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OPINION | ​Pêche artisanale en mer, pétrole et gaz offshore au Sénégal : illusions et perspectives de développement

Jeudi 13 Février 2025

L’Afrique de l’Ouest est favorisée par des conditions climatiques et écologiques exceptionnelles dotée de zones marines et côtières les plus poissonneuses du monde. Les eaux maritimes y ont une grande productivité biologique du fait de phénomènes de remontée des eaux profondes riches en nutriments à la base de la chaîne alimentaire marine. L’abondance de ressources halieutiques est ainsi une des caractéristiques majeures de la région.

L’espace couvert par les sept (7) États membres de la Commission sous-régionale des pêches[1] (CSRP) est de 1,6 millions de km2 et le littoral s’étend sur près de 3500 kms. La population totale de ces États avoisine 32 millions d’habitants dont 70% vivent près de la côte. La pêche dans ces pays est un secteur de la plus grande importance, en constituant le quart de l’activité économique. Elle pourvoit à la création d’emplois, à l’alimentation et aux exportations des pays de la sous- région.

Selon l'ONU et la FAO, la plupart des grandes ressources halieutiques sont déjà largement surexploitées. Les spécialistes prédisent, qu’au rythme actuel, il n’y aura plus de poisson dans le monde en 2048. Il faut exercer la pleine souveraineté et prendre des initiatives hardies au niveau des Etats de la sous-région et dans les organisations régionales de gestion des pêches.

La situation de la pêche maritime artisanale

Un ensemble de pratiques de pêche remettent en cause la survie de la pêche maritime artisanale : chalutage, pêche des petits poissons pélagiques (pêche minotière), pêche INN et la surexploitation des ressources halieutiques démersales et hauturières.

Le poisson au Sénégal constitue plus de 70 % des apports en protéines animales. Cependant, la pêche artisanale, qui joue un rôle crucial dans la sécurité alimentaire du pays, est menacée par de multiples facteurs : les ressources sont mises à mal par la prolifération des pirogues, l’augmentation de l’effort de pêche et l’insuffisance des moyens de contrôle de l’État notamment l’installation croissante d’usines de fabrication de farines et d’huiles de poisson. Ce contexte met en péril les moyens de subsistance des communautés côtières. De Saint-Louis à Kafountine, en passant par Dakar et Kayar. De ce fait, les communautés locales se mobilisent.

A la faveur de l’industrie gazière et pétrolière, les pêcheurs artisanaux réclament l’érection d’une zone tampon transfrontalière avec la Mauritanie. Si les pêcheurs artisanaux à Sangomar et Jatara font des incursions dans les zones des plateformes pétrolière et gazière, ce n’est pas pour pêcher des petits poissons pélagiques.

La pêche INN

La pêche sénégalaise voit ses ressources halieutiques s’épuiser rapidement. Cette raréfaction s’explique par plusieurs facteurs : l’augmentation de la demande mondiale de poisson, des accords de pêche avec des pays tiers, une surexploitation et une pêche non réglementée (INN).

La pêche est en crise depuis 1990 dans la sous-région en raison de la surpêche, une exploitation abusive par les pêcheurs artisans, les pêcheurs industriels mais surtout la présence très inquiétante de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (Pêche INN). « En Afrique de l’Ouest, la pratique de la pêche INN est désastreuse et destructive pour l’économie maritime et l’écosystème de la région. Il faut le voir pour le croire. Les bateaux restent en mer durant des années et ne vont jamais dans les ports de la sous-région. Ils effectuent des transbordements illégaux de leur pêche à d’autres bateaux, bénéficient de l’avitaillement et des rotations d’équipages en mer. (Tafsir Malick NDIAYE, 2010) ».

La pêche INN est très organisée et ne respecte aucune législation des Etats côtiers. Les bateaux pirates développent impunément leurs activités, ils échappent toujours au contrôle. Les Etats n’ont pas les moyens d’asseoir une véritable police des pêches et que les eaux sous leur juridiction ne sont pas surveillées.

