Le Sénégal perd un homme de synthèse avec la disparition de l’anthropologue culturel et critique d’art sénégalais Ousmane Sow Huchard, lequel personnifiait le métissage culturel à la sénégalaise et rêvait de marier l’écologie à la culture pour insuffler une âme à la politique.
L’écologiste sénégalais est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, à Dakar, des suites d’une longue maladie, à l’âge de 77 ans, a-t-on appris de sa famille.
Comme dans le cas de son "frère", l’architecte Pierre Goudiaby Atépa, avec qui il a grandi dans la même concession à Ziguinchor, la principale ville du sud du Sénégal, le défunt muséologue, musicologue, conservateur de musée et consultant international, peut être présenté comme l’un des produits les plus aboutis du métissage à la sénégalaise.
Une sorte de brassage de communautés et de cultures, qui fait de certaines zones des terres d’exception, où le métissage culturel quotidien, mère de la tolérance, est en acte quand il peine à s’expérimenter partout ailleurs à travers le Sénégal.
"Moi, il n’y a pas plus Casamançais que moi. Certains de mes collègues à l’Assemblée nationale me disent toujours : ‘Huchard, toi, tu es un rebelle caché, parce que quand on t’entend parler de la Casamance, c’est tout juste si tu ne nous rentres pas dedans", déclarait-il dans un entretien avec l’APS, avant d’ajouter : "Je dis : ’Non. Moi, je suis un Sénégalais. Je suis même un panafricaniste. Je suis plus que ça, donc on ne peut pas me taxer de rebelle’".
"En vérité, poursuivait Ousmane Sow Huchard en parlant de la Casamance, j’aime ma région et personne ne l’aimera mieux que moi. Donc, nous nous battrons pour que cette région relève la tête, trouve la paix et redevienne le grenier du Sénégal.".
Le défunt, qui a exercé un mandat de député de cinq ans à partir de 2007, était depuis mars 2009 conseiller municipal de Ziguinchor, la ville où il naquit le 5 décembre 1942.
Il se présentait avant tout comme un homme du monde dont l’histoire familiale se rattache, du côté de sa mère, à l’élite créole qui a longtemps marqué l’histoire politique, économique et culturelle du Sénégal.
Dans l’avant-propos de son livre "La culture. Ses objets-témoins et l’action muséologique" (Le Nègre international, 2010), il témoigne de la petite histoire de la grande famille Huchard, dont l’ancêtre Nicolas, fondateur de la branche familiale au Sénégal, est originaire de Neuvy- Sautour, en Bourgogne (France).
Ce dernier est arrivé en 1830 à l’île de Gorée, où il s’est installé, à trois kilomètres de Dakar, après être passé auparavant par Dakar, Joal, Carabane, Ziguinchor, et Cachéo, en Guinée-Bissau, écrit Ousmane Sow dans son livre.
S’y ajoutent les rapports que quelques membres de la famille Huchard ont eus avec le président sénégalais Léopold Sédar Senghor et l’histoire du Sénégal.
Se retirer en Casamance "pour y mourir"
Huchard, natif de Ziguinchor, s’identifie résolument à la Casamance, où, de son propre aveu, il souhaitait se retirer "pour y mourir", mais ce parti pris affectif pour sa région natale n’enlevait rien à son culte suprême pour la République, comme le prouvent sa trajectoire, son profil, peut-être même ses rêves, qui l’ont conduit à une longue pratique de l’Etat, sous la protection du premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, et de son oncle, le ministre Emile Badiane.
Ousmane Sow Huchard était proche du premier président sénégalais dont il est l’un des fils spirituels, avec Pierre Goudiaby Atépa, Amadou Lamine Sall, entre autres.
Après une formation technique en pratique d’électricité, il a entamé en 1978 des études universitaires à l’Université de Laval, au Canada, grâce à une bourse de Léopold Sédar Senghor.
Il revient de cette institution universitaire auréolé d’une licence d’histoire de l’art et d’archéologie classique, et d’un master d’anthropologie (option muséologie), en 1980.
Il parachève sa formation à l’Université de Laval en 1985, par un doctorat en anthropologie sociale et culturelle. Il a été successivement conservateur en chef du Musée dynamique, de 1983 à 1988, conseiller technique au cabinet du ministre de la Culture, entre 1986 et 1988, commissaire aux expositions d’art à l’étranger du Sénégal, de 1989 à 1990, président du conseil scientifique de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art), de 1993 à 1999.
Bataille politique
Ousmane Sow Huchard entame, à partir de 1999, son engagement en politique avec d’autres Sénégalais en mettant sur pied le Rassemblement des écologistes du Sénégal (RES-Les Verts), dont il devient le porte-parole.
Le parti écologiste engage sa première bataille politique en participant aux élections législatives de 2001, mais n’obtient pas de siège à l’Assemblée nationale à l’issue de ce scrutin.
