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Quelle place pour la communauté littéraire de Saint-Louis dans l’organisation du prochain sommet de la Francophonie ?

Lundi 17 Février 2014

Au grand rendez-vous du « donner et du recevoir » que constitue le prochain sommet de la Francophonie devant se tenir à Dakar, quelle place sera réservée à Saint Louis, particulièrement à sa communauté littéraire ? Il nous semble que, à l’heure qu’il est, et eu égard à des considérations de plusieurs ordres, question ne peut être plus légitime et opportune que celle-là.
Le prochain sommet de la Francophonie sera abrité par la capitale sénégalaise. Un honneur que, toute proportion gardée, l’on pourrait qualifier de grandiose, si l’on sait le rôle primordial qu’a joué le Père de cette nation (L. S. Senghor) dans le processus de création de cette fédération intercontinentale des pays ayant en partage la langue française. Cependant, les observateurs intéressés que nous sommes ne sont point tout à fait rassurés de la manière dont les préparatifs de la circonstance sont en train d’être administrés. Ceux qui sont promus à l’exercice de cette tâche donnent l’impression d’être efficaces dans la discrétion. Mais l’odeur des failles, si vagues soient-elles encore, empeste déjà l’aire culturelle ; et l’on se demande si les promesses d’un franc succès, distillées avec une légère prétention, ne sont pas de la simple poudre aux yeux.


Mais sans vouloir minimiser aucun aspect des dysfonctionnements envisageables, nous aimerions qu’il nous soit permis de circonscrire notre inquiétude autour de la place qui est censée être réservée à la communauté littéraire de Saint-Louis dans la 18ème édition de cet auguste événement. Nous voudrions, cependant, que cela soit bien clair : nous ne sommes pas dans le secret du menu que le comité d’organisation de ce sommet est en train de nous concocter ; mais nous ne sommes pas, non plus, disposés à nous laisser pétrifier dans une « attitude stérile » de spectateurs face aux conditions de préparation d’un événement qui prétend faire le bilan d’étape de l’évolution de notre vocation commune, j’ai nommé la langue française.

Saint-Louis est une cité fondamentalement culturelle et foncièrement littéraire. Son rapport à la langue française est d’une profondeur indiscutable, puisqu’il est consacré et défini, de longue date, par la volonté coloniale même, qui l’éleva à un niveau de noblesse inégalé. Observée sous la loupe du passé, cette ville force le respect par son attachement matinal à une espèce de touchante coquetterie dans le maniement de « la langue de Molière ». En effet, on ne peut, à vrai dire, postuler que l’exquise « méthodicité » du Saint louisien dans l’expression de sa pensée en français soit une « précieuse ridicule »…

A tous points de vue, Saint-louis est aujourd’hui le plus important bassin littéraire du Sénégal

Le Sénégal littéraire, aujourd’hui, si l’on veut rester objectif, , ce n’est nulle part ailleurs, à vrai dire, que la vieille ville. Les motifs pour valider cette thèse sont nombreux et coulent de source. Déjà que du point de vue numérique, la population littéraire saint-louisienne domine de son apesanteur prométhéenne celle de toutes les autres contrées du Sénégal.

On ne discutera pas non plus du caractère inégalable des valeurs intrinsèques propres aux sujets qui la composent. Elles sont d’une variété et d’une densité qui forcent l’admiration. Saint-louis, faut-il qu’on s’en souvienne, est le lieu d’origine de deux lauréats du Grand Prix du Chef de l’Etat : Tita Mandeleau et Louis Camara. Saint-louis c’est le lieu originel de l’un des styles poétiques actuels les plus achevés, j’ai nommé Charles Carrère. Saint-louis, c’est le ballon d’oxygène de deux des meilleurs contributeurs dans le dynamisme de la vie artistique et littéraire de notre pays : Amadou Alpha SY et Charles Camara (compte non tenu du fait que ce dernier devrait, avant tout, être regardé comme un critique précieux, un connaisseur éclectique de ce qu’il y a de mieux dans la littérature francophone actuelle).

C’est de Saint-Louis aussi qu’est originaire le sieur Samba Ndiaye, celui-là qui a signé à la mi-2012 « Les marrons glacés » (recueil de poèmes, éd. Harmattan), et à propos de qui bien des spécialistes du genre s’accordent à dire qu’il est parti pour être l’une des plus sûres satisfactions de la nouvelle poésie sénégalaise. Je ne pourrais guère clore ce listing (qui de toute façon, n’a aucunement la prétention d’être exhaustive !) sans avouer la très bonne impression que m’a laissé Cheikhou Diakhité, un professeur de Lettres à la retraite, saint-louisien de souche, que j’ai naguère découvert dans un numéro de l’émission « Impressions » (2STV), où il était venu présenter son dernier récit. En attendant que je découvre ce que vaut sa prose, j’avoue qu’il m’a déjà séduit en tant qu’herméneute, puisqu’il a, contre attente, pris le dessus sur le sieur Lamine Sambe (un maître de l’interprétation, habitué de l’émission de Sada KANE)) dans les échanges légèrement contradictoires qu’ils ont eus, un moment, sur le plateau.