« Les chalutiers attrapent tous les poissons disponibles sans considération d’espèces protégées ou de normes de sécurité. Ils détruisent les filets des pêcheurs artisans locaux, cassent leurs pirogues et mettent leur vie en danger. Ils détiennent des filets lourds qui vont draguer l’océan détruisant l’habitat marin mais surtout les nurseries pour les juvéniles ; ce qui empêche les poissons de se reproduire. (T. M. Ndiaye, 2010) »

En matière de la loi sénégalaise, les ressources halieutiques des eaux sous juridiction constituent un patrimoine national. Le droit de pêche dans les eaux maritimes sous juridiction sénégalaise appartient à l’Etat qui peut en autoriser l’exercice par des personnes physiques ou morales de nationalité sénégalaise ou étrangère. La gestion des ressources halieutiques est une prérogative de l’Etat.

L’obligation de débarquement s’avère être une arme redoutable dans la lutte contre la pêche illicite.

L’aquaculture et les usines de farine de poisson

Les petits poissons pélagiques qui constituent l’essentiel de l’alimentation des Sénégalais, sont massivement transformés en farine de poisson, ce qui aggrave la surexploitation des ressources. En effet, entre 3 et 5 kg de poisson produisent 1 kg de farine de poisson. Ainsi, les ressources halieutiques, au lieu d’être destinées à l’alimentation humaine locale, partent vers les élevages de poissons carnivores et d’autres animaux comme les volailles ou les porcs dans des fermes d’élevage à l’étranger. Il y a un véritable boom de l’aquaculture à l’échelle mondiale (Chine, Norvège et Turquie), qui entraîne une demande accrue de farines de poisson, issues principalement de petits poissons pélagiques comme les sardinelles.

L'aquaculture constitue une réponse aux besoins croissants de poisson et à la surpêche. En 2022, 94,4 millions de tonnes de poissons et animaux de mer sont issus de l'aquaculture, un chiffre en augmentation régulière alors que les chiffres de la pêche de capture restent globalement stables autour de 92 millions de tonnes. Les trois principaux exportateurs sont la Chine continentale (12 %), la Norvège (8 %) et le Vietnam (6 %)22.

L'aquaculture reste dépendante de la pêche dans la mesure où 11 % de la masse des poissons sauvages pêchés dans le monde servent de nourriture aux poissons d'élevage.

L'aquaculture est présentée comme une réponse aux besoins croissants de poisson et pour mettre fin à la surpêche. Le boom de l’aquaculture à l’échelle mondiale, notamment en Chine, en Norvège et en Turquie, entraîne une demande accrue de farines de poisson, issues principalement de petits poissons pélagiques comme les sardinelles.

En augmentation constante depuis le début des années 2000, la production aquacole a dépassé la production halieutique pour la première fois en 2022, représentant près de 51 % de la production totale de produits de la mer, selon les chiffres de l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) figurant dans le rapport sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture (2024).

La part de l'aquaculture dans la production totale d'animaux aquatiques a augmenté de 4% en 1970 à 51%  en 2022. L'Asie concentre 70% de la production en 2016. Un peu plus de la moitié (57,7 %) des fermes sont en eau douce et élèvent des carpes et des tilapias. L’aquaculture fait aussi de l’élevage marin (saumon, thon, daurade, mollusques et crevettes) et la production de plantes aquatiques.

L'aquaculture, qui est préconisée par l’industrie et les pouvoirs publics, est une solution illusoire et une fausse promesse. D’abord, elle a besoin des ressources halieutiques comme aliment pour nourrir sa production, ensuite son coût économique, social et environnemental n’est pas viable pour se substituer à la pêche maritime artisanale. C’est une illusion de voir l’aquaculture nourrir les populations sénégalaises. C’est seulement un complément à la pêche maritime artisanale devant la surpêche et la surexploitation des ressources halieutiques. C’est la pleine souveraineté sur nos mers qui peut permettre à la pêche maritime nationale (artisanale et industrielle) de remplir sa fonction d’alimentation des populations sénégalaises.

Les qualités nutritionnelles du poisson d'élevage sont parfois inférieures à celles du poisson sauvage, comme c'est le cas du saumon d'élevage, qui contient souvent moins d'oméga-3 que le saumon sauvage.

L'aquaculture a contribué au développement ou à la circulation de maladies qui sont redoutées des aquaculteurs en raison des pertes qu'elles peuvent occasionner.