Suivent les locales de 2002 qui ouvrent les portes des collectivités locales aux écologistes, lesquels remportent une cinquantaine de sièges d’élus locaux, dans plusieurs localités, notamment à Gorée et Ngor, une autre île située au large de Dakar.
Cinq ans plus tard et après une crise majeure qui l’avait notamment opposé à Haïdar El Ali, un autre écologiste de référence, Ousmane Sow Huchard fait son entrée à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives de 2007, avec un engagement dicté par la volonté de mettre en pratique les principes de l’écologie : la protection de l’environnement et donc du cadre de vie, l’accès à l’éducation, au travail et à la santé pour tous, la sécurité individuelle et collective, la paix et l’harmonie sociale.
Dans une autre vie, la tête de liste du RES-Les Verts a eu une carrière artistique aboutie, avec comme nom de scène "Soleya Mama".
Ousmane Sow Huchard a commencé sa carrière musicale avec le groupe Symphonie Jazz de Ziguinchor. Il intègre ensuite le Collège technique de Saint-Louis et joue avec le Star Jazz, dans le nord du Sénégal, entre 1958 et 1960.
Il est ensuite passé par l’Arsenal de la Marine et l’Université de Dakar où il a fondé le Dakar Université Sextet, avec des musiciens guinéens, les frères Dreyfus, le bassiste Sory Kantara, et d’autres personnes. Il a ensuite fondé, avec André Lô, Le Waato Sita (l’heure a sonné, en mandingue), dans les années 1970, pour révolutionner la musique, au lieu de rester dans l’imitation, consistant, selon lui, à copier la salsa cubaine, en vogue à cette époque.
Une époque où la musique sénégalaise a enregistré l’existence de grands groupe tels que "Le Baobab de Dakar", "Le Star Band de Thiès", entre autres.
Ousmane Sow Huchard a obtenu plusieurs distinctions : Chevalier de l’Ordre national du lion (Sénégal), Chevalier de l’Ordre des arts et lettres (France et Sénégal).
Il est par ailleurs l’auteur de nombreux essais, notamment "La Kora : objet témoin de la civilisation mandingue", édité par les Presses universitaires de Dakar.
Il est aussi l’auteur-compositeur de l’hymne de l’Organisation de l’unité africaine, qui fut utilisé pendant dix ans par le Conseil supérieur du sport africain, pour les équipes sportives africaines, et de l’hymne ‘’Jeunesse sans frontières’’ de la Semaine nationale de la jeunesse.
APS
L’écologiste sénégalais est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, à Dakar, des suites d’une longue maladie, à l’âge de 77 ans, a-t-on appris de sa famille.
Comme dans le cas de son "frère", l’architecte Pierre Goudiaby Atépa, avec qui il a grandi dans la même concession à Ziguinchor, la principale ville du sud du Sénégal, le défunt muséologue, musicologue, conservateur de musée et consultant international, peut être présenté comme l’un des produits les plus aboutis du métissage à la sénégalaise.
Une sorte de brassage de communautés et de cultures, qui fait de certaines zones des terres d’exception, où le métissage culturel quotidien, mère de la tolérance, est en acte quand il peine à s’expérimenter partout ailleurs à travers le Sénégal.
"Moi, il n’y a pas plus Casamançais que moi. Certains de mes collègues à l’Assemblée nationale me disent toujours : ‘Huchard, toi, tu es un rebelle caché, parce que quand on t’entend parler de la Casamance, c’est tout juste si tu ne nous rentres pas dedans", déclarait-il dans un entretien avec l’APS, avant d’ajouter : "Je dis : ’Non. Moi, je suis un Sénégalais. Je suis même un panafricaniste. Je suis plus que ça, donc on ne peut pas me taxer de rebelle’".
"En vérité, poursuivait Ousmane Sow Huchard en parlant de la Casamance, j’aime ma région et personne ne l’aimera mieux que moi. Donc, nous nous battrons pour que cette région relève la tête, trouve la paix et redevienne le grenier du Sénégal.".
Le défunt, qui a exercé un mandat de député de cinq ans à partir de 2007, était depuis mars 2009 conseiller municipal de Ziguinchor, la ville où il naquit le 5 décembre 1942.
Il se présentait avant tout comme un homme du monde dont l’histoire familiale se rattache, du côté de sa mère, à l’élite créole qui a longtemps marqué l’histoire politique, économique et culturelle du Sénégal.
Dans l’avant-propos de son livre "La culture. Ses objets-témoins et l’action muséologique" (Le Nègre international, 2010), il témoigne de la petite histoire de la grande famille Huchard, dont l’ancêtre Nicolas, fondateur de la branche familiale au Sénégal, est originaire de Neuvy- Sautour, en Bourgogne (France).
