Ceux qui espéraient voir le Grand prix du président de la république pour les lettres être remis à l’honneur vont devoir, une fois de plus déchanter, car en ce dernier mois de l’année rien n’indique qu’il en sera ainsi. Au risque de passer pour un renâcleur, un obstiné prêcheur dans le désert, et je m’assume, je voudrais à travers ces lignes relancer le débat sur la question du retour de cette institution dans l’agenda culturel de notre pays.
A ce qu’il semble, les conseillers en culture du président de la république, soit ne l’ont pas briefé sur la question, soit n’ont pas réussi à le convaincre, je ne dis pas de la nécessité mais de l’opportunité de ressusciter ce prix, car je suis certain qu’il n’aurait pas hésité à donner son aval si de solides arguments lui avaient été présentés. En tout état de cause et pour ceux qui en doutaient encore, le constat est patent : la littérature n’est pas une priorité pour les autorités qui ont en charge la culture au Sénégal où l’écrivain reste encore, dans l’imaginaire public, ce doux rêveur, inoffensif, dont les œuvres (sauf si elles consistent en des biographies dithyrambiques d’hommes politiques) ne troublent pas le sommeil de leurs destinataires.
Il en résulte une désaffection de la critique qui fait la moue ou qui joue la carte de la complaisance et du lectorat qui manifeste un certain dédain à l’égard de la production littéraire nationale souvent jugée comme étant de qualité douteuse voire médiocre.
Certes, et tous les Sénégalais s’en sont réjoui, le jeune écrivain Mohammed Mbougar Sarr a remporté coup sur coup deux prestigieux prix littéraires avec son beau roman intitulé « Terre ceinte ». Mais il s’agit là de distinctions internationales, qui intéressent l’ensemble du monde francophone et qui, à défaut de prix nationaux, pourraient bien être l’arbre qui cache la forêt. D’autre part, du côté de la littérature en langues nationales (wolof, pulaar etc…) peu voire pas du tout d’œuvres nouvelles sont à signaler. Il semblerait même que depuis la publication de « Doomi Golo » le roman en wolof de Boubacar Boris Diop, la morosité se soit durablement installée dans ce secteur pourtant essentiel de notre littérature nationale. Et là aussi on peut noter la quasi-inexistence du mécénat, de prix ou de toute autre forme de soutien à la créativité et à la production d’œuvres de fiction littéraire.
Les prix littéraires, dira t-on, ne sont pas une fin en soi, et comme le proclamait à juste raison Mikhail Boulgakov « un écrivain ne se définit pas par un certificat, mais par ce qu’il écrit ». Cela est vrai. Indubitablement. Mais il est tout aussi vrai que dans un pays où le livre et la lecture, malgré tous les efforts consentis, ont encore tant de peine à émerger, ces récompenses peuvent constituer un réel stimulant, une source de motivation non négligeable pour les écrivains et autres adeptes de la plume.
A ce propos, notons que même dans les pays développés où la littérature a définitivement acquis droit de cité et fait partie intégrante de la culture au sens le plus large, le mécénat et les prix littéraire sont des pratiques validées qui donnent lieu régulièrement à des cérémonies à caractère quasi rituel au cours desquelles des œuvres nouvelles et leurs auteurs sont révélés au grand public.
C’est ainsi qu’en France, pays qui nous est peut-être le plus proche du point de vue de la culture littéraire en raison de la langue française que nous avons en partage, il existe plus d’une cinquantaine de prix littéraires. Les plus connus d’entre eux, tels que le prix Goncourt, le prix Médicis, le prix Renaudot, le prix Fémina, le prix de l’Académie française (il existe même depuis 2007 un « prix du livre incorrect », politiquement s’entend !) sont chaque année attendus avec une réelle ferveur, y compris jusque chez nous. Dans notre pays, le « Grand (et unique) prix du président de la république pour les lettres » avait, en dix années d’existence, réussi à créer un véritable engouement et permettait de découvrir, chaque mois de décembre, une nouvelle œuvre littéraire triée sur le volet. Il faisait aussi sortir de l’anonymat de talentueux écrivains qui y seraient peut-être demeurés pour toujours en raison des difficultés liées à l’édition et à un environnement peu propice à leur épanouissement.
Aujourd’hui ce prix a disparu de l’agenda culturel du Sénégal (malgré les promesses de retour) et c’est bien dommage car quoique l’on puisse dire ou penser d’elle, la littérature est le signe de l’indéniable vitalité intellectuelle d’un pays. Elle en constitue aussi l’une des plus belles vitrines. Le nom Colombie ne fait pas d’abord penser au redoutable cartel de la drogue mais plutôt à Gabriel Garcia Marquez et son immortel « cent ans de solitude » ! Désolé donc pour les amoureux de la littérature (la bonne) : cette année encore le Père Noël leur fera faux bond et ne descendra pas du ciel pour leur apporter leur plus désiré cadeau : un nouveau et beau livre !
Une déception, une de plus, pour ceux qui ont à cœur de faire bouger les lignes et de redorer le blason des arts et lettres dans notre cher pays. Mais nous restons optimiste et ne désespérons pas de voir nos autorités culturelles s’engager davantage, et dans le bon sens, dans le soutien à une « émergence » toujours plus qualitative de notre littérature. Même si, comme le pense Thomas Bernhard, « Le métier dont il n’y a absolument rien à attendre, c’est le métier d’écrivain », nous sommes plutôt en phase avec sa consœur Madeleine Chapsal qui, elle, affirme que « C’est pour faire exister ce qui n’existe pas qu’il faut sans cesse de nouveaux écrivains »
Louis Camara, « Le conteur d’Ifa »,
Écrivain, Grand prix du président de la république pour les lettres.