Saint-louis, un banquet littéraire permanent, un concert inextinguible de rossignols


Pourtant, en termes de symbole, ces exemples isolés pourraient bien passer en seconde zone face aux cas à part entière que constituent Boubacar Boris DIOP et Felwine SARR. Le premier a une aura planétaire et, depuis plus d’une quinzaine d’années, arbore allègrement le statut de locomotive du roman sénégalais, sans qu’aucun signe de menace à caractère émulatif ne vienne perturber sa brillante manœuvre ; le second est un très bel espoir, un écrivant-philosophant qui, à travers ce qu’on pourrait appeler une pensée narrative, est en train d’ouvrir des chantiers plus qu’intéressants sur les terres littéraires sénégalaises. Tous les deux, aujourd’hui, interrogent, pensent et racontent le monde à partir de la vieille ville. Ils y résident, certes, par obligation professionnelle (ils enseignent à l’Université Gaston Berger) ; mais avant tout, je crois, par pure passion, puisque leurs antennes inspiratoires semblent bien s’accommoder des mille et un souffles culturels qui s’élèvent en permanence au dessus de Saint-Louis. Boubacar Boris DIOP nous a confié, il y a un an et demi, toute sa difficulté, aujourd’hui, à passer plus de 48 heures à Dakar…

Observée sous le prisme de l’initiative corporatiste, la vitalité du dévouement artistique et littéraire de Saint-Louis n’est pas moins honorable. N’est-ce pas dans cet antre sublime que se tient annuellement ce beau et très populaire Festival de Poésie, qui a fini de prendre, aujourd’hui, la place que l’on sait dans le calendrier culturel du Sénégal ? Conférences, symposiums, débats autour du Livre et de la Lecture, y sont tellement courants qu’ils ont fini par y exhaler un parfum de banalité. On ne trouve nulle part ailleurs dans notre pays une telle « rumeur classique » de rossignols.

On ne peut aussi omettre d’inscrire au compte de cette vitalité littéraire le fait que la première maison d’édition sénégalaise créée hors de Dakar avait choisi la ville de Saint-Louis comme foyer d’implantation. Il s’agissait des éditions Xamal, qui ont pu, pendant au moins une décennie, publier une bonne quantité d’ouvrages dans tous les genres. Aujourd’hui, on peut légitimement trouver à redire sur la qualité de ces publications, qui se sont, pour la plupart, matériellement essoufflées ; mais nul ne pourra contester que cette maison d’édition « décapitalisée » a énormément contribué à réinstaller, au moins sur les « startings blocks », une littérature sénégalaise gémissante et quasiment écartée de la zone de compétition.

Autorités culturelles et diplomatiques de ce pays, dites-nous quel genre de rôle de premier plan vous entendez faire jouer aux acteurs littéraires de Saint-louis dans le prochain sommet de la Francophonie !
Pôle de talents époustouflants, foyer ardent d’une créativité vertigineuse, vivier d’initiatives artistiques où le verbe pavoise à l’envi ; voilà ce qu’est Saint-louis. Toutes choses qui prennent forment et vibrent dans un usage à la fois passionnant et passionné de la langue française. Et à quelques mois de la tenue du prochain sommet de cet événement essentiel qu’est la Francophonie, nous estimons devoir, de bon droit, réclamer de nos autorités culturelles et diplomatiques qu’elles annoncent la couleur en nous montrant, par exemple, quel genre de rôle de premier plan elles attendent faire jouer à la population littéraire de la vieille ville.

Car il serait objectivement inadmissible que ces talentueux et persévérants hommes de plume, qui font vivre chez nous la langue française mieux que n’importe quelle autre entité du territoire, ne bénéficient pas, à cette occasion exceptionnelle, d’une forme de valorisation qui permettrait à nos hôtes, je veux dire aux pilotes internationaux de la réalité francophone, de se rendre compte que quelque part, dans un petit pays appelé Sénégal, Senghor et Vaugelas, la main dans la main, gravissent l’Everest avec la détermination de Sisyphe et la passion de Nathanaël. J’ai le pressentiment que si personne ne dit rien, encore qu’il est temps, aucune responsabilité digne de ce nom ne sera assignée à ces vaillants amants de la Muse, qui déroulent encore passionnément un tapis de poèmes et de proses pour Molière, sans rien attendre en retour.

Par Waly BA
Directeur de publication du journal « Expressions Littéraires »
Article paru dans le numéro 13 (février 2013) dudit journal





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1.Posté par Xunxunöor le 07/03/2014 13:43
Si nous vous avons bien compris, et en nous référant aux exemples que vous nous citez, il existerait donc des écrivains de seconde zone ! Nous aimerions bien savoir ce que vous entendez par cette affirmation.

2.Posté par zougouzaga le 07/03/2014 20:19
Tout simplement qu'il existe des écrivains qui ont du talent et écrivent de bons livres, agréables à lire, digestes et instructifs et qu'à côté d'eux il en y en a aussi qui n'ont aucun talent, écrivent comme des manches à balai mais parviennent tout de même à se faire éditer, font beaucoup de tintamarre à travers les medias qui sont leurs complices et donnent une mauvaise image de la littérature sénégalaise! Il existe de mauvais écrivains comme il existe de mauvais chanteurs, de mauvais peintres, de mauvais enseignants, de mauvais médecins, de mauvais avocats, de mauvais menuisiers, de mauvais présidents, de mauvais juges, de mauvais maris, de mauvaises femmes, et j'en passe! En toutes choses il y a du positif et du négatif. Ce n'est pas parce que l'on prend sa plume et que l'on noircit quelques centaines de pages que l'on est forcément un bon écrivain. Des mauvais lecteurs qui ne savent pas discerner entre un chef d'oeuvre et un médiocre navet, il y en a aussi. C'est tout simplement cela qu'à voulu dire Waly Ba dans son article. Xunxunöor, j'espère que vous avez compris cette fois-ci et que désormais vous ferez la différence entre un écrivain et un écrivaillon (ceux que vous appelez "écrivains de seconde zone"), comme vous faites la différence entre un bon café et un jus de chaussettes ou entre, mettons, Titi et Beyoncé!

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