Ce dernier est arrivé en 1830 à l’île de Gorée, où il s’est installé, à trois kilomètres de Dakar, après être passé auparavant par Dakar, Joal, Carabane, Ziguinchor, et Cachéo, en Guinée-Bissau, écrit Ousmane Sow dans son livre.
S’y ajoutent les rapports que quelques membres de la famille Huchard ont eus avec le président sénégalais Léopold Sédar Senghor et l’histoire du Sénégal.
Se retirer en Casamance "pour y mourir"
Huchard, natif de Ziguinchor, s’identifie résolument à la Casamance, où, de son propre aveu, il souhaitait se retirer "pour y mourir", mais ce parti pris affectif pour sa région natale n’enlevait rien à son culte suprême pour la République, comme le prouvent sa trajectoire, son profil, peut-être même ses rêves, qui l’ont conduit à une longue pratique de l’Etat, sous la protection du premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, et de son oncle, le ministre Emile Badiane.
Ousmane Sow Huchard était proche du premier président sénégalais dont il est l’un des fils spirituels, avec Pierre Goudiaby Atépa, Amadou Lamine Sall, entre autres.
Après une formation technique en pratique d’électricité, il a entamé en 1978 des études universitaires à l’Université de Laval, au Canada, grâce à une bourse de Léopold Sédar Senghor.
Il revient de cette institution universitaire auréolé d’une licence d’histoire de l’art et d’archéologie classique, et d’un master d’anthropologie (option muséologie), en 1980.
Il parachève sa formation à l’Université de Laval en 1985, par un doctorat en anthropologie sociale et culturelle. Il a été successivement conservateur en chef du Musée dynamique, de 1983 à 1988, conseiller technique au cabinet du ministre de la Culture, entre 1986 et 1988, commissaire aux expositions d’art à l’étranger du Sénégal, de 1989 à 1990, président du conseil scientifique de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art), de 1993 à 1999.
Bataille politique
Ousmane Sow Huchard entame, à partir de 1999, son engagement en politique avec d’autres Sénégalais en mettant sur pied le Rassemblement des écologistes du Sénégal (RES-Les Verts), dont il devient le porte-parole.
Le parti écologiste engage sa première bataille politique en participant aux élections législatives de 2001, mais n’obtient pas de siège à l’Assemblée nationale à l’issue de ce scrutin.
Suivent les locales de 2002 qui ouvrent les portes des collectivités locales aux écologistes, lesquels remportent une cinquantaine de sièges d’élus locaux, dans plusieurs localités, notamment à Gorée et Ngor, une autre île située au large de Dakar.
Cinq ans plus tard et après une crise majeure qui l’avait notamment opposé à Haïdar El Ali, un autre écologiste de référence, Ousmane Sow Huchard fait son entrée à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives de 2007, avec un engagement dicté par la volonté de mettre en pratique les principes de l’écologie : la protection de l’environnement et donc du cadre de vie, l’accès à l’éducation, au travail et à la santé pour tous, la sécurité individuelle et collective, la paix et l’harmonie sociale.
Dans une autre vie, la tête de liste du RES-Les Verts a eu une carrière artistique aboutie, avec comme nom de scène "Soleya Mama".
Ousmane Sow Huchard a commencé sa carrière musicale avec le groupe Symphonie Jazz de Ziguinchor. Il intègre ensuite le Collège technique de Saint-Louis et joue avec le Star Jazz, dans le nord du Sénégal, entre 1958 et 1960.
Il est ensuite passé par l’Arsenal de la Marine et l’Université de Dakar où il a fondé le Dakar Université Sextet, avec des musiciens guinéens, les frères Dreyfus, le bassiste Sory Kantara, et d’autres personnes. Il a ensuite fondé, avec André Lô, Le Waato Sita (l’heure a sonné, en mandingue), dans les années 1970, pour révolutionner la musique, au lieu de rester dans l’imitation, consistant, selon lui, à copier la salsa cubaine, en vogue à cette époque.
Une époque où la musique sénégalaise a enregistré l’existence de grands groupe tels que "Le Baobab de Dakar", "Le Star Band de Thiès", entre autres.
Ousmane Sow Huchard a obtenu plusieurs distinctions : Chevalier de l’Ordre national du lion (Sénégal), Chevalier de l’Ordre des arts et lettres (France et Sénégal).
Il est par ailleurs l’auteur de nombreux essais, notamment "La Kora : objet témoin de la civilisation mandingue", édité par les Presses universitaires de Dakar.
Il est aussi l’auteur-compositeur de l’hymne de l’Organisation de l’unité africaine, qui fut utilisé pendant dix ans par le Conseil supérieur du sport africain, pour les équipes sportives africaines, et de l’hymne ‘’Jeunesse sans frontières’’ de la Semaine nationale de la jeunesse.
APS