A ce qu’il semble, les conseillers en culture du président de la république, soit ne l’ont pas briefé sur la question, soit n’ont pas réussi à le convaincre, je ne dis pas de la nécessité mais de l’opportunité de ressusciter ce prix, car je suis certain qu’il n’aurait pas hésité à donner son aval si de solides arguments lui avaient été présentés. En tout état de cause et pour ceux qui en doutaient encore, le constat est patent : la littérature n’est pas une priorité pour les autorités qui ont en charge la culture au Sénégal où l’écrivain reste encore, dans l’imaginaire public, ce doux rêveur, inoffensif, dont les œuvres (sauf si elles consistent en des biographies dithyrambiques d’hommes politiques) ne troublent pas le sommeil de leurs destinataires.
Il en résulte une désaffection de la critique qui fait la moue ou qui joue la carte de la complaisance et du lectorat qui manifeste un certain dédain à l’égard de la production littéraire nationale souvent jugée comme étant de qualité douteuse voire médiocre.
Certes, et tous les Sénégalais s’en sont réjoui, le jeune écrivain Mohammed Mbougar Sarr a remporté coup sur coup deux prestigieux prix littéraires avec son beau roman intitulé « Terre ceinte ». Mais il s’agit là de distinctions internationales, qui intéressent l’ensemble du monde francophone et qui, à défaut de prix nationaux, pourraient bien être l’arbre qui cache la forêt. D’autre part, du côté de la littérature en langues nationales (wolof, pulaar etc…) peu voire pas du tout d’œuvres nouvelles sont à signaler. Il semblerait même que depuis la publication de « Doomi Golo » le roman en wolof de Boubacar Boris Diop, la morosité se soit durablement installée dans ce secteur pourtant essentiel de notre littérature nationale. Et là aussi on peut noter la quasi-inexistence du mécénat, de prix ou de toute autre forme de soutien à la créativité et à la production d’œuvres de fiction littéraire.
Les prix littéraires, dira t-on, ne sont pas une fin en soi, et comme le proclamait à juste raison Mikhail Boulgakov « un écrivain ne se définit pas par un certificat, mais par ce qu’il écrit ». Cela est vrai. Indubitablement. Mais il est tout aussi vrai que dans un pays où le livre et la lecture, malgré tous les efforts consentis, ont encore tant de peine à émerger, ces récompenses peuvent constituer un réel stimulant, une source de motivation non négligeable pour les écrivains et autres adeptes de la plume.
A ce propos, notons que même dans les pays développés où la littérature a définitivement acquis droit de cité et fait partie intégrante de la culture au sens le plus large, le mécénat et les prix littéraire sont des pratiques validées qui donnent lieu régulièrement à des cérémonies à caractère quasi rituel au cours desquelles des œuvres nouvelles et leurs auteurs sont révélés au grand public.
C’est ainsi qu’en France, pays qui nous est peut-être le plus proche du point de vue de la culture littéraire en raison de la langue française que nous avons en partage, il existe plus d’une cinquantaine de prix littéraires. Les plus connus d’entre eux, tels que le prix Goncourt, le prix Médicis, le prix Renaudot, le prix Fémina, le prix de l’Académie française (il existe même depuis 2007 un « prix du livre incorrect », politiquement s’entend !) sont chaque année attendus avec une réelle ferveur, y compris jusque chez nous. Dans notre pays, le « Grand (et unique) prix du président de la république pour les lettres » avait, en dix années d’existence, réussi à créer un véritable engouement et permettait de découvrir, chaque mois de décembre, une nouvelle œuvre littéraire triée sur le volet. Il faisait aussi sortir de l’anonymat de talentueux écrivains qui y seraient peut-être demeurés pour toujours en raison des difficultés liées à l’édition et à un environnement peu propice à leur épanouissement.
Aujourd’hui ce prix a disparu de l’agenda culturel du Sénégal (malgré les promesses de retour) et c’est bien dommage car quoique l’on puisse dire ou penser d’elle, la littérature est le signe de l’indéniable vitalité intellectuelle d’un pays. Elle en constitue aussi l’une des plus belles vitrines. Le nom Colombie ne fait pas d’abord penser au redoutable cartel de la drogue mais plutôt à Gabriel Garcia Marquez et son immortel « cent ans de solitude » ! Désolé donc pour les amoureux de la littérature (la bonne) : cette année encore le Père Noël leur fera faux bond et ne descendra pas du ciel pour leur apporter leur plus désiré cadeau : un nouveau et beau livre !
Une déception, une de plus, pour ceux qui ont à cœur de faire bouger les lignes et de redorer le blason des arts et lettres dans notre cher pays. Mais nous restons optimiste et ne désespérons pas de voir nos autorités culturelles s’engager davantage, et dans le bon sens, dans le soutien à une « émergence » toujours plus qualitative de notre littérature. Même si, comme le pense Thomas Bernhard, « Le métier dont il n’y a absolument rien à attendre, c’est le métier d’écrivain », nous sommes plutôt en phase avec sa consœur Madeleine Chapsal qui, elle, affirme que « C’est pour faire exister ce qui n’existe pas qu’il faut sans cesse de nouveaux écrivains »
Louis Camara, « Le conteur d’Ifa »,
Écrivain, Grand prix du président de la république pour les lettres.