Jazzman, bluesman, musicien traditionnel, classique ou encore « du monde » : qui êtes-vous, Ablaye Cissoko ?
Drôle d’idée que celle de « frontière », non ? Peut-on empêcher l’air de circuler ? Les sons ? On parle de musique « traditionnelle » ici, de musique « classique » là, là encore de musique « du monde ». Personnellement, je ne vois pas la différence et préfère parler de « musique ». Avant tout, je suis un griot. On naît griot, on ne devient pas griot. Et le griot était là avant le jazz, avant toute forme de musique. Il est le porte-parole du roi devenu la voix de tous les peuples. C’est ce que je veux transmettre à travers ma musique, qu’on l’appelle « jazz », « traditionnelle » ou « classique ». C’est ma façon d’être en paix. Car je suis un homme de paix. J’incarne la paix. Je veux la paix. C’est pourquoi je la chanterai et la jouerai chaque fois qu’il me sera possible de le faire. C’est avec la paix que tout commence et que tout finit. Il faut le croire…
Quel regard posez-vous sur l’Afrique d’aujourd’hui ?
J’ai écrit un morceau qui s’appelle N’A Banco. J’y évoque la violence, les épidémies, les guerres qui ravagent de nombreux pays du continent. Et tout ce que nous semblons en mesure de faire, c’est fermer nos frontières et croiser nos bras. Pourquoi ? Parce que nos dirigeants ne veulent pas s’unir. Et si nous décidions de prendre les devants ? Cela pourrait tout changer. C’est ainsi que je perçois mon rôle de griot. Une aiguille à laquelle on a attaché un fil interminable pour recoudre là où il y a des déchirures. Depuis la nuit des temps, les griots se sont immiscés dans les conflits, entre les peuples, les villages, les amis, les frères. Je ne veux pas être la voix des autres, je suis une voix, mais mon rôle est de maintenir les consciences éveillées, d’apaiser le cœur des hommes afin que, demain, les choses bougent.
Les lendemains africains, comment les voyez-vous ?
Jeunes ! L’Afrique c’est l’avenir, qu’on le veuille ou non. Simplement, cette jeunesse, il faut la préparer et il faut le faire maintenant si on veut éviter la catastrophe. Il faut s’attaquer au désespoir qui la traverse en lui installant un minimum de sécurité pour qu’elle ait l’esprit tranquille et puisse aller de l’avant. Ce continent, c’est le sien. On se doit de lui donner les moyens d’en faire quelque chose. Et cela passe à mon sens par la transmission, que ce soit à travers l’histoire ou, pour moi, à travers la musique et la kora. C’est essentiel.
Petit glossaire
Griot (ou djéli) : communicateur traditionnel en Afrique de l’Ouest, musicien messager, conteur, poète, chanteur, historien, généalogiste, chroniqueur, il est le garant de la mémoire culturelle de l’Afrique et de sa tradition orale. Une caste sociale ancestrale qui se transmet par les liens du sang.
Kora : instrument de musique à cordes traditionnel d’Afrique de l’Ouest, sorte de harpe-luth constituée d’une demi-calebasse recouverte d’une peau d’animal, d’un long manche en bois cylindrique (la hampe), le long duquel sont fixées 21 cordes (nombre qui peut varier d’une Kora à l’autre). On en joue avec le pouce et l’index de chaque main.
LEMONDE.FR
Drôle d’idée que celle de « frontière », non ? Peut-on empêcher l’air de circuler ? Les sons ? On parle de musique « traditionnelle » ici, de musique « classique » là, là encore de musique « du monde ». Personnellement, je ne vois pas la différence et préfère parler de « musique ». Avant tout, je suis un griot. On naît griot, on ne devient pas griot. Et le griot était là avant le jazz, avant toute forme de musique. Il est le porte-parole du roi devenu la voix de tous les peuples. C’est ce que je veux transmettre à travers ma musique, qu’on l’appelle « jazz », « traditionnelle » ou « classique ». C’est ma façon d’être en paix. Car je suis un homme de paix. J’incarne la paix. Je veux la paix. C’est pourquoi je la chanterai et la jouerai chaque fois qu’il me sera possible de le faire. C’est avec la paix que tout commence et que tout finit. Il faut le croire…
Quel regard posez-vous sur l’Afrique d’aujourd’hui ?
J’ai écrit un morceau qui s’appelle N’A Banco. J’y évoque la violence, les épidémies, les guerres qui ravagent de nombreux pays du continent. Et tout ce que nous semblons en mesure de faire, c’est fermer nos frontières et croiser nos bras. Pourquoi ? Parce que nos dirigeants ne veulent pas s’unir. Et si nous décidions de prendre les devants ? Cela pourrait tout changer. C’est ainsi que je perçois mon rôle de griot. Une aiguille à laquelle on a attaché un fil interminable pour recoudre là où il y a des déchirures. Depuis la nuit des temps, les griots se sont immiscés dans les conflits, entre les peuples, les villages, les amis, les frères. Je ne veux pas être la voix des autres, je suis une voix, mais mon rôle est de maintenir les consciences éveillées, d’apaiser le cœur des hommes afin que, demain, les choses bougent.
Les lendemains africains, comment les voyez-vous ?
Jeunes ! L’Afrique c’est l’avenir, qu’on le veuille ou non. Simplement, cette jeunesse, il faut la préparer et il faut le faire maintenant si on veut éviter la catastrophe. Il faut s’attaquer au désespoir qui la traverse en lui installant un minimum de sécurité pour qu’elle ait l’esprit tranquille et puisse aller de l’avant. Ce continent, c’est le sien. On se doit de lui donner les moyens d’en faire quelque chose. Et cela passe à mon sens par la transmission, que ce soit à travers l’histoire ou, pour moi, à travers la musique et la kora. C’est essentiel.
Petit glossaire
Griot (ou djéli) : communicateur traditionnel en Afrique de l’Ouest, musicien messager, conteur, poète, chanteur, historien, généalogiste, chroniqueur, il est le garant de la mémoire culturelle de l’Afrique et de sa tradition orale. Une caste sociale ancestrale qui se transmet par les liens du sang.
Kora : instrument de musique à cordes traditionnel d’Afrique de l’Ouest, sorte de harpe-luth constituée d’une demi-calebasse recouverte d’une peau d’animal, d’un long manche en bois cylindrique (la hampe), le long duquel sont fixées 21 cordes (nombre qui peut varier d’une Kora à l’autre). On en joue avec le pouce et l’index de chaque main.
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