française et de ses grands auteurs comme Victor Hugo, dont les textes restent universels, Honoré de Balzac, Arthur Rimbaud, Émile Zola, Albert Camus, Charles Baudelaire entre autres. Bien plus tard, j’ai découvert d’autres écrivains comme Dominique La Pierre, Larry Collins, Gabriel Garcia Marquez, dont j’ai pratiquement lu tous les livres, de même que John Grisham, Paulo Coelho et beaucoup d’autres encore. J’avoue que j’ai lu des tonnes de livres et aujourd’hui, je peux dire sans risque de me tromper affirmer que tous ces auteurs m’ont transmis à travers leurs écrits, leurs histoires et leur savoir-faire, une richesse incommensurable qui m’a permis de réaliser mon rêve. Par chance ou par miracle, j’ai aussi eu à côtoyer beaucoup d’hommes de lettres — surtout à Saint-Louis — comme le grand maitre Alpha Sy, le doyen Alioune Badara Coulibaly, Louis Camara, Felwine Sarr, Pape Sada Hanne, mais aussi des professeurs chevronnés comme Boubacar Camara, Kalidou Sy de l’Université Gaston Berger (Ugb), Charles Camara et Ibrahima Samba du Prytanée militaire et de prendre chez chacun d’eux ce qui, pour moi, semblait enrichissant. Cela m’a permis de peaufiner davantage mes écrits. Aujourd’hui, je peux donc dire que l’écriture représente une part essentielle de mon existence.
Au Sénégal, les auteurs ne vivent pas souvent de leurs plumes…
Absolument. Tous les éditeurs que j’ai rencontrés m’ont signifié que le livre ne rapportait pas beaucoup d’argent comme certains le pensaient. Je leur ai rétorqué que je n’écrivais pas pour de l’argent, mais simplement parce que l’écriture était pour moi une nourriture spirituelle. Et que le bonheur que j’aurai eu à mener ce travail à terme suffirait à me combler. Le reste, si ça arrivait, ne serait qu’un bonus. Je savais pertinemment que la littérature ne nourrissait pas son homme. Je suis journaliste et j’ai eu à rencontrer, à côtoyer une pléiade d’auteurs qui ont passé toute leur existence à écrire, mais qui n’ont malheureusement pas eu la chance de s’en sortir. Malgré le talent, la qualité de l’écriture, le thème qu’ils ont développé dans leurs écrits, beaucoup d’entre eux flirtent avec la précarité. Car, au Sénégal, il n’est pas facile de faire publier son livre et d’en vivre. Bien sûr, il existe quelques rares exceptions, des auteurs qui parviennent à bien négocier leurs prestations. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut que tout cela change. Que l’écrivain puisse vivre de sa plume, bénéficier d’une reconnaissance. Sous d’autres cieux, certains auteurs sont hébergés dans des résidences pour écrire en toute quiétude. Des fois, ils sont pris en charge, reçoivent un soutien logistique et même une allocation mensuelle. Comment ne pas écrire un chef-d’œuvre dans ces conditions-là ? C’est vrai que la Direction du Livre et de la Lecture, qui dépend du ministère de la Culture, fait quelques efforts en soutenant chaque année, même si c’est de façon irrégulière, quelques auteurs pour leur permettre d’éditer leurs livres, mais c’est infime si l’on considère le nombre impressionnant d’écrivains dont regorge notre pays. Bref, je crois que l’État doit davantage aider les écrivains, subventionner les projets d’écriture, répartis par genre (poésie, roman, bande dessinée, scénario, etc.). L’État doit également instaurer des prix littéraires très bien dotés. Le Grand Prix du Chef de l’État pour les Lettres doit être ressuscité. Des institutions comme l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social, le ministère de la Culture et autres doivent se doter d’un Grand Prix. Et pourquoi ne pas créer le Prix Léopold Sédar Senghor. Si toutes ces doléances sont prises en compte, la littérature ne se porterait que mieux et les auteurs vivraient enfin de leurs plumes.
On sait qu’au Sénégal, contrairement à d’autres pays, les journalistes écrivent peu. Qu’est-ce qui vous a motivé ?
Vous savez, je ne suis pas le premier et je ne serai pas non plus le dernier journaliste à être romancier. Mais je crois que nos journalistes explorent peu les voies de l’édition, quand bien même il faut reconnaitre que certains d’entre eux publient ici ou là, dans des genres très différents. Je peux citer l’ancien directeur du Soleil de Dakar, El Hadj Hamidou Kassé, qui a aujourd’hui à son actif beaucoup de publication, les journalistes Habib Demba Fall, Sidy Diop du Soleil également, Abdou Latif Coulibaly, devenu ministre de la Bonne Gouvernance et porte-parole du Gouvernement, Ibou Fall, etc. Et pourtant, dans d’autres pays, ils sont nombreux ces journalistes qui se lancent dans la fiction, la poésie et d’autres genres littéraires. Je citerai l’exemple de Dominique La Pierre ou encore celui de Gabriel García Márquez, prix Nobel de littérature en 1982 avec son roman « Cent ans de solitude ». Ce brillant journaliste s’est ensuite lancé dans l’écriture de scénarios, avant de devenir publicitaire, « médiateur » politique, dramaturge, mécène, fondateur d’une école de cinéma à Cuba et d’un institut de journalisme à Cartagène. Tout le monde sait que le journaliste est avant tout un écrivain qui écrit pour son journal et qui a une grande tradition d’investigation, qu’il pourrait bien développer dans le cadre d’ouvrages. Mais cela ne suffit pas. Il faut en plus avoir une grande passion pour l’écriture. C’est ce qui fait la différence. Et c’est cette passion qui m’a animée depuis que je suis tout jeune. Et j’ai trouvé le temps nécessaire pour concilier le travail qui n’est pas de tout repos avec l’écriture, qui demande aussi beaucoup de temps, de créativité, et d’inspiration. Ça n’a pas été facile, mais quand on veut, on peut. Je profite donc de l’occasion pour inviter mes confrères à se lancer dans l’écriture qui est bien dans leurs cordes et à écrire avec une objectivité avérée. Et je suis persuadé que s’ils sont passionnés par la rédaction et la création, ils peuvent devenir de grands écrivains tout en vivant de leur profession.
Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
C’est d’abord assurer une très bonne promotion de « Un amour au fond de l’océan », mais continuer sur la courbe que je me suis fixé, c’est-à-dire publier au moins deux romans chaque année. Je crois que je suis dans les dispositions pour le faire, car j’ai déjà quatre manuscrits déjà achevés qui attendent. Mon rêve est d’atteindre la barre des 20 romans et devenir le journaliste le plus productif au Sénégal. C’est un défi que je compte bien relever et si Dieu me prête longue vie, j’y parviendrai avec brio. J’aimerai aussi, à l’avenir, m’essayer au cinéma et dans la production.
Entretien réalisé par Mbagnick Kharachi DIAGNE (Quotidien national le Soleil)
Je dois préciser que ce roman « Un amour au fond de l’océan » paru le 1er octobre dernier aux éditions Harmattan n’est pas mon premier roman, mais bien le second. « La misère des temps » est la toute première œuvre que j’ai écrite et elle doit paraitre très prochainement. Pour revenir à « Un amour au fond de l’océan », j’ai commencé à le rédiger en 2001. À cette époque-là, j’étais à Tambacounda. Ce livre, au départ, était intitulé « Cruelles amours ». Avec le naufrage du Joola survenu le 26 septembre 2002, j’ai eu l’idée de changer le contexte du livre. C’est de là qu’est partie l’idée du roman « Un amour au fond de l’océan ». Je me suis alors dit, pourquoi ne pas créer une œuvre dont la trame tournerait au tour de ce terrible naufrage et rendre un vibrant hommage à tous ceux qui ont péri dans cet accident sans précédent. Je me suis alors lancé à corps perdu dans l’écriture de ce roman en entrant à fond dans son histoire, en vivant avec mes personnages, en m’émouvant avec eux, en les accompagnant, en ressentant leurs peines et leurs joies, etc. Cela m’a pris treize longues années et je ne l’ai pas regretté, car ce travail de très longue haleine a été récompensé par une publication aux éditions Harmattan.
Dans ce roman, vous traitez de thèmes très sensibles, à savoir la crise en Casamance qui dure depuis plus de trente ans.
Loin de moi l’idée de vouloir faire le procès de la crise en Casamance qui dure depuis plus de trois décennies. Ce roman sonne comme une piqure de rappel. C’est comme dans « L’amour au temps du choléra » de Gabriel Garcia Márquez. Le choléra est juste un prétexte, mais le thème central reste l’amour. Le roman, qui s’inspire de faits réels, choisit le parti pris de la fiction pour nous offrir une parabole sur la Casamance. La belle Penda, qui croyait avoir trouvé l’amour éternel avec son cousin, doit vite déchanter du fait de la résistance et de l’hostilité caractérisée de sa mère, à cette union. Passant outre la recommandation de son défunt époux Mansour, Adja Ouly va obliger sa fille à opter pour la fugue avec l’homme de sa vie. Mais ce qui aurait pu aboutir à une aventure conjugale accomplie se transforme très vite en une symphonie inachevée. Les deux tourtereaux périssent dans le naufrage du bateau qui les transportait de Ziguinchor vers Dakar, déposant ainsi au « fond de l’océan » leur « amour » trop pur et trop grand. À travers ce livre, j’ai donc voulu revenir sur ce conflit qui déchire la Casamance depuis plus de trente ans et dont le bilan est lourd de conséquences avec des centaines de morts (civils, militaires et combattants), des villages détruits ou désertés, des milliers de populations déplacées ou enfuies. Ce qui est déplorable dans ce conflit, c’est que ce sont des Sénégalais, qui tuent des Sénégalais. C’est calamiteux. Le Bon Dieu ne nous a pas créés pour qu’on s’entretue. Il nous a créés pour qu’on vive en parfaite harmonie, qu’on s’entraide, se soutienne. Malheureusement, les conflits armés créent des divisions profondes et de graves blessures qui demandent de longues années pour être cicatrisées. Et je crois qu’il est grand temps qu’on mette un terme à cette rébellion qui a entravé le développement de la belle région de la Casamance. À son arrivée au pouvoir, le président Abdoulaye Wade avait promis de régler le problème en cent jours. Il a échoué sur toute la ligne. Même si des accords de paix ont été signés en 2001, 2002 et 2003 entre le gouvernement sénégalais et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC, rébellion indépendantiste), les nombreux médiateurs n’ont jamais réussi à convaincre les combattants de déposer les armes. Avant Me Wade, il y a eu Abdou Diouf qui avait prôné l’option militaire, avant de jouer la carte du dialogue. Mais tout cela n’a rien donné. Élu le 25 mars 2012, le président Macky Sall, a fait du retour de la paix en Casamance une de ses priorités, prônant une large gestion concertée de ce dossier et même l’implication des pays voisins comme la Gambie. Il y a de l’espoir, car la violence ne conduit jamais à la paix, condition nécessaire pour le développement. Mais, il ne suffit pas de soutenir l’objectif d’une paix négociée, mais, il faut que l’État y consacre toute l’énergie et les ressources nécessaires, entamer les négociations officielles avec le MFDC, pour un accord de paix définitif qui apporterait stabilité et sécurité dans cette partie du pays.
Vous parlez aussi du naufrage du bateau le « Joola » qui a officiellement fait au moins 1 863 morts et disparus…
C’est vrai. Comme tous les Sénégalais, j’ai été très consterné par cet accident sans précédent. Je crois que c’est la plus grande catastrophe de la marine civile jamais enregistrée. Je n’avais pas de parents ou proches qui avaient péri dans le naufrage du Joola, mais j’avais ressenti une profonde tristesse. J’ai essayé de m’imaginer le calvaire, la détresse de tous ces gens qui ont perdu quelqu’un dans ce naufrage. Mais c’était inimaginable. Ce livre a été une occasion pour plonger le lecteur dans le bain de cette tragédie et pour dire « jamais plus ça ! ». Car cette tragédie a bouleversé le Sénégal, l’Afrique et le monde entier.
Depuis quand écrivez-vous et comment cela est-il arrivé ?
Ma passion pour l’écriture est née depuis bien des années. J’ai toujours voulu écrire, surtout en lisant les bandes dessinées. Comme je me frottais un peu au dessin, il m’arrivait de créer des textes que j’associais à mes images, mes graphiques. Puis, à force de lire Birago Diop, je me suis essayé au conte. Durant mes années de collèges, j’avais un journal que j’animais régulièrement en y enregistrant mes activités quotidiennes. Mais c’est véritablement au lycée que j’ai pris les sentiers buissonniers de l’écriture. Je ne me séparais jamais de mon stylo et j’avais toujours des bouts de papier dans mes poches. Des fois, lors des ennuyeux cours de mathématiques, je m’installais tout au fond de la classe pour écrire. Je dois dire que ma passion pour la lecture m’a beaucoup aidé dans la réalisation de mon rêve de devenir écrivain. Quand j’ai commencé à pouvoir me payer des livres, j’ai eu une sacrée boulimie. Je dévorais tous les écrivains sénégalais comme Léopold Sédar Senghor, Abdoulaye Sadji, Ousmane Socé Diop, Sembène Ousmane, Cheikh Hamidou Kane, Aminata Sow Fall, Boubacar Boris Diop, Abasse Dione, Alioune Badara Bèye, Marouba Fall, entre autres. Cependant, l’un de mes premiers coups de foudre, c’était il y a très longtemps, fut « Une si longue lettre » de Mariama Ba qu’on m’avait gracieusement offert. Je crois que j’ai lu ce livre une bonne dizaine de fois. Amadou Hampathé Ba m’a aussi marqué, surtout avec « l’étrange destin de Wangrin ». Je me suis aussi nourri de la Littérature française et de ses grands auteurs comme Victor Hugo, dont les textes restent universels, Honoré de Balzac, Arthur Rimbaud, Émile Zola, Albert Camus, Charles Baudelaire entre autres. Bien plus tard, j’ai découvert d’autres écrivains comme Dominique La Pierre, Larry Collins, Gabriel Garcia Marquez, dont j’ai pratiquement lu tous les livres, de même que John Grisham, Paulo Coelho et beaucoup d’autres encore. J’avoue que j’ai lu des tonnes de livres et aujourd’hui, je peux dire sans risque de me tromper affirmer que tous ces auteurs m’ont transmis à travers leurs écrits, leurs histoires et leur savoir-faire, une richesse incommensurable qui m’a permis de réaliser mon rêve. Par chance ou par miracle, j’ai aussi eu à côtoyer beaucoup d’hommes de lettres — surtout à Saint-Louis — comme le grand maitre Alpha Sy, le doyen Alioune Badara Coulibaly, Louis Camara, Felwine Sarr, Pape Sada Hanne, mais aussi des professeurs chevronnés comme Boubacar Camara, Kalidou Sy de l’Université Gaston Berger (Ugb), Charles Camara et Ibrahima Samba du Prytanée militaire et de prendre chez chacun d’eux ce qui, pour moi, semblait enrichissant. Cela m’a permis de peaufiner davantage mes écrits. Aujourd’hui, je peux donc dire que l’écriture représente une part essentielle de mon existence.
Au Sénégal, les auteurs ne vivent pas souvent de leurs plumes…
Absolument. Tous les éditeurs que j’ai rencontrés m’ont signifié que le livre ne rapportait pas beaucoup d’argent comme certains le pensaient. Je leur ai rétorqué que je n’écrivais pas pour de l’argent, mais simplement parce que l’écriture était pour moi une nourriture spirituelle. Et que le bonheur que j’aurai eu à mener ce travail à terme suffirait à me combler. Le reste, si ça arrivait, ne serait qu’un bonus. Je savais pertinemment que la littérature ne nourrissait pas son homme. Je suis journaliste et j’ai eu à rencontrer, à côtoyer une pléiade d’auteurs qui ont passé toute leur existence à écrire, mais qui n’ont malheureusement pas eu la chance de s’en sortir. Malgré le talent, la qualité de l’écriture, le thème qu’ils ont développé dans leurs écrits, beaucoup d’entre eux flirtent avec la précarité. Car, au Sénégal, il n’est pas facile de faire publier son livre et d’en vivre. Bien sûr, il existe quelques rares exceptions, des auteurs qui parviennent à bien négocier leurs prestations. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut que tout cela change. Que l’écrivain puisse vivre de sa plume, bénéficier d’une reconnaissance. Sous d’autres cieux, certains auteurs sont hébergés dans des résidences pour écrire en toute quiétude. Des fois, ils sont pris en charge, reçoivent un soutien logistique et même une allocation mensuelle. Comment ne pas écrire un chef-d’œuvre dans ces conditions-là ? C’est vrai que la Direction du Livre et de la Lecture, qui dépend du ministère de la Culture, fait quelques efforts en soutenant chaque année, même si c’est de façon irrégulière, quelques auteurs pour leur permettre d’éditer leurs livres, mais c’est infime si l’on considère le nombre impressionnant d’écrivains dont regorge notre pays. Bref, je crois que l’État doit davantage aider les écrivains, subventionner les projets d’écriture, répartis par genre (poésie, roman, bande dessinée, scénario, etc.). L’État doit également instaurer des prix littéraires très bien dotés. Le Grand Prix du Chef de l’État pour les Lettres doit être ressuscité. Des institutions comme l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social, le ministère de la Culture et autres doivent se doter d’un Grand Prix. Et pourquoi ne pas créer le Prix Léopold Sédar Senghor. Si toutes ces doléances sont prises en compte, la littérature ne se porterait que mieux et les auteurs vivraient enfin de leurs plumes.
On sait qu’au Sénégal, contrairement à d’autres pays, les journalistes écrivent peu. Qu’est-ce qui vous a motivé ?
Vous savez, je ne suis pas le premier et je ne serai pas non plus le dernier journaliste à être romancier. Mais je crois que nos journalistes explorent peu les voies de l’édition, quand bien même il faut reconnaitre que certains d’entre eux publient ici ou là, dans des genres très différents. Je peux citer l’ancien directeur du Soleil de Dakar, El Hadj Hamidou Kassé, qui a aujourd’hui à son actif beaucoup de publication, les journalistes Habib Demba Fall, Sidy Diop du Soleil également, Abdou Latif Coulibaly, devenu ministre de la Bonne Gouvernance et porte-parole du Gouvernement, Ibou Fall, etc. Et pourtant, dans d’autres pays, ils sont nombreux ces journalistes qui se lancent dans la fiction, la poésie et d’autres genres littéraires. Je citerai l’exemple de Dominique La Pierre ou encore celui de Gabriel García Márquez, prix Nobel de littérature en 1982 avec son roman « Cent ans de solitude ». Ce brillant journaliste s’est ensuite lancé dans l’écriture de scénarios, avant de devenir publicitaire, « médiateur » politique, dramaturge, mécène, fondateur d’une école de cinéma à Cuba et d’un institut de journalisme à Cartagène. Tout le monde sait que le journaliste est avant tout un écrivain qui écrit pour son journal et qui a une grande tradition d’investigation, qu’il pourrait bien développer dans le cadre d’ouvrages. Mais cela ne suffit pas. Il faut en plus avoir une grande passion pour l’écriture. C’est ce qui fait la différence. Et c’est cette passion qui m’a animée depuis que je suis tout jeune. Et j’ai trouvé le temps nécessaire pour concilier le travail qui n’est pas de tout repos avec l’écriture, qui demande aussi beaucoup de temps, de créativité, et d’inspiration. Ça n’a pas été facile, mais quand on veut, on peut. Je profite donc de l’occasion pour inviter mes confrères à se lancer dans l’écriture qui est bien dans leurs cordes et à écrire avec une objectivité avérée. Et je suis persuadé que s’ils sont passionnés par la rédaction et la création, ils peuvent devenir de grands écrivains tout en vivant de leur profession.
Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
C’est d’abord assurer une très bonne promotion de « Un amour au fond de l’océan », mais continuer sur la courbe que je me suis fixé, c’est-à-dire publier au moins deux romans chaque année. Je crois que je suis dans les dispositions pour le faire, car j’ai déjà quatre manuscrits déjà achevés qui attendent. Mon rêve est d’atteindre la barre des 20 romans et devenir le journaliste le plus productif au Sénégal. C’est un défi que je compte bien relever et si Dieu me prête longue vie, j’y parviendrai avec brio. J’aimerai aussi, à l’avenir, m’essayer au cinéma et dans la production.
Entretien réalisé par Mbagnick Kharachi DIAGNE (Quotidien national le Soleil)