La pêche minotière

Il faut signaler la présence de la pêche minotière dans nos côtes ; la pêche minotière est une pêche industrielle et artisanale intensive destinée à alimenter les filières industrielles par des petits poissons pélagiques (alevins et juvéniles) de faible valeur commerciale, que l'on transformera en farines et huiles de poisson principalement pour l'aquaculture.  La pêche minotière se pratique avec des filets à petites mailles qui capturent de grandes quantités de poissons, principalement de petits pélagiques ; elle n'est pas sélective. Sa zone de prédilection est le Chili, Pérou, Chine, Japon, États-Unis, Danemark. Elle compense l'effondrement des stocks de poissons sauvages d'intérêt commercial.

La pêche minotière, par opposition à la pêche alimentaire, est spécialisée dans la capture d’espèces transformées en farines, en huiles par les usines de réduction. On l’appelle aussi « pêche à finalité industrielle » (Carré, 2006).  Elle est pratiquée artisanalement sous la forme de « pêche migrante » entre le Sénégal et la Mauritanie.

Cette « pêche migrante » est le fait de la pêche minotière artisanale et industrielle que les accords de pêche bilatérale entre le Sénégal et ses voisins favorisent. Après le chalutage qui a dévasté les habitats et les fonds marins, c’est autour de la demande minotière de ravager les petits poissons pélagiques. Ces espèces sont capturées par la senne tournante de la pêche migrante et de la pêche industrielle étrangère.

Il faut arriver à la réduction drastique de l’effort de pêche des sennes tournantes ; il faut réviser les accords de pêche Mauritanie-Sénégal jusqu’alors réservés exclusivement aux sennes tournantes.        

Quant au Sénégal, les captures des petits pélagiques fluctuent selon les années et avoisinent les 300 000 tonnes en moyenne sur la période 2009 – 2018 avec une tendance linéaire à la hausse. La production la plus faible a été enregistrée en 2010 avec 266 900 tonnes alors que la plus élevée fut en 2016 avec 339 900 tonnes.

« Les gouvernements mauritanien, sénégalais et gambien doivent soutenir l’élimination de la capture de poissons sauvages à des fins d’alimentation aquacole et animale. Toute aquaculture dépendante de poisson sauvage ne devrait plus recevoir aucune subvention ou autre mesure de soutien gouvernementale » CCFD, Terre solidaire, 2024.

Les usines de farines de poisson menacent la sécurité alimentaire et mettent en danger la pêche maritime artisanale (pêcheurs, transformateurs-trices, mareyeurs). Elles sont une cinquantaine en Mauritanie et moins d’une dizaine au Sénégal.

La pêche minotière est une forme d’activité qui contribue au phénomène de surpêche. La lutte contre la surpêche et la pêche illicite vont à l’encontre du développement de l’aquaculture. Il faut comprendre que l’aquaculture est fortement dépendante de la surpêche, de la production de farine de poisson et de la pêche INN.

Au Sénégal, les organisations de la société civile (Adepa, Apapram, Conipas, etc.) autour de de la pêche artisanale luttent contre l'utilisation de poissons sauvages dans les chaines d'approvisionnement de l'aquaculture car les usines de farines de poisson menacent la sécurité alimentaire.

La pêche maritime artisanale est en danger face aux usines de farine de poisson mais également elle subit la menace née de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières récemment découvertes au Sénégal et en Mauritanie.

Pétrole et gaz offshore

Au moment où le monde s’éloigne d’une économie à forte intensité de carbone, l’Afrique est en passe de devenir un géant des hydrocarbures.

Les transitions vers les énergies propres progressent et la structure de l’économie chinoise évolue, la croissance de la demande mondiale de pétrole ralentit.

C’est dans cette écorégion ouest-africaine que sont concentrées les flottilles de pêche industrielle qui défient au quotidien la pêche artisanale jusque dans ses derniers retranchements. Avec la poursuite de l’exploitation pétro-gazière, la survie de la pêche artisanale se pose à terme et les conflits iront crescendo. Il est inacceptable que la pêche artisanale soit délogée de nos mers puisque des communautés entières en vivent.

Depuis 2001, pratiquement toutes les zones côtières et marines, y compris des zones primordiales de biodiversité, des zones de pêche clés et des sites de tourisme importants ont été divisés en blocs ouverts aux activités d’exploration pétrolières et gazières.

La découverte au Sénégal du gisement pétrolier de Sangomar (ex SNE) en 2014 puis celui du gaz naturel de Grand Tortue/Ahmeyin (GTA) en 2016 suscite beaucoup d’intérêt et d’espoir certes, mais mérite d’attirer une attention particulière quant à sa mise en valeur.

Si les développements de Sangomar (pétrole) et de GTA-Ahmeyim (gaz) se poursuivent, les communautés locales et nationales ne recevront probablement pas les avantages économiques promis, mais devront subir les dommages environnementaux et économiques. L’exploitation des hydrocarbures, prétendument source de croissance et de développement pour les nations, ne sont que de fausses promesses d’amélioration économique pour les communautés locales et nationales si on ne tient pas compte des conditions d’exercice des activités de la pêche. Les communautés locales font beaucoup de sacrifices pour recevoir le développement pétro-gazier et doivent également faire face à la réparation des dommages causés aux écosystèmes et aux populations. Le développement pétrolier/gazier proposé ne produira pas les avantages économiques promis si nous n’exerçons pas la plénitude de notre souveraineté énergétique et maritime.

Le pétrole de Sangomar

Le pétrole de Sangomar est exploité dans une région maritime qui présente les caractéristiques suivantes: (i) la zone est écologiquement sensible du fait des caractéristiques de ses écosystèmes très riches en biodiversité ; (ii) la dépendance socioéconomique des populations par rapport au milieu naturel est très forte et (iii) les populations sont très inquiètes de l’exploitation pétrolière et gazière au vu de ses potentielles répercussions sur le milieu marin et les écosystèmes du delta de Saloum qui sont déjà très éprouvés du fait du changement climatique et de la pression anthropique. Zone érigée en site Ramsar, le delta du Saloum est une nurserie de classe exceptionnelle ; sa préservation est de mise.

C’est un projet national qui a un impact transfrontalier avec la Gambie et dont les répercussions s’étendent jusqu’en Guinée Bissau.

L’exploitation pétrolière en cours va naturellement avoir des conséquences négatives substantielles sur l'économie locale, l'environnement et qui sont de nature à menacer la cohésion et la stabilité sociale des communautés du delta du Saloum et au-delà.

De surcroît, le delta du Saloum subissait déjà une dégradation sensible, liée aux actions de l’homme, qui impactent la mangrove, la pêche et leurs activités connexes, ressenties par les communautés locales.

L’exploitation pétrolière est source de dégradation des écosystèmes du delta du Saloum. Elle entraîne aussi la détérioration de l’environnement marin par les pollutions dues au trafic des navires, des rejets d’hydrocarbure etc., qui impliquent la baisse de la production halieutique. Les conséquences seront constatées non seulement sur les activités socio-économiques et les activités connexes mais également sur la dégradation de la santé des populations et la valeur monétaire de perte de la biodiversité et des habitats naturels.

L’exploitation du champ Sangomar offshore se fait à près de 90 km des côtes sénégalaises. Cette localisation du site dans la zone économique exclusive du Sénégal peut amener à présager que l’impact le plus probable s’avère être une pollution localisée en haute mer, suite à un déversement de pétrole en tête de puits. En réalité, une opération de production pétrolière implique un processus long et complexe susceptible de générer de la pollution à chaque étape.

C’est le trafic maritime qui est la principale cause de pollution liée au pétrole au niveau mondial (413.100 tonnes). La deuxième source la plus polluante est constituée des activités terrestres (140.000 tonnes) et c'est la production offshore qui représente la plus petite source de pollution.

L’exploitation des hydrocarbures comporte des risques sécuritaires énormes et une série de coûts sociaux et environnementaux présents et futurs, directs et indirects, qui doivent être comparés aux bénéfices qu'ils apportent. Le risque le plus redouté dans l’industrie pétrolière est la marée noire du fait de son ampleur et de ses conséquences socio-économiques et environnementales.

En cas de pollution suite à un incident ou accident d’exploitation, les écosystèmes aquatiques et terrestres pourraient être affectés, ce qui causerait des dommages sur les espèces. Les coûts liés aux marées noires pourraient être bien pires que les attentes actuelles et les messages de l’industrie. L’émission des gaz à effet de serre, méthane (gaz très dangereux) et gaz carbonique, peut survenir à tout moment (éruption de puits, explosion de plateforme, déchets des eaux de production).

L'exploitation pétrolière offshore du champ de Sangomar pose un risque significatif pour la pêche artisanale.

Le gaz GTA-Ahmeyim

Projet transfrontalier, GTA-Ahmeyim se situe sur une zone de pêche Jatara ; elle est un récif corallien traditionnellement fréquenté par les pêcheurs de Saint Louis. C’est un projet d’intégration économique entre la Mauritanie et le Sénégal. Jatara fait partie d’une dizaine de sites de pêche qui a survécu à la dévastation du chalutage de fonds marins par la pêche industrielle.

Le champ gazier qui présente des réserves estimées à 450 milliards de m³ est situé dans des formations rocheuses sous le fond marin situé à 125 km des côtes et couvre une surface totale réputée égale à 9 463 km².

Elle abrite une installation flottante appelée FPSO (unité flottante de production, de stockage et de déchargement) et une plateforme à environ 35-40 km de la côte pour le prétraitement du gaz et l’élimination des liquides du gaz.

Le risque de collision entre les pirogues des pêcheurs et les navires de soutien qui sortent des zones d'exclusion de sécurité est présent en permanence. Il y a aussi l’impact qui porte sur la perte d’équipement de pêche pour les pêcheurs artisanaux et l’interférence entre les mouvements des navires avec les filets de pêche artisanale.

La superposition des zones de pêche et des sites d’exploitation gazière met en relief les menaces qui pèsent sur l’activité de pêche. Les zones de pêches sont occupées par l’industrie gazière avec l’érection d’une zone d’exclusion de 500 m de rayon. La perte des pêcheries au profit du développement des activités d’exploitation gazière accompagne les conflits d’usage de l’espace et des ressources halieutiques.

Il faut également noter le rétrécissement de la zone de pêche ; ce qui ne préserve pas l’Aire Marine Protégée (AMP) du fait des incursions fréquentes des pêcheurs.

La perturbation de l’environnement marin et côtier, l’altération des écosystèmes marins et côtiers et la perte de la biodiversité marine constituent des impacts négatifs.

Le gaz et le pétrole constituent un facteur d’insécurité maritime.

Expériences négatives d’ailleurs et faiblesses dans la gestion environnementale et sociale

La littérature foisonne d'exemples malheureux des dégâts causés par l'industrie pétro-gazière en Afrique et dans le monde développé : États-Unis, Gabon, Ouganda, Nigéria, etc. La promesse de bénéfices économiques est une fausse promesse : les arguments de l’industrie et de ses partisans que l’exploration et le développement des hydrocarbures sont porteurs d’amélioration en apportant plus d’emplois et de revenus plus élevés pour les populations, des investissements dans les soins de santé, les écoles et autres services sociaux et publics ; elle est chimérique.

Les bénéfices du développement pétrolier/gazier proposé iront aux riches (au Sénégal mais principalement dans d’autres pays), laissant les membres des communautés locales, et en particulier les pauvres, faire face aux dégâts laissés derrière eux.

La littérature mentionne que l’exploitation des hydrocarbures génère une série de coûts économiques, sociaux, environnementaux et culturels présents et futurs, directs et indirects, négatifs qui doivent être comparés aux bénéfices qu'ils apportent.

Dans la sous-région, le Nigeria, premier producteur de pétrole africain, est aussi le pire pays en termes de pollution pétrolière. La région la plus touchée est le delta du Niger.

Après plus d’une décennie de mise en valeur de Gadiaga (Forteza Corporation), le constat laisse penser que les ressources naturelles qui devaient être exploitées pour l’amélioration des conditions de vie des populations dont elles appartiennent selon la constitution du Sénégal, sont devenues source d'aggravation de leur précarité.

Les études d’impact réalisées pour GTA-Ahmeyim et Sangomar comportent des insuffisances notoires au plan de gestion environnemental et social ; il faut déplorer l’absence d’études des coûts environnementaux, sociaux, économiques et culturels dans les études de faisabilité.

Compte tenu de ces manquements, il est diligent d’empécher la poursuite de l’exploitation du pétrole sur les autres sites pressentis dans l’écorégion ouest-africaine tant que les effets environnementaux ne soient pas bien circonscrits et maitrisés dans  une optique de la préservation des intérêts des communautés des pêcheurs.

Au demeurant, il n'est pas trop tard pour prendre les devants en renforçant la résilience des populations face aux effets du changement climatique et en favorisant une gestion plus durable des écosystèmes et de la biodiversité du delta du Saloum.

La demande mondiale de pétrole ralentit. La pollution climatique a des impacts négatifs partout dans le monde, en particulier dans les pays tropicaux, sur le PIB, les revenus et l’emploi. Ces impacts négatifs s’intensifient avec la poursuite des émissions de gaz à effet de serre. Quels que soient les impacts immédiats et directs du développement pétro-gazier sur les travailleurs, les entreprises et l’économie du pays, les impacts négatifs des changements climatiques les annuleront.

Le coût des énergies renouvelables, y compris l’énergie solaire, a chuté si rapidement qu’elles constituent déjà aujourd’hui la forme d’énergie la moins chère. Cette tendance ne fera que consolider la transition vers l’abandon des combustibles fossiles au cours de la prochaine décennie. Il n’existe aucun argument économique valable contre le passage rapide des combustibles fossiles polluants à des sources d’énergie plus propres.

L'exploitation pétrolière, tout en étant potentiellement lucrative, peut avoir des conséquences négatives substantielles sur l'économie locale, l'environnement, et la société. Il comporte également des risques budgétaires.

En effet, opérer une exploitation de gisements d’hydrocarbures ou d’autres ressources minérales qui soit économiquement rentable, socialement équitable et écologiquement tolérable est quasi impossible. De ce fait, les pouvoirs publics, quand ils décident de valoriser ces ressources, doivent renforcer leur vigilance dans la gestion environnementale et réviser leurs modes de gouvernance de manière à garantir aux populations une vie décente dans un environnement sain, pour éviter les tensions sociales.

Les pêcheurs artisans constituent la force des communautés côtières et l’aquaculture artisanale (même industrielle) ne saurait tenir lieu et place des pêcheurs artisans. La défense de la pêche maritime artisanale est un impératif pour sauvegarder les droits humains, sociaux et culturels, environnementaux et économiques des communautés locales et nationales. L’aquaculture une illusoire promesse de reconversion des pêcheurs artisans. Il faut doter les pêcheurs d’un armement moderne pour éviter les conflits avec l’industrie pétrolière, stopper l’émigration clandestine, la perte de la biodiversité, l’insécurité et la piraterie.

Toute catastrophe, qui découlerait de la production du gaz ou du pétrole, aura ainsi un impact transfrontalier considérable sur les écosystèmes et les communautés dans cette région. Aucune plateforme pétrolière n’est à l’abri de marée noire causant des dégâts environnementaux, économiques et sociaux considérables.

Il faut renforcer le cadre de gestion de l’exploitation pétrolière et gazière en impliquant davantage les populations et en leur tenant un langage de vérité.

C’est la pleine souveraineté sur nos mers qui peut permettre à la pêche maritime nationale (artisanale et industrielle) de remplir sa fonction d’alimentation des populations sénégalaises.

La renégociation des contrats d’hydrocarbures est souhaitable pour notre souveraineté énergétique et l’exigence d’une pêche maritime durable pour défendre les communautés côtières, les pêcheurs artisanaux et l’environnement.

Abdoulaye SENE

Références bibliographiques

Rapport FAO (2024) La Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture

El hadj Bara Deme et Pierre Failler, « La pêche migrante au Sénégal, en Mauritanie et Gambie : un mécanisme d’approvisionnement des industries de farine de poisson », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], 23-1 | Avril 2023, mis en ligne le 03 avril 2023, consulté le 31 décembre 2024. 

URL: http://journals.openedition.org/vertigo/39989 

Tafsir Malick Ndiaye (2010), la pêche illicite non déclarée et non réglementée en Afrique de l’Ouest

[1] Il s’agit du Cap Vert, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone. La CSRP est une organisation intergouvernementale ayant pour mandat la règlementation des Pêches des États membres